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Criterium

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Tout ce qui a été posté par Criterium

  1. Criterium

    Opération DOLMEN. (3)

    Partie 1 – Partie 2 Le monde de la nuit est fascinant. C'est là, sous les lumières colorées des néons et dans les bruits de fête, que se regroupent les citadins. Tous les groupes sociaux sont représentés; parfois dans des lieux différents mais beaucoup plus proches que certains ne le croient — les passerelles y sont étonnantes. Mais d'autres groupes, plus discrets, y ont également leurs habitudes. Qui eut crû que l'on puisse y croiser D∴K∴ ou encore C∴H∴ bien plus facilement qu'il serait attendu d'hommes revêtus de telles fonctions? À côté de ces frères trois-points et de leurs amis politiques, on retrouve des représentants de la pègre plus présentables que leurs associés habituels, des fêtards accros à la nuit, des chômeurs échoués là par hasard, les fils de certains notaires, des jeunes de banlieue, des musiciens vagabonds, des bateleurs de toutes sortes. Il en va ainsi du club oriental "Les Palmes", faisant à la fois bar-restaurant et dancing, placé non loin d'autres établissements tout aussi éclectiquement fréquentés. Dans la cohue, on ne remarque pas toujours que ces groupes ne se mélangent pas forcément tout à fait; seules certaines personnes y sont particulièrement mobiles. Certains de ceux-là sont des aventuriers, des ésotéristes, parfois des petites frappes et parfois des agents. Enfin, la différence est parfois ténue...: de temps en temps, quelqu'un fait partie de chacune de ces catégories à la fois. — Dans un carré au fond de l'établissement, les lumières tamisées colorent la table de tons rougeoyants. Trois jeunes étudiantes y discutent avec un groupe de quatre hommes; il y a là Henri, un associé de M. Renaudin; deux membres d'un certain bureau politique (M. Pont et M. Règne); et un neveu de Mme Zaepffel, dont tout le monde semble savoir qu'il travaille dans le monde de l'art sans que personne ne sache exactement ce qu'il y fait. Derrière les aspects de conversations anodines, parfois enjouées — M. Pont, à son habitude, redouble de séduction avec la plus jeune des étudiantes, une charmante brune à la voix grave — se joue une autre discussion, comme sur un niveau superposé. Allusions à des faits que seuls les avertis reconnaîtront (..."la dernière blague de Tarbache"...), à des personnes qu'il faut avoir rencontré (..."le double-G"...) — langage parfois imagé... Qui saurait par exemple que certains opposants de M. Bismuth l'appellent le "métalleux"? Plus étonnant encore: le surnom de François Hollande n'y est pas "Flamby" mais "Inflexibulus" — et la plupart des gens ne sauront jamais pourquoi. Tout comme l'on ne saura sans doute pas pourquoi le dernier journaliste d'investigation à avoir franchi certaines limites a recueilli une ITT de 3 mois et demi (et le vigile, étonnamment, n'a ni pris 2 mois, ni payé 30000€). Il y a d'autres choses qui sont fascinantes dans ces aventures nocturnes. Oh, nous pourrions parler des petits travers de tout un chacun; sans doute y aurait-il quelques volumes à remplir (et certains y documentent évidemment leurs fiches de bristol) — mais pourquoi se laisser hypnotiser par le vice? D'autres aspects sont beaucoup plus intéressants pour quelqu'un de ma profession. Par exemple, l'on serait susceptible de s'attendre à ce que chaque matin, après la visite du technicien de surface, un autre technicien y fasse une ronde avec un oscilloscope et un détecteur à jonction non-linéaire... Cela se passe bien comme cela dans certains bureaux sensibles, et pas seulement gouvernementaux. Pourtant, aucune de ces mesures d'OPSEC. Ce qui n'aurait de toute façon pas vraiment marché dans cet endroit, étant donné qu'un esprit bien-intentionné avait coulé des diodes dans le béton... J'aurais bien aimé savoir qui avait eu cette idée: un maître du chantier, ou une visite nocturne à l'improviste pour améliorer les agrégats? La fondation du bâtiment remonte à 1976... Parmi le fonds Tarbache, un document très intéressant à propos des "Palmes": – dans un tableau compliqué, une liste de fréquences et de descriptions à demi-chiffrées pour en déterminer la localisation GPS et visuelle. Quelques composants passifs ont dû être plantés çà et là par l'une des officines politiques, sans qu'il ne soit bien clair de laquelle il s'agisse. J'avais des soupçons sur la droite de la droite; mais nous sommes au XXIe siècle et les notions de gauche et de droite n'ont jamais semblé aussi arbitraires. À ce point-ci, n'importe qui aurait pu faire le coup, et il n'y avait pas forcément de lien avec ceux qui avaient "préparé" le bâtiment il y a quarante ans. J'écoute la radio dans une Passat CC noire, garée devant le "Tashi Delek", un salon de thé où l'on fume aussi le narguilé, fréquenté par les étudiants. Nous ne sommes qu'à 200 mètres des "Palmes". Tout à l'heure, j'y ai siroté un cocktail et eu une plaisante conversation avec une noctambule. Elle devait avoir la quarantaine, le caractère toujours enclin à la fête; elle voulait que je lui paye un verre. C'était avec plaisir — dans ma poche, un émetteur 'excitait' l'un de ces dispositifs passifs, sur une fréquence bien précise, démodulait le retour et transmettait directement l'audio sur un minuscule dictaphone. C'était que je ne voulais pas perdre l'occasion de moi aussi recevoir quelques nouvelles des discussions à niveaux multiples qu'avaient M. Pont, M. Règne, mon nouvel ami Henri, et le mystérieux neveu Z. – J'étais ressorti avec un flirt (elle avait insisté pour que je l'appelle dans la soirée) et à peu près 55 minutes de musique à ré-écouter. Je regardais d'un œil distrait les va-et-vient des fumeurs devant le salon de thé, pendant que le dictaphone USB me rejouait la conversation. À vrai-dire, la majorité de ces nouvelles n'étaient pas franchement fascinantes. Ce n'est pas tous les jours que des allusions particulièrement intéressantes adviennent. Toutefois, au vu de l'activité du cabinet du métalleux — l'épisode de la 404 me restait vif en mémoire — je ne pouvais pas imaginer qu'il n'y eut des échos chez les concurrents. — "Oui, et je connaissais un gars... chez la Cégépem, qui..." — "Est-ce que tu as vu là-bas? On dirait que N. revoit son vieil associé!" — "...il revenait voir le directeur et lui a dit comme ça: fais chier, c'est le tour de..." — "La vodka à la fraise, c'est dégueulasse". — "...et là Nicolas vient me voir et me dit: tu te rends compte, ça..." — "Je suis d'accord. Tiens? Tu sais qui c'est?" — "...hahaha!" (éclats de rire) — "M. m'a donné un joli cadeau..." ...M.! Le contexte était tout à fait clair: il avait joué double-jeu. J'aurais dû m'en apercevoir plus tôt. J'avais bien envie d'aller, moi aussi, fumer le narguilé pour re-considérer l'affaire sous plusieurs angles dans le calme. M... Je ne me serais pourtant pas douté qu'il travaillait (indirectement) pour Manuel Valls.
  2. Criterium

    À la Brume.

