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À propos de Criterium
- Date de naissance 05/01/1985
Informations Personnelles
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Titre
nyctalope
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Lieu
là-bas
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Intérêts
lire, écrire, rêver
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Personnellement j'aime bien ces atmosphères que Modiano évoque, dans le flou et l'incertain. L'évocation des années de guerre est très présente dans plusieurs de ses livres (passeport Nansen, filiations peu claires, les nouveaux centres périphéraux éphémères où émigrés et déracinés se rencontrent, personnages qui œuvrent en secret : espions ou larrons cachés?...). Ses romans sont assez inégaux et je n'en ai lu qu'une partie, mais je recommanderais sans doute Villa Triste et Rue des Boutiques Obscures pour se faire une idée. — Mais je comprends tout à fait que ce soit un style qui déplaise fortement. Il y a des auteurs dont les livres ne se résument pas, ou très mal, surtout lorsque style et atmosphère ont primeur sur l'histoire (résumer André Breton, Huysmans, Klossowski ou Pynchon, et tant d'autres, perdrait tout intérêt). Niveau snobisme, en France nous avons bien pire
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Toujours revenir aux classiques du black metal polonais pour se ressourcer du monde.
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J'ai vu Men (2022). Et je l'ai bien apprécié, au sens où il y a des scènes capturant admirablement certaines angoisses (le tunnel, la forêt, l'homme des bois...). Un bon équilibre entre atmosphère (une certaine lenteur est nécessaire pour la pesanteur) sans relâchement (à chaque fois que l'héroïne se sent enfin libre, ou enfin seule : elle ne l'est pas...). L'actrice (Jessie Buckley) y joue bien et l'on y partage bien ses émotions — beaucoup mieux que dans le film I'm thinking of ending things (2002), que j'avais trouvé nul — par contre, la fin est un peu ridicule. Autre scène bien amenée :lLorsqu'enfin arrive dans la maison de campagne l'amie de l'héroïne, la première autre femme du film, l'on se sent nous aussi soulagés — enfin, la pression s'étant accumulée le long du film retombe, et l'on reprend son souffle. Certains détesteront mais je recommande aux amatrices et amateurs de films d'horreur agissant sur des ressorts différents que le jumpscare ou vidéoscope habituels.
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Un roman... que j'ai (presque) décidé de mettre en ligne gratis...
Criterium a répondu à un(e) sujet de yagmort dans Littérature
Merci de nourrir nos appétits voraces. Lu la partie 5 - et la 6, qui était elle aussi accessible... et que j'ai appréciée. On devine également l'auteur derrière le père de la protagoniste, et son attrait pour le secret et le sacré dans le sixième volet, sur le thème de la recherche de la confrérie... couvent ou secte? la Rose nous a déjà confié quelle serait sa croix. Du coup je navigue à vau-l'eau sur votre blog et autres traces virtuelles, parce que malgré les critiques plus haut sur le fil, je trouve que vous semez des choses intéressantes et intrigantes çà et là. Intérêts philosophiques et spirituels, formation scientifique, éducation catholique, attrait pour le sacrifice et l'étrange. L'auteur pense et cela stimule. Coïncidence, en parlant de Sade, je viens aussi de lire votre nouvelle "Broderies". J'ai beaucoup aimé le début de la nouvelle "À mort et à mains nues". Jung, oui; nous avons d'autres intérêts en commun. -
C'est l'un des genres que j'apprécie - qui se recoupe souvent avec le thème des sectes et des groupes secrets. En terme de films, il faut aussi recommander de voir le Wicker Man originel (celui de 1973), qui a une tout autre ambiance que celui avec Nicholas Cage... Suggestions récentes: The Witch (2015) et Kill List (2011). Il y a aussi des gialli avec des thèmes proches, comme par exemple Non si sevizia un paperino de Fulci (1972). Et puis le folklore continue, avec nos nouvelles légendes urbaines. Par exemple, le film Slender Man (2018), pour lequel on s'attendrait à trouver une formule classique film horreur américain à jumpscare, est surprenant et parvient à capturer des atmosphères liminales.
