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Criterium

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Tout ce qui a été posté par Criterium

  1. Cette fois-ci je pourrai dire que mon écriture est kafkaïenne.
  2. Le mensonge le plus sucré : Écrit dans mon cœur à la craie, Mots doucereux que tu créais, Peut-être — criais — mi-avoués. Il pleut sur nous. Quelques vers, peu d'envers, Et des averses bien sèches. Tantôt sur la montagne, Les restes d'une aventure ; C'est la sublime Nuit. Tu partais à la pêche, Et moi compagne-ou-brodure, Les yeux pleins de suie. La ville-kaléidoscope Pour remise à l'eau, Les procopes Les syncopes Les benthiques.
  3. Criterium

    chateau hanté ? suite

    Dans ce cas le mystère restera entier... l'imagination seule nous indiquera à quel point ces cinq minutes auront été fatidiques. Ceci-dit, l'agence a écrit "expressément recommandé" plutôt qu'une interdiction claire, et nous n'avons pas souvenir d'une signature d'un document d'assurance contre les dommages corporels ou d'une décharge de responsabilité, donc : ils ne risquent rien, c'est sans doute juste l'agencement de la demeure qui fait que les coups de vent semblent ululer comme un fantôme qui chantonne. Exercice littéraire : imaginez l'avis TripAdvisor que ce couple écrira à la fin de la semaine. — « Envoûtant, un séjour inoubliable ! Les dalles de la tour sont un peu froides, mais le fantôme de minuit très sympathique. 10/10, nous reviendrons avec grand-mère. »
  4. Criterium

    chateau hanté ?