    La campagne est couverte d'une chape de brume; on ne discerne pas grand-chose aux alentours des bâtiments de l'ancienne ferme. Le soleil vient de se lever, mais le jour s'annonce nuageux. Là-bas, d'habitude on voit les collines; aujourd'hui le brouillard les cachera sans doute pour la majeure partie de la journée. L'air est humide. Partout sur l'herbe, d'innombrables gouttes de rosée. À côté de l'une des structures, la grande voiture noire est, elle aussi, recouverte de gouttes; le pare-brise tout embué. Peu de lumière traverse le ciel nuageux. Le silence. Seules, parfois, des bourrasques balaient les plaines — l'on peut les suivre du regard au fur et à mesure que s'inclinent les hautes herbes et arbustes, jusqu'au gris de la brume. Un grincement. Une porte s'ouvre; un homme pousse le panneau extérieur qui, mal huilé, émet une sorte de couinement. Deux pas et, une fois dehors, il s'arrête, hume l'air frais et humide, l'odeur de la terre mouillée. Cet homme n'a pas l'apparence d'un fermier au premier abord, si ce n'est sa silhouette plutôt trapue. Son crâne est entièrement rasé; il porte une longue barbe brune. Une veste en jeans, couverte de logos difficiles à déchiffrer, cache le motif du tee-shirt noir en dessous. L'homme porte un treillis militaire, et de lourdes bottes pleines de rosée et de boue. Est-ce l'heure si matinale? Est-ce une nuit de beuverie? Ses yeux sont encore torves et confus. On sent qu'il a fallu une énergie, une volonté pour qu'il se force à se lever. — Petit à petit, l'air frais qui le fouette semble lui faire retrouver ses esprits, et alors il se dirige d'un pas plus ferme vers l'un des autres bâtiments. Celui-là est une sorte de petit abri en tôle; en faisant coulisser un panneau de ferraille, l'on discerne ce qui fut la première porte, maintenant un morceau de bois vermoulu. Autant l'homme a déployé un effort pour déplacer le premier panneau, autant il pousse le bois pourri plus doucement, sans doute pour éviter qu'il ne se détache et tombe sur le sol. Celui-ci, couvert de foin, ressemble à une large dalle de béton. Ici l'air est plus sec. C'est un bric-à-brac indescriptible; de vieux outils de ferme côtoient des rangées de pelles, de râteaux, de faux. Des boîtes en plastiques sont remplies de gros écrous, de vis de toutes tailles, de morceaux de ferraille, de pièces détachées de véhicules; il y a également une large bobine de câbles de métal. Dans un coin, une grosse pile de bois. C'est cela que l'homme vient chercher: quelques morceaux et une grosse hache. Une petite surface est aménagée à proximité, avec un billot d'aspect rustique, à la surface abîmée. Il dispose une bûche, reprend son souffle, élève bien haut la hache... et la laisse retomber avec force, fendant le bois violemment. Quelques autres coups, et bientôt il dispose d'un petit tas prêt à brûler. C'était la corvée matinale — le matériau plein les bras, il ressort, claque le panneau de l'abri d'un violent coup de pied, et retourne vers la bâtisse centrale. Au-dehors, le brouillard est toujours aussi épais. L'homme râle, les quelques panneaux solaires du toit ne marcheront pas bien aujourd'hui. D'un autre coup, il ouvre la porte, retour au logis. Au-delà d'un petit hall, une grande pièce basse de plafond; les poutres apparentes sont fort anciennes. Là, au fond, une grande cheminée. Il ne fait pas encore si froid dans la pièce; elle est pleine d'objets et de meubles, de vieux tapis sont pendus sur les murs... tout ce capharnaüm permet sans doute une bonne isolation. Dans un coin de la pièce, un bureau à commode; dans un autre, un grand buffet deux-corps. D'autres meubles ont, eux aussi, l'air d'avoir été abandonnés par un vieux propriétaire au XIXe ou au XVIIIe et laissés là à pourrir. L'homme jette le bois à côté de l'âtre, y dispose quelques morceaux et commence à préparer un feu. — — L'air toujours bougon, l'homme est maintenant assis sur le vieux canapé, qui a été recouvert d'un tapis aux motifs orientaux - lui-même assorti au tapis affixé au mur juste derrière -, et épluche machinalement des patates avec un couteau de chasse. Lorsqu'il en finit une, il se sert quelques noix d'un petit bol bleu, et recommence à œuvrer sur une nouvelle patate. Il fredonne. Le feu crépite et remplit la pièce d'une belle odeur boisée. Un espace dans l'âtre a été aménagé pour y fixer une grille, sur laquelle il a posé une petite marmite pleine d'eau. Enfin, estimant la quantité suffisante, l'homme s'arrête. L'eau bout. — Avec une louche, il en transvase un peu dans une tasse, puis jette les patates dans la marmite. À côté de la table-basse, un autre tas de légumes attend le moment de les rejoindre. Il y a des carottes, des navets, une branche de fenouil... et puis quelques herbes aromatiques récoltées dans la plaine. Dans la pièce d'à côté, un jarret de porc, couvert de sel, est pendu au plafond, à l'ancienne manière. Celui-ci aussi rejoint la marmite. Quelques instants, l'homme surveille les bulles à la surface de l'eau. Le pot-au-feu va cuire pendant plusieurs heures. Se levant d'un coup, l'homme fait quelques pas sans hésiter vers l'un des meubles anciens, ouvre l'un des tiroirs. Le vieux bois contraste avec la blancheur du papier qui s'y trouve. Il y a des feuilles, des enveloppes vierges; quelques timbres, quelques trombones; et quelques lettres reçues. Il se saisit de celle en haut de la pile. Son nom et son adresse y sont écrits avec les grandes lettres d'une calligraphie féminine. Se rasseyant, l'homme en sort la lettre soigneusement pliée, et la relit une nouvelle fois. Le thé est prêt; il pose les lèvres sur la tasse, les yeux ne quittant pas la lettre. Elle n'est pas si longue; il n'y a qu'une seule page, recto comme verso couverte de la même écriture de femme. Les majuscules sont grandes, enjolivées comme en calligraphie; les lignes très régulières, penchent légèrement à droite. Çà et là, quelques runes sont dessinées. — Ce sont quelques nouvelles, quelques anecdotes enjouées, et des pistes de réflexion; et vers la fin, il est mention d'une visite proche, le 22 octobre. Le feu dans la cheminée réchauffe désormais toute la pièce. Aux effluves du bois se sont mêlés d'appétissantes odeurs. Il n'y a pas d'horloge dans la pièce; c'est d'habitude simplement à la position du soleil que l'homme se repère dans le temps. En revanche, sur un mur, un calendrier — en fait une feuille de papier sur laquelle ont été dessinés les petits carrés représentants les jours et les semaines — indique la date: Oct., 22. — — F. va bientôt passer.
  3. Criterium

    Migrants à Calais

    Migrant = immigré illégal = illégal. S'il n'y avait que des gentilles familles syriennes, nous n'aurions pour la plupart aucun problème à les accueillir. La Syrie est un beau pays et les syriens en majorité des personnes avec un bon fond. — En pratique, nous avons d'autres migrants et c'est ceux-là qui causent le plus de problèmes (comme à Cologne). Demande à des jeunes filles de se promener pas loin de leurs centres, et tu verras si ça se passe bien, et si ça passera dans les statistiques. Ce phénomène touche même des villes peu affectées par ces migrations, comme Helsinki. Et c'est pour cela que de nouvelles 'milices' y ont été créées; évidemment, ici, les bien-pensants ont complètement ignoré les causes et se sont mis à pousser de grands cris d'orfraie. En France, on cache. Évidemment pour les faits qui te dérangent, il te faudra une étude certifiée par l'État (qui viendra une fois que la maison sera en feu), là où tu te placerais comme le grand défenseur de la tolérance à chaque faits divers allant dans ton sens.
  4. Criterium

    Migrants à Calais

    Le rapport: la propension pour certaines populations allogènes à systématiquement recourir au viol. Ce qui se voit à Cologne, ou à Malmö, ou à Calais, et qui ira en empirant lorsque la population de ce camp sera repositionnée dans diverses villes et villages. Les parents de jeunes filles vont vite comprendre. Quant aux mineurs de Calais rejoignant l'Angleterre, ceux ayant une famille seront, je l'espère, sauvés; les autres se retrouveront peut-être dans l'un de ces réseaux de prostitution pédocriminelle dont ces mêmes populations raffolent.
  5. Criterium