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Ça n'est pas antinomique, il y a métaphore et métaphore. Essaie plutôt la Plateforme (2019) que Holy Motors (2012) Le topic est tellement vaste que je vais proposer quelques métaphores bien diverses mais récentes: Aniara (2018), un film dano-suédois sur un vaisseau spatial amenant un groupe de passager vers Mars. Il y a un problème. Tout sera remis en question. (drama/scifi) Vivarium (2019), où un couple souhaite acheter une maison pour y fonder une famille, mais s'y retrouvent coincés. (angoisse) Under the Skin (2013), où une jeune femme hante de nuit les rues d'Ecosse, comme si elle était en chasse. Qui est-elle et que veut-elle vraiment? (atmosphérique/horreur) Et puis un classique: El Topo (1970), l'un des classiques de Jodorowsky. Un homme, as de la gâchette, arpente les déserts, affrontant bandits et les mystérieux grands maîtres du désert, eux aussi très habiles avec leur arme. (psychédélique) Dans un tout autre style, The Conversation (1974) de Coppola. Dans le monde des experts de la surveillance, tout le monde écoute et épie tout le monde. Certaines conversations — et les bandes magnétiques — valent donc de l'or (et plus). (thriller)
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Bien d'accord avec Beebee sur bien des points... et parfois c'est bien à l'oral que l'on se rend compte qu'un texte est mal écrit, et alors l'acteur paraît mal jouer (parce ce qu'il/elle dit est insincère). Si le volume et la vitesse priment alors il n'y a pas dû y avoir beaucoup de répétitions ou de retouches, ce qui n'aide pas. Il y a aussi le fait que nous sommes désormais habitués aux films, réalistes ou non, mais devant avoir des dialogues (et un jeu) réalistes. Pourtant il y a des traditions venant du théâtre. Un acteur à l'énonciation théâtrale paraîtra mal jouer pour une audience moderne qui s'attend à d'autres codes. Par exemple, Jean Martin dans les Compagnons de Baal (1968) est exceptionnel - mais on ne le ferait pas jouer de la même manière dans un thriller ou biopic moderne. Je vous propose aussi un jeu pour voir le positif en chaque acteur. D'après plusieurs discussions que j'ai pu avoir, beaucoup s'accordent à penser que, par exemple, Arielle Dombasle ne joue pas très bien. Je propose de regarder certains de ses premiers films, comme par exemple le Beau Mariage d'Eric Rohmer: je trouve qu'elle y joue très bien et habite parfaitement le personnage (d'artiste mondaine, les mauvaises langues diront que c'était un rôle peut-être plus facile à endosser...). Et il y a des acteurs avec une présence particulière, qui s'accorde tant au rôle que le film ne fonctionne qu'avec eux; je pense par exemple à Kristen Stewart dans Personal Shopper (2016), ou à Dasha Nekrasova dans Softness of Bodies (Âmes sensibles) (2018), deux films que j'ai beaucoup aimé mais pour lesquels je comprends que l'on peut détester rien qu'à cause du protagoniste principal. Il suffit de ne pas aimer l'acteur pour que le rôle paraît mal joué (ou alors d'avoir un film avec l'erreur de casting...).
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C'est un peu triste, comme finalement il y a moins de fleurs que ce qu'on aurait espéré d'après le titre Personnellement je sens que je préférerais s'il y avait ce "ne", au moins çà et là, plutôt qu'une totale absence; ce n'est pas forcément l'opposition style oral/écrit, mais l'impression que l'éviter partout rend le ton non seulement oral mais enfantin. Peut-être est-ce l'effet voulu étant donné que le protagoniste n'est pas très doué. Il est temps d'essayer des fleurs plus faciles à entretenir...
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Un roman... que j'ai (presque) décidé de mettre en ligne gratis...