    — « Oui mon amour, passons une semaine dans un château médiéval où il s'est passé d'horribles choses historiques et ce château serait hanté ! » Une idée de date terrifiante, mais c'est quelque chose d'original pour raviver la flamme ! Que va-t-il se passer ? Est-ce le cri de Paul qui, n'ayant pas mis ses chaussons, s'aperçoit que la pierre peut être très froide ? A-t-il fait choir la torche aux latrines ? Ou est-ce... que, peut-être... l'un de ces fantômes historiques n'aurait pas décidé de lui chuchoter quelques mots, d'une voix d'outre-tombe, derrière l'épaule - ou entre deux ombres... ?
  5. Qui a gagné, qui a perdu ? Il était une fois l'histoire de Monsieur Jean. Tous les samedis matin il se rendait au marché, parcourait les mêmes routes, saluait les mêmes vendeurs pour acquérir les fruits et les légumes du jour. Sur le chemin du retour, avant de rejoindre Dame Jeanette, il y avait bien le temps pour une pause. Retrouver la compagnie au PMU, le Thierry, le Christophe ; absorber une dose — une seule ! — de l'élixir local, la "mirabelle". Ils discutaient et refaisaient le monde. C'était aussi l'occasion d'à chaque fois tenter sa chance avec les mêmes numéros. — « Jean a gagné, aujourd'hui. » La blague. Pourtant, ce samedi-ci, elle ne sonnait pas comme une plaisanterie. Car les numéros-fétiche avaient été les bons. Monsieur Jean devenait millionaire. Il s'aperçut rapidement que les conversations des samedis d'après ne sonnaient plus de la même manière ; le point d'orgue se décalait, des pauses et des silences s'invitaient, et puis des regards — comme s'il n'assistait qu'à la moitié des conversations. Oh, pour sûr, l'on abordait les mêmes sujets, comme avant ; et si Jean de lui-même mentionnait l'événement, l'on commisérait de bon cœur, lorsqu'il partageait ses soucis de gagnant : — par exemple, la découverte que le million était payé en versements échelonnés, que le fisc percevait ses larges parts. L'on était content pour lui, lorsque, aussi, Jean mentionnait commencer à renouer avec sa fille et son fils, tous deux partis du nid il y a bien longtemps. Qu'il était agréable de recevoir à nouveau ! Il payait avec le plaisir, sachant que ceux-ci, avec la crise, ne vivaient plus dans les mêmes conditions qu'avant. Certains dirent même que ces deux-là avaient décidément gagné eux aussi. Les semaines passèrent. Pourquoi eut-il pourtant l'impression que malgré ce bonheur partagé, il semblait que tout le monde s'éloignait les uns des autres ? Les comparses paraissaient toujours sur la retenue ; certains samedis, il se dispensait de l'élixir de longue vie, se contentant d'un signe de main amical auquel les autres répondaient par un demi-sourire. À la maison, Jeanette passait le temps à décider quelle croisière ils devraient faire. Le fils et la fille vivaient à nouveau dans le nid familial ; ils s'évitaient tous dans les couloirs, et parfois il semblait même que les deux se disputaient pour des broutilles. Le pécune était pourtant devenu bien maigre une fois les diverses taxes payées. Il était généreux et n'hésitait pas à donner, mais il aurait préféré tout placer dans une SICAV, laisser fructifier les intérêts pour ses petits-enfants... Arrêter et revenir à la vie d'avant, que tout reste simple. Que le cadeau soit pour s'assurer l'avenir des plus jeunes de la famille. Au lieu de cela, les disputes devenaient plus fréquentes. Lorsqu'un soir il eut l'audace de mentionner ce plan aux autres, le toit ne fut plus le même. Jeannette faisait chambre à part. Sa fille ne lui adressait plus la parole. Son fils répondait en énigmes. Au PMU, l'on écouta son dilemme avec des airs circonspects. Personne ne le croyait sans doute, lorsqu'il devait expliquer que depuis ce samedi où il avait tout gagné, tout était allé à vau-l'eau. Il avait tout gagné, et pourtant il avait tout perdu. Le pactole avait rapidement fondu. Ainsi, le fils et la fille avaient la même impression : eux aussi avaient tout perdu, tout ce auquel ils pensaient avoir droit. À la maison, le silence pesait. Seul un oiseau entonnait un joli chant. Je crois que c'était un merle.
  6. J'arrive bien tard pour dire que oui, @Crève, ce serait un plaisir de découvrir d'autres exercices de l'atelier que tu partagerais avec nous. Quelques classiques : - chacun choisit une photographie, et quelqu'un d'autre s'en inspire pour écrire une petite histoire en quelques paragraphes. - piocher au hasard deux thèmes, ou encore quelques mots. En général tout ce qui nous force à ne pas planifier l'imagination, mais à s'y jeter sans réfléchir quitte à devoir le faire par contraintes. - écrire (ou résumer) une histoire en deux phrases seulement. Si c'est un résumé, on peut aussi le passer à quelqu'un d'autre ne connaissant pas le matériau original, et i∙el en ré-écrit une petite histoire. - imaginer une scène oubliée dans un film : une scène parallèle, entre deux autres. Et puis, évidemment, toute démarche poétique.
  7. Quelques lectures récentes. Dark Passage de David Goodis. Le titre français est Cauchemar, ce qu'à la fois je comprends mais qui ne donne pas la même impression. Roman noir débutant avec une échappée de prison, écrite à la première personne, dans un style particulier et prenant. Je ne sais pas si la traduction y fait justice (l'ayant lu en anglais) ; on y ressent les pensées confuses et la démarche, haletante, du fuyard, tout en gardant le style fluide. Petit à petit l'on apprend qu'il n'était sans doute pas coupable du crime — mais coupable d'être seul. Différent. Un thème récurrent chez Goodis. Il y a eu une adaptation cinéma en 1947 avec Humphrey Bogart, sous le titre des Passagers de la Nuit (titre meilleur), que je n'ai pas encore vu. Le livre, en tout cas, est vivement recommandé à tous les amateurs de roman noir et domaines proches (détective, policier, psychologique, etc.) Psychologie et Alchimie de C.G. Jung. Une re-lecture avec des re-découvertes. Mais c'est bien l'époque où il rattache chaque détail de la logique du rêve de l'un de ses patients indirects à la trame dont il est lui-même l'un des tisserands, si ce n'est le principal. On alterne entre surprises parallèles et parallèles sur-pris. Toutefois il est toujours plaisant de lui pardonner, les soirs de pleine lune, et de murmurer avec lui quelques mots latins provenant d'un vieux grimoire. Ceci étant dit, j'adhère à la thèse d'une dimension psychologique de l'alchimie ; en revanche, elle me semble être plus que cela, et plus qu'une collection d'archétypes partagés. mehr als nur — ce qu'il ne désavouera pas, étant donné le premier chapitre où il fustige le nur. Aventures d'Idées par A.N. Whitehead. Ce livre-là, plus difficile d'en parler. J'ai décroché ; le style est vraiment lourd, et soit je comprends mal, soit l'exposition est cryptique au point d'être désorientante. Je me console en apprenant que beaucoup d'autres me rejoignent et ont du mal à le lire. J'ai ouï-dire qu'on lui a proposé une chaire de philosophie pour la simple raison que d'autres philosophes ne comprenaient pas sa pensée — somme toute : un aveu. Peut-être re-tenterai-je l'aventure après avoir lu Procès et Réalité en guise de préambule ; mais même avec cela, certaines grandes déclarations très euro- et classico-centrées sont difficiles à lire telles quelles en 2022, et reflètent plus son encadrement culturel que des vérités indiscutables. Les haut-voltigeurs de la section philosophie se feront leur propre idée.
  8. Criterium