    Migrants à Calais

    Frunobulax le cynique. On dégaine des chiffres sans les accepter s'ils ne vont pas dans le bon sens (*) et on exige des cas un par un de ses adversaires. Bâillonnez donc les opposants, ça ira plus vite! (*) par exemple sur ce vieux sondage prouvant l'existence du racisme anti-français (anti-français et non pas anti-blanc!) et auquel vous n'avez toujours pas pu répondre.
  6. Criterium

    Migrants à Calais

    Si les personnes du camp de migrants de Calais étaient toutes de bonne foi, ils ne se comporteraient pas comme ils le font. Ils ont beaucoup de chance d'arriver à cet endroit et à cette époque; car en d'autres lieux ou en d'autres temps, il aurait fallu bien moins de ces 'incivilités' de 'sauvageons' pour que le camp soit démantelé d'une toute autre façon... Le terme-même de "migrants" est une illustration de la bien-pensance. Ce sont des immigrés illégaux. Certains ne seraient que de passage, tout du moins en théorie: voulant rejoindre l'UK. Celle-ci, évidemment, refuse. Il y aurait sans doute moins de problèmes à Calais si les frontières avec l'Angleterre étaient ouvertes, il ne faudrait pas croire pour autant qu'une fois là-bas, ces illégaux n'auraient pas causés de problèmes. Et c'est bien pour cela que l'UK refuse, elle qui s'aperçoit que l'Europe voudrait lui imposer des peuplades importées et barbares. Vos prédictions pour demain? Est-ce que les migrants répartis dans les petits villages vont y rester et y continuer leur barbarisme? Est-ce qu'ils vont re-migrer petit à petit vers Calais, laissant des traces sur leur passage? Combien d'agressions et de viols seront cachés, parce que commis par des gentils migrants?
  7. Criterium

    "Je est un autre "

    Gurdjieff y voyait l'illustration du fait que nous ne soyons pas un unique Je, mais une multitude de Je qui co-habitent et co-existent sans s'apercevoir de cette présence d'autres Je. Ainsi un "Je" fait la vaisselle et se promet qu'il fera la lessive demain; en attendant, un autre "Je" rêvasse, et le lendemain c'est encore un autre "Je", qui lui n'a pas du tout envie de faire cette lessive, qui prend le contrôle, etc. Comme aucun des "Je" ne se souvient de lui-même, chacun est ponctuel, insignifiant, manipulé par des envies et besoins inconscients. — Parfois, lorsque l'on se retrouve comme malgré soi à prendre une très mauvaise décision, l'on s'aperçoit un bref instant qu'un autre "Je" était aux commandes: que "Je est un Autre". (D'un certain côté on pourrait faire aussi le rapprochement avec Hume, le fait que chaque instant de conscience en précède un autre mais qu'il n'y a pas de continuité entre les deux: à chaque instant, un "Je" qui n'existera plus jamais passe la balle à un autre de ces "Je" éphémères) Enfin... je préfère la manière dont Dompteur de mots, fidèle à son pseudonyme, en parle. :)
  8. Ah mais je suis bien d'accord. C'est bien pour cela que ça fait rire de voir quelqu'un snober Paulo Coelho ou Fred Vargas et insister sur le fait que lui/elle, préfère de loin les Mystères de Paris d'Eugène Sue. Sans se douter...
  9. Tout à fait d'accord. Et puis, la basse littérature d'une époque peut acquérir ses lettres de noblesse avec le temps. On l'a vu avec le fantastique (Kafka), on l'a vu avec le roman-feuilleton (Dumas, Eugène Sue), et tant d'autres. Pour mes dernières lectures... je viens de finir le livre-témoignage d'Ouspensky sur Gurdjieff et son système (In Search of the Miraculous). Ce sont les montagnes russes: il y a des parties superbes et profondes, et d'autres qui sont du délire; dans l'ensemble on sent le côté bien bateleur de G. — J'ai également lu Les Dossiers X: ce que la Belgique ne devait pas savoir sur l'affaire Dutroux. Fascinant et inquiétant. C'est tout simplement incroyable que l'enquête se soit refermée. Je commence Der Wehrwolf de Hermann Löns.
  10. Criterium

    Tu(eries).

    Tu griffonnais dans ton coin pendant des heures. La soirée passait comme ça; le soleil avait déjà disparu, on voyait les lueurs orangées des lampadaires au-dehors. Les minutes s'étendaient, je les entendais qui craquent, comme le vieux bois de la maison. Tu ne me regardais pas... Tes yeux étaient rivés sur les lignes pressées les unes contre les autres, illisibles, des mots barrés; cryptiques, codés, dont l'on ne devinait que quelques lettres. Tu y mettais des expériences dans des petites cases, des jeux solitaires... Tu écrivais avec mon sang. Chaque vers, une déchirure — chaque veine, une éraflure. De longues journées de printemps à regarder la pluie par la fenêtre, au loin, repensant à la petite fille qui avait voulu se suicider dans les champs... Le vieux château en ruine avait encore de profondes douves. Tu avais toi aussi entendu parler des grandes pierres, cachées dans les sous-bois, sur lesquelles il fallait poser l'oreille à des heures choisies – pour y entendre chanter des cloches infernales... Tu riais et c'était le rire du diable. Pour un sourire je te donnais un bouquet de fleurs, pour un rire un bouquet de larmes. Tes mots étaient étonnants, imprévus. Tes gestes prévenants à des heures malvenues. Et puis dans la Nuit nous épions les hiboux. Complices un instant, et c'étaient les délices...; jusqu'à ce que les minutes ne s'étendent à nouveau sous les néons fatigués. Tu gribouillais. Même l'odeur du feu de bois ne parvenait plus à te troubler, lorsque tu aspirais les réelles volutes. Moi je partais au Brocken, toi tu ne rêvais déjà plus. — Où es-tu? Je te vois assis dans un large fauteuil de cuir, trois objets sur le bureau: un coupe-papier très long, très tranchant; un tas de feuilles volantes, à l'écriture très serrée, maladive; et un large flacon rempli du breuvage. Te croyant des Esseintes, comme lui seul et ancien — écho acéré, Monsieur le Rémouleur; - Tu étais le Vampire.
  11. Criterium

    Mélanges.