Criterium a répondu à un(e) sujet de yagmort dans Littérature
J'ai lu les quatre parties disponibles. Merci de partager tes écrits avec nous — j'apprécie toujours lire les mots et les mondes des autres, d'autant plus à notre époque où cela se robotise. J'imagine que d'autres forumeurs seront aussi de cet avis. C'est difficile de donner une opinion sur le texte lorsque l'on sait qu'il ne s'agit que d'une petite partie de l'ensemble. Le style est fluide et simple (au bon sens du terme). La quatrième partie est la plus intéressante, notamment en se replongeant dans des souvenirs d'enfance (dont l'on devine qu'ils ont été ceux d'un petit garçon), des interrogations formatrices, bien qu'elle n'explique pas encore si clairement comment l'héroïne a développé ses obsessions cannibales. Au niveau de la forme, surtout le choix de l'épistolaire, je suppose que la suite le clarifiera, mais cela semble artificiel pour l'instant; de même pour les dialogues relevés par Demsky. On imagine plutôt que l'anima de l'auteur communique avec ce dernier — Bob, le sagace — et s'interroge sur certaines pulsions adulescentes. La juxtaposition religieuse et sexo-prédatrice rappelle certains passages de Matzneff. Si vous souhaitez publier, peut-être faut-il recourir à ses méthodes... Les éditeurs ne s'intéressent plus depuis longtemps à une supposée valeur objective d'un texte, mais à sortir la bonne histoire au bon moment écrite par la bonne personne. Ils sont dans la vente, pas dans la création. Pour vendre il faut des lecteurs. Les lecteurs en France sont en grande partie des lectrices, de plus de 30 ans, lisant le soir (et lecteurs et lectrices ne lisent pas en même proportion de la fiction); un roman épistolaire cannibale ne représente qu'une petite part de marché — et il y a un concurrent, le marquis de Sade. -
En ces temps de canicule, les passants se mouvaient différemment durant les après-midi trop ensoleillées. Au lieu d'aller d'un point A à un point B, ils faisaient des escales: quelques pas jusqu'aux parasols d'une terrasse, quelques rues jusqu'à un magasin ayant la climatisation, quelque détour vers un parc ou une fontaine ombragée... Mais l'air lourd et humide commençait à annoncer l'orage proche; et c'est ainsi que, de fil en aiguille, je retrouvai mes pas dans ce vieux quartier, et réalisai que je venais de franchir le seuil du café aux souvenirs. "Au forum" C'est étrange. Peu de bruit dans la première salle; pourtant, il y a bien quelques groupes, des familles, et des passants s'étant abrités de la chaleur; quelques touristes aussi, reconnaissables rien que par leur sac, casquette, et chemise. Même les enfants semblent silencieux. Tout a l'air normal et pourtant une impression d'étrangeté subsiste. D'un coup, je comprends: ce n'est pas seulement le fait qu'il y a trop peu de bruit pour tant de monde, mais les innombrables petits carrés de lumière artificielle. Partout, les visages sont baissés, absorbés vers les écrans — téléphones, tablettes — sur lesquels se projettent sans cesse les comédies et tragédies de moins d'une minute. Certaines familles ne s'adressent ni un mot ni un regard; les thés commandés à l'arrivée eux aussi tiédissent. Il suffirait pourtant à n'importe quelle personne ici présente de relever la tête et d'observer quelques minutes pour se rendre compte de l'atmosphère si incongrue de la scène — comme si nous n'étions pas tout à fait humains, ou déjà artificiels, pantins d'aluminium et de titane. — "Vous souhaitez ?" Surprise — c'est presque un choc que d'entendre deux mots clairs. Et ils me sont bien adressés: le garçon me fait savoir que les escales sont ponctuées d'un rafraîchissement. Je demande une menthe à l'eau glacée, communiquant par signes que je me trouverai dans la seconde salle, là où de nombreuses petites tables sont disposées le long d'un mur d'étagères, remplies de livres variés, représentant des années de contributions des propriétaires, employés et clients, sans compter les ouvrages sauvés des poubelles. Là aussi le silence est d'or; mais immédiatement l'on comprend qu'il a une tout autre teinte. Ce ne sont pas des LEDs, mais des livres; les clients, qu'ils soient de passage ou des habitués, ont exploré l'étagère la plus proche et chacun y a trouvé quelque chose à lire. Quelques autres discutent à voix douce, et l'agencement des lieux est tel que l'on ne les entend presque pas. — "Tiens, tu es là ?" À nouveau une surprise — je reconnais tout de suite A., qui fréquentait déjà l'établissement à l'époque où j'y venais plus souvent. Trois bises, et nous nous asseyons côte à côte, comme avant. Déjà l'air semble plus doux; et même le simple contact de nos joues me paraît avoir été une preuve de vie, suffisante pour annuler les angoisses qui suivent toujours ces moments où l'on se sent cernés par les petits écrans. Tout va mieux. "Cela fait si longtemps... Raconte-moi ce que tu fais et ce que tu deviens", lui proposé-je. Qu'il est rafraîchissant de se retrouver par hasard, et de parler au présent!
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Le capitaine est un poète J'ai bien aimé découvrir cette courte aventure. Ils sont arrivés pile au bon moment - une collision en six jours, c'est à se demander si l'observateur n'a pas influencé le sujet d'observation! Cela nous rappelle aussi que... et si... la cryptobiose était partout?
