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Anon147412

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  1. Bonjour ! Voici la nouvelle version, probablement la version finale du chapitre. Tout est gris dans le quartier Saint-Georges, surtout en octobre. Les façades en crépi, les trottoirs défoncés à peine assez larges pour passer seul, les barrières métalliques qui encadrent l’étroite route à sens unique. Même les yeux de Max, d'ordinaire plus clairs, semblent refléter cette grisaille. Ses idées, elles, tirent vers le noir. Un peu plus de seize heures. Il tourne à gauche vers le distributeur. Il marche vite, Max. Sur sa route, un père de famille évite son regard, une vieille serre son sac à main discrètement. Marche normalement. Pas trop vite. T’as pas une bombe sur toi, bordel. En fait, Max, il vient juste de recevoir un virement de son père, qui s'inquiète qu'il ait pas assez pour bouffer. Cinquante balles. Pile ce qu'il lui faut pour s'acheter huit grandes cannettes de la bière la moins chère à l'épicerie d'en bas. Ah ça non, boire les huit grandes cannettes ce soir, il en sera sûrement pas capable. En tout cas, pas avant de commencer à donner des bières à son coloc. Un peu de générosité, c’est pas plus mal. Il en aura cinq-six pour lui. Le temps que l’alcool fasse effet, il aura déjà oublié qu’il en voulait huit au départ. Il en donnera trois à Jules, peut-être même que deux, parce qu'il travaille demain, il sera probablement pas très motivé. Avec ça et un demi-gramme de coke, la soirée est pliée. Vingt, vingt, dix. Deux billets bleus et un rose. Merci papa. Ça part pas en bouffe, ça c'est sûr. Si tu savais... Il a pas pris le temps d'envoyer un texto pour le remercier. Plus tard. Il va d'abord au Paki pour éviter de faire un détour une fois qu'il aura chopé. Un signe de la tête au mec de la caisse, qu'il voit tous les jours, et il s'enfonce dans la boutique droit sur le frigo des grandes cannettes. Il fourre les huit dans son sac à dos, passe à la caisse, bonjour, paye avec son billet de dix, bonne journée bon courage, merci à vous aussi, et il est déjà dehors sous la fine pluie qui donne un côté encore plus poisseux au rond-point du Paki, en plein coeur du quartier. Son sac est lourd. Ça en fait des bières. Il a toujours fallu qu'il goûte à tout. Pourtant, il bouffait rien, enfant. Non, lui, il voulait goûter à d'autres choses. Petit déjà, dès qu'il était en âge de comprendre ce que c'était, il était faciné qu'un flacon, une fleur, une pilule pouvait, si petite soit-elle, modifier le fonctionnement d'un cerveau humain, le soigner, ou le tuer. Il traverse le pont Saint-Georges avec ses écouteurs sans fil dans les oreilles, Punk's Dead de Soft Play à fond. Pas sûr qu'on l'ait déjà vu dans Périgueux sans ses écouteurs le Max, même en plein été. Il fait de grandes enjambées, mais il est concentré sur sa démarche, il a peur que les passants trouvent qu'il bouge bizarrement. Plus il se concentre dessus, plus il marche comme quelqu'un qui le fait pour la première fois depuis un an. Enfin, il en a l'impression. Ses genoux lui paraissent raides, mécaniques. Pour vérifier, il balaie du regard rapidement les yeux autour de lui, le coeur qui cogne. Ils ont autre chose à foutre que de te regarder, putain... Normalement. Quand il marche en ville, tout ce qu'il voit est bien réel, mais tout paraît faux. Il est comme spectateur, un bruit blanc dans le crâne qui prend tout l'espace pour réfléchir correctement. Quand il part faire ses " courses ", il est tout excité à l'intérieur. Son coeur s'accélère, il a même l'impression de sentir sa gencive du haut qui s'anésthésie, comme quand il prend son premier ou deuxième