    Nous étions assises à la terrasse, sous un large parasol. Il nous abritait du soleil; une sorte de haie fleurie nous abritait des passants. La journée était véritablement belle; au point que de multiples surfaces, reflétant les rayons, nous auraient aveuglées si nous ne portions pas toutes deux de grandes lunettes noires. Nous sirotions de grands verres de jus de fruits. De temps en temps l'homme de la table d'à côté nous observait, ne se doutant pas que je pouvais aisément m'en apercevoir, derrière mes lunettes. Il devait nous voir plongées dans une conversation intense. Nous parlions. — Parlions-nous? J'avais surtout l'impression que c'était Kate - en face de moi - qui monologuait. Cela faisait un moment que mon rôle de conversation était de ponctuer certaines phrases avec choix: expression de visage bien choisie, mouvoir les joues comme-ci, les sourcils comme-ça, les yeux... Ne pas oublier les yeux! Et ci, et ça. Et puis un mot. Il faut y mettre le ton adéquat. Je peux amorcer des sourires mais il m'est difficile de rire, alors j'esquisse des mouvements de lèvres en espérant que le masque convienne — et que je n'aie pas l'air d'une cruche. Cela fait longtemps que je n'écoute plus les mots de Kate. Il paraît qu'une zone du cerveau stocke les mémoires d'actions automatiques. Je dois y puiser abondamment. En revanche, j'observe avec soin les traits de son visage. Chaque mouvement, chaque action... ses lèvres bougent et je me concentre si bien que je n'entends plus aucun son. Pourtant, est-ce que je ne l'écoute plus? Je lis chaque ligne dans ses yeux comme dans un livre ouvert. Page après page. Je lis en elle et je lui porte grande attention. C'est qu'avec elle, comme avec beaucoup de monde, mais elle plus particulièrement, il faut savoir une chose: — aucun mot de ce qu'elle dit ne compte. Ils ne sont que les manifestations d'un état d'esprit temporaire, si temporaire que l'image me vient d'un sable très fin qui s'écoulerait tranquillement une fois attrapé et tenu dans le poing... glissant entre chaque doigt comme un liquide. Ainsi, chacun de ses mots glisse, et ne signifie rien. — Elle agira autrement. Certains disaient d'elle qu'elle agissait "à sa guise". Mais ce n'était pas vrai. Ceux-là commettaient l'erreur de l'écouter; de l'écouter à travers ses mots, et non pas à travers ses actes. Si l'on oubliait chaque phrase et observait chaque acte, tout semblerait à nouveau logique — toutefois ce serait une toute autre personne qui ainsi apparaîtrait! C'est que, parfois, nos mots et nos actes divergent tant... Que l'on en est deux personnes différentes. — Est-ce que vous comprenez? Ce n'est pas une manière de parler, une image, une métaphore. Beaucoup de choses acquièrent soudain plus de sens lorsque l'on admet la réalité matérielle de deux personnes cohabitant dans le même corps, et n'ayant accès qu'à certaines de ses capacités, au point que chacune soit presque inconsciente du pouvoir de l'autre. Leur manifestation, toute pleine de contradictions, jusqu'à devenir cette "Kate", évoquait cette sorte de dysharmonie qui caractérise certains couples. En fait, elle n'existait pas. Il y avait le premier alter, qui parlait et parlait, dans une certaine mesure contrôlait certaines actions simples, et un second qui apparaissait derrière d'autres actions, parfois impulsives et parfois très réfléchies. Ce mélange ne sautait aux yeux que lorsque l'on y prêtait expressément attention, comme je le faisais depuis notre première rencontre; mais alors, j'avais l'impression qu'elle n'existait pas, et que la fille que j'avais en face de moi n'était qu'une machine. — Le voisin nous observe, sans doute nous écoute-t-il de temps en temps, se demandant si le moment idéal surviendrait, une transition ou une pause, pour qu'il se présente et joigne la conversation. Chasseur de kairos... J'épiais sur les traits de Kate la survenue de quelque nouvelle expression, de quelque geste inédit. Si je ne pouvais pas dire que je buvais ses paroles, je buvais ses masques. Et j'avais besoin de l'une comme de l'autre Kate. Pour des raisons bien différentes. Machinalement, je triturais l'une de mes mèches. Parfois je me demandais si je n'étais pas, moi aussi, une machine. (Peut-on redescendre si facilement dans la 'uncanny valley'?) Malheureusement, il n'y avait pas beaucoup de personnes auxquelles je pouvais poser la question. Les gens utilisent les mêmes mots mais pas les mêmes sens. Et si je commençais à expliquer tout cela à quelqu'un, je ne sais pas s'il chercherait à comprendre, ou à y couper court en proposant une solution — qu'avais-je besoin de ça? — ...s'il ne me dirait pas carrément que j'étais une fille particulièrement calculatrice. — "Mesdemoiselles, vous avez du feu?" Il avait bondi sur l'instant propice: une pause, Kate posant sur la table son briquet, un petit paquet de tabac, et commençant à préparer une roulée. Elle acquiesça, l'air neutre; quant à moi, je me demandais encore si l'interruption était bienvenue ou pas. Parfois, vous avez l'impression qu'en fait, tout va dépendre de sa première phrase... ... — "Vous travaillez pour les services secrets?", pointant nos lunettes. Je ne sais plus pourquoi, mais ça m'a fait beaucoup rire.
  12. Criterium

    Opération DOLMEN. (2)

    Partie 1 — Je me réveille en sursaut. L'horloge indique, en grandes lettres vertes dans la nuit: 4 heures. Silence complet. Pourtant, dans l'air flotte ce quelque chose, indéfinissable, qui instinctivement évoque une menace. Une épée de Damoclès; une forme que l'on ne percevrait qu'aux extrêmes rebords de la vision, plus devinée que perçue. Je connais déjà cette sensation, la poussée d'adrénaline qui l'accompagne — il faut agir vite. Je me lève aussitôt, me vêts le plus rapidement possible. Deux voies de sortie: la porte de la chambre d'hôtel, ou la fenêtre. Je colle mon oreille à la porte; le silence... et pourtant, je sens que la menace vient de là, et s'approche. Ce sera la fenêtre. — Quatrième étage. L'air frais me saisit le visage. Les balcons sont trop éloignés d'une chambre à l'autre; seul un intrépide athlète négocierait le saut pour aller à la 403 ou à la 405. — En revanche la balustrade semble robuste... Aucune hésitation: je passe de l'autre côté, négocie fermement la descente jusqu'à ce que mes mains ne s'agrippent qu'au rebord... Dans le vide, mes jambes pendent et cherchent dans la pénombre la petite surface du balcon inférieur. Un petit mouvement de bascule... Je saute! — Aussi vite que possible, je répète l'opération jusqu'au premier étage. En contre-bas, il y a une petite surface de verdure; le dernier saut sera un peu plus périlleux, mais il est possible. Il n'y a plus le temps d'hésiter. — Ça y est. En bas, je balaie du regard l'avenue; rien à signaler, il n'y a personne; toutes les fenêtres de chaque côté de la rue sont sombres et muettes. L'issue la plus proche est une rue connexe, de l'autre côté. Je m'y rue. — Au moment où je jette un dernier regard en arrière juste avant que je ne disparaisse, là-haut, la fenêtre de la 404 soudainement s'éclaire. Ils sont là! — Soit M. m'a trahi et a révélé mon point de chute, soit les hommes de Paul Bismuth ont été plus "informés" que ce que je supposais. Quelques intersections plus loin, j'arrive à un quartier festif. Le long de la rue du Commerce, l'on trouve cinq kebabs de suite. Orcan, qui ouvre jusqu'à 6 heures du matin (réouverture à 8 heures), va encore me raconter son histoire favorite : il s'agirait d'une conspiration du maire, qui n'accepterait d'accueillir des kebabs qu'ici, afin qu'ils soient forcés à se faire concurrence. Je sais par ailleurs que c'est vrai (des mails du chef de cabinet le prouvent); ça ne les empêche pas pour autant de s'arranger entre eux pour blanchir quelques euros. — "Salade, tomate, oignon?" — Lorsque l'adrénaline retombe, j'ai remarqué deux choses: pendant encore un certain temps, les gens autour le "sentent" instinctivement. Et par ailleurs, une faim soudaine. À une table que l'on ne voit pas depuis la devanture, je dévore le petit déjeuner de ce qui sera un jour long. €€€ En 2009, un certain Monsieur Pratico contacte le service gestion de la PETEK et s'enquiert au sujet de certains mouvements de fonds. Un par un les dominos alors tombent — certains mails, habilement contrefaits et allant jusqu'à ré-utiliser des éléments de langage propres à la société-mère, ne laissent plus de doute; quelqu'un s'est fait passer pour le DG et a manœuvré des investissements non-autorisés, vers l'étranger. Cette personne — ou ces personnes — ont manifestement étudié le coup avec soin. On commence par vérifier les statuts, récupérer le K-bis au Registre; puis il faut étudier chaque procès-verbal d'assemblée générale, pister sur les réseaux sociaux professionnels les noms, coordonnées et fonctions de chaque partie de l'organigramme. Parfois, il est incroyablement facile de compléter l'étude en flânant dans les environs: dans nos villes denses, le réseau wifi d'une entreprise est parfois convenablement accessible depuis le café de la place. Or, la sécurité informatique des entreprises étant souvent reléguée au niveau des plantes vertes — ni l'une ni l'autre n'ayant été arrosées depuis longtemps — il est alors simple de convaincre le serveur que nous nous connectons avec une adresse MAC bien connue... Une petite analyse de trafic pour récupérer les paquets correspondant à du trafic SMTP (dont le cryptage n'est toujours pas standard — et le TLS contournable aisément) et l'on peut lire dans le texte un fort nombre de mails internes. L'équivalent moderne de la fameuse fouille des poubelles en fin de journée. Les anciens regretteront l'aventure. — En 2010, le phénomène se reproduit chez la CERPMA. Puis c'est le tour de certaines officines politiques, juste avant avril 2012... Nul doute que certains amateurs aiguisent leurs outils en prévision de la seule élection qui compte: 2022. — C'était donc pour cette raison que des documents préparatoires s'étaient retrouvés mêlés à un capharnaüm de vieux papiers, une petite partie pourtant de la collection de Monsieur Tarbache, qui avait la manie de rédiger des actes sous seing privé pour tout. Et n'importe quoi. Ce qu'il entreprenait, entre autres. Ajoutons à cela que celui-ci collectionnait de plus objets et appartements. Ses deux fils et trois filles, moins portés vers les possessions matérielles mais beaucoup plus vers la solvabilité de leurs comptes, avaient déchirés la famille à peine le doyen passé de vie à trépas. — Les lots (et les poubelles) avaient été hâtivement remplis. La politique "populaire" paraît de plus en plus tournée vers le court-terme. Peut-être n'est-ce là qu'une déformation due aux battues médiatiques. En effet, en 2012 ont été préparées des stratégies de long-terme, évidemment plus secrètes. Qu'on en juge avec ce seul fait : la réintégration de la France dans l'OTAN en 2007 n'a pas été critiquée avec la même verve en public qu'en privé... — On imagine donc le désarroi des officines lorsque la "fuite" discrète — d'autres ont dit "la contamination du fond du fonds Tarbache" — fut repérée (ironiquement, par un membre du cabinet de Manuel Valls, que beaucoup de français n'avaient découvert qu'en 2009). — Je vérifie machinalement le revers de ma veste du bout des doigts. Connaître quelques bases en couture s'avère décidément bien utile; l'on peut affixer à un endroit discret quelques bouts de papier. Sur l'un d'entre eux, les 168 petits points de M.; sur l'autre, 400 petits points que Monsieur Tarbache ne reconnaîtrait pas.
  13. Criterium