    A la faveur du néant

    J'ai attendu une deuxième lecture pour déposer un mot — tu as le don des atmosphères maussades, espérons que tout va bien pour le poète. J'ai bien aimé l'image de la lumière s'infiltrant comme par une meurtrière. Cette lumière médiévale tue - elle a tué les derniers espoirs de la nuit. La réaction post-coitus dégringole en crise existentielle. Le Temps mais surtout les moisissures. Et pourtant, vers la fin, même si ce n'est qu'un pas vers une explosion, l'on devine la lumière, une toute autre lumière... Celle-là tue peut-être aussi, mais elle, ce sera autre chose, et différemment. Nous le découvrirons dans un prochain poème...
  9. Max veut rester maître chez lui mais il joue avec le feu — nul doute que bientôt il aura donc également à jouer avec le feu d'un canon...
  10. Ça, c'est le vase qui fait déborder la goutte d'eau, l'eau qui se casse force d'aller à la cruche, l'eau à qui on met la bouche, l'eau sous laquelle coule le pont. Il faut y mettre du vin. Bonne soirée cher merle !
  11. En effet ! C'était comme cela que j'avais découvert ce nom, et qu'il était sur ma liste d'auteurs à découvrir depuis si longtemps. J'avais lu il y a longtemps quelques nouvelles d'Algernon Blackwood (avec "John Silence"). Par contre, rien de M.R. James pour l'instant — merci de ta suggestion ! Ces temps-ci, j'ai juste lu quelques autres romans de Ross MacDonald - et de son détective à Los Angeles. The Instant Enemy et The Goodbye Look, qui m'ont moins plu que le premier, Black Money. Je pense que c'est parce que dans ceux-ci, il y a une tentative d'insistance sur un côté psychologique — dans les deux cas, des jeunes adultes qui fuguent pour redécouvrir un passé secret et sanglant — mais qui malheureusement ne convainc pas tant. De plus, il y a parfois beaucoup de personnages, dont les liens familiaux et alias sont un à un découverts ; et la complexité qui en résulte n'est pas un problème en soi, mais rend difficile à percevoir comme réaliste le fait que le détective en découvre avec aisance la totalité, rapidement et avec peu de confusion. Mais cela reste des lectures plaisantes. Je suis maintenant en plein dans The Underground Man, qui semble plus prometteur et me plaît déjà plus. Bientôt, dans le thème détective américain, je découvrirai David Goodis.
  12. J'ai lu le Grand Dieu Pan, d'Arthur Machen. Ça fait plus de dix ans que je pensais à le lire, mais je ne trouvais jamais d'édition qui me plaise particulièrement. Et enfin — cela valait le temps d'attendre, puisque Hippocampus Press vient d'éditer ses œuvres complètes en 3 volumes. J'ai acquis le premier, qui contient cette nouvelle, certainement sa plus connue. Verdict : à raison ! Un très bon récit psychologique et horrifiant, une jolie plume. La bonne surprise également que ce Pan n'est pas celui qu'on croit... plus subtil, mieux mené. Par contre, les quelques autres nouvelles de Machen que j'ai pu lire ne m'ont pas captivée. Il a un style assez particulier, que je décrirais à peu près comme de l' "imitation-Poe". Autant sur Pan c'est le meilleur aspect de ce style qui ressort, autant sur d'autres nouvelles (the Spagyric Quest of Beroaldus, A Remarkable Coincidence, etc) cela tombe à plat et la forme devient creuse. Un auteur inégal donc — mais je lirai sans doute le reste de ses écrits, ne serait-ce qu'une seule fois, pour me faire une meilleure idée. Peut-être que ses autres textes plus célèbres (The White People, the Hill of Dreams) seront eux aussi captivants. Du coup, je l'ai lu. — L'histoire est évidemment horrible. Par contre on a envie de le secouer sans cesse. Dès le début il y a des red flags partout, et lui semble complètement aveugle. Il tait complètement les raisons l'ayant amené à rester avec Nadia/Zakia, et ce bien avant qu'il ne se fasse séquestrer... Il est particulièrement timide, introverti, sa seule expérience étant un flirt platonique avec une jeune fille marocaine — coupé court par la