trait. Cette sensation, il a appris à l'adorer. Ça fait un peu plus d'un an qu'il tape. La première fois, c'était dans le snack-bar de camping où il bossait l'été en saison. Il était avec Lola et Jordan, une nuit ou c'était fermé, début Juin l'année dernière. Max avait les clefs parce qu'il faisait les ouvertures le matin. Il a toujours été archi contre. C'est quoi cette merde sérieusement. Il a même toujours pris de haut les gens qui en consommaient. C'est des faibles, des fragiles, des inconscients. En tout cas, des gros toxicos. Et lui, même s'il avait déjà testé deux-trois drogues, une chose était sûre, il se foutrait jamais une paille dans le pif ou une seringue dans le bras. Lola, il la connaît depuis le collège. Sa meilleure amie. Une fille blonde, yeux bleus, qui se méfie de tout le monde, déteste plein de gens juste « au jugé », « parce que leur tête lui revient pas », mais très chaleureuse avec ses proches. Ronde, mais pas énorme. Elle portait toujours des sapes de skater. Avant, ils avaient pris tous leurs premiers trucs ensemble. LSD, ecstasy, champignons, ballons de MD... C'était la seule de ses potes qui y allait au moins autant que lui, sauf avec l'alcool. Dans ce domaine, Max a toujours eu une longueur d'avance. Elle prenait de la coke de temps en temps, il le savait. Tant qu’il n’en entendait pas parler, il ne lui faisait pas de reproches, juste quelques piques de temps en temps. Ce soir-là, elle et Jordan avaient fait livrer trois grammes. Max, après avoir posé une condition - « Tant que je vous vois pas faire » - a accepté. Puis, lorsqu’ils sont revenus du coin plonge avec le nez qui coule et l'œil brillant, la curiosité de Max a pris le dessus. De les voir, finalement dans un état tout à fait acceptable, le laisse dans l'incompréhension. Pourquoi faire ? Si c'est dangereux et qu'ils ont l'air sobres ? Il fallait qu'il trouve des réponses. Lola, c'est sa meilleure pote, il peut l'écouter, elle doit avoir une bonne explication. Et Jordan, ça fait qu'un an que Max le connaît, depuis la dernière saison, mais il en est sûr, c'est un mec de confiance. -Ça fait quoi ? -Ça fait qu'après, tu vas vite mon gars. Encore une de ses expressions. Ce mec, il a un accent du Sud qui le ramène direct à ses racines. Un accent chaleureux, un peu traînant, typique d’Agen. Style teufeur, mais pas ravagé. Quelques piercings aux oreilles, short baggy en jean, casquette béret, hoodie trop large. Des tatouages sur les bras et les jambes qui ressemblent à des mandalas, des inscriptions runiques, des éclairs. Des bagues en toc à deux balles. Il gère la partie snack. Max a jamais vraiment eu la curiosité de lui poser des questions sur son histoire, mais c’est le genre de gars qui te fait sentir que t’es le bienvenu sans même avoir à dire un mot. Un collègue toujours souriant, même quand le bar et la cuisine se font défoncer par des clients énervés par la chaleur et leurs gosses. Alors que ces connards sont en vancances. -Vous en prenez souvent ? -Nan, c'est juste de temps en temps. Une fois par mois, peut-être moins, y'a des périodes. -Ok mais on dit qu'on tombe accro du premier coup à ce genre de trucs quand-même. Ils sont tous les trois assis autour d'un gros tonneau, un mange debout de la salle du bar, avec au milieu un cendrier déjà bien rempli et trois pintes de blonde bien fraîche. La pièce est remplie de fumée de clope qui picote la gorge, tellement qu'un voile grisâtre flotte dans la pièce devant la lumière du comptoir à quatre mètres de là. -Des conneries on en dit plein, reprend Lola, Camel au bec. Oui c'est addictif, y'a des gens qui aiment plus que d'autres, mais suffit de pas faire le con. -Pour tomber là dedans c'est