    Opération DOLMEN.

    Arrive l'heure à laquelle la nuit n'est pas encore tombée, mais toutes les voitures allument déjà leurs phares. Il bruine. Sans doute l'une des pires conditions pour conduire... En alternance, tantôt l'on est aveuglé par les phares, tantôt l'on discerne dans la pénombre des silhouettes traverser la rue çà et là. Il faut freiner tout le temps, pour ne pas percuter une ombre. Heureusement, je n'ai pas à traverser le centre; il suffit de remonter l'avenue, quelques tournants, et j'arrive dans le quartier de la Butte. Il n'y a plus personne. Grandes maisons, espacées, la plupart endormies; les propriétaires doivent se trouver à New York, à Barcelone, à Berlin... C'est le calme des quartiers riches, le calme des résidences secondaires. Je ralentis et cille pour suivre les numéros des demeures... 18h35. — Arrivé au 18, je laisse stationner la voiture; aussitôt, la portière s'ouvre, et M. prend place dans le siège passager. Nous nous éloignons prestement. — "C'est fait?" — "Je ne savais pas jusqu'à présent que certains vases du XVIIIe puissent déceler de tels trésors... Si vous voyez ce que je veux dire!", répond M. en ajustant la ceinture et le siège. — "Ainsi notre ami a opté pour une cache de seconde main!" — "Tout à fait". Nous arrivons, en périphérie de la ville, à un quartier typique de certaines petites villes du Nord: un mélange de campagne et de banlieue, avec d'un côté de la voie quelques maisons aux toits en tuiles rouges, de l'autre côté de grand immeubles. En bas de ceux-ci, quelques groupes de jeunes discutent et commencent leur soirée. Il y a peu de trafic; certains jettent un coup d'œil vers chaque voiture passant à proximité. Nous nous arrêtons à l'extrémité du quartier, dans un espace éclairé se trouvant à côté de terrains de tennis. Ici, l'on peut discerner de loin toute personne ou tout véhicule s'approchant. Moteur et phares éteints, on ne pourrait plus nous voir dans la voiture. M. me tend une feuille de papier, d'aspect vierge. Il faut porter une attention particulière au coin inférieur gauche pour y découvrir une zone couverte de petits points, disposés en grille. D'une main, j'éclaire le document à la lueur de mon portable; de l'autre, je pose une pièce de 2 euros dessus. Celle-ci présente quelques "modifications" qui lui permettent de faire office de loupe de joaillier... Il suffit alors de poser l'œil dessus pour que chaque point révèle son texte caché. Chacun est une micro-photographie. Il y a 14 rangées de 12 points, correspondant à 168 documents discrètement photocopiés. — "Très satisfaisant". Tout en parcourant les quelques premiers, je reprends: "...avez-vous jeté un premier coup d'œil?" — "Vers #24, vous apprécierez sans doute de retrouver sa version... quelque peu modifiée... des reçus de la fameuse vente aux enchères à Drouot". Ma curiosité piquée, je déplace la loupe vers cet endroit; effectivement, quelques sommes avaient été inexplicablement ajustées. La signature du notaire semble authentique. Étant donné la différence de chiffre, il s'agit soit d'un stratagème assez grossier pour blanchir des sommes d'argents relativement limitées — soit d'un faux préparé pour un tout autre but. La simple possession de ce document serait compromettante pour le bénéficiaire; il le cachait toutefois bien mal. Nous savons tous les deux qu'il doit y avoir quelque manigance là-dessous. €€€ Je sonnai à l'interphone. Gravées sur une petite plaque dorée, les lettres en imposaient: "Maître RENAUDIN – Notaire"Derrière la grande porte cochère, un épais tapis vermeil accueillait le visiteur jusqu'à une cour intérieure, où quelques portes vitrées amenaient aux escaliers de plusieurs appartements qui s'étaient imbriqués les uns dans les autres au fil des rénovations. Je n'eus pas de mal à trouver le bureau du notaire; le petit homme, dont les cheveux blancs étaient étonnamment frisés, m'accueillit dans l'antichambre de son cabinet. Je m'étais présenté sous un nom alternatif, mettant en avant quelques relations communes; ainsi l'accueil fut cordial. — Enfin, il prit place à un confortable fauteuil de cuir, derrière son bureau. Celui-ci était immaculé; les étagères de la bibliothèque supportaient une impressionnante série de dossiers, classés alphabétiquement. Dans l'air flottait une odeur de bois, de l'acajou, et de vernis.— "Que me vaut l'honneur?", demanda-t-il alors en prenant un ton plus grave. J'exposai petit à petit mon problème; grand amateur d'art, je poursuivais avec passion des recherches qui m'amenaient à acquérir çà et là de larges lots de livres anciens. J'avais donc tôt appris les dessous de ce monde à-part, dans lequel chaque centimètre supplémentaire de marges possède une valeur en dollars; le papier vélin ou vergé, le découpage, la numérotation des exemplaires hors-série, étaient autant de facteurs à prendre en compte — parfois une erreur d'impression se révélait une qualité plutôt qu'une tare. J'avais surtout appris qu'il existe différents types de livres: ceux avec lesquels l'on travaille, tout d'abord; ceux que l'on achète et revend; et ceux que l'on garde précieusement toute une vie — dont l'investissement concerne plus qu'une seule génération d'homme... Maître Renaudin m'écoutait patiemment, et il était manifeste qu'il connaissait quelque peu le milieu des bibliophiles. Il me confia que lui-même y dévouait un certain intérêt, et me montra un bel ouvrage duodecimo dont la reliure avait dû être refaite au XIXe: A Guide to Grand Iury Men, diuided into Two Bookes, &c, Londres, 1627 — référence juridique en Nouvelle-Angleterre à l'époque où John Hathorne et Jonathan Corwin eurent à s'occuper de sorcellerie... — ainsi que me prouva par quelques remarques qu'il comprenait tout à fait le problème que posaient certains lots trop "hétéroclites". Je me surprenais à parfois observer le tracé de son nez et de son visage, me demandant presque quels masques ces traits devaient revêtir, comme par exemple à l'occasion de certains ballets roses auxquels je savais qu'il prenait part de l'autre côté de la frontière... Toutefois, notre conversation n'en fit rien transparaître, et notre entrevue exposa que la collaboration était possible; nous convînmes que je revinsse dans deux jours, avec certains documents relatifs au lot problématique dont je m'occupais. En ressortant de l'immeuble, j'avais acquis deux plaisantes convictions: — Notre ami était sans doute l'une des parties que nous recherchions quant aux légères "libertés" prises avec certains documents notariés relatifs à des ventes d'objets rares; — La minuscule tête d'épingle que j'avais affixée sous son bureau de travail, et qui n'était autre qu'un microphone sous-miniature, promettait de nous apporter quelques informations intéressantes dans les prochains jours.
  14. Traduction: (approximative, paraphrasée) """Dans la première moitié 2016 ont été enregistrés 142.500 actes délinquants commis par des réfugiés, ce qui ferait 300.000 pour toute l'année, auquel il faut ajouter les chiffres "sombres" c'est-à-dire les actes de délinquance non rapportés — parce que fréquemment personne ne peut les établir, bien que la description des délinquants y soit sans équivoque. Ou pour l'exprimer autrement: il n'y a pas d'intérêt politique prononcé pour fournir de réelles statistiques sur les peines des réfugiés. Dans ce remue-ménage il est parfois oublié de tenir compte de tel ou tel [aspect] dans les statistiques, pour pouvoir venir fièrement proclamer que les actes de délinquance ont baissé de 36%. (...) Dans la première partie de l'année, la Bundeskriminalamt a ainsi enregistré 142.500 actes de délinquance commis par des réfugiés, mais en se référant à certains mois précis l'on peut cependant discerner une claire baisse: "Le nombre de cas est de janvier à juin descendu de 36%", a dit le président du BKA, Holger Münch, au "Rheinischen Post" (~"Journal du Rhin", édition de mercredi). Comme cause de cela, Münch a parlé des efforts augmentés pour favoriser l'intégration et le séjour moins fréquent dans des logements de masse, ce qui marche "certainement de manière moins conflictuelle". Les atteintes contre les biens et les falsifications (faux et usage de faux) restent inchangés à environ 30% des actes délictuels, et comprennent les délits de "voyage sans ticket"."""
  15. Criterium

