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Jedino

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Billets posté(e)s par Jedino

  1. Jedino
    Je rêve de toi, tu rêves de lui.
    Il rêve d'elle, elle découvre l'ennui.
    Pendu du haut de mon bonheur
    J'attends qu'enfin revienne l'heur
    Celle où tu arraches mon cœur
    Et écœure ma douce aigreur
    Je voulais un flingue, j'ai déniché l'oubli
    A en devenir dingue, niant le souci
    Devins ce baltringue, celui dont tu fis fi
    J'ai vu ce bastringue, touché à l'infini
    Perdu sous l'art de ma laideur
    Je goûte aux forces de l'erreur
    Là même qui fait ma torpeur
    Et pousse dans l'heure à l'horreur
    Je rêve de toi, tu rêves de lui.
    Il rêve d'elle, elle finit dans l'étui.
    Note : cela n'a pas le moindre sens!



  2. Jedino
    Personne ne le remarque vraiment mais, au fond, l'invention la plus géniale de l'esprit humain,
    après l'intelligence, reste la chaise. S'asseoir semble peu aux yeux d'un esprit éclairé. Et,
    pourtant, elle est essentielle. L'esprit se repose uniquement sur les fesses. Il ne travaille
    qu'ainsi, en ce lieu où se trouve son instrument fétiche. De bois, de roc ou de paille, elle attend
    patiemment en cet ici. Muse du poète, concentration de l'écolier, repos du travailleur. Qui n'en a
    pas est dépossédé. De lui et de tout.
    Mais la chaise est aussi la torture. L'incapacité à bouger. Le poids du statique. S'asseoir
    longuement est un comportement contre-nature. Je plains ces employés enchainés. Je plains
    également ceux qui ne l'ont jamais été.
    Reste que la chaise n'est pas une chaise. Choisir sa chaise est fondamentale. Il la préfère haute,
    je la préfère basse. Tu la préfères profonde, ils la préfèrent étroites. Plus qu'un objet, elle est le
    reflet de notre personnalité. Notre façon de s'y glisser aussi. L'attitude du médecin n'est pas celle
    de l'employé. Sommes-nous nos chaises ou les chaises sont-elles nous?
    Je vous laisse y répondre. Pour ma part, je suis bien installé. Je me contente d'une chaise à
    l'apparence un peu moderne et pompeusement rouge, même si assez simple dans ses formes.
    Un fauteuil serait sans nul doute plus confortable, mais il ne serait pas assez moi. Trop encombrant.
    Trop bas. Serais-je un tantinet prétentieux, à cette prétention que nous cachons derrière une fausse
    modestie?
  3. Jedino
    Le Philosophe s'en allait rencontrer son ami l'Historien au café du coin. Il croisa un canard qui se dandinait, ce qui l'amusa beaucoup. Une fois arrivé, il salua l'Historien déjà installé à leur table. Quoi de plus normal pour un homme du passé que d'être là avant les autres? Il lui raconta comment, ce matin, il s'était demandé d'où le canard avait tiré cette façon de se déplacer. L'Historien répondit qu'il n'en savait rien. Ceci acheva tout lancement dans un débat, bien que le Philosophe, par nature, songeait encore inconsciemment à ce particularisme qui l'avait étonnement frappé.
    Il fallut la venue du troisième, le Biologiste, pour que l'affaire qui aurait dû les occuper les occupa. Il annonça, non sans fierté, avoir découvert "une nouvelle espèce de canard se déplaçant comme une dinde". Le Philosophe ironisa sur la gaité du Biologiste. Ce dernier ne comprenant pas ce qui l'y poussait, sinon la jalousie, s'assît et décrit avec éloquence l'allure de cette espèce qui, pour peu, aurait semblé divine. L'Historien, quant à lui, s'ennuyait grandement d'un sujet si bas dans une discussion qu'il espérait si haute. Pour lui, le seul endroit où mériterait de se trouver un canard, normal ou non, serait dans son assiette, accompagné par du vin, alors qu'il discutait lui-même Mérovingien et dynastie. Le Biologiste perdit son entrain lorsque le Philosophe, qui l'écoutait d'une oreille, lui expliqua comment, en venant ce matin, il avait croisé un canard tout à fait particulier.
    A partir de là, le Biologiste parlait espèce quand le Philosophe parlait besoin métaphysique et déterminisme. L'Historien, toujours, survolait la pièce assommée par le ridicule de la conversation. L'arrivée de la Sociologue acheva le tout en ajoutant une dose d'imitation comportementale. Heureusement, se dit l'Historien, le Géographe arrivait, ce qui lui donnerait sûrement quelqu'un avec qui discuter. Mais il se trompa. En effet, le Géographe apporta de sa Science en amenant l'hypothèse qu'il pouvait y avoir une cause géographique à un tel comportement, tout comme la vache du Sud n'est pas la vache du Nord.
    L'Historien, exténué, se leva et prit congé de tous ces charlatans. Il se disait au retour qu'il y avait probablement une Histoire qui rendait compte de l'attitude de ce canard et, à ce moment-là même, il rencontra l'objet de toutes les attentions plus tôt. Il s'en approcha et, après avoir d'abord été intéressé, il rît. Il venait de retirer l'épine que portait douloureusement le canard sous sa patte gauche.
  4. Jedino
    T'es content, t'as pas la foi. Encore une fois. Ca t'amuse, c'est ça? Ouai ouai, t'en fais pas. T'as pas l'âme d'un rat, mais pas non plus celle d'un homme droit. Ouai ouai, quelque chose dans ce goût-là. Arrête ça. Délirer, c'est bon pour les chinchillas et les mecs qui marchent en face de chez nous, de chez moi.


    Il se promenait sur un quai. Un coup à gauche, un coup à droite, histoire d'avancer. Il se sentait bien sans même avoir fumé. Normal, il venait de la rencontrer, cette étape qui changerait à jamais le court de sa vie. Personne n'y croit. Rares sont ceux qui y échappent. Curieux, non? Je n'étais pourtant pas seul dans le coin. Deux hommes discutaient amicalement. Un couple se découvrait lentement. Je ne sais depuis combien de temps. Qu'importe, finalement. Enfin, il y avait ce vieillard qui attendait sa nouvelle vie à côté de moi. Peut-être songeait-il au passé. Ou alors, à cette femme qu'il aurait aimé aimer, ou qu'il a aimé, ou qu'il aimera. Ou alors, il ne pense à rien. En tous les cas, il regarde tout comme moi au loin, vers là, vers on ne sait où.


    Pourtant, il ne semble pas avoir vu. Il n'a pas même bougé. Il est au même endroit, dix ans après. La même attitude. La même apparence. La même patience. Plus le temps passe, moins il passe, mais plus on souhaite ne pas le voir passer. Nul n'est éternel, mais quelques uns le paraissent. Quoi que j'ignore si c'est là le travail de mon imagination, de ma mémoire, ou de la réalité. Tout est fait pour que je m'égare entre ce qui est, ce qui n'a été, ce qui aurait pu être, ce qui sera, ce qui aurait dû être, ce qui a été, est et sera à la fois. J'aurais voulu comprendre en fuyant ma vie, et au lieu de ça, j'y retourne avec l'espoir de me perdre complètement. Qui cherche la vérité ne peut que la louper. Elle est pudique, tout le monde le sait.
    Mais comment expliquer ce bleu devenant rouge, ce vide devenu plein, cet océan de sang d'où sort l'Enfer et ses morts? Comment simplement imaginer un instant que ceci a été ce qui a été? Nous vivons dans la réalité. C'est aussi ce que nous méconnaissons le plus. Est-ce que le monde est ce que nous voyons, ce que nous trouvons? Sommes-nous ces êtres? Sommes-nous seulement? Tu y croyais, toi? Moi, je n'avais pas vraiment le choix, tu vois. C'est comme ça.
  5. Jedino
    Elle est là, magnifique et passionnante. J'en patiente d'envie. Paraît qu'une chance, ça se saisit. En tout cas, maintenant, j'y suis.
    - Alors comme ça vous travaillez dans le social, qu'elle me dit.
    Moi je la regarde, un peu nigaud, l'air attendri. Mon dieu, qu'elle est jolie.
    - Je ne sais pas si c'est mal, mais j'y perds ma vie, oui.
    Au fond, ça se voit tellement, qu'elle réfléchit. Je me sens idiot, en étant ici. Je ne mérite tellement pas sa présence, son avis. Puis, je me demande si elle aime les souris.
    - Et vous, donc, vous êtes dans quelle branche?
    - Le marketing.
    - Ah, oui, c'est chouette, ça.
    Je m'en moque tant. Ses mots ne valent pas sa bouche. Son regard ne vaut pas ses yeux. Ou est-ce l'inverse? Je ne sais ce qui me plaît chez elle. Sûrement son innocence et ses manies.
    - Je vous connais à peine, mais je vous aime déjà bien.
    - Ah.