chaud, confirme Jordan. C'est pas comme la Ké, déjà c'est cher comme habitude, puis ça se gère. Les trois se jettent des regards en coin, l'air grave, comme des collégiens qui se racontent des histoires de vampires à minuit. -Mais ça vous speede ? -Ouais, carrément même, surtout ça donne envie de parler. Mais une trace, en vrai, c'est tchi. C'est subtil comme effet. C'est pour ça que c'est la meilleure drogue. Chez moi, on appelle ça « la Machine ». Max fixe la fumée pendant une seconde. -Et c'est tout ? Le fait que ce soit subtil, Max doit l'avouer, il trouve que c'est rassurant. Lentement, l'image entretenue pendant des années de quelqu'un qui prend une ligne et commence à sauter partout et devient incontrôlable se dissipe. La preuve, Lola, qu'il connaît vraiment bien, a l'air tout à fait dans son état normal. Même en mieux. Plus joviale. Avec un air (faussement) à l'écoute. Rien à voir avec les gens sous taz en festival, semblables à des zombies tant leurs mâchoires sont désarticulées. -Non, y'a plein de petits effets. On se sent bien, détendus, confiants aussi, dit Lola. Et des effets physiques. Des fois t'as un coup de chaud, des fois le cœur bat méga fort ou accélère. Ou alors un petit coup de nausée, ça arrive. Elle parle vite. -Mais ça a l'air terrible ça ? -Bah tu sais, quand t'aimes ça, tu t'y fais. Il a beau y réfléchir, Max comprend pas comment on peut s'habituer, ou même vouloir s'habituer à des sensations de ce genre. Et malheureusement, il déteste ne pas comprendre quelque chose. Ils sont tellement convaincus de leur truc qu'ils remettent à peine en question ce qu'ils prennent. En même temps, j'imaginais ça différemment. Lentement, comme un virus qui se propage, l'idée fait son chemin dans sa tête. Et si je me trompais ? Vraisemblablement pourtant, non. Des cas d'overdose, y'en a. Pourtant, Jordan lui a dit que ça arrivait jamais. Que c'était que les gros bourrins à qui ça arrivait. Alors ça, non, Max savait que des réactions allergiques étaient possibles sur une micro dose, et il a lui même eu une très mauvais expérience avec « seulement » un demi ecsta. Mais Jo nuança en disant que comme tout produit, consommé responsablement, ça se fait. Sur le coup, il marquait un point. Au fond, j'ai pas vraiment envie. Mais j'ai envie d'être sûr que c'est de la merde. Là dessus, ma main au feu, j'ai raison. S'il y a bien une chose qu'il a toujours aimé presque autant que l'excès, c'est avoir raison. Et peu importe si il devait être imbuvable, blesser un pote en lui parlant comme si il avait sept ans. Il pouvait aller loin des fois pour prouver, se prouver qu'il avait raison. Et alors, si jusqu'ici, il s'était trompé ? Impossible, il a toujours raison Max ! Pas vrai ? Mais il fait preuve d'une grande humilité, oui oui, d'humilité, celle de soumettre sa certitude au test parfois. Après les avoir observés, jaugés, écoutés parler pendant encore trois quarts d'heure, posé des questions évidentes, Lola et Jo ont l'air de commencer à se fatiguer de cet interrogatoire. Ils évoquent l'idée d'aller faire un tour en plonge, voir ce qu'il s'y passe. Max passe une main dans ses cheveux bruns. Si je rate cette occase, j'aurais plus jamais le courage de me lancer. Maintenant ou jamais. Pas tellement sûr de lui, il demande à Lola si, peut-être, il pourrait essayer juste vraiment un mini truc de rien du tout, pour voir. Elle le regarde longuement dans les yeux avec un air dubitatif. Lui-même qui l'a traitée de «tox» quand elle lui a annoncé la première fois qu'elle avait testé ! L'audace du gars ! Il la voit l'observer pour ce qui lui semble être cinq secondes, puis elle dit : -T'es sûr ? Il hoche la tête de manière à peine