    Migrants à Calais

    Article (en français) Des policiers belges amenaient 17 migrants en France; ils disent que l'ordre venait de la hiérarchie et que ce n'est pas la première fois qu'ils effectuent un tel trajet. C'est comme un bateau européen qui prend l'eau, l'on prend vite le seau pour tout refiler aux pays en assez mauvaise posture, comme la France. Plus de 10.000 migrants dans la jungle de Calais : Artikel der Zeit (en allemand)
  16. Il y a une différence entre dissolution simple et dissolution suivie d'arrestations; nous sommes d'accord pour dire que l'arrestation de ces radicaux a été une bonne chose, ce qui n'aurait pas été le cas s'il n'y avait eu que dissolution, sans suite. — Pour reprendre ton image : une fois la boutique fermée et le tenancier derrière les barreaux, cela n'empêche pas de se réunir dans le parking et de continuer à faire du tourisme guerrier pour les clients intéressés.
  17. Question sur la dissolution des mosquées radicales: — Si celles-ci se forment par la rencontre d'un nombre de croyants radicaux, dissoudre la mosquée ne dissoudra pas les hommes qui en sont à l'origine; ils continueront à se voir — et même s'ils ne devaient plus se rencontrer, cela ne changera pas leur radicalisme. En revanche, des personnes qui n'étaient pas radicales et qui auraient été susceptibles de le devenir par une mauvaise rencontre, pourraient en principe éviter de l'être. Sauf que ces personnes étant susceptibles ne vont-elles pas alors se radicaliser au contact non pas de la mosquée, mais d'individus? Il est très difficile d'estimer a priori la proportion de personnes "sauvables" par cette mesure, et elle est probablement faible. — Tout cela signifie-t-il que cette mesure serait essentiellement symbolique, et donc politique? S'attaquer à un symptôme plutôt qu'à la cause? (Et puis, évidemment, il y a toujours la question de qu'est-ce qui est "radical" — quand on compare avec l'islam mutazili d'antan, tout semble radical)
  18. Donc: 1 million de réfugiés, majoritairement musulmans. Plus sont attendus. Environ 2000 devant être déportés; à peine 30 le sont. Certains estiment à 7900 le nombre de djihadistes en Allemagne. Les incivilités et violences, en particulier à caractère sexuel, qui inondent déjà le monde musulman, augmentent en flèche libre et vont frôler celles de la Suède (le pays le plus édifiant en Europe sur ce sujet). Si l'on estime que le sondage sur les musulmans français donnerait un résultat similaire en Allemagne — ce que, je l'admets, je ne crois pas — on aurait donc 28% contre la République, proportion montant à 50% des plus jeunes. En d'autres termes, pas des terroristes mais des personnes en fournissant le terreau idéal (l'équivalent de "civils"). Potentiellement 280.000 personnes donc. 40% des allemands — dans un sondage deux fois plus grand que ce qui se fait habituellement en France — ne veulent désormais plus de réfugiés musulmans, un chiffre inimaginable il y a quelques années. Il y a évidemment un problème. Pas seulement parce que, comme le dit matth: "Les mêmes causes produisent les mêmes effets" — un adage que nous allons vérifier de plus en plus — mais parce que derrière cela, soit le gouvernement est complètement aveuglé pour des raisons idéologiques et désespérées, soit il y a une réelle volonté politique de noyautage de l'Europe. Celle-là est-elle elle-même aveugle? - S'il s'agit de patrons souhaitant de la main d'œuvre à bas-prix, peu éduquée, à forte natalité, ils risquent de s'apercevoir que c'est un calcul à assez court-terme : quid de l'aspect technologique, pour n'en citer qu'un seul? - S'il s'agit d'une puissance extérieure, laquelle? (Je ne crois personnellement pas du tout aux coupables idéaux classiques des théories de la conspiration, c'est-à-dire USA et Israël) Il y a donc un autre problème. Comment rembobiner ces événements? Mais c'est là, malheureusement, une question qui est pratiquement illégale à poser de nos jours (une autre illustration de l'aspect très variable de notre "démocratie"). Il suffit de se rappeler les réactions face à ce qu'en disait Eric Zemmour, il n'y a pas si longtemps. Or, sans doute a-t-il mentionné la solution la plus douce. — Alternativement, peut-être que nos services laissent prospérer un certain extrémisme en espérant favoriser la hijra?
  19. Criterium

    Ceux qui passent.