famille. L'on devine qu'il devient modérateur d'un forum internet dont l'on ne devine qu'à demi-mot que c'est un site de rencontre, il y rencontre une autre femme franco-maghrébine et dit lui-même que cela lui rappelle son idylle, jusqu'à ce qu'ils se rencontrent — il s'aperçoit alors que c'est une trentenaire sans emploi mère célibataire de deux enfants qu'il trouve laide et à la "démarche de camionneur". Pourtant il reste et ainsi commence leur histoire. Progressivement de plus en plus sordide. Par contre je trouve dérangeant qu'il ne détaille jamais ses raisons, surtout au début ; il place aisément le blâme et le jugement (compréhensible vu l'histoire) mais ne décrit jamais ses propres mécanismes l'ayant conduit à se mettre dans cette situation pas simplement malgré lui mais dans une recherche à la fois (i) de perte de virginité — un motif qu'il tait mais qui clairement le travaille — et (ii) de l'humiliation permanente, qui donne l'impression d'un psychisme équivalent à celui d'un bout de bois. Je ne dis pas ça pour excuser la psychopathe. (Trigger warning : une histoire de chaton, qui entraîne la rage). — Autres lectures récentes : une grande plongée dans les romans noirs. Raymond Chandler : The Long Goodbye — dans lequel une investigation a priori secondaire (retrouver un écrivain perdu, probablement ivre mort dans une maison de repos) se révèle posséder les clefs de la disparition d'un ami du détective Philip Marlowe. Une enquête riche en personnages, très plaisante à découvrir, même lorsque l'on se doute que certaines pièces disparates du puzzle vont s'emboîter bien plus tard et que c'est un peu trop riche en coïncidences. Dans l'ensemble un excellent roman — et avec des touches sympathiques de l'argot américain (côte ouest) des années cinquante. Autre Chandler : Playback. — Philip Marlowe est engagé par un client anonyme pour suivre une jeune femme à la gare. Il s'avère qu'il n'est pas le seul. Ce roman-là est à mon avis beaucoup moins bon ; assez confus, un peu rocambolesque, et les fils s'emmêlent. Ross MacDonald : Black Money. Un excellent roman noir, captivant, avec un bon rythme qui donne envie de le lire d'une traite. Le détective Lew Archer est engagé pour recueillir des informations sur un homme étrange venant d'arriver dans une petite communauté huppée, et qui dit être un exilé politique français immensément riche — ce qui expliquerait peut-être sa paranoïa. Mais l'on s'aperçoit vite que ça ne peut pas être le cas ; retracer son parcours et la raison pour laquelle il est venu ici va vite réveiller de vieilles et bien sombres intrigues — y compris un suicide vieux de sept ans et qui peut-être n'en était pas un. (Sur cette photo on dirait qu'il a la tête d'Udo Kier...)
  13. J'ai revu Eyes Wide Shut. Cela l'a confirmé dans ma liste de films préférés. Toujours aussi captivant ; des jeux d'ombres et de lumière ; l'atmosphère onirique lors d'une nuit sans fin, et toute l'ambiance mystérieuse à laquelle je suis particulièrement sensible. Le jeu d'acteur est très bon, subtil, particulièrement lors des déchirures de ce couple en proie aux doutes et à l'infidélité — cela se perçoit même mieux encore en l'ayant vu plusieurs fois. C'est cette spirale qui donne toute sa force aux scènes qui sont souvent retenues comme étant l'acmé de ce film — le doute, les erreurs, le fait de se retrouver là où l'on ne devrait pas. Pour ceux qui n'ont pas vu ce film — vivement recommandé. Plongez-y vous si possible sans lire de synopsis ou de description, car même ceux-là ont souvent des spoilers. Un couple aisé vit à New York, avec leur jeune enfant. Bill (Tom Cruise) est docteur, et compte parmi sa clientèle des patients particulièrement riches. C'est ainsi que ce soir, comme chaque année à l'approche de Noël, ce couple est convié à une soirée mondaine. Celle-ci sèmera — ou plutôt verra éclore ? — de nombreux doutes dans leurs esprits ; des frissons ; des "...et si ?".
  14. Criterium