    Quel con. J'aurais dû me taire. C'était évident. Quelle idée! On ne maîtrise que rarement sa bêtise, me direz-vous.
    - Je prendrais bien un autre verre, qu'elle me fait, alors que je suis un peu beaucoup à l'ouest.
    - Oh, oui, bien sûr.
    Je fais la commande au patron. Je l'apprécie, ce mec-là. Un peu trop sérieux, parfois. On ne se refait pas.
    - Et donc, vous disiez être dans les parages pour quelle raison?
    Elle me fixe. Pas comme tout le monde le ferait. Vraiment, il y a un truc. Elle n'a même pas relevé ma connerie. J'aurais presque préféré. Ca me trouble. Ca m'attire, aussi. Je crois qu'elle sait s'y prendre, la môme.
    - Je visite un peu le coin. C'est une belle région.
    - Oui.
    Une secousse. Tout tremble sous mes pieds et dans mes oreilles. Je la vois osciller. Je me réveille. Mon chien venait de me sauter dessus. Sacré bête que ces trucs-là. Appétissant de temps à autre, quoi que pratique quand personne n'est là. Non, rassurez-vous, je le chouchoute, mon doux petit amour. Je ne le promets cependant pas si je venais à devenir fou. Mais, ne l'étant pas, la question ne se pose pas.
    Je me lève. Je n'ai que trop dormi. Sortir me fera du bien. J'enfile ma veste, m'en vais dans la rue. On se sent si différent à peine franchi le seuil de la porte. C'est passer de l'être à l'individu, rien que parce qu'on tend vers une socialisation.
    Rien n'a changé, décidément. Le pavé est toujours aussi laid, les carrefours, aussi carrés, et les gens, aussi absents et pressés. Aller au parc. Là, au moins, on quitte un peu le monde de notre monde. Ca devient compliqué. Faut que j'arrête de rêver apprendre philosopher.
    Bref, j'allais m'asseoir. Sincèrement, c'était en voie de se réaliser. Il a fallu pourtant que je finisse par la croiser. Elle était là. Merde. L'impression de la connaître. Je la connaissais. Elle aussi, si j'en croyais ce que je voyais. Est-ce que je délirais encore?
    - Bonjour, me sort-elle.
    L'insolente. J'avais fini par l'aimer.
  6. Jedino
    Vraiment, parfois, je ne comprends pas. Pourtant, je ne suis pas totalement abruti. Certes, je ne suis pas un génie. C'est la vie. Mais, comment expliquer ceci? Comment saisir cette crainte de simplement demander s'il est possible de s'asseoir? Non, je ne crois pas à l'excuse de la timidité. Moi-même je le suis, et en suis capable. Bon, effectivement, j'ai dévié vers un comportement moins ouvert encore, et cela n'aide pas toujours. Non. Y a-t-il alors une peur constante et pesante, une sorte d'aura qui virevolterait dans l'air en France, amenant à ne pas oser? Je veux bien croire que certaines personnes soient suffisamment inquiétantes pour forcer au doute. Il ne me semble pas être de cette trempe-là. Effectivement, je n'ai pas le sourire jusqu'aux oreilles, tel un idiot se disant qu'il va une fois de plus se fatiguer à tenir un rythme inutilement élevé. Un rythme qu'il a choisi pleinement conscient. Mais je n'ai ni tatouage, ni piercing, ni casquette à l'envers, ni tête de racaille, ni couteau sous la paume de la main. Probable que j'ai une tête de cinglé. J'ai déjà été "emo" parce que dégageant l'impression d'être un suicidaire, alors pourquoi pas. Cela ne me surprendrait qu'à moitié.
    Pire encore : le choc des politesses. Comment en sommes-nous arrivés à étonner quelqu'un qui demande à s'asseoir à côté de quelqu'un? S'imposer par la force est une telle habitude que la légèreté devient curieuse. Ou attise l'indifférence. Je ne suis pas des plus éveillés dans la vie. J'essaie pourtant de répondre, même inaudiblement, lorsqu'on me stimule. A croire que les gens sont morts. Nos corps seraient-ils donc des tombeaux?
    Mais j'exagère probablement la situation. Je généralise, aussi. La sympathie se trouve. Souvent. Qui cherche trouve. Ce n'est pas entièrement faux. Pas entièrement vrai non plus. Il faut vouloir raisonnablement. La démesure ne peut décidément pas s'accorder avec la mesure. Cela reviendrait à faire de David l'ami de Goliath. Doivent-ils réellement finir par se combattre?
    Notre situation conflictuelle amène à une logique factuelle. Nos violences forment l'information et la pensée. Par violence, j'entends autant un coup qu'un mensonge ou une mauvaise intention. Si nous venons à douter d'une personne dont on demande un service qui ne lui coûtera rien alors que la scène se dilue dans une masse importante d'autres personnes, cela tient d'une part, oui, de notre ingratitude profonde, et d'autre part, de notre inaction véritable face à l'inadmissible. Plutôt regarder, oublier et vivre, que se bouger, se confronter, et risquer. Voyez comme vivre sonne faux dans cette phrase. Comment mieux montrer la dégoûtante vérité qui l'anime?
    Je ne dis pas que la vie est haïssable, même s'il m'arrive, plus qu'il ne faudrait, de le penser. Il n'empêche qu'elle nous apprend à être une machine du déni. Evidemment, cela est surtout vrai chez nous, les occidentaux, ces idiots. Je vois tant d'incohérence en nous. Est-ce normal, nous qui devrions être, à nous entendre, dans les hauteurs de l'idéal humain? La montagne est bien basse.
    Le temps passe. J'ai dix neuf ans. A peine quatre ans de mots abandonnés. Trois d'avalés. Et déjà un trop plein. Quoi qu'on ne remplit jamais un néant. Sauf s'il est borné. Tant d'hypocrisie et de velléité. Voilà un texte criant de ne pas être entendu, d'avoir trop été vu. D'être lu. Je ne suis pas celui que je suis.
  7. Jedino
    Devenir, c'est construire celui que l'on sera demain aujourd'hui. L'avenir. Certains fuient le présent en regardant en arrière. Les autres, vers l'avant. Trop rares sont ceux qui se contentent du maintenant. Peut-être qu'il faut être fou pour cela. Peut-être qu'on ne le peut tout simplement pas. Je ne sais pas.
    Si tu veux devenir quelqu'un, tu dois travailler assidument, montrer que tu pourrais être plus qu'un des sept milliards de ton espèce, c'est-à-dire, celui qui les mène. Etre quelqu'un, c'est avoir du pouvoir sur un autre, c'est passer du stade de celui qui est commandé à celui qui commande. Ils ont sûrement raison, ceci dit. Je ne comprends pas assez le monde pour savoir ce qu'il vaut, ce qu'il est. Mais, si je devais m'exprimer, je crois que jamais je n'irais penser qu'être quelqu'un, c'est autre chose qu'être soi.
    Encore faut-il savoir ce que c'est que cela. Ne me le demandez pas, je ne saurais pas vous répondre.
    En tous les cas, je vous conseillerais de remplacer "devenir" par "être". Les plans d'avenir n'ont pas lieu d'exister. Faites-les exister. Donnez-leurs corps. Vous savez bien que le futur n'attend qu'une chose, c'est de pouvoir se montrer, non?
    Voilà pourquoi je dis et sais que je n'ai aucun avenir, mais que j'ai au moins le mérite d'avoir été. Chacun ses petits plaisirs, sa façon de se supporter.
  8. Jedino
    La vie, ça fait des années et des années. Une sacré addition. C'est pas parler de l'âge de la Terre. Puis, là-dedans, tu fous des jours, des heures, des minutes, et toutes sortes de trucs pour apprécier au mieux cette histoire-là. Mais, ce qui met du temps à se construire n'en met qu'un à se détruire. A croire que le propre de la nature est la suppression plutôt que la création. Vision logique des choses : il faut enlever le vieux pour placer du nouveau. Ou alors, le nouveau est le résultat de l'adaptation issue du vieux, ce qui ne change rien.
    Bref, une seconde, c'est chouette, et ça l'est d'autant plus qu'elle se multiplie. Vivre, c'est bien, et longtemps, souvent, c'est encore mieux. Allez dire ça à Marc Aurèle, et vous verrez que c'est pas trop beaucoup ça. Sauf s'il n'a plus le même avis. En deux mille ans, il arrive qu'on évolue. Ceci dit, trop s'attarder, ça peut user aussi : plus t'es là, plus tu supportes les nouveaux qui, en général, sont d'autant plus cons qu'ils sont jeunes. Personne n'a jamais osé raconter que l'évolution, c'était positif, comme mécanisme.
    Enfin voilà, je voulais écrire un poème, au départ, mais je n'ai pas eu l'envie d'y réfléchir. Pas de sujet, pas les mots. Sans parler de ma médiocrité. Il ne faut qu'une seconde pour passer d'un avis à un autre. Le temps de comprendre, en fait. C'est d'ailleurs le temps de réaction nécessaire pour réagir face à une situation quand on conduit, ou même, de façon général. Au fond, une seconde, c'est court. Pourtant, je suis certain qu'il existe des gens pour qui ce simple fragment a été très petit.