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C'est toujours sympathique de se replonger dans ce topic et de profiter de vos découvertes ou de s'inspirer de vos aventures livresques. Quelques lectures récentes: — après ses romans, je lis les nouvelles de Vladimir Volkoff: Le Berkeley à cinq heures, qui regroupe des histoires sur le thème de l'espionnage (le "Berkeley" étant le lieu où se croisent quelques anciens des services, échangeant parfois des anecdotes sans jamais trop en révéler). On devine, sans que cela ne soit clair, que certaines tiennent autant des inspirations que des ouï-dire; et la dernière histoire (la meilleure pour la fin?), sur l'imbrication de l'espionnage américain et soviétique, est curieusement tout à fait d'actualité. Nouvelles américaines — ce recueil-ci regroupe plutôt des instants, des bouts de vie, très courts, inspirées des rencontres de l'auteur lors de son voyage en Géorgie (USA). C'est plus personnel; on n'y retrouve plus les mêmes thèmes, mais plutôt des souvenirs. Il est évident que l'auteur non seulement y a voyagé, mais a été particulièrement marqué par de nombreuses personnes, la ségrégation, les petites villes, l'âme sudiste, tout cela. La Ciociara de Moravia. Un roman assez dur, différent lui aussi des thèmes principaux de l'auteur; durant la Seconde Guerre Mondiale, une paysanne et sa fille doivent abandonner leur magasin de Rome et retournent dans leur campagne d'origine en attendant que les choses s'améliorent. Là-bas, elles n'y retrouvent pas seulement des souvenirs, mais surtout les misères de la guerre et la pauvreté. La guerre teste les paysans, et l'on y voit certains rester eux-mêmes, d'autres devenir contrebandiers ou voleurs. On sent bien que l'auteur y revit ses souvenirs; je ne le savais pas, mais la chronologie colle: comme ses personnages, Moravia s'est échappé de Rome en 1943 et abrité dans la campagne de Fondi pendant neuf mois. Je pense qu'il a mis beaucoup de lui-même dans le personnage de Michele. On y voit aussi des crimes des goumiers en Ciociarie, qui ont marqué la région. Dans un thème très différent: je n'ai jamais été très SF, mais j'aime toujours découvrir de nouvelles choses. Alors mieux vaut tard que jamais, et je viens de lire plusieurs romans de Philip K. Dick, pour la première fois. (Je recommande l'édition de la Library of America en particulier — 3 livres regroupant une douzaine de ses romans dans un beau format, mais c'est en anglais. Etant donné ses jeux de mots et très nombreux néologismes, la version originale vaut vraiment le coup mais il faut pouvoir le lire couramment pour en profiter). J'ai beaucoup aimé certains romans, et d'autres moins. Ceux que j'ai le plus apprécié pour le moment: Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques? (qui deviendra Blade Runner, mais roman et film sont très différents donc méritent chacun sa découverte), le Dieu venu du Centaure (le titre anglais est meilleur, The Three Stigmata of Palmer Eldritch) qui est marquant et montre bien l'aspect paranoïaque que l'on retrouve dans beaucoup des romans de Dick; peut nourrir des crises existentielles ou à tendance nihiliste... ; et Glissements de Temps sur Mars. Par contre, je n'ai pas accroché au Maître du Haut-Château (une dystopie: et si l'Allemagne nazie avait conquis l'Amérique, partagée avec le Japon?) ou à Dr Bloodmoney (et si quelqu'un déclenchait une catastrophe atomique par ses pouvoirs psi?). Avis mixte pour Ubik, qui regroupe des idées excellentes mais s'amenuise au fur et à mesure (tout comme les personnages se retrouvent dans un monde — lequel? simulation, réalité, demi-mort? — qui tombe en décrépitude). J'espère que nos technologistes n'iront pas y puiser de nouvelles inspirations, comme par exemple une porte d'appartement avec une IA intégrée qui vérifie bien que l'on paye le dû pour chaque ouverture: c'était sans doute un effet comique dystopique amusant, mais désormais trop vraisemblable... En fait, découvrir de la SF classique aussi tard me fait me rendre compte d'à quel point notre monde moderne s'engage vers la dystopie.
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Hello Neko Tout est au gré de l'inspiration, donc oui à toutes les questions.
