
Un jour, tout un après-midi, il accompagne la femme de sa vie en ce cabotage nommé lèche-vitrine, dans le but avoué de lui offrir un cadeau – sans calendaire raison, pour le plaisir comme miaulait l'autre.
Peut-être les verrez-vous, naviguer entre les boutiques d'une galerie commerciale, quelconque puisque interchangeable, avant qu'elle ne jette l'ancre dans un magasin au contenu affriolant : couleurs sensuelles et tissus chatoyants s'y retrouvant en vêtements de forme bohème.
En cette escale, après quelques mouvements d'approche, la chère tendre se résout à essayer des jupes, point de départ pour constituer sa panoplie de poupée. Certes, ni elle ni lui ne nous dévoileront le nombre d'habits emportés en cabine d'essayage : qu'on sache du moins que le chiffre est à l'honneur de sa coquetterie, toute féminine.
Les essais pour elle se succédant – formes diverses qui enveloppent ses mollets et cuisses, ses fesses, ses hanches – il participe à la représentation en se plaçant comme, et son seul public et son costumier : le plaisir de la femme convoitant la beauté, voulant la faire sienne, rallie le plaisir de l'homme s'inclinant devant cette magie ; vision du corps aimé portant des accessoires qui subliment, de façon publique, l'effet opéré par sa nudité dans l'intimité.
Moments de complicité certaine. Elle, qui recherche la plus juste parure pour ce qu'elle estime don, inné : inhérent reflet qu'elle a d'elle-même, de son corps, synonymes de vie en devenir. Lui, qui convoite le plus bel écrin pour ce qu'il redoute, avide, de voir disparaître de ses mains : en admiration devant la chair tendre, poussé à charmer l'enveloppe pour atteindre ce qu'il considère mystère, de par son désir... Mais ne se rejoignent-ils pas ?
Tels de proches phares, n'émettent-ils pas de vives lumières – brasiers réciproques – qui parfois se révèlent aveuglantes pour chacun, ou parfois font apparaître des ombres derrière l'un que l'autre appréhende ? Ainsi, ils cherchent, vous cherchez, nous cherchons : la chaleur de l'autre soi-même ; jusque en ses erreurs, son apparence, son ennui : là se tient la complicité, dans une envie commune de l'à venir, vision partagée d'une identique œuvre.
L'alliance est : ce que l'on sait être doux, ce vers quoi ils se dirigent, ce qui nous attire, ce qui éloigne les autres… Cette journée fut rituel fondateur pour eux : l'homme sait maintenant tisser, avec son goût et son regard, pour elle une aimable trame sur le corps ; la femme sait maintenant être devenue île primordiale pour lui, sur la ligne d'horizon.
Ce que nous formons puis ce qui nous entoure est alliance, ce qui est offrande ou parfois est demande est alliance : havre franc où vivre de constance, suivre l'amour en confiance ; monde secret qui n'est en rien obligé d'imiter les autres. Y compris quand il s'agit d'aller faire les boutiques... Quand ils rejoindront le large, la jouissance des habits ne sera pas seule possession, mais souvenir du moment vécu. Non seulement illusoire décoration, mais symbole durable de cette étape.
Ils repartiront, affronter la vague, affronter le vague. Deux sortes de pièges, de silences qui peuvent s'instaurer entre leurs feux, tel qu'entre tous leurs semblables qui osent briller. Instants étranges où « un plus un » ne forme point « eux plus que deux » : instants fatals du narcissisme conjoint, de la haute mer.
Un soir, sur le port – comme d'habitude, comme encore – juchés sur les cœurs, les corps se sont dressés : incendies d'incidents, indécents et nus.
- En savoir plus…
-
- 4 commentaires
- 110 vues