    Au final, on peut tout y mettre, et surtout, n'importe quoi. D'ailleurs, maintenant que j'y suis, la philosophie est d'un humour sans fin : le relativisme y est perçu comme le mal absolu. Il n'empêche, quand on songe à Einstein et à la relativité, on a juste la preuve qu'en réalité, on brasse du vent. T'as beau créer un concept magnifique et unique, ce n'est pas plus qu'un délire métaphysique. Bonheur, vérité, âme, corps, infini, temps, etc... Nous aimerions croire en une seule situation universelle et propre à tout le monde, histoire de conclure définitivement l'homogénéité débile de nos pensées. On s'étonne après de devenir à la fois cinglé et idiot.
    Et, franchement, quoi de plus paradoxal pour un prédateur de génie que de s'interdire le droit de tuer? Avouez que, en un sens, de tous les êtres doués de raison que je connaisse, à savoir aucun, nous sommes des plus cons.
  9. Jedino
    Le bonheur est un vieux problème. Depuis tout petit, il y a cet apprentissage des choses les plus simples, des goûts les plus précieux. Pas directement, crûment, mais progressivement. C'est là le but de l'éducation que de préparer au reste d'une vie en l'endroit où nous sommes. Mais, rien n'indique comment parvenir à ce mot, à cet état, qui devrait, à l'entendre, nous mener à un petit monde qui serait idéal pour nous. Est-il plaisir? Possible. C'est souvent ce que nous entendons. Une accumulation longue et importante de plaisirs qui permettent d'embellir notre existence. En cela, il n'est qu'un synonyme de plaisir. Il n'a pas lieu d'être. Est-il une forme de plénitude, d'état de satisfaction supérieur, presque divin, qui amortirait infiniment notre faim? L'idée n'est pas idiote, mais l'idée est irréalisable, impossible. Le bonheur ne serait que spéculation. Et que nous apporte la spéculation? Rien, sinon de nous tromper. Est-il absence de désir? Désirer, c'est amener à prendre plaisir. Et un bonheur sans plaisir me semble difficile à concevoir. D'autant plus qu'arrêter cette machine qui fait, quelque part, notre essence, ce n'est pas comme arrêter le moteur d'une machine. Il nous manque le bouton off.
    Non, je crois qu'à lui courir ainsi derrière, nous ne pouvons que sombrer dans l'erreur. Le bonheur, ce n'est pas ce truc un peu imprécis et tellement désirable qu'il faut attraper à n'importe quel prix. Ce n'est pas non plus celui qu'il faut mépriser. Au fond, il représente tout et rien, à la fois. Il est un vide tellement plein. D'où la bêtise de vouloir s'en abreuvoir, puisqu'il n'y a pas matière à nous satisfaire. Oui, je crois bien que la leçon que ce farceur aimerait nous apprendre, c'est qu'il ne sert à rien de désirer à en souffrir ce dont nous n'avons nullement besoin. Parce que, en quoi consiste-t-il? N'est-il pas une simple idée, un de nos délires abrutis voulant nous faire passer pour des êtres ayant un besoin autre que ceux des animaux? Peut-être en doutez-vous, mais moi, je n'y vois qu'une velléité pour prendre distance avec ce que nous n'assumons pas. Nous avons besoin de manger, boire, et dormir. Soit. Pourquoi faudrait-il davantage, pour être heureux? Evidemment, cela n'est pas plus, cela n'est pas mieux. Mais, partir à la quête de ce qui n'existe pas, cela ne peut résulter que deux choses : la peur d'être ce que nous sommes, à savoir des animaux, ce qui n'a rien de péjoratif, même si nous en doutons parfois, ou la volonté de se détruire, donc de connaître la douleur, et de pouvoir s'en plaindre. Quoi qu'après, je peux comprendre qu'on craigne cela. Il n'est pas facile pour tout le monde de redescendre au niveau où il devrait être. Quand on est au-dessus, quand on a le pouvoir, redevenir commun peut être difficilement supportable. Bref, si vous souhaitez être heureux, le mieux à faire, c'est encore de ne pas y penser. Vous verrez, on s'y laisse prendre avec faiblesse et facilité.
  10. Jedino
    Plus j'y réfléchis, et plus je trouve tout ceci absurde. Les raisonnements logiques, les sciences, les croyances. On y va avec tant d'évidence que cela perd tout son sens. Avec ces instruments en main, tu as le pouvoir de démontrer ce que tu veux. Que la vie, ça n'existe pas. Que l'amour, ça n'existe pas. Que nous, nous n'existons pas. Tu peux détruire ce que la pensée cherche vainement à édifier, parce que la pensée, aussi grande aimerait-elle être, est faible, incroyablement faible. Elle souhaiterait tellement pouvoir se démontrer. Quoi qu'il paraît que ce qui est évident va de soi, et que le prouver par un argumentaire est déjà faire erreur. Une solution de facilité? Peut-être. Il n'empêche, notre volonté d'expliquer tout me paraît être une folie. On m'a appris, ou j'ai lu, je ne sais pas, je ne sais plus, que la pensée divise nécessairement ce qui, par essence, ne l'est pas. Le monde, l'univers, nous, ne sommes que des éléments d'une unité naturelle et universelle. Ce qui est ne s'explique pas. Non parce que cela va de soi, comme les phénoménologues aimeraient le laisser croire, mais parce que nous n'avons pas les moyens raisonnables d'y parvenir.
    Excusez-moi. Je délire. Je ne sais plus ce que je dis, ni ce que je pense.
  11. Jedino
    Penser à quelqu'un c'est un peu faire son mal en désirant un bien, c'est songer à ce que tu pourrais connaître si tu te levais utilement ce matin. Mais, il faut bien l'admettre, ce n'est pas facile de se réveiller et de se dire qu'aujourd'hui, on va être autre chose que rien. Ca demande une certaine réaction à l'inaction. Donc c'est fatiguant. Et, ce qui est fatiguant est chiant. Voilà un principe psychico-physique inéluctable, non?
    Vraiment, réfléchir, c'est un truc génial, dans le fond. Tu as l'impression de refaire le monde alors que tu ne sais pas même faire ta vie. Ca te donne le sentiment de ne pas être un raté quand tu n'es que bon à rien. Oui, j'insiste sur ce terme. Sincèrement, je trouve assez pitoyable ce besoin de se sentir grand et puissant par la pensée qui veut que la pensée est chose immense. Une sorte de compensation de notre petite situation. Non parce qu'en vérité, nous sommes à ce point doués que nous n'arrivons pas même à contrôler le peu que nous ayons. Voilà la grandeur de l'homme.
    Je me sens presque intelligent à écrire ces bêtises. L'impression de dire du sensé donne une telle satisfaction qu'on se rend à peine compte de son côté dérisoire. Je ferais mieux d'être bouffé. Ou ridiculisé. Ou ignoré. Quoi que ça, on sache le faire. Divinement bien, même.
    L'idéal, c'est finalement de finir fini, inutile et brisé. La valeur d'une vie n'apparaît qu'au moment où elle n'en a plus. Effectivement, je suis en train de raconter qu'un suicidaire connaît mieux la vie qu'un idiot heureux. Et, en effet, je ne comprends pas comment on peut en douter. Un type qui s'amuse avec le bonheur est à côté de la plaque, pour moi. Non pas qu'il ait tort d'être égoïste. Il est comme ça. Juste qu'il a tort de ne pas vouloir le partager avec les autres. Oui, je me contredis. Et, oui, c'est logique. Il faut juste le transposer dans deux cerveaux fondamentalement différents. L'un idiot, l'autre très con.
    Ce qui m'embête, c'est que je ne parviens plus à écrire des histoires. Donc, je me répète à côté. Je décris les mêmes idées en changeant les mots. Remarque, ça compense un peu la part importante de blanc sur la page. Remarque aussi, il y a toujours plus de blanc que de noir. Je n'aimerais pas spéculer sur ce que ça peut signifier, mais je dirais que l'écriture a cela d'insignifiant qu'elle ne sait pas même combler à moitié le vide. Le plus drôle, c'est que ce vide, on le demande : il nous fait du bien. Le poids du noir est trop important. Pourtant, le noir, c'est l'absence de couleur. Mon dieu, c'est paradoxal! Je n'ai pas envie de le déchiffrer. Mais apparemment, l'absence nous porte facilement sur le coeur.
    Pour des êtres vides, nous sommes sacrément remplis. Dommage que ce qu'on y met soit tellement vide.
  12. Jedino
    Dans les films, t'as toujours deux méchants : le méchant, qui est méchant, et le gentil, qui est, bah, gentil. Seulement voilà, le gentil est parfois méchant en voulant être gentil. C'est pourquoi il en vient à tuer le méchant alors qu'il est gentil. Et pourtant, malgré ça, il reste le gentil. Pourquoi? Parce que tuer et tuer, ce n'est pas la même chose. Un méchant qui tue, c'est mal. Un gentil qui tue, c'est bien. Autrement dit, les gentils et les méchants ne sont pas égaux face à la mort. Loin de là.