perceptible. Lola tire une taffe sur sa quatrième clope en cinquante minutes, et se résigne : Max, elle peut rien lui refuser. Et elle connaît sa passion pour « l'exploration interne ». -Bon, OK, t'as vingt-deux ans de toute façon, si t'as envie, moi ça me dérange pas. Jordan lance un grand sourire, visiblement ravi de voir la direction que prend cette soirée. Max demande à Lola d'aller avec lui en plonge pour faire du « nettoyage d'assiette ». Jo reste en salle. Pour la première, ça lui semble plus solennel à Max, plus cérémonial, juste avec sa meilleure pote, au coin de la plonge. Arrivés à l'arrière, il fait une chaleur étouffante. Elle pose une assiette à dessert rectangulaire sur un tabouret métallique récupéré au bar posé entre eux deux et sort son portefeuille. Elle en sort un petit sac noir en plastique, en forme de bombe à eau, fermé en haut par un petit élastique. Habilement, elle tapote le sac et fait tomber sur l'assiette deux-trois petits cailloux blancs qu'elle écrase avec sa carte d'identité et « travaille » en s'aidant de sa carte Vitale. Pas une seule fois elle ne lève les yeux sur Max pendant son œuvre. Il a le cœur qui bat très fort, il tremble aussi. Cette scène, sous ses yeux, ça sort tout droit d'un film pour lui. Un film où les gens meurent. Il a presque honte de se voir dans cette situation. Qu'est-ce que tu branles ? Mais tu t'es vu ? Il pense à la scène de Pulp Fiction ou la fille pisse le sang par le nez. C'est à peine si il ose regarder ce qu'elle fait sur l'assiette à gaufres. Et puis, Lola lève la tête et lui tend un bout de papier roulé en forme de paille. Trop tard pour hésiter. T'as parlé champion. Porte tes couilles maintenant. «Surtout, t'utilise jamais la paille de quelqu'un d'autre. Toujours avoir la sienne. Si t'as pas la tienne, tu tapes pas. Faut pas déconner avec ça.» Max examine Lola et croit lire de la culpabilité dans son regard. Il marque une pause, puis la saisit, se met la paille dans le nez, se penche, hésite, inspire, expire doucement sur le côté pour ne pas souffler le contenu de l'assiette, bouche sa deuxième narine, et, beaucoup plus facilement que ce qu'il avait imaginé, aspire toute la ligne en une seconde sans quasiment rien sentir passer dans ses sinus. Seule une brûlure sourde, étouffée témoigne du passage du trait. Ça, et les trois prochaines années de sa vie.
  2. Anon147412

    Bonjour à tous !

    C'est noté ! Merci
  3. Anon147412

    Bonjour à tous !

    Ah merci ! J'avais pas leurs noms
  4. Anon147412

    Bonjour à tous !

    En Français Hey, oui je viens du Sud Ouest ! Vers Bordeaux.
  5. Bonjour ! Je souhaie rester anonyme, appelez moi Josh. J'ai 25 ans. Je fais de la musique depuis tout petit, en tout genre, batterie, basse, guitare, production musicale sur ordinateur et même du rap. Je me suis déjà produit de nombreuses fois sur scène sur un support ou un autre de ceux-ci. Et, depuis peu, je me suis mis à l'écriture d'un roman. Je me suis inscrit sur le forum pour la rubrique littéraire, afin de publier mes premiers écrits pour avoir des retours mais aussi pour voir ce que la communauté a à proposer. Mais je passerais peut-être dans d'autres rubriques si le sujet me parle ! Je profite de ce post pour demander à la modération (désolé si la rubrique n'est pas adaptée, editez-moi si c'est le cas) si je peux publier un même chapitre avec pas mal de modifications dans la rubrique littéraire afin qu'on puisse comparer les deux versions, ou s'il faut que je supprime la première. Et, si je laisse la première, y'a t-il une règle pour nommer la deuxième version ? Merci d'avance, en souhaitant une bonne journée à ceux qui me liront et à toute l'équipe du forum !