    Un doute étrange m'assaillit alors. — Il était tard dans la nuit; j'étais à mon bureau, et d'humeur méditative. Par la fenêtre ouverte, l'on n'entendait que les sons des insectes et des grenouilles — à cette heure, tout le monde dormait. Je n'avais pas réussi à me coucher. L'humeur avait germé depuis le matin pour lentement me posséder entièrement; ainsi, j'avais passé la soirée à relire des vieux carnets — les "Carnets Rouges", dans lesquels je consignais ma vie depuis sept ans. Ils étaient, comme le sont d'habitude les journaux intimes, mal écrits et difficiles à relire; çà et là pointaient pourtant des mots qui faisaient encore écho. Mais, pour leur majorité, j'avais l'impression depuis de m'être débarrassé de quelque chose. Comme un oignon que l'on pèle petit à petit, pour s'approcher du cœur. Un verre de bourbon — Antiquarian, 20 ans d'âge — complétait le tableau nocturne. Pourtant, la nostalgie avait petit à petit cédé le pas au mystère: et c'était pourquoi il planait maintenant une atmosphère incrédule. Voilà ce qui était étrange: j'avais retrouvé des notes, parsemées çà et là, remontant à plus de trois ans, à une personne qui n'était identifiée que par son initiale — E. — Et cette personne, je n'avais plus aucune idée de qui elle était. Parfois, l'on conserve un souvenir vaporeux de quelqu'un, et quelques indices ramènent alors aussitôt toute une suite de vagues impressions petit à petit à la surface; il ne suffit parfois que d'un mot. Mais là, il n'y avait rien; comment cela pouvait-il être possible? Avais-je vraiment perdu la mémoire? Ainsi, au lieu de me perdre dans une stérile contemplation d'anciennes années, avec leur lot de choix bons et mauvais, de joies et de peines, je m'attelais désormais à comprendre cette énigme. Recherchant partout d'autres références à cette initiale, je reparcourais dans la nuit tous les carnets un par un. — Il n'y avait que quelques notes, avec à peu près un an entre la plus ancienne et la plus récente. J'avais manifestement rencontré cette personne au moins deux fois et communiqué avec elle pendant cette période de temps : et pourtant, aucune note ne m'évoquait un quelconque souvenir! C'était le noir complet. – Incroyable! Je devinais qu'un ami proche, Jawad, avait été présent. — Malgré l'heure, je lui envoyai un message. "Est-ce que l'initiale E. te dit quelque chose? Il y a trois-quatre ans. Ami(e) commun(e)?". Un vent soudain fit bruire les feuillages au-dehors. Je me mis à songer qu'il y avait un parallèle entre ce courant d'air et celui qu'avait fait cette initiale dans ma vie; E. avait fait bruire un instant les feuilles de mes carnets, avant de s'éclipser. Aucun trait de visage, aucun caractère de personnalité ne me revenait. Je me dis que c'était une qualité que devaient développer certains espions; peut-être est-ce quelque chose qui se travaille? Certaines personnes semblent dotées de cette capacité étonnante de ne laisser aucune impression, ni positive, ni négative, parmi les groupes qu'ils croisent. De vrais "transparents". – Pourtant, comme j'avais eu ce rôle pendant longtemps lors de mes études, je pensais ne pas y être autant susceptible; et, de fait, beaucoup de mes amis avaient été de ceux-ci. Des années après, je me souvenais d'eux, alors que d'autres membres du groupe n'avaient jamais dû connaître leur prénom. Non, il s'agissait là d'un tout autre niveau d'invisibilité. C'était plutôt... comme si mes souvenirs avaient été effacés. Est-ce seulement possible? — Il paraît qu'il est très naturel de réprimer un souvenir pénible; on l'enferme dans une petite boîte noire, cachée dans un coin de cerveau. Ça concerne surtout des expériences négatives, traumatiques. Là, aucune note ne laisser songer que ce quelque chose de ce type se soit passé. — Je savais que c'était impossible, et pourtant... je ne pouvais réprimer, surtout à cette heure perdue de la nuit, la sensation irrationnelle que ce n'était pas moi qui avait effacé ces souvenirs, mais quelqu'un. — (E.?) Je savais qu'il existait certaines drogues qui provoquent des amnésies sélectives — rohypnol, acide gamma-hydroxybutyrique, certaines benzodiazépines... — mais elles n'auraient sans doute pas pu être aussi spécifiques. Dans certains livres et films, on utilise des petits appareils, souvent lumineux, et essentiels à l'intrigue. Ceux-là n'existent pourtant pas... ou alors? J'en étais à ce point de mes réflexions, me disant qu'il faudrait que je m'informe plus en profondeur à ce sujet, lorsque mon téléphone fit un bruit. Message. C'est Jawad. Il devait être en train de faire la fête. "Aucune idée! Eric? Estelle?" — Deux connaissances communes, avec la bonne initiale, mais dont je me souvenais très bien: ce n'était pas eux. J'avais d'ailleurs retrouvé leurs noms à quelques endroits des carnets; il n'était jamais abrégé. Était-ce possible que mon ami eût lui aussi perdu sélectivement la mémoire de ce E. mystérieux? — Un peu de méthode. Rationnellement, je pouvais rassembler toutes les informations qui transparaissaient des notes retrouvées. Irrationnellement, je pouvais tenter d'apprendre des techniques d'auto-hypnose, ayant lu dans le passé qu'elles permettent à des souvenirs réprimés de refaire surface. — Je relus tous les carnets, en diagonale, recopiant sur une grande feuille blanche les passages concernés. Cela ne prit pas beaucoup de temps. Je rangeai le journal intime, remis un peu de bourbon dans le verre, et m'absorbai dans la contemplation de la feuille. — — Au milieu, E. À gauche, les personnes avec qui elle a dû être en contact: moi, Jawad, peut-être A. En haut, les lieux mentionnés: Vincennes et München. En bas, des sujets de conversation: l'ésotérisme et la musique nationaliste. À droite, le temps — un an — et la mention rapide d'une terrasse de café la nuit. — — Plus je regardais la feuille, plus je sentais la présence d'un trou noir dans mon esprit; d'une abysse là où il n'y aurait pas dû en avoir; d'une sensation dévorante que quelque chose ne tournait pas rond. Comme trahi par moi-même, j'avais découvert une erreur système, un phénomène étrange — je comprenais maintenant toute la portée de l'expression anglaise: "a glitch in the matrix". — Comme quelqu'un s'apercevant qu'il a été hypnotisé, ou drogué, à son insu. Réalisant lentement la puissance de la dose. Au-dessus de tout cela planait une constante atmosphère d'étrangeté. — L'énergie me revint. Avait-on voulu me cacher quelque chose? Ôter E. de ma mémoire? Cela n'avait pas entièrement marché! - J'avais encore ces notes. Et elles étaient certes peu nombreuses, mais chaque information comptait. J'irai à Vincennes avec Jawad demain. J'allais enquêter.
  20. Criterium

    Migrants à Calais

    Il y a beaucoup de vidéos prises de dashcams, pour ceux voulant voir ça sans se déplacer: Le gouvernement nous disait qu'il s'agissait de familles — et absolument pas seulement de jeunes hommes en âge de se battre —, de futurs médecins et autres chances pour l'Europe; on nous disait aussi qu'ils venaient tous de Syrie; qu'il était impossible que s'y cachent des terroristes... Ça devient un peu plus difficile à soutenir depuis un an. On dit "migrant" pour ne plus dire "clandestins" ou "étrangers en situation irrégulière", "immigrés illégaux". — Pourtant, le gouvernement leur accorde une sorte de laissez-faire et l'on se demande s'il s'agit seulement de la dictature de la bien-pensance et du politiquement correct, ou d'une partie d'un certain plan européen...
  21. Criterium

    Stay-behind.