    Cependant, il arrive qu'un film se veut plus complexe. Quelle idée saugrenue que de vouloir faire un film où tu ne comprends plus rien. Il existe différentes sortes de complexités : deux méchants, deux gentils, un méchant gentil, un gentil méchant, voir deux méchants dont un méchant et un gentil, deux gentils dont un méchant et un gentil, etc... Remarquez, les possibilités sont nombreuses. Ce genre de films là, ils sont souvent plus "intellectuels", parce qu'il faut savoir compter jusqu'à deux, plutôt que un. Mais au fond, cela ne change rien : le seul point essentiel est de reconnaître facilement qui sera le méchant, et qui sera le gentil. Rien de plus facile grâce à l'ambiance, à la musique, et au visage généralement sombre, méchant et taré du méchant.
    Bon, c'est mal de caricaturer. En cela, je suis un méchant. Et puis, c'est un peu pareil dans les livres qui se lisent. De ce côté-là, le théâtre innove, puisqu'il y a plutôt les pièces où il faut pleurer, et celles où il faut rire. Elles sont plus rares, celles où on doit s'énerver. Pour une autre raison que le fait que ce soit chiant à mourir, je veux dire.
    N'empêche, depuis, les temps ont changé. Les réalisateurs et écrivains jouent de ces idées biens fixées. Faire passer le méchant pour gentil, et le gentil pour méchant, afin de brouiller les pistes, par exemple. Ou alors, on fait passer les actes de deux méchants pour ceux d'un seul. Du coup, paf! On est super surpris à la fin, et on se dit "ça, c'est une histoire qui déchire".
    Seulement, le ciment est toujours le même. La marque ne change pas, loin de là. Ca fait vendre. Les auteurs et cinéastes s'en foutent pas mal, après. La recette est facile pour gagner des millions : un peu de pleurs, deux ou trois blagues, quelques combats ou altercations violentes, une belle fin qui finit joyeusement bien. Et hop! Dix millions. Minimum. Quoi que le dernier point tend à être moins vrai. Mode oblige.
    Je lance donc un appel pour une collaboration équitable, cela va de soi, pour la réalisation d'une oeuvre cinématographique dont le scénario approcherait le suivant : "Alan, un jeune adolescent ayant une vie banale, rencontre, par le plus grand des hasards, l'homme qui modifiera le court de sa vie à tout jamais. Il se retrouvera rapidement dans le milieu de la drogue et des excès sous l'influence de ce personnage mystérieux, malgré l'inquiétude de ses parents et de sa copine, Alicia..."
    Il est important de tourner ça de façon à garder une part de mystère, donc de suspens. Idéalement, on pourrait ajouter une dose de science-fiction ou de fantastique, très en vogue actuellement. Cela donnerait plutôt : "Alan, un jeune adolescent ayant une vie banale, rencontre, par le plus grands des hasards, l'homme qui modifiera le court de sa vie à tout jamais. En effet, ce personnage singulier est fait de crocs et de poils démesurés, se transformant la nuit en une créature fascinante et dangereuse. Il se retrouvera rapidement emporté dans une course contre le temps pour sauver son nouvel et mystérieux ami, malgré l'inquiétude de ses parents et de sa copine, Alicia..."
    Les ingrédients restent, mais l'histoire se voit modifiée pour s'adapter à un univers tout à fait différent. Ici, notre héros tente désespérément de sauver un être sombre et repoussant, faisant preuve d'un courage sans limite et d'une volonté sans faille.
    Essayer d'enlever l'amour, les conflits, et les supercheries idiotes plus immenses que les villas de milliardaires, et vous aurez les films que personne ne connaît, et qui n'intéresse personne.
    J'ai tourné ça à la raillerie à deux balles, mais il faut admettre que les points communs sont que trop évidents, et qu'ils témoignent largement de nos centres d'intérêts et de notre tendance à devenir des consommateurs, alors que nous devrions être des amateurs. Je trouve ça dommage, et j'ai sûrement tort. Néanmoins, je crois que les choses que l'on juge chiantes seront les choses qui pourront nous enrichir. Ce que nous connaissons et ce que nous apprécions sont deux bastions très prisées pour nous éviter l'ennui et la difficulté. C'est une erreur monumentale.
    D'ailleurs, tout ne devient qu'un morceau d'un morceau d'un ensemble plus grand. Tout, même, et surtout, les formes protestataires, devient une mode exploitée par l'industrie du loisir et du divertissement. En fait, la seule façon qui resterait de contrer ce phénomène, ce serait de prôner l'ennui et la dépression, la souffrance et la misère. S'asseoir religieusement sur une pierre est une belle manière de concevoir ce truc-là. Encore que, je suis persuadé qu'il y a moyen d'exploiter ça aussi. Certains films et livres s'en sont déjà inspirés.
    De plus, les points communs sont loin d'être exhaustifs. Les acteurs moches se font rares. Par exemple. Je crois qu'il y aurait presque une notion de fantasme à glisser là-dessous. Quoi que je ne tiens pas à partir dans un délire.
    Ce texte n'a pas pour ambition de dénoncer. Ce serait m'incruster dans le groupe des pseudo-insurgés contre la société. En réalité, ce texte n'est rien.
    Mais, gardez toujours à l'esprit que même la marginalité tend à se banaliser. Décidément, faire original devient très compliqué.
  13. Jedino
    Parler, c'est plus qu'une envie, c'est presque un besoin, comme dormir et manger. Raconter sa vie. Exposer son avis. A croire que quelqu'un en aura à faire de ce que tu peux bien penser! Arrête de te leurrer. T'apprécies autant une personne pour ce qu'elle est qu'un idiot qui se persuaderait d'être un génie raté. Franchement, tu te croirais, toi, si tu te disais que tu aimais le Soleil pour autre chose que la chaleur qu'il veut bien t'apporter? Foutu intérêt. Quand tu veux aimer, tu ne sais que bouffer.
    Tu as des rêves, tu aimes les conter. Mensonge! Ton esprit est plus vide qu'un frigo de ghetto. T'es rien, tu n'as rien, mis à part le néant dans ton cerveau. Tu n'entends pas comme tout sonne faux? La musique se répète, tu y es habitué. T'as fini sourd, mon pauvre agneau. Peut-être est-ce pour ça que tu n'écoutes pas quand on te cause. Peut-être est-ce la raison qui te pousse à inonder les autres de tes mots qui ne valent pas gros.
    Tais-toi. Voilà.
    Tu as compris. J'espère que cela aura suffit. Tu ne seras jamais guéri. Encore moins sincère dans ta vie. Au fond, ce n'est qu'un jeu. Un jeu pourri, de pions raffermis. Sauf que tu n'aimes pas jouer. Ca t'as déjà assez détruit. Menteur! Tu mériterais l'agonie. Tu as tout, tu ne veux rien. Tu pourrais beaucoup, tu ne fais rien. Pourquoi tu te plains? Pourquoi tu te figes dans ton coin? Laisse tomber ton style, tes idées, et toutes ces conneries : t'es pas plus malheureux qu'un rat d’égout rongeant ta merde à la recherche d'une once de chair encore meurtrie.
    Parce que c'est ce que tu es : un nuisible qu'on supprime. Une vermine qu'on extermine. Alors ferme-là. Ferme-là, maintenant. Démerde-toi. Il serait temps.
    Et pourtant, on parle, sans jamais cesser. Cruelle nécessité d'exprimer sa souffrance pour y plonger l'autre, pour s'y sentir moins seul. On souffre toujours mieux à deux. Lâche. Lâche et égoïste. C'en est très triste.
    T'aimerais, mais tu n'y parviens pas. Pour toi, la douleur ne se tait pas. Arrête ça. Tu ne l'es pas, ce martyr dont on plaint le sort tous les trois pas. Tu n'as rien, sinon un coeur qui ne tient pas. C'est ça ton problème? Contrôler ce que tu n'es pas? Parce que, mec, ceux qui crèvent vraiment à tour de bras, tu ne les entends pas.
    C'en est assez, je le crois. Je n'ai déjà que trop parlé alors que je ne dois pas. Mais s'il fallait retenir quelque chose de ce n'importe quoi, je dirais que, si vous pensez être en droit de faire chier votre ami avec vos ennuis que vous n'avez pas, vous ne valez alors pas mieux que moi.
  14. Jedino
    Je me demande ce que serait une vie sans boire, manger, et dormir. Une vie loin de ces besoins essentiels à notre survie. J'essaie, oui, d'imaginer simplement une vie qui passerait de seize heures à vingt quatre. Une vie sans la moindre pause pour se calmer, s'arrêter, avant de recommencer. Souvent nous aimerions vivre plus longtemps, plus intensément. Mais, sommes-nous vraiment capables de tenir un tel rythme sans jamais sombrer dans l'ennui le plus profond?