    Malle à portraits

    Je découvre tes derniers poèmes, avec plaisir comme à chaque fois l'an dernier. Mon favori parmi ces plus récents: l'Ange. — si fluide, il évoque sans effort silhouette, brève rencontre, et sa grâce.
  15. Je viens de finir le roman Moonchild, écrit par Aleister Crowley. C'est étrange et très inégal. En général on connaît Crowley comme "magicien", début XXe, avec une réputation très sulfureuse mais pourtant une influence énorme sur tout ce qui touche à la magie et l'ésotérisme dans le monde anglo-saxon — beaucoup moins en France. En même temps on s'aperçoit vite que d'un côté ou de l'autre de l'Atlantique, peu de monde finalement ne l'a lu. Le plus souvent, c'est par l'une de ses productions magico-poétiques pas toujours convaincantes, aimant à s'admirer, jouant sur l'ambivalence, sans forcément que la danse hermétique ne soit suffisamment légère. J'avais lu le Book of Lies par exemple, avec une sensation de creux malgré une forme ciselée. À côté de cela, il a écrit beaucoup de nouvelles de fiction, principalement des enquêtes parfois psychologiques et parfois psychiques, centrées sur le personnage du détective/devin/magicien génial, Simon Iff — évidemment une projection à peine voilée de lui-même. Dans ce roman, ce même personnage est présent — cette fois non pas sous ses habits de détectives mais plutôt dépeint comme un grand sage, stoïque et taoïste à la fois, à imaginer alternant entre le smoking et la toge de magicien — et paraît même s'être dédoublé, en le "héros" magicien blanc Cyril Grey, lui aussi une projection transparente de Crowley, celle-là en plus jeune, version plus impétueuse, également gommée de ses défauts et qui pourtant reste encore souvent antipathique. Il faut passer outre des personnages pour suivre l'histoire. L'histoire suit une sorte de lutte à distance entre un groupe de magiciens blancs (nos héros) et un groupe de magiciens noirs — ceux-là aussi des adaptations transparentes d'occultistes et de personnages de l'époque, côtoyés par Crowley, et qu'il crible de défauts et d'horreurs — une lutte se centrant sur une expérience magique : ritualiser une conception sous le signe de la Lune, tant et si bien que l'enfant ne sera pas une âme réellement humaine, mais une incarnation lunaire, une âme astrale, qu'il s'agit de "capturer" par ce biais comme s'il s'agissait d'un papillon. Le véhicule choisi étant l' "héroïne", Lisa la Giuffra, une femme qui passe tout le roman en étant manipulée par tous les autres personnages, dans une passivité étonnante, subjuguée par telle ou telle magie, et qui au final montre assez bien que Crowley ne semble pas pouvoir écrire de personnage féminin. Le roman suit ces péripéties, depuis la rencontre entre Cyril et Lisa à Londres, des aventures à Paris mêlant spiritisme et arnaqueurs, le long rituel en Italie, les tentatives presque comiques de la Loge Noire pour contrarier celui-ci, avant de revenir en France alors que commence la Première Guerre Mondiale et que les événements contemporains rappellent chacun au monde réel — les magiciens blancs combattant pour les Alliés, et les magiciens noirs pour la Triplice. Ces passages sont très inégaux ; le style de Crowley est châtié et emploie l'humour british sans arrêt, ce qui parfois marche (par exemple au début, lors d'une fausse séance de spiritisme, ou à la fin, dans leurs aventures avec les services de renseignement) et parfois beaucoup moins. Il y a évidemment aussi de longues digressions sur la magie, principalement sur la magie sympathique et les règles de retour. On pourrait penser qu'au vu des intérêts de l'auteur, le cérémonial italien serait la force du livre ; j'ai plutôt trouvé que c'était le passage le plus long et le plus ennuyeux. Dans l'ensemble j'ai eu une impression similaire à celle ressentie en lisant les romans de Péladan (l'humour phlegmatique et forcé en moins) : récit chaotique, inégal, une étrange alternance entre passages ennuyeux, avec des pointes de misogynie çà et là, mais avec parfois aussi quelques lignes fulgurantes qui font plaisir et/ou penser, méditer, et qui justifient ces excursions dans ces vieux romans bizarres. Finalement il n'y a à peine quelques pages sur l' "Enfant de la Lune" résultant de l'expérience ; on apprend juste que l'enfant aurait été ramené aux Etats-Unis par la théosophe Vittoria Cremers juste avant la Guerre. Comme le roman aurait été écrit vers 1917 à New York, peut-être que Crowley pensait à quelqu'un de particulier comme étant cette âme lunaire ; ça ne m'étonnerait pas s'il s'avérait qu'il utilisait cela comme une technique de drague dans la haute société new-yorkaise de l'époque. Autre chose intéressante, quelques références à des scandales ou à des faits géopolitiques de l'époque (crise de Fachoda, affaire de Saverne, affaire Humbert, affaire Steinheil, scandale de Panama, etc.). Verdict : moyen-bof. Comment c'est ? Tu recommanderais ?
  16. @Crève pour sa 6e Nuit de la Lecture.
  17. Eil et iel. Eil ouvrit les yeux, étonné∙e que déjà la pièce fût imbibée de la lumière du soleil. Était-iel neuf heures, dix heures ? Un pincement au cœur lui parvint avant même l'envie d'un café : était-iel trop tard ? Iel devait lui laisser un message ce matin. ≪J'espère ne pas manquer notre rendez-vous ! ≫ — sa seule crainte. L'écran de l'ordinateur scintille. La machine, déjà âgée, prend son temps avant d'apporter la réponse. Eil est impatient∙e : ≪ Est-iel déjà en ville, enthousiasmé∙e par notre rendez-vous, et maintenant que les minutes passent, déçu∙e, irrité∙e, fulminant∙e même, contre moi ? ≫ Enfin, la messagerie. Un clic et le message. — C'était Lui, c'était Iel. — ≪ Mon∙ma tendre partenaire latinx, mon∙ma philadelphe, ce sera un plaisir que de Te rencontrer et que nos facettes s'intersectent. Dix heures te semblent-iels un bon choix ? J'espère que Tu seras éveillé∙e ! ≫ - Signature : "Ton∙ta trans transi∙e". Quel joli mot doux. Un regard vers la montre. Dix minutes ! — Tout est encore possible. Son petit cœur à eil palpite. Eil verra iel au jour du jour d'aujourd'hui.
  18. Criterium