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Les cloches sonnent dans la campagne silencieuse : il est tôt. Vous entrez maintenant que le gardien a ouvert les lourds vantaux. Le gravier crisse. Les arbres bruissent. Parfums des vieux bouquets qui s'unissent ; Quelques pas de côté pour s'éloigner de l'homme et ses éventuels services : Vous décidâtes que solitaires seraient l'échappée, le pèlerinage Parmi les allées, les buissons, les tombes embroussaillées et hors d'âge. Vous cherchez lentement, déchiffrez — épigraphes, épitaphes, Caveaux de famille, photos fanées, fosses récentes et mousseux cénotaphes. Où est-elle ? Où est l'amie ? Vous en aviez rêvé une nuit — Au même jour loin d'ici, Ce fut elle qui s'enfuît. Le vent trop doux vous accompagne, le soleil trop chaud vous regarde. Et chez les tombes des enfants certaines inscriptions vous retardent. Avec les modernes — brusquement — le long des murs marbrés et enfeus : C'est ici. Le nom connu vous adresse. — Est-ce un cri ? Est-ce un vœu ? La pierre est neuve et stérile ; aucune verdure ; trop lisse et brûlante. Est-ce donc où l'on souhaite que même la Mort n'y pût être vivante ? Vous vous éloignez jusqu'à l'ombre d'un arbre, d'où l'on voit encore Cet étrange damier de muraille, dont chaque case cèle un corps. Où est-elle ? Plus ici ; Le vaisseau seul y gît — Son odyssée a fini, L'étincelle de sortie. La cloche sonne fort dans les ruelles entourant la grand-place. Vous savez qu'un parent habite au fond de telle impasse. Le père vous reconnaît avant que vous n'ayez pu vous souvenir, Tant ses traits dolents lui refusent de longs avenirs. Maintenant, il élabore des théories diverses, des stratagèmes ; Une explication rationnelle pour qu'on lui ôte sa fille-gemme. À qui la faute ? Tantôt au pape, à l'ami, au maire, ou à la mère, Laquelle s'est échappée il y a longtemps du triste repaire. Chez elle — à l'autre bout du pays — la chambre et les bibelots : Tout rappelle la petite fille ; mais les objets ont perdu son halo. Le compagnon habite en ville ; vous lui rendez visite. Sur le palier vous sentez bien qu'il hésite. À l'orée du salon : la nouvelle compagne, nouvelle amie ; Elle compatit, prévenante, préférant cette vie-ci. — Finalement, c'est au jardin des plantes Que vous retrouvez ses traces : Là, à côté du vieux banc Qui vous écoutait Une fleur.
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— « Viens voir, c'est au quatrième étage. » Ç'avaient été à la fois des mots simples, directs, et pourtant la voix hésitait. J'interprétai cela comme de l'incrédulité. Nous nous étions saluées sur le parvis de l'immeuble ; mais au lieu de marcher ensemble, comme prévu, le long de la rue jusqu'à la place où se trouvait notre salon de thé favori, nous étions rentrées dans la bâtisse miteuse, traversant le hall obscur et imprégné de l'odeur des poubelles. L'escalier du fond était si étroit que nous n'y tenions pas côte à côte ; il fallait garder une main contre le mur pour s'assurer de ne pas perdre l'équilibre, tant la spirale était raide. Et les pieds bien à gauche, là où il y avait de la surface : chaque marche étant un triangle. Le vieux bois absorbait le bruit de chaque pas. C'était très déstabilisant. L'expression "marchand de sommeil" me revenait. Ces immeubles anciens, dont les appartements des derniers étages avaient été cloisonnés et transformés en douzaines de studettes à peine salubres, donnaient bien l'impression de franchir le seuil d'un autre monde — un monde onirique, ou plutôt une capsule de cauchemar. Au dehors, une rue passante, propre, proche des bars à touristes ; au premier étage, sans doute un spacieux loft bourgeois ; dans les hauteurs, les chambres mansardées, louées au bouche-à-oreille à des étudiants ou à des ex-bagnards. La porte donnant sur le corridor du quatrième s'ouvrait elle-même sur quelques marches avant de serpenter de porte à porte. Cela ne faisait aucun sens ; ça devait être dû à la réunion de plusieurs immeubles dont les étages ne correspondaient pas tout à fait. Au fond du couloir, les toilettes communes (avec douche). Pas très loin, la porte au 5 en fer forgé. J'eus tout juste le temps de me dire que même l'aspect de ces chiffres, à la typographie dépareillée d'un bout à l'autre de l'étage, trahissait leur origine — sauvés d'une poubelle — avant que mon amie n'ouvrît la porte. Et le