    Forcément, je n'en suis pas resté là. Si déjà on fait une bêtise, autant la faire complètement. Parce qu'effectivement, à quoi ressembleraient nos petites existences lorsqu'on supprime les émotions? Pas de joie, pas de tristesse, pas de colère ou de peur, de dégoût ou de surprise. Donc pas d'amour, de haine, de sourires qui font du bien ou qui font du mal, de regrets, de déceptions. Tout ne serait que vide. Un vide libérateur et nostalgique à la fois. Bien que quelqu'un qui n'ait jamais goûté à ces idioties ne viendra pas se plaindre de ne pas les avoir connues. On s'ennuierait donc davantage. Ou plus du tout. L'ennui, ce n'est rien faire, et c'est en souffrir. C'est prendre conscience de son inaction, de son inexistence. Et, je ne vois pas comment nous pourrions être torturé par ce qui nous est impossible de ressentir.
    Ce serait l'idéal. N'avoir qu'à perdre son temps. A connaître, à observer, à rien. Que feriez-vous si vous n'aviez nullement besoin de faire quelque chose? Difficile de concevoir passer sa vie couché sur le sol à regarder miroiter le ciel au gré des saisons. Au fond, nous n'aimons pas nous occuper, nous y sommes contraints. Faibles que nous sommes.
    Alors permettez-moi de bien rire quand on vient me dire qu'on apprécierait avoir plus de temps, voir être immortel. Parce que l'immortalité, en plus d'être long, très long, c'est chiant. Nul ne pourrait la supporter sans perdre ce qui fait son humanité. La vie est plaisante que parce qu'elle se termine rapidement. Le plaisir est le courage de celui qui sait que son heure est comptée. Enlevez-le, et vous verrez le visage de la mort.
    Mais je crois que l'immortalité, si elle n'est pas viable, existe belle et bien. Il suffit pour cela de transporter son coeur et son âme dans une oeuvre qui ne connaît ni la faim, ni la soif. Voilà la fonction de l'art : rendre immortel ce qui ne l'est pas. Pas pour les autres. Pour soi. Nous ne faisons rien pour quelqu'un que nous n'ayons déjà fait pour nous. Ceci est cependant un autre sujet. Ou pas. Qui sait, ce que nous hachons pour mieux l'ingérer est peut-être une unité qu'on ne devrait diviser? Comme un homme et sa liberté.
  15. Jedino
    Avec un billet, tu t'achètes tout ce que tu veux : à manger, à t'occuper, à aimer, à vivre.
    Tu peux aussi le jeter, le brûler, le perdre, le donner.
    Bref, il a de nombreuses fonctionnalités.
    Ce qui est d'autant mieux, c'est que depuis la mondialisation, il a un côté universel permettant d'acheter étranger. Faut dire qu'avant, fallait se cantonner au français. C'était pas gagné.
    Mais soyons sérieux, et racontons ce dont il n'y a rien à raconter :
    Il était une fois une histoire. Nous ne savons ni de quoi, ni de qui. En fait, nous n'en savons rien, sinon qu'elle est. Ce qui, contrairement à ce que l'on peut penser, est déjà pas mal du tout. Nous aimerions connaître ses tenants et ses aboutissants et, pourtant, nous ne pouvons qu'ignorer ce qui la compose. Au fond, cela n'importe pas tant, à nos yeux. Nous ne recherchons pas vraiment une histoire, mais plutôt une situation à la fois particulière et commune. Particulière parce que différente, et commune parce que fondée sur un socle qui fait notre intérêt. La lecture ne tient pas de la raison, mais du sensible. Et ceci, pour tous les genres. Pourquoi? Parce que nous n'adhérons qu'à ce qui, de prêt ou de loin, nous affecte, dans le sens où ce qui ne nous ressemble pas ne nous marque pas. Nous le lirons sans rien en retenir. Voilà pourquoi cette histoire ne comporte pas le moindre intérêt, si ce n'est celle d'exister, sans réellement exister. Elle aura ce don peut-être unique de plaire sans en être capable. Ou alors, elle aura l'effet inverse. Difficile, pour moi, d'en juger. La seule chose que je puisse remarquer, c'est que, même cette histoire, qui n'en est pas une, possède deux finalités hypothétiques, finalités qui tiendront surtout, ici, de ma façon d'assembler les mots et de rassembler les idées. Mais cela passera bien au-delà de celui qui cherche la poésie du vers et la frivolité amoureuse.
    Que puis-je faire face à moi-même? Que puis-je faire face à la vie, et à sa mélodie? Si, comme tout art, elle a de ses qualités qui frappent les esprits les plus égarés, elle ne dépend, malheureusement, ou non, pas de moi. Il ne tient qu'à moi d'apprendre à l'écouter. Mieux que je ne l'écoute déjà. Ou plutôt, l'entende, car je n'ai pas réussi à atteindre cette attention que nécessite cet exercice.
    Mais, qu'elle est cette obstination à vouloir se cultiver?
    Pourquoi tenons-nous tant à posséder des connaissances inutiles?
    Question de concurrence?
    D'avidité?
    A l'heure actuelle, nous le faisons pour des raisons que je considère mauvaises. Le savoir n'est pas une médaille, et il n'est pas un billet. ll n'est que la sublimation d'un esprit se souhaitant davantage éveillé qu'il ne l'est.
    Foutue époque où tout n'est que marchandise. Même les idées.
    Alors, continuons, oui, continuons. Un jour viendra où, de cette fausse raison, nous passerons à la juste déraison. Seule la folie peut sauver ce qui, au demeurant, se meurt de n'être que trop peu vivant. Monstre perfide et affamé d'hommes dépravés.
    Si vous n'y comprenez rien, estimez-vous heureux : lorsqu'on comprend l'incompréhensible, on finit par être soupçonné. De quoi? De ne plus être comme on était. Désuet. Uni. Conditionné.
    Ensemble de termes inutilement raccordés pour simuler un semblant de texte raisonné.
  16. Jedino
    Ce matin, j'ai survolé superficiellement quelques sujets que j'avais mis sur ce forum de ça deux ans, voir presque trois. Il est étonnant comme le recul nous montre une autre image de nous-mêmes en relisant ce qui appartient à notre passé. Comment ne pas m'inquiéter en voyant une faute pareille de conjugaison, ou m'interroger face à cet air naïf et faussement torturé d'avant? Parce que j'en ai écris beaucoup, des sujets inutiles, de ces sujets qui portent des questionnements parfois idiots, parfois enfantins.
    C'est donc, oui, surprenant, et rassurant à la fois, bien que l'ignorer ne me ferait aucun mal, puisque je ne l'aurais pas remarqué. Mais, se dire qu'on avance, qu'on évolue, qu'importe la direction! c'est, oui, un certain soulagement. Je peux me dire au moins que, si ce n'est pas ce que j'ai fait de mieux, forcément, ce n'est pas inutile pour autant. Il n'existe pas pire châtiment qu'un effort vain.
    Plus globalement, je me souviens de ces années de lycée. De cette différence tangible entre mon arrivée et mon départ. Mes centres d'intérêts sont autres. Mon comportement, aussi. Que ce soient de bonnes ou de mauvaises choses, là n'est pas le plus important. Je crois que nous ne sommes pas des êtres statiques, condamnés à errer dans les méandres d'une personnalité.
    Ce matin, oui, je n'ai pas tellement à raconter, ni à décortiquer. Je vous invite seulement à vous demander qui vous êtes, en ce jour, par rapport à celui ou celle que vous étiez hier. Je n'ai pas foi en la notion de destinée. Je crois, en revanche, que nous avons tous un rôle : exister. Pas aux yeux du monde. Simplement à ceux de nos amis, de l'être aimé, ou de quiconque appréciant votre présence. En cela, le bonheur tiendrait d'une banale reconnaissance de l'autre. Banale, mais sincère. Est-ce là une condition contraire à notre nature, comme le soutiendrait quelque peu Hobbes en prétendant que nous sommes faits pour nous dévorer? J'en doute. Les êtres réellement mauvais sont rares, pour ne pas dire, inexistants. J'ai envie de goûter à ce presque optimisme de Rousseau lorsqu'il prétend que l'homme est naturellement bon. Qu'il n'est que dépravé par ce qui l'entoure.
    Quoi qu'il en soit, ne perdez pas de vue l'unique détail essentiel que j'aimerais mettre en avant après avoir cheminé avec ce texte : aimez-vous. Avec pugnacité et honnêteté. Et, pour terminer, savez-vous pourquoi je trouve ces deux mots particulièrement intéressants? La raison est on ne peut plus idiote : dans ce "aimez-vous" que j'ai moi-même du mal à apprivoiser, on y décèle un amour qui doit se porter autant aux autres qu'à notre propre personne.
    C'est ce en quoi je crois. En ce début de matinée, en tout cas.