  6. Salut, d'abord je te remercie d'avoir pris le temps, c'est beaucoup pour moi. Je n'espérais pas qu'on puisse avoir un ressenti sur un des personnages, je suis vraiment content que l'histoire t'aies accroché. Je vais continuer de travailler sur le style et essayer d'apporter de la cohérence à tout ça. Un grand merci pour tes encouragements ! Je vous partagerais la suite quand elle sera prête Je ne lâche pas
  7. Salut ! Merci beaucoup pour ton retour ! Oui, pardon pour ça ahah, je les ai corrigées depuis ! J'ai modifié pas mal de lignes/rajouté quelques une aussi, peut être que je posterais la v2 ou ferait un edit du post si possible ? Et super, ce retour sur les premières lignes m'est précieux ! Je prends en compte et vais retravailler ça. Merci encore pour ton honnêteté et d'avoir pris le temps de me lire. A bientôt j'espère !
  8. Bonjour ! Tout d'abord, merci beaucoup pour votre réponse précise, j'apprécie beaucoup. Je comprends tout à fait votre message et m'attendais à ce type de réponse. Effectivement, on peut penser que ce récit fait l'apologie sans le vouloir, ou du moins justifie les faits. Sachez que, si le début a un côté "innocent", la suite se révèlera être une longue descente aux enfers et pointera du doigt les problématiques que ce genre de consommation engendre Je pense que le sujet mérite d'être traité car certaines personnes pourraient en avoir besoin pour prendre conscience de comment cela peut être insidieux. Pour rappel, fait méconnu, 5 alcooliques sur 10 mourront des conséquences de l'alcool, contre 2 cocaïnomanes sur 10 ! Merci encore pour votre retour qui, soyez en sûr, me fait extrêmement plaisir. Bien à vous
  9. Bonjour à tous ! Je me permets de vous partager le chapitre 1 de mon "roman", ou ma première nouvelle, je sais pas trop ce que ça va devenir. C'est la première fois que j'écris autre chose que de la musique. C'est pas tout à fait un premier jet, je l'ai fait relire quelque chose comme cinq fois, eu des retours et les ai appliqués. Je pense que mon point faible reste les dialogues, mais je vous laisse en juger. Je préfère rester anonyme, mais ce que je peux vous dire c'est que je suis un jeune homme de 25 ans, et que cette histoire est inspirée de la mienne. Aujourd'hui, je m'en suis sorti. Merci d'avance à ceux qui prendront le temps, soyez indulgents, mais brutalement honnêtes, et j'espère en toute humilité que cet essai plaira à l'un ou deux d'entre vous. Je dois avouer que je suis terrifié à l'idée que des inconnus me lisent pour la première fois. ----------------------------------------- Tout est gris dans le quartier Saint-Georges, surtout mi-octobre. Le crépi des murs des immeubles d'appartements, les trottoirs défoncés à peine assez larges pour y passer seul, les barrières métalliques qui délimitent l'étroite route à sens unique, et en cette période, même les yeux de Max paraissent avoir cette même teinte. Il est un peu plus de quatre heures quand il prend à gauche vers le distributeur. Il marche vite, Max. Assez pour qu'on pense qu'il est pressé, ou tendu. Que c'est un mec qu'il faut pas faire chier. Marche normalement. Pas trop vite. T’as pas une bombe sur toi, bordel. En fait, Max, il vient juste de recevoir un virement de son père, qui s'inquiète qu'il ait pas assez pour bouffer. Cinquante euros. C'est pile ce qu'il lui faut pour s'acheter huit grandes cannettes de la bière la moins chère de chez le Paki du quartier. Ah ça non, boire les huit grandes cannettes ce soir, il en sera sûrement pas capable. En tout cas, pas avant de commencer à donner des bières son coloc. Un peu de générosité, c’est pas plus mal. Il en aura cinq-six