. X – Le chercheur vu par la société et l’usage du titre de « docteur ».
Tant d’autres chapitres seraient à écrire dans cet article. En vrac, la vulgarisation, la place de la recherche dans la formation des étudiants, les budgets alloués, le matériel, les locaux, les personnels autres que chercheurs, la disponibilité, l’accessibilité, la recherche à l’étranger, la recherche militaire, et bien d’autres encore. Si j’ai choisi la question de la vision du chercheur par la société, c’est que c’est un moyen de je pense de faire un peu réfléchir. A cette question-là, je ne peux pas répondre seul... Vous êtes les principaux concernés il faut dire !!
Je ne peux pas répondre objectivement à la question« comment voit on le chercheur dans la société Française ». Cette question là, vous seuls avez la réponse.
Par contre, j’ai pensé à apporter un petit quelque chose dans un domaine peut être assez peu connu : l’usage du titre de docteur, qu’on associe en majeure partie aux médecins, en France, mais qui partout dans le monde est en réalité associé à la fonction de chercheur ou enseignant chercheur. De manière générale, ce qu’on peut dire c’est que le chercheur n’est pas vu de la même manière dans tous les pays du monde. Si en Allemagne les PhD se gaussent de « Herr Docktor bidule » à tout bout de champ, ce n’est pas le cas en France. Cela me pousse à clarifier une question : celle de l’usage du titre de docteur. Non, un « Docteur » n’est pas un médecin… Tout chercheur en France est Docteur. Moi-même le suis par exemple, et pourtant, je serai bien incapable de soigner une grippe. On notera que «docteur» est donc bien un titre et non une marque de distinction. Le terme« maître », employé dans les professions juridiques, n’est par exemple pas un titre spécifique. Aucun diplôme ou grade universitaire spécifique ne correspond à cette appellation à laquelle certains sont attachés. Celui qui a une maîtrise (une 4e année de Fac, en géographie, en math, en biologie…) est « maître en quelque chose ») ; il peut donc se faire appeler « maître ». Il n’usurperait aucun titre (universitaire ou professionnel). Ce qui est protégé ce sont les noms des professions : avocat, huissier… qui eux sont des titres et qualités professionnelles dont l’usage n’est pas libre, comme le titre de Docteur.
C’est une question culturelle. Le doctorat de médecine étant l’un des plus anciens (et aussi l’un des plus connus), l’amalgame a toujours existé. Toutefois il est à noter que si l’exercice de la médecine nécessite l’obtention du titre de docteur, elle n’est pas la seule discipline à le demander. Ainsi tout chercheur, étant titulaire d’un doctorat, est docteur. Le titre de docteur est donc bien encadré, et il n’est en aucun cas réservé aux seuls médecins. Toutefois, dans l’usage professionnel, Docteur bidule devra préciser le domaine du PhD. Cette possibilité, en plus de ne pas être répandue en France est même interdite dans certaines entreprises où les titulaires d’un doctorat ne sont pas autorisés à signer « Dr. », car le signifier peut paraître pédant.
Si j’en parle, c’est que cette différence entre l’usage réel et l’usage légal du titre, particulièrement marquée en France, est pour moi le symbole d’une forme de mépris de la société pour ses chercheurs, d’une part,mais aussi d’un certain mépris des chercheurs pour eux-mêmes. Attention à ne pas mal comprendre… Je ne dis pas que « les gens sont cons », je dis juste que notre système de formation fait la part belle à d’autres titres et diplômes comme celui d’ingénieur par exemple (dans le domaine technique) et délaisse la formation doctorale, réputée de moins bon niveau, alors que dans la réalité, il s’agit de deux métiers très différents (donc non comparables), et la formation doctorale française et très reconnue dans le monde. Alors si l’usage du « Dr. » peut être vu comme pédant, il faut reconnaître qu’il dénote une certaine reconnaissance de la formation doctorale. C’est du moins ce que pensent certains chercheurs outre-Rhin, qui font précéder leur nom d’autant de « herr docktor » qu’ils ont de doctorats…
Même si nous autres chercheurs français ne sommes pas particulièrement attachés à l’usage du titre de docteur cet usage se repend de plus en plus pour signifier l’appartenance à la communauté scientifique, mais donc aussi parce que l’usage du titre touche autant au fond qu’à la forme. La formation doctorale Française n’a pas grand-chose à envier à la formation doctorale allemande, américaine ou anglaise, qui attire les meilleurs étudiants.Ainsi pour certains, l’usage d’un titre de docteur est une forme de promotion intrinsèque de cette formation, et c’est pour cela que les allemands en usent et abusent.
Voila… J’ai fait ce que j’ai pu pour vous proposer un petit tour d’horizon de ce qu’est la recherche, de ce qu’est ce métier dans son fonctionnement bien réel et concret, et dans un domaine que je connais assez pour pouvoir en parler sans trop me planter. Ce passage signe aussi la dernière intervention de votre gastéropode hermaphrodite mâle à penchant pervers sur FFR. Je me permets donc une petite parenthèse un peu plus personnelle pour vous dire « au revoir » et qui sait… Peut-être à bientôt. Peut-être pas. Je ne vais pas m’étendre, juste remercier le Mag' de s'être ouvert à tous ceux qui voulaient y participer comme moi, tout en s'adaptant à leur contrainte. C'est une véritable épreuve de force mine de rien. N'arrêtez surtout pas de le lire, Vive le Mag !!
Sauvons les escargots
Mad_
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