  17. Jedino
    L'espoir. Je me dis que, oui, c'est une belle chose, d'un côté. De l'autre, c'est de loin l'une des plus terribles. Non qu'au fond elle soit mauvaise. Juste qu'elle n'est rien. Elle s'indiffère de la finalité. Ce que veut l'espoir, c'est faire espérer. Logique, me dirait-on. Et pourtant! Pas du tout. Quand nous espérons, ce n'est certainement pas dans l'optique d'espérer, mais bien de le voir se concrétiser, ou non. Bref, de connaître une réponse qui saura nous libérer de son emprise. C'est là qu'on se rend compte qu'un vaccin serait vachement pratique. Ou, mieux, la suppression de ce désir de réalisation. En revenir au désir pour désirer. Seulement, on ne distance pas comme ça ce monde de causes à effets. Comment un chaînon de l'ensemble pourrait-il se séparer du reste? Par un apprentissage? Un abandon? Un sursaut de soi? Je l'ignore. Mais quelqu'un qui souhaitera y parvenir aura déjà une carte essentielle. Ne dit-on pas que "qui veut peut"? Personnellement, je pense que ce n'est pas le cas. La volonté permet de nombreuses choses. Cela ne la rend pas infaillible et surpuissante. Elle possède ses propres limites. Bien sûr, on pourrait émettre l'hypothèse que le facteur "temps" joue son rôle aussi : un chercheur qui souhaitera comprendre une observation aura peut-être besoin d'une période plus ou moins longue pour l'expliciter. Globalement, la patience semble avoir sa place. C'est un peu l'allié de la volonté. Pour moi, une volonté sans patience n'est que velléité.
    Maintenant, oui, l'espoir. Cela sous-entend être patient. Attendre. Pour peut-être connaître. L'espoir ne serait pas tant lié à la volonté. Il serait surtout tout comme elle. La différence semble évidente : la finalité n'est, dans l'un, qu'un désir dont on ne devrait pas souhaiter la concrétisation, alors que pour l'autre, c'est un acharnement pour que ce désir soit assouvi, réel. Concrètement, cela signifierait qu'espérer pour avoir serait une absurdité. Évidemment, il est possible d'imaginer cette notion "espoir" très différemment. Néanmoins, je pense que lui attribuer une finalité serait le confondre avec le désir, voir la volonté.
    Pourquoi je raconte tout ça? Je ne le sais pas moi-même. Vous l'aurez compris : je ne sais pas grand chose. Je me répète souvent, autant dans les affirmations qu'avec les mots. Probable qu'en cet instant, j'ai espéré, mal espéré. Probable aussi que j'ai cherché, vainement, à me rassurer, à m'en convaincre. L'espoir n'est pas uniquement terrible, il es bien souvent assassin. Parce qu'on l'appréhende mal. Mais, qu'importe! L'essentiel, c'est d'arriver là où on veut aller. De faire ce qu'on a envie de faire. En gros, de vivre sa vie comme on l'entend, en se défonçant au mieux pour avoir ce que l'on veut. Les rêves sont une belle forme d'espoir, et ils sont mortels lorsqu'on les néglige au moment où ils n'auraient pas dû l'être.
    Laissez-vous aller. Vous n'avez que ça. Alors, sachez en profiter.
  18. Jedino
    Je cherche une idée. Curieuse expression, tout de même, ne trouvez-vous pas? Comme si nous devions courir après, ou au moins, tenter de la trouver, cette idée. Comme si elle n'était pas dans notre tête, mais en dehors, à nous fuir et nous provoquer. Le génie d'un homme tiendrait alors simplement de sa capacité à déloger mieux qu'un autre cette je ne sais quoi qui renfermerait de quoi épater ses semblables. Un talent de recherche dont il ne serait pas conscient, et que nous associons volontiers à l'homme. Partant de là, nous ne représenterions plus grand chose, si ce n'est une des chaînes menant à la confection d'une oeuvre, d'un instrument, ou de n'importe quoi d'autre.
    Malheureusement, je n'arrive pas à en dénicher une qui me satisfait suffisamment. Faut dire que, parfois, la volonté manque. Vous remarquerez qu'ici aussi, un fait curieux se cache, puisqu'on considère la volonté un peu comme l'eau d'un vase qui viendrait à s'en aller. Hop! On ajoute, et tout va à nouveau mieux. Puis, je ne parle même pas du caractère taquin des idées. Dès que tu souhaites en avoir une, tu peines, et, au contraire, quand tu préfèrerais t'en séparer, elles affluent toutes d'un seul coup. Moi, personnellement, ça me fait rire. Enfin, parfois.
    Maintenant, quitte à m'arrêter, autant continuer. J'ai déjà écris deux petits paragraphes. Je me demande si j'ai déjà eu tant de difficultés à aligner des mots. Ce matin encore, j'ai échoué deux fois. C'est que, je crois, les idées préfèrent l'obscurité. Peut-être ont-elles besoin de cette noirceur? Ou sont-elles éblouies face à la lumière? Je ne sais pas. Je sais juste qu'elles m'évitent, aujourd'hui. J'ai dû les importuner quelque part. C'est qu'en plus, elles sont capricieuses. Donc, ça n'arrange rien.
    Je crains d'arriver à la fin. Je n'ai plus matière à combler le vide qui s'oppose à moi. Bien qu'au fond, il n'y en ait pas vraiment. Je ne fais que l'imaginer, comme si le fait d'avoir un obstacle m'arrangeait. Peu importe, à présent. Les dernières lignes sont toujours une libération. On se sent tellement mieux par après. A croire que les idées doivent finir déposées sur la matière pour disparaître.
    Vous n'avez pas vu? C'est pourtant évident, ce paradoxe consistant à remuer notre tête et notre corps pour trouver quelque chose dont on veut se séparer par la suite. Tel un désir qui nous déplaît une fois dans nos mains. Encore une curiosité. Décidément!
  19. Jedino
    La guerre. Il faut combattre! Pour ton pays. Pour ta patrie! L'amour. Il faut aimer! Pour ton pays. Pour ta petite vie! La chaîne des nécessités me tarît. Il semblerait que je sois finis, oui. Que mon âme s'échappe par la porte dérobée qui se trouve ici. Ou là? Je ne sais pas. Au fond, ça sert à quoi, d'avancer, de déprimer, de manger, de ces choses qui font chier? A rien. Sauf nous préserver? De quoi? De notre destinée? Remarque, je viens de voir l'analogie entre destin et destination. Jamais trop tard. En tout cas, tant que tout n'est pas terminé. On se demande si ça va continuer, si la mascarade va s'élancer de plus belle demain.
    Moi, j'en ai assez.
    Et pourtant, moi même je ne fais que l'ignorer. Difficile de s'y retrouver, dans ce foutoir des idées. A croire qu'elles sont là pour nous embrouiller. Le pire, c'est quand t'en trouves une, que tu t'y accroches, et que tu parviens à la paumer. Comme si tenir à quelque chose se liait forcément avec son égarement dans la minute qui va arriver. Moi, je les comprends, en fait. Elles sont simplement pressées.
    N'empêche, cela ne signifie rien. Je parle de mon texte, vous savez. Pourtant, tout y est logique, à sa place. Un domino désordonné qui se trouverait en réalité parfaitement ordonné. L'ordre dans le chaos. Ou le chaos dans l'ordre? Le sens ne saurait y changer. Dès à présent, je suis condamné. Pas à l'errance, la folie, ou la mort. Ces détails ne résument que nos belles qualités. Plutôt à me questionner sur le pourquoi du pourquoi. Si tout est déterminé, pourquoi est-ce déterminé? Si tout est hasard, pourquoi est-ce hasardé? On pourrait s'amuser à les multiplier. Ces bêtes-là, ça fait des mômes jusqu'à vous faire étouffer. Et toi, tu crèves au moment où on te répond, très naturellement "Parce que c'est ainsi".
    Tu finis déçu. Tu l'as bien mérité. N'empêche que tu te promets qu'un jour, tu parviendras à les briser, ces vérités qui savent nous dorloter. Tu te promets que tu chercheras, quand tu délaisseras un temps tes priorités, à détruire ce qui ne devrait pas être comme cela est. Ouai, tu te jures que tu les flingueras, ces dieux, ces savoirs, ces vérités. Tu flingueras tout, même la réalité. Parce que t'es déçu. Parce que t'as déconné. Et tu sais quoi? T'aimeras ça. T'as toujours apprécié. Tu l'as dans le sang : bâtir pour mieux déstructurer. Puis, tu te sentiras dans la peau d'un soldat. Tu seras ce soldat.
    Moi, je combattrai ces évidences qui nous ont manipulées. Quand je serai grand. Et moins cinglé.