pour lui. Le temps que l’alcool fasse effet, il aura déjà oublié qu’il en voulait huit au départ. Il en donnera trois à Jules, peut-être même que deux, parce qu'il travaille demain, il sera probablement pas très motivé. Avec ça et un demi-gramme de coke, la soirée est pliée. Vingt, vingt, dix. Deux billets bleus et un rose. Merci papa. Ça part pas en bouffe, ça c'est sûr. Si tu savais... Il va d'abord au Paki pour éviter de faire un détour une fois qu'il aura chopé. Il fait un signe de la tête au mec de la caisse, qu'il voit tous les jours, et s'enfonce dans la boutique droit sur le frigo des grandes cannettes. Il fourre les huit dans son sac à dos, passe à la caisse, bonjour, paye avec son billet de dix, bonne journée bon courage, merci à vous aussi, et il est déjà dehors sous la fine pluie qui donne un côté encore plus poisseux au rond-point du Paki, en plein coeur du quartier. Son sac est lourd. Ça en fait des bières. Il a toujours fallu qu'il goûte à tout. Pourtant, il était difficile quand il était enfant, en terme de nourriture. Non, lui, il voulait goûter aux drogues. Petit déjà, dès qu'il était en âge de comprendre ce que c'était, il était faciné qu'une fleur, un buvard, une pilule pouvait, si petite soit-elle, reprogrammer un cerveau humain, le faire fonctionner différemment, le soigner, ou le tuer. Il traverse le pont Saint-Georges avec ses écouteurs sans fil dans les oreilles, Punk's Dead de Soft Play à fond. Pas sûr qu'on l'ait déjà vu dans Périgueux sans ses écouteurs le Max, même en plein été. Il fait de grandes enjambées, mais il est concentré sur sa démarche, il a peur que les passants trouvent qu'il bouge bizarrement, emmitouflé dans sa grosse doudoune noire. Plus il se concentre dessus, plus il marche comme quelqu'un qui le faisait pour la première fois depuis un an. Enfin, il en a l'impression. Ses genoux lui paraissent raides, mécaniques. Pour vérifier, il balaie du regard rapidement les yeux autour de lui, le coeur qui bat vite et fort. Ils ont autre chose à foutre que de te regarder, putain. Normalement. Ça fait un peu plus d'un an qu'il tape. La première fois, c'était dans le bar où il bossait l'été en saison, avec deux collègues, une nuit ou c'était fermé, début Juin l'année dernière. Max avait les clefs parce qu'il faisait les ouvertures le matin. Lui, il a toujours été contre, archi contre même, c'est quoi cette merde sérieusement. Il a même toujours pris de haut les gens qui en consommaient. C'est des faibles, des fragiles, des inconscients. En tout cas, des gros toxicos. Et lui, même s'il avait déjà testé deux-trois drogues, une chose était sûre, il se foutrait jamais une paille dans le pif ou une seringue dans le bras. Lola, il la connaît depuis le collège. Sa meilleure amie. Une fille blonde, yeux bleus, qui se méfie de tout le monde, déteste plein de gens juste «au jugé», «parce que leur tête lui revient pas», mais très chaleureuse avec ses proches. Ronde, mais pas énorme. Elle portait des sapes de skater. Avant, ils avaient pris tous leurs premiers trucs ensemble. LSD, ecstasy, champignons, ballons de MD... C'était la seule de ses potes qui y allait au moins autant que lui, sauf avec l'alcool. Dans ce domaine, Max a toujours eu une longueur d'avance. Elle prenait de la coke de temps en temps, Max le savait. Tant qu’il n’en entendait pas parler, il ne lui faisait pas de reproches, juste quelques piques de temps en temps. Ce soir-là, elle et Jordan avaient fait livrer trois grammes, prêts à les prendre. Max, après avoir posé une condition - « Tant que je vous vois pas faire » - a accepté. Puis, lorsqu’ils sont revenus du coin plonge avec le nez qui