    Anomie

    Quelques rimes qui chatoient comme du politico-poétique — chaque vers fait écho à un tropisme — mais comme on est dans l'anomie, on lit une dystopie suffisamment proche pour que l'espoir y soit en moins... Bref : à chaque poème un voyage.
  19. Un dialogue théâtral, et la maïeutique du premier baiser ? On se prend au jeu de l'intertexte, à même faire une petite grille pour y classer les verbes et les adjectifs de A et de Z...
  20. Criterium

    Transmutation.

    Merci @Etaine et @Tequila Moor — vos commentaires toujours agréables à découvrir, lors de mes escapades sur ce forum bleu... Et l'œil-de-lynx qui détecte les fautes d'inattention laissées dès la première phrase ! L'écriture cinématographique... cela me donne une idée de topic pour la section Littérature — puisque c'est un terme intéressant, qui peut recouvrir différents styles, plus ou moins appréciés. Rendez-vous là-bas, à l'heure opportune...
  21. Criterium

    Transmutation.

    Ce matin-là, la douleur avait été trop forte. Impossible de l'ignorer plus longtemps ; les espérances qu'elle s'estompe durant la nuit s'étaient dissipées. Au moins, j'avais réussi à dormir quelques heures — mais si elle devait continuer, s'intensifier, alors cela deviendrait impossible de répéter cela la prochaine nuit. Je n'arrivais pas à comprendre ce qui accablait mon corps. Par moments, c'était comme un poids diffus, depuis le ventre jusqu'à la poitrine ; à d'autres, des pointes de douleurs, comme si des ongles grattaient contre moi depuis l'intérieur de mon corps. Comme si en moi m'agrippait une main étrangère, qui me haïssait. Ça n'était pas toujours au même endroit, donc je pensais que ça ne pouvait pas être une crise d'appendicite. Je me remémorai un par un tous les ingrédients des trois derniers repas, sans en trouver un qui aurait pu être la cause de tout cela. S'allonger sur le sofa, un gant mouillé posé sur le front ; une tasse de thé brûlant, avec un peu de citron ; rester immobile des heures, les mains posées sur l'abdomen — tout n'apportait que des répits momentanés. Il aurait fallu attendre que tout passe — mais je ne pouvais plus attendre, craignant surtout que ce fût là le premier symptôme d'un mal plus inquiétant. Ça ne pouvait pas être une simple indigestion. Je n'allais pas chercher sur Internet : là-bas, toute sensation trahit un nouveau cancer. Finalement, je pris sur moi et, réalisant que je pouvais marcher sans trop souffrir — peut-être était-ce un bref moment de répit avant que la douleur ne reprenne et que les ongles à nouveau râpent mes entrailles — j'appelai le médecin. Un peu plus tard, je me trouvai dans le bureau boisé du Dr. Lewy. Elle me posa les questions habituelles — les aliments, les moments des premières douleurs ; si je prenais d'autres médicaments. Pression sanguine normale. Je sentis le froid du stéthoscope se poser sur mon dos, sur mon thorax, sur mes côtes. Ce fut à ce moment que je perçus quelque chose de différent chez le docteur. Elle avait pris un air soucieux, ses sourcils s'étaient froncés, comme si un nouveau problème venait de lui apparaître. — "Vous sentez des gargouillis ?", demanda-t-elle. — "Non." Je précisai : "Ce sont plutôt des pointes de douleur. Des griffes." - et elle gardait un air perplexe, étrange. — "Vous avez voyagé récemment ?" Non plus. Le dernier voyage datait d'il y a plusieurs mois ; et, lui apprenant que ç'avait été en Europe, elle hocha de la tête, mettant cette hypothèse de côté. Elle avait dû soupçonner une sorte d'infection tropicale. J'avais l'impression que mes organes changeaient de place, et je lui en fis part. Elle s'arrêta un instant, et réfléchit, essayant de se remémorer nos précédentes rencontres. — "Vous avez un situs inversus ? Je ne le vois pas sur votre dossier médical..." — "..." — "Vos organes ne sont pas disposés du côté habituel. J'aurais dû m'en rappeler..." — "Mais... il me semble que je vous aurais entendu le dire la première fois..." — "Vous avez dû l'oublier." J'allais protester, mais je vis bien que son ton sec était sans appel. Une fois encore, c'était