  20. Jedino
    Il paraît qu'il faut parfois sonder son âme pour comprendre ce qui nous échappe immédiatement, ou simplement pour déceler cette paix qui file rapidement entre les doigts de ceux qui la cherchent fébrilement. Du coup, je me suis dit : "pourquoi pas"? Malheureusement, je me suis heurté à un problème plutôt conséquent : si j'en ai une, où est-elle, déjà, et comment saurais-je que je m'y trouve bien? On a beau se connaître, apparemment, nous n'en restons pas moins des espaces à ce point vastes que nous ignorons où chercher pour parvenir à notre fin. Et puis, je dois m'y prendre comment pour la visualiser, mon âme? M'imaginer tel un bonhomme se promenant au sin de mon corps? Chercher consciencieusement dans ma concentration la clef y menant directement à travers le labyrinthe de mes croyances et de mes pensées? Courir maladivement jusqu'à jouir d'une éventuelle chance? Vous comprenez mon désarroi : je me suis paumé avant même d'avoir commencé mes recherches. C'est pour vous dire.
    Bien logiquement, j'ai abandonné. Trop complexe, trop difficile, trop loin, trop tout, trop rien. Je ne vais pas me mettre à quêter quelque chose dont l'existence ne m'est pas même assuré! Autant me consacrer à la Vérité ou au Bonheur, sinon. J'en serais pas moins idiot. N'empêche, le peu de temps que j'ai passé dans ma caboche m'a suffit à voir à quel point ça y est le bordel. Pour peu je m'aurais cru être à la foire, avec ces marchands voulant à tout prix vendre, vendre, et vendre encore, ces acheteurs prêts à marchander jusqu'au milliardième de centimes, et ces promeneurs innocents et passagers, les plus nombreux, marchant ici surtout pour marcher et ajouter de leur présence quelques grouillements méthodiques à une foule aux chemins chaotiques. Forcément, quand chacun veut aller dans une direction différente, on ne peut pas s'entendre, on ne peut pas se comprendre : borné comme ils sont tous, mieux vaut écraser l'autre en face que se décaler à moitié pour continuer tranquillement. Oui, mes pensées se montrent un tantinet ainsi : folles et provocantes, allant vers le conflit, pour le conflit, et ceci, malgré ma philosophie.
    Naturellement, j'en viens à me questionner sur mon incapacité à maîtriser ma propre essence. Peut-être que la raison pour laquelle mes pensées m'échappent lors de mes tentatives de contrôle est qu'elle ne sont pas miennes? Non qu'elles ne soient pas en moi : cela me semblerait très ardu à démontrer. Juste que si je n'en puis rien faire, c'est que, quelque part, j'en sois la victime, et non le propriétaire. Bien sûr que c'est délirant, comme idée : se croire esclave de soi-même! Vraiment, ce n'est pas raisonnable! Et pourtant! Si ce n'était pas ainsi, je devrais être libre d'en choisir outre le continu, c'est-à-dire l'arrêt "total". Or, mis à part l'influence sur son contenu, je ne peux le mettre en pause.
    Peut-être que la pensée représente la mouvance de notre esprit? Qu'elle sonne comme la dernière arme face à l'ennui? Oui, c'est sûrement cela : elle est programmée pour ne jamais cesser afin de ne jamais souffrir du vide, de l'absence de toutes choses. Elle nous sauve de notre misère.
  21. Jedino
    J'ai rêvé d'une histoire. J'ai rêvé d'un foutoir. J'ai rêvé de n'importe quoi qui pourrait, rien qu'un instant, me tirer du terrifiant désespoir. Mais l'espoir est tel un bolide sur l'autoroute : un véritable danger à qui ose le toucher, et une occupation à qui sait l'observer, et l'apprécier bêtement en le regardant passer au loin. Cela sonne faux. Cela ne satisfait pas comme il faut. Normal. Nous aimons tant croire en une solution, en une sorte de miracle pouvant nous extirper de notre situation misérable. Certains y parviennent, d'ailleurs, ou, dû moins, en sont convaincus. Les autre se tapissent plus ou moins facilement dans une sédentarité des mœurs avec l'idée toujours sous-jacente de n'être rien. Pas un rien relatif, partiel, acceptable, mais absolu et insupportable. En fait, ma vision du monde est tellement martyrisée par ma déception que je n'accorde pas la moindre chance à l'apparente intelligence humaine. Nous possédons de nombreuses terres, et de plus nombreux savoirs encore, et nous ne nous en servons pas, si ce n'est pour nous détruire et nous concurrencer quotidiennement dans je ne sais quel but illusoire et inutile. Nous avons coutumes de penser que les maux terrestres découlent de notre mauvaise organisation et gestion de notre capital immense, de notre folie pure et dure face à l'incapacité de nous maîtriser dans la frustration, et de notre égoïsme universellement connu pour faire des philanthropes des voleurs pervers. Je ne souhaiterais pas remettre en cause cela, d'autant plus que je ne trouve cela que peu exagéré par rapport à la réalité. Mais, il m'arrive souvent de préférer situer le problème à un tout autre niveau : plutôt que de le placer en nous, ou tout comme nous, je le range volontiers du côté de notre profonde velléité. Certes, vous me direz qu'en soi, elle est aussi en nous. Ce qui est vrai. Néanmoins, l'importance réside dans le fait lui-même, et non vraiment dans sa résidence éventuelle : les maux de notre pauvre mère à tous ne découlent pas de notre connerie, mais de notre volonté à ne pas la changer. Bien sûr, la volonté ne fait pas tout, si ce n'est élire des hommes à la tête de millions d'autres, si ce n'est mener des soldats aux fronts pour combattre une volonté venant de l'autre côté, celui des "méchants". Comprenez-vous de quoi je veux parler? Je ne parle pas de vous comme individu unique, différent, et tout ce qui peut exister d'autre pour vous aider à supporter malgré vous votre existence. Loin de là. Je parle simplement, naïvement, bien évidemment, de la volonté générale qui habite non pas l'action d'un homme, mais la réaction d'un groupe. Comment imaginez-vous sauver notre peau autrement qu'en baissant le froc et de voir la réalité en face? La pudeur est à ce titre aussi humaine que ce besoin de se sentir au-dessus, au-delà des lois. Les maladies, la pollution, les abus, les blessures profondes en la chaire de notre terre. Tout cela mènera à notre perte. Au fond, nous qui ne comprenons pas vraiment les actes des suicidaires, nous le sommes tous sans exception, et en puissance.
    Remarquez ma tendance à dénoncer et juger sans agir de mon côté. N'est-ce pas lâche de ma part? Je raconte ce qui se dit déjà partout, ce qui s'entend trop souvent, trop de fois, rendant cela aussi anodin que les élections passionnantes dont nous avons le spectacle, ou les massacres journaliers dans un pays X ou Y. Si ce texte, aussi maladroit, aussi dénué de sens et d'arguments, bref, parfaitement incapable de convaincre quoi que ce soi de changer le temps d'une seconde ses habitudes, vous laisse tout à fait indifférent, je tiens à vous dire, honnêtement, et cela m'arrive rarement, que votre cas est désespéré et désespérant, au moins autant que celui de vos frères et soeurs, proches et éloignés, qui refusent d'évoluer. Je trouve malheureux d'oublier que l'homme, bien que le plus beau, le plus fort, le plus intelligent, le plus méchant, le plus tout, n'est que l'égal de ses cousins, invisibles du haut de nos immeubles monstrueux perdus dans la jungle urbaine.
  22. Jedino
    Voyez-vous, je ne savais pas quoi écrire en tapant le titre du billet. Je réfléchissais à un truc débile dont je pourrais en démontrer toute l'inutilité pendant quelques minutes de votre existence qui, il faut se l'avouer, n'avait et n'a pas besoin de ça. Concrètement, j'en viens à me demander à quel point le plus infime détail, mot, bref, du choix qui nous arrange le moins pour effectuer un développement qui se veut long et potentiellement intéressant, et donc, intelligent. Le point sera ma victime. Et, je vous propose de vous y mettre à votre tour, par la suite, afin de voir à quel point votre imagination est capable de concevoir à partir d'un départ qu'on veut, quelque part, anodin.
    D'abord, les mathématiques. Ne me questionnez pas là dessus, mais je construis le point comme un petit cercle : il partage toutes ses similarités, sauf l'espace "vide en son sein. Et encore. Je pourrais le considérer comme suffisamment minuscule pour ne pas être perçu lorsqu'on se met à en représenter un de la pointe de notre crayon sur une feuille. Le point a un donc une valeur géométrique, dans mon esprit.
    Arrivez ici, je dois ajuster une chose : le but n'est pas d'être dans le juste. Au contraire, seule compte l'association des pensées dans la formation d'une réflexion autour. Ici, par exemple, je ne suis pas certain que les mathématiciens considèrent le point tout comme un cercle (s'il en passe un par là, qu'il confirme ou infirme cette incertitude qui demeure chez moi). Laissez-donc le flot de votre encéphale travailler à votre place dans la tâche qui lui incombe dans mon délire du jour : il saura très bien se débrouiller lui-même, et montrera de toute manière un fond logique indissociable à tout homme quelque peu cartésien qui se respecte, aussi peu l'est-il.