coule, la curiosité de Max a pris le dessus. De les voir, finalement dans un état tout à fait acceptable, le laisse dans l'incompréhension. Putain, pourquoi faire ? Si c'est si dangereux et que vous avez l'air sobres ? Il fallait qu'il trouve des réponses. Lola, c'est sa meilleure pote, il peut l'écouter, elle doit avoir une bonne explication. Et Jordan, ça fait qu'un an que Max le connaît, depuis la dernière saison, mais il en est sûr, c'est un mec de confiance. -Ça fait quoi ? -Ça fait qu'après, tu vas vite mon gars. Ce type, il a un accent du Sud qui le ramène direct à ses racines. Un accent chaleureux, un peu traînant, typique d’Agen. Style teufeur, mais pas ravagé. Quelques piercings aux oreilles, short baggy en jean, casquette béret, hoodie trop large. Des tatouages sur les bras et les jambes qui ressemblent à des mandalas, des inscriptions runiques, des éclairs. Max a jamais vraiment eu la curiosité de lui poser des questions sur son histoire, mais c’est le genre de gars qui te fait sentir que t’es le bienvenu sans même avoir à dire un mot. Un rire communicatif, un collègue toujours souriant, même quand le bar et la cuisine se font défoncer par des clients énervés par la chaleur et leurs gosses. Alors que ces connards sont en vancances. -Vous en prenez souvent ? -Nan, c'est juste de temps en temps pour faire la fête. Une fois par mois, peut-être moins, y'a des périodes. -Ok mais on dit qu'on tombe accro du premier coup à ce genre de trucs quand-même. Ils sont tous les trois assis autour d'un gros tonneau, un mange debout de la salle du bar, avec au milieu un cendrier déjà bien rempli et trois pintes de blonde bien fraîche. La pièce est remplie de fumée de clope qui picote la gorge, tellement qu'un voile grisâtre flotte dans la pièce devant la lumière du comptoir à quatre mètres de là. -Des conneries on en dit plein, reprend Lola, Camel au bec. Oui c'est addictif, y'a des gens qui aiment plus que d'autres, mais suffit de pas faire le con. Se poser des limites quoi. -Pour tomber là dedans c'est chaud, confirme Jordan. C'est pas comme la Ké, déjà c'est cher comme habitude, puis ça se gère. Regarde nous. -Mais ça vous speede ? -Ouais, carrément même, surtout ça donne envie de parler. Mais une trace, en vrai, c'est rien. C'est super subtil comme effet. C'est pour ça que c'est la meilleure drogue. Chez moi, on appelle ça «la Machine». -Et c'est tout ? Le fait que ce soit subtil, Max doit l'avouer, il trouve que c'est très rassurant. Tout d'un coup, l'image entretenue pendant des années de quelqu'un qui prend une ligne et commence à sauter partout et être incontrôlable se dissipe. La preuve, Lola, qu'il connaît vraiment bien, a l'air tout à fait dans son état normal. Même en mieux. Rien à voir avec les gens sous taz en festival, semblables à des zombies dans leurs mâchoires sont désarticulées. -Non, y'a plein de petits effets. On se sent bien, détendus, confiants aussi, dit Lola. Aussi des effets physiques. Des fois t'as un coup de chaud, des fois le cœur bat méga fort ou accélère. -Mais ça a l'air terrible ça ? -On s'habitue. Il a beau y réfléchir, Max comprend pas comment on peut s'habituer, ou même vouloir s'habituer à des sensations de ce genre. Et malheureusement, il déteste ne pas comprendre quelque chose. Ils sont tellement convaincus de leur truc qu'ils ne remettent même pas en question ce qu'ils prennent. Lentement, comme une tumeur qui grandit, l'idée fait son chemin dans sa tête. Et si je me trompais ? Vraisemblablement pourtant, non. Des cas d'overdose, y'en a. Pourtant, Jordan lui a dit que ça arrivait «jamais». Que c'était que les gros bourrins à qui ça arrivait. Alors