le médecin qui avait décidé, tranché. C'était la seule hypothèse qui fasse sens dans son esprit, et maintenant elle ne voulait plus en entendre d'autres ; pourtant je l'aurais bien su si j'avais possédé une disposition originale de mes organes... On me l'aurait dit, le souvenir serait évidemment resté — ça ne s'oublie pas, une découverte de ce type. Et puis — portant la main par réflexe à mon cou, puis sur la poitrine — je pouvais bien sentir mon cœur un peu plus à gauche. Je ne comprenais pas pourquoi elle disait cela. — "Vous devriez voir un spécialiste, faire une radio. Au cas où il y ait quelque chose." — J'imaginais donc que le verdict devait être une possible tumeur, apparue soudainement, et détectée seulement du fait de la naissance d'une gêne douloureuse. Mais que la transition soit aussi rapide et contrastée ? Là encore je ne comprenais pas tout à fait. Je sortis du cabinet sans réel diagnostic, ni aide, à part un conseil vague de prendre du Doliprane... Je m'aperçus finalement que je ressortais de chez le médecin sans aucune réponse et presque avec plus de questions qu'avant d'y rentrer. La douleur s'était assourdie sur le trajet du retour. Tant que je marchais à pas réguliers, elle s'absorbait dans le mouvement ; c'était un balancement inconfortable, mais bien plus plaisant que l'immobilisme. Plus je m'en apercevais, plus j'ajustai mon trajet en y ajoutant quelques détours — par le parc, par la grande avenue — pour m'accorder un plus long répit avant de me retrouver à nouveau sur le sofa à souffrir. Là encore, j'avais de plus en plus l'impression que mon intérieur était en vrac, pêle-mêle. Ce fut dans les derniers mètres du parc que se produit un événement étrange. La grande allée qui menait jusqu'au portail était toujours fréquentée ; sous l'ombre des ormes qui la bordaient, quelques bancs de pierre abritaient des passants venus se reposer assis quelques instants, ou encore des couples profitant du cadre romantique avec vue sur les parterres de fleurs. Mais l'homme qui se mit à me crier dessus n'avait ni l'air d'un passant, ni celui d'un amoureux ; il ressemblait plutôt à un sans-abri africain, l'air sale et menaçant à la fois. Je ne compris que quelques-unes de ses invectives — car il semblait avoir consommé des psychotropes qui lui affectaient la diction. — "Vous faites de la sorcellerie, vous avez un evur !" Je pressai le pas sans répondre, espérant qu'il ne se mette pas à me suivre ou à devenir plus agressif. Ce ne fut heureusement pas le cas. Une fois de retour dans mon appartement, les douleurs reprirent à nouveau. Je réussis à me dévêtir, à prendre une douche froide, puis à m'allonger à nouveau sur le sofa en tee-shirt, espérant que cela passerait après quelques heures. Tant que je ne bougeais pas, la position n'était pas trop inconfortable ; cette pause et la longue marche eurent tôt fait de m'entraîner dans un état ensommeillé, et je m'aperçus que comme je ne pouvais pas vraiment faire autre chose, je pourrais malgré l'heure récupérer un peu de sommeil avec une sieste. Pourtant, malgré la fatigue, c'était le visage aux traits durs de l'homme qui criait qui me revenait incessamment à l'esprit. La mâchoire dure, la joue creusée et sèche. Je ré-entendais ce mot inconnu : evur. — Je m'emparai de mon smartphone, cherchai tant bien que mal — essayant différentes orthographes — ce qu'il avait voulu dire par là. Sans doute quelque chose de lié au mauvais œil ? J'imaginais une sorte de superstition liée à un habit, une couleur, ou encore à ma démarche qui devait avoir été affectée par la douleur intermittente. Finalement, je trouvai une piste... : Ewu, evur, mango, ngwel, inyamba... beaucoup de termes différents semblaient correspondre à un concept proche, plus ou moins celui-ci : certaines personnes étaient nées avec un organe supplémentaire, lequel était l'"organe-sorcier", et celui-ci pouvait avoir un effet magique à distance — s'envolait durant la nuit pour gâter une récolte, affliger un corps... Le pouvoir pouvait être utilisé en négatif ou en positif — en sorcier ou en médecin-guérisseur, dans