    Après les mathématiques arrivent l'infiniment petit, et l'infiniment grand. Planètes et étoiles sont de "gros points" qui ne sont que points à nos yeux. Si la physique en déforme ma vision, il n'en reste pas moins que le sol même que je foule ressemble à une immense boule devenant un point infime lorsque je m'en éloigne dans l'imaginaire. C'est le même effet, certes inverse, qu'on pourrait éprouver en observant un insecte, une cellule, un atome, etc. Tout est question de dimension dans un monde qui semble fonctionner un peu comme les poupées russes : l'un dans l'autre, l'un forme l'autre.
    Viens ensuite le sable. Ah! Ce doux plaisir chaud en été, et complètement délaissé l'hiver, ou presque : mis à part certains courageux pouvant y courir, y regarder, ou y penser, cette vaste étendue ne connait que l'oubli momentané pour d'autres occupations plus conformes à la saison. Mais, il n'en reste pas moins que ces dépôts permis par les mers et océans sont de minuscules points à notre échelle. Cependant, ne négligeons pas l'importance du sable qui nous apporte un deuxième lien avec le "point" : après la science, vient le loisir, et finalement, la nature. N'est-ce pas un luxe que nous accorde notre sage mère?
    J'admets que là, ce qui se manifestait instinctivement est consommé. Alors, je crois qu'il est temps de plancher plus sérieusement sur la question : un point. J'allais en oublier son rôle syntaxique. N'est-il pas une des bases dont j'use parfaitement le rôle depuis le début afin d'être compris au mieux? N'est-ce pas un moyen d'arranger une lecture par un regard extérieur, de mener une course vers la compréhension? Un point mal placé est somme toute destructeur : sa force suffit à briser un rythme imposé par l'auteur du texte. Un point peut signifier beaucoup de choses dans notre société : la fin d'un accord, la fin d'une histoire, la fin d'une phrase. En fait, tout ce à quoi je pense paraît plutôt pessimiste qu'optimiste. Se pourrait-il que le point soit une arme?
    Vous comprendrez que je pourrais sans nul doute poursuivre longtemps, surtout que je ne me restreins pas une association stricte d la forme généralement associée, puisqu'en jouant avec les points de vue, on peut rendre petit ce qui est grand, et inversement. Néanmoins, j'espère avoir fait passé une idée, que je considère importante à titre personnelle : rien ne se voit de la même façon selon qu'on soit ici, ou là. Avec cela, rien n'est vraiment juste, ni même faux. Tout se transforme, se déforme, sous la bonne volonté d'un jeu esprit. Vous pouvez me reprocher, peut-être, de faire du relativisme. Affirmer le contraire m'est difficile, en ce moment. Mais, méprenez-vous : je ne motive pas une pareille position. Si vous deviez retenir un truc, aussi ridicule que l'est un point, ce serait probablement que vous êtes, vous aussi, le point d'un autre, qu'il soit proche, ou non. Et cette règle est inéluctable.
  23. Jedino
    J'écris sans même savoir pourquoi. Je crois que j'en éprouve simplement le besoin, là. Parfois, il faut savoir délaisser le "pourquoi" pour se contenter de faire selon son envie. Il me semble, en tout cas. Mais, passons. Je vais bien réussir à trouver quelque chose d'inintéressant à raconter.
    Je me demande s'il est possible d'être "addict à l'imaginaire". Certes, le virtuel en est proche. Mais, ce que je chercher à savoir, ici, c'est pourquoi je préfère l'imaginaire et les rêveries à ce petit beau monde réel. J'ai mon idée sur le sujet. Faut dire que j'ai eu tout le temps d'y réfléchir depuis cette "rupture" probablement voulue inconsciemment. Je me rends compte que ce n'est pas ce que je souhaitais exposer, n'ayant pas le souhaiter d'étaler ma minable vie d'enfant gâté et plaintif pour des raisons forcément futiles.
    Je vais plutôt vous raconter une histoire. L'histoire d'un être. J'ignore s'il a existé, mais je n'en doute aucunement. Ma pensée a suffit à lui donner vie, rien qu'à travers ces quelques lignes. Je ne distingue pas sa mine sympathique, et encore moins ce qui, par la suite, me permettra de le reconnaître parmi les autres. Je pourrais cependant m'attarder à le décrire, si je n'étais pas intimement persuadé que ce n'est utile qu'à vous "forcer" à poursuivre en facilitant l'ancrage de votre propre imagination dans les miennes. Vous le voyez? J'en suis certain. La simple indication concernant son sexe devrait pouvoir vous donner une image vague de cet homme.
    Si non, peu importe. Ce détail n'a rien d'essentiel. Vous savez, je me suis déjà lancé dans une réflexion autour de mes personnages. Ce qui est surprenant, si on veut, c'est que je ne m'attarde jamais à décrire ni les figurants, ni les endroits, comme si j'avais le souci de ne pas m'ancrer dans quelque chose d'existant. Comme si je souhaitais ne pas aider le lecteur à trouver son chemin.
    Seulement, il y a mieux, si je puis dire, à extraire de tout ça. D'un point de vue personnel, cela peut avoir son importance, puisque les savoir souvent niais, un tantinet asocial, parfois antipathique, souvent dérangé, ou dû moins, dans le souci de ne pas être commun au moins dans la manière de penser. Bref, se détachant du reste, à la fois las et désintéressé dans un environnement aussi flou que banal.
    De là à faire un lien avec moi, il n'y a qu'un pas. Vous remarquerez peut-être que les "je" diminue avec l'avancement du texte. Cela se lie sans doute avec le décentrement progressif de ma personne pour me focaliser sur autre chose. Voilà donc, en un quart d'heure, le moyen d'écrire sans avoir à écrire. Quelque part, je me sens mieux. De quoi? Je n'en sais rien. Le but n'était pas de connaître mes raisons, mais seulement de m'en défaire, comme on se défait de ce qui nous paraît encombrant.
    Excusez-moi de cette perte de temps que je vous ai infligé, car je sais à quel point il est important d'en profiter, dès maintenant. Profiter de la vie m'a toujours paru très curieux, d'ailleurs, en ce sens où je ne vois pas en quoi l'amusement est une meilleure utilisation de son existence, que l'ennui vécu sur son lit d'une journée sans le moindre éclat levant.
    Je dois être stupide, et d'autant plus à mesure que je me fais cupide.
  24. Jedino
    Deux entités. Deux idées. Deux croyances. Je les accepte, dur comme fer. Pire, elles sont moi. En partie, en tout cas. Mais tout de même. Elles sont beaucoup. Leur mésentente est donc problématique, vraiment problématique. Il faudrait que je les concilie rapidement, proprement, afin de rester sur pied, rester ce que je suis. Certes, c'est contradictoire, de vouloir être ce que je suis, finalement, déjà. Seulement, je me sens comme autre. Pas que mes convictions, mon comportement, mon vécu, et toutes ces choses là, me dérangent ainsi faite. Juste que, parfois, je me dis qu'ailleurs, ça pourrait être mieux. Bien sûr, l'ailleurs, ici, c'est pas si loin, vu que tout se déroule en moi. Seulement, j'ai l'impression d'être une distance immense alors que je ne suis... Qu'un. Comment concevoir une distance alors que le départ et l'arrivée sont confondus? Ne me demandez pas, je l'ignore complètement.
    Du coup, j'en ai rêvé, oui, de devenir ce quelqu'un d'autre. Je n'y ai pas travaillé avec ardeur, je ne vous le cacherai pas. En réalité, je n'y ai même jamais songé. De fait, en quoi m'apporte-t-il d'en parler? Je ne sais pas. Il n'est pas toujours bon de chercher des raisons à ce qui, d'apparence, n'en a pas la moindre. C'est au moins une des leçons que j'ai pu tirer de mon existence, jusqu'ici. Leçon que je ne suis aucunement dans mon quotidien, au passage.
    Bref, effectivement, toute cette histoire n'a pas de sens. Et c'est ce qui me motive à poursuivre, pour tout vous dire. Mais ça, je l'ai déjà dit auparavant. Je pourrais considérer, arrivé là, que le titre, le chemin déjà parcouru à travers ces lignes, ne sont que pure vérité, et donc que je ne fais que transcrire ce que je refuse, d'une certaine façon. C'est peut-être un bien, allez savoir. Moi, je vais me contenter d'encaisser une morale à deux balles, parce qu'il faut bien marquer le coup, et que je dois bien user le temps perdu à écrire au moins trois mots, côte à côte, de potentiellement intelligent. Enfin, si j'en étais capable. Car, oui, je suis dans l'incapacité la plus totale de juger ma réalité, et de vous la recracher comme la réalité. Certes, je l'ai déjà fait, je le referai. C'est le propre de ma vie, de nos vies. Sauf, ici, en cet instant, très bref, très niais, très tout, où je prends la décision ridicule d'omettre ce que j'apprécie tant de faire. Parce que bon, faut se l'avouer, et moi le premier : c'est tellement bon de flinguer les autres de phrase à la con, mi-lucide, mi-vraie, sensées les guider à travers le chaos qui englobe leur vie.
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