chiffre put être descriptif après tout ; son appartement faisait à peu près cinq mètres carrés. Sous la lucarne, un matelas, un drap gris et quelques oreillers ; dans un coin, une sorte de lavabo début-de-siècle. Il restait juste assez de place pour un petit meuble de rangement, en plastique, rempli d'habits et de feuilles de cours. Au moins, l'appartement était lumineux ; l'angle de la lucarne s'orientait de manière idéale le matin. Nous nous assîmes sur le matelas. C'était la première fois que je voyais le studio de Caroline. Il y avait toujours ce sentiment mixte — à la fois un peu de peine, et un peu de curiosité, à découvrir nos espaces ; mais elle savait bien que le mien n'était qu'à peine plus grand, tout comme ceux de la plupart de nos amis. Ainsi, nous n'en ressentions plus de gêne. — « Regarde, c'est le mur du lavabo. » Mon regard passa de l'assiette qui y était posée, aux produits de beauté entassés sur le rebord, pour descendre le long du mur. Il était gris, et tacheté. Les mouchetures sombres. Des formes bizarres. Je réalisai que c'était un tapis de moisissures. Comme pour le confirmer, je réalisai en même temps que dans l'air flottait une odeur subtile, et inquiétante, à mi-chemin entre le lait suri et le fond de bière séchée. — « Caro... » — « Tu vois, en bas, un peu vers la gauche ? » Beurk. Je m'approchai. L'écosystème de ce côté-là semblait plus touffu, le lieu de combats entre plus d'espèces. Et puis d'un coup je "le" vis. Il était assez beau, d'un ton crémeux strié de traits oranges. Dès lors, il éclipsait le reste de la scène. C'était un magnifique champignon. Sa tige était affixée au mur, s'en éloignait d'un centimètre puis se réorientait parfaitement à la verticale ; le chapeau bien lisse et strié. Il ressemblait à un joli mousseron. — « Tu penses qu'il est comestible ? » — « Mais enfin, c'est dégueulasse! Ce n'est pas comme si tu faisais pousser tes propres herbes aromatiques ou un jardin miniature juste sous ton espace cuisine... » — « Il paraît que si l'on coupe un champignon et que la coupure devient bleue, c'est un psychotrope. Le locataire avant moi était un hippie bizarre — genre à la fois punk et beaux-arts. Ça se trouve, c'est un rescapé de sa collection magique. » — « Donc tu es sérieuse ? » Un instant plus tard, le spécimen était cueilli, et Caroline le faisait tourner entre ses doigts, observant pensivement une coloration potentielle. Au bout d'un moment, elle dut se convaincre que la teinte avait bel et bien changé ; elle cessa le mouvement. Elle me regardait avec de grands yeux, silencieuse. Je réalisai qu'elle était vraiment sur le point de faire cet essai de voyage. Une partie d'elle avait dû y penser depuis un moment, depuis sa découverte peut-être ; une autre partie savait toutefois très bien que c'était une décision débile. Et — peut-être était-ce le lieu, sûrement aussi nos circonstances de vie, la galère, les détours d'étudiantes paumées — je m'aperçus qu'elle me communiquait cette ambivalence. Je repensai à cette nouvelle de Poe, ce souvenir d'enfance : il y parlait de la tentation de se jeter dans la vide à chaque fois que l'on s'approchait trop près d'une fenêtre ouverte, comme sous l'influence d'un "démon". Là, l'on allait se jeter dans la pica et les lendemains difficiles. Elle me tendit une moitié. Il en émanait une légère odeur de renfermé, mais aussi une arrière-teinte, une envie de placebo étrange. Nous avions laissé la porte entre-ouverte pour laisser passer un courant d'air. Un courant soudain, un peu plus froid que d'habitude, indiquait que quelqu'un avait ouvert la porte du couloir. Nous n'entendions pas de bruits de pas. Une erreur d'étage ? Ça n'arrivait sûrement pas si souvent, de se retrouver ici par hasard. Un coussin contre le dos, une brise depuis la fenêtre — le cocon était confortable. — « Si je le fais tu promets que tu me suis ? », fit-elle. J'aurais dû lui dire non, fermement, catégoriquement. Mais était-ce la sourde fatigue d'une journée d'été ? Était-ce ce studio-placard qui semblait nous isoler, nous protéger, loin du tourbillon du reste du monde ? Une mollesse s'était emparée de mes facultés de décision, et les silences désormais peu à peu acquiesçaient. La brise chaude, la fatigue, et le manque de lendemains allaient bel et bien nous faire partager une expérience inconnue. Que pourrions-nous y perdre ?