une procédure proche du shamanisme — mais tout le monde gardait néanmoins ses distances, voyant d'un œil très méfiant les porteurs de l'organe. Qu'avait donc vu en moi le vagabond menaçant ? J'imaginai un instant qu'il avait pu, lui aussi, posséder cette sorte d'émetteur-récepteur et que celui-ci lui avait montré mes maux intérieurs... D'ailleurs, était-ce peut-être pour cette raison qu'il s'était exilé ? Me revinrent en mémoire tant d'histoires sur le traitement réservé aux personnes accusées de sorcellerie ou de mauvais œil dans les pays africains ; et puis les histoires sur ce que l'on imaginait dans les corps... comme cette croyance en Zambézie dans laquelle même les hommes chauves étaient parfois chassés — car on croyait que ce crâne trop lisse abritait de l'or sous la peau, à la place de l'os. Mais non, ça n'était que des vagues rêveries (bien qu'aux conséquences tragiques là-bas) — déjà, si l'organe existait, il aurait été découvert par nos anatomistes qui avaient déjà décrits des déformations internes autrement plus rares. Ensuite, il ne serait pas apparu soudainement, comme ça, après vingt-cinq ans : on naissait avec... Ou alors, était-ce une sorte d'atavisme très rare ? — De toute manière, son mode d'action le plaçait forcément dans le domaine du paranormal. Du moins, c'est ce que je pensais. Je réussis à m'endormir, d'un sommeil étrange — malgré la douleur qui revenait tantôt par à-coups. Comme si petit à petit, je l'avais acceptée, et amortissait ses pulsations en les divertissant petit à petit vers le reste du corps — jusqu'à ce que la fatigue absorbât tout. J'eus à nouveau ce moment où je sentais mon esprit être resté conscient, mais où le corps avait disparu. Et puis, alors, le rêve. — Je volais dans les airs. Étrangement, on ne voyait ni la lune ni le soleil dans les cieux ; juste un profond bleu marine, sombre, statique — le temps comme figé au moment où le crépuscule vacille. À l'ombre que je projetais sur les arbres et sur les immeubles, je me devinais immense oiseau solitaire. Un oiseau de proie. Je fondais vers l'allée aux grands ormes. Ils étaient là : les promeneurs du jour, les artistes perdus de la nuit... et puis cet homme étrange, le même que tout à l'heure. Le seul qui, soudain, regarda le ciel — et sembla m'y percevoir... le visage alors horrifié, les muscles du front si serrés que le contour des veines et artères semblaient être sur le point d'éclater... immobilisé par la peur... car il savait que je revenais pour lui. — Le son d'une sirène d'ambulance au loin me réveilla d'un coup. Les images du rêve encore clairement à l'esprit. Je vis par la fenêtre ouverte que l'après-midi touchait à sa fin ; le soleil se coucherait dans moins d'une heure. La douleur n'était plus là ; elle avait laissé place à une sorte de sensation diffuse — ce n'était plus une main qui me griffait les entrailles, mais une sensation encore légèrement inconfortable : la même main qui maintenant y ajustait la disposition des organes, les uns avec les autres, comme pour y essayer différents rangements et diverses combinaisons... Non, ça ne pouvait pas être une simple indigestion. Il y avait quelque chose en moi.
  22. J'imagine une bande de petits loubards — dont le plus grand ferait 1m20 — et dont le fait d'armes est d'avoir, un jour, noué ensemble les lacets des chaussures de toute la classe pendant que ces autres étaient en éducation physique et sportive. On l'entend, caché dans un angle mort, glousser de ce menu méfait ! ...par contre, un peu plus tard, avec un couteau à désosser et un fusil de boucher...
  23. Criterium

    Les poèmes à se pendre

    Je l'ai rencontré un samedi soir : Le poète aux œuvres et heures noires, Celui-là dont c'est la rue le dortoir. Il titubait, scandant sa mélopée, Clamant ses éthyliques épopées, D'anciens exploits, et le ferme écopé. Alors dans un formidable parfum, Il me raconta ses soifs et ses faims ; De belles histoires puis enfin : — Révéla le trésor : — — — — Quelques journées encore — — — — Pour rejoindre la Mort.
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