ça, non, Max savait que des réactions allergiques étaient possibles sur une micro dose, et il a lui même eu une très mauvais expérience avec «seulement» un demi ecsta. Mais Jo nuança en disant que comme tout produit, consommé responsablement, ça se gère. Sur le coup, il marquait un point. Un doute s'immisce peu à peu. J'ai pas vraiment «envie». Mais j'ai envie d'être sûr que c'est de la merde. Là dessus, ma main au feu, j'ai raison. Si il y a bien une chose qu'il a toujours aimé presque autant que l'excès, c'est avoir raison. Et peu importe si il devait être imbuvable, blesser un pote en lui parlant comme si il était en CP. Il pouvait aller loin des fois pour prouver, se prouver qu'il avait raison. Et alors, si jusqu'ici, il s'était trompé ? C'est manifestement impossible puisqu'il a toujours raison. Mais il fait preuve d'une grande humilité, oui oui, d'humilité, celle de soumettre sa certitude au test parfois. Après les avoir observés, jaugés, écoutés parler pendant encore trois quarts d'heure, posé des questions évidentes, certaines pertinentes, Lola et Jo ont l'air de commencer à se fatiguer de cet interrogatoire. Ils évoquent l'idée d'aller faire un tour en plonge, voir ce qu'il s'y passe. Max, pas tellement sûr de lui, demande à Lola si, peut-être, il pourrait essayer juste vraiment un mini truc de rien du tout, pour voir. Elle le regarde longuement dans les yeux avec un air dubitatif. Lui-même qui l'a traitée de «tox» quand elle lui a annoncé la première fois qu'elle avait testé ! L'audace ! Max n'en revient même pas que ces mots soient sortis de sa bouche. Il la voit le regarder pour ce qui lui semble être cinq secondes, puis elle dit : -T'es sûr ? Il hoche la tête. Lola tire une taffe sur sa quatrième clope en cinquante minutes, et se résigne : Max, elle peut rien lui refuser. Et elle connaît sa passion pour «l'exploration interne». -Bon, OK, t'as vingt-deux ans de toute façon, si t'as envie moi ça me dérange pas. Jordan lance un grand sourire, franchement content de voir la direction que prend cette soirée. Max demande à Lola d'aller avec lui en plonge pour faire du «nettoyage d'assiette». Jo reste en salle, pour la première, ça lui sonne plus solennel à Max, plus cérémonial, juste avec sa meilleure pote, au coin de la plonge. Elle pose une assiette à dessert rectangulaire sur un tabouret récupéré au bar posé entre eux deux, sort son portefeuille. Elle en sort un petit sac noir en plastique, en forme de fraise des bois, fermé en haut par un petit élastique. Habilement, elle tapote le sac et fait tomber sur l'assiette deux-trois petits cailloux blancs qu'elle écrase avec sa carte d'identité et «travaille» en s'aidant de sa carte vitale. Pas une seule fois elle ne lève les yeux sur Max pendant son œuvre. Il a le cœur qui bat très fort, il trembe aussi. Cette scène, sous ses yeux, ça sort tout droit d'un film pour lui. Un film ou les gens meurent. Il pense à la scène de Pulp Fiction ou la fille pisse le sang par le nez. Et puis, Lola lève la tête et lui tend un bout de papier roulé en forme de paille. «Surtout, t'utilise jamais la paille de quelqu'un d'autre. Toujours avoir la sienne. Si t'as pas la tienne, tu tapes pas. Faut pas déconner avec ça.» Max examine Lola et croit lire de la culpabilité dans son regard. Il se met la paille dans le nez, se penche, hésite, inspire, expire doucement sur le côté pour ne pas souffler le contenu de l'assiette bouche sa deuxième narine, et, beaucoup plus facilement que ce qu'il avait imaginé, aspire toute la ligne en une seconde sans quasiment rien sentir passer dans ses sinus.
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