    L'horloge cliquète. — Elle accueille, imposante, les deux hommes venant d'entrer dans la vieille maison. Le sol en parquet est recouvert de poussière; on en voit des particules qui virevoltent dans l'air, au gré des faisceaux de lumière. L'on dirait que tout a été laissé à l'abandon. La haute horloge murale, une comtoise, peut-être en merisier, continue pourtant de marquer le temps — le balancier poursuit un monotone va-et-vient. Seul semblant de vie dans cette demeure morte. Placée devant la grande porte, dans ce hall desservant toutes les pièces de la maison — cuisine à droite, salle à manger à gauche, large salon au devant, ainsi qu'un escalier menant aux chambres, à l'étage — elle occupe le point focal, trône entre les deux entrées du salon. Elle semble encore vouloir régler et diriger la vie de la bâtisse, qui n'en a pourtant plus. Après un instant de contemplation devant ce contraste, les deux hommes reprennent leurs esprits. Ils portent des masques sur le visage, pour ne pas respirer la poussière; tous deux sont en treillis militaires et se meuvent d'une manière à la fois rapide et leste. Sans hésitations. L'un se dirige vers la salle à manger et parcourt du regard chaque meuble, comme pour jauger du terrain qu'il aura à fouiller, surface par surface. L'autre homme observe chaque étagère du salon, et les longues rangées de livres de l'imposante bibliothèque... Celle-ci occupe un mur entier de la pièce. Les tranches et les reliures sont parfois lisibles; toutefois la majeure partie a été salie par la poussière et l'abandon. Certains livres semblent déjà avoir été abîmés du temps où ces pièces étaient habitées; beaucoup de vieux bouquins brochés s'étalent le long des rayons. Puis le premier homme sonde, une par une, les marches de l'escalier du hall. Systématiquement, il ré-inspecte chacune également par en-bas, à la recherche d'une cavité quelconque. Pendant ce temps-ci, l'autre homme a repoussé les tapis du salon sur le côté et observe chaque latte. Plus tard, les deux hommes se rejoignent à nouveau, au bas de l'escalier. — "Ça devrait être quelque part dans la maison". — "Est-ce que la maison était déjà en 1950?", demande l'autre. "Je pensais que les consignes étaient de faire attention à choisir des éléments de décor qui ne risquaient pas de changer sur le long-terme, comme des montagnes, plutôt que des habitations ou que des arbres". — "Nous avons des informations selon lesquelles le groupe A2 a relocalisé la ressource dans cette maison en 1977". L'autre homme se tait; il sait que de nouvelles questions seraient sans réponse, de par le fait de la compartimentation de l'accès à l'information: l'on n'est dit que ce que l'on a besoin de savoir. Si cela ne se trouve pas au rez-de-chaussée, il s'agit maintenant d'explorer les chambres à l'étage. En haut de l'escalier dont les marches grincent, le palier en bois est tout aussi poussiéreux et pas très engageant; certaines planches pourraient céder. Tout l'étage se trouve au niveau des combles. Un corridor central amène à deux chambres et à une salle de bains. Celle-là est baignée de lumière; le rideau de douche a été enlevé — ou a-t-il été mangé par le temps? — et les surfaces en céramique ne reflètent plus le soleil tant elles sont recouvertes de poussière. L'un des hommes se dirige directement vers la chasse d'eau, une cache classique. Cela fait longtemps que l'eau a été coupée, tout est sec; et il n'y a rien. L'homme vérifie derrière chaque installation — lavabo, baignoire, petite commode — à la recherche de quelque indice. Rien. — Dans les chambres, les lits sont encore parfaitement faits. Les deux pièces sont très similaires: grande armoire en bois; matelas et draps blancs posés sur des bases en lit en bois massif; petit bureau. Dans celui-ci, un bric-à-brac d'objets et de papiers ayant appartenu au dernier propriétaire. Il y a là des notes sur l'histoire de la région, des cartes postales de monuments proches; une carte topographique et un compas... L'on devine à quelques dates écrites çà et là que la maison doit être abandonnée depuis le début des années 80. Époussetant les bords du grand lit, le premier homme hésite soudain, comme saisi d'une intuition que quelque chose n'y était pas tout à fait normal. Il contemple le bois de longs instants. — Quelques aspérités dissimulées dans des recoins de la structure, et qui seraient difficiles à apercevoir même sans la poussière, trahissent la présence d'un compartiment; en fait, le lit lui-même est une caisse secrète. L'endroit est inhabité, il n'y a pas besoin de prendre de précautions et de trouver la clef adéquate: les hommes décident donc de forcer l'objet. De son sac à dos, l'un d'eux sort divers outils: pied-de-biche, cric... Le vieux bois devrait pouvoir se détruire, dans le pire des cas. Le matelas et la literie sont repoussés sur le côté de la pièce; les outils placés - ou plutôt, forcés - dans les minuscules interstices, et de plusieurs coups secs et violents, le bois craque assez rapidement. Soudain, le panneau latéral cède; l'air est épais et étouffant. Finir l'ouverture de la cache en faisant sauter les tenons de la face du dessus prend quelques minutes supplémentaires, éreintantes, au pied-de-biche. — Le travail est fait en force: le meuble est détruit; mais le seul but a été d'ouvrir le coffre caché. Lorsque ce panneau est lui aussi repoussé sur le côté, le contenu se révèle. Un dossier contenant des documents jaunis par le temps, tapés à la machine à écrire. Toutes les feuilles sont codées, par séries de cinq lettres et chiffres: RG78C EZIK2 AZJAZ TY8UC GEICX... En en-tête, cette formule cryptique: "Eyes Only - Group A.˙." À côté, une douzaine de fusils-mitrailleurs. Il y a des FG42 et des Sten. Étrangement, ceux-ci semblent en parfait état de marche; pas de poussière, un bel éclat le long des canons... Ces armes avaient l'air neuves. Un grand nombre de boîtes de munitions tapissaient le fond de la cache; 7.92mm et 9mm. Il doit y avoir des milliers de balles. — "Il va falloir faire quelques voyages jusqu'à la voiture", constate l'un des hommes après un instant de silence.
  22. Là je lis un petit livre très curieux, les Sept Têtes du Dragon Vert, de 1933, du pseudonyme Teddy Legrand. C'est un court roman à la fois d'espionnage, d'ésotérisme et d' "histoire secrète", qui jongle avec des personnages réels et troubles de l'époque; et c'est écrit dans un style assez particulier. Je ne sais pas encore ce que j'en pense, mais j'en apprécie certainement la lecture et on en devine la densité (il y a beaucoup de références historiques et ésotériques non-expliquées). Et en anglais, The Call of the Wild, de 1903, de Jack London: les aventures fantastiques d'un chien héroïque envoyé en Arctique (pendant la ruée vers l'Or du Klondike). La vision du monde d'un point de vue canin est bien faite et amusante! Et le style est vraiment bon.
  23. Criterium

    Crique.

    Le sel marin pique la peau. Il y a beaucoup de vent. — En fermant les yeux et en se concentrant sur les sons de la nuit, l'on distingue le bruit de la marée au-devant, les stridulations d'insectes nocturnes et le bruissement des feuilles derrière, dans la direction opposée. Parfois les sons disparaissent un instant, lorsqu'une bourrasque plus violente arrive... Il faut alors attendre. Le vent se calme et les sons reviennent. En prêtant plus d'attention, petit à petit, l'on entend au loin comme d'irréguliers sons de cloche. Ce sont sans doute des bateaux amarrés; y a-t-il donc quelque port au-delà, dans cette direction? — L'odeur de varech est forte; à cette heure, au clair de lune, l'on ne voit plus guère que des nuances de gris et de bleu sombre le long de la crique. Lorsque la marée est basse, de vastes étendues de vase sombre se révèlent; l'on a alors, sur quelques centaines de mètres, un dénivelé d'un paysage se métamorphosant : – la forêt d'abord; puis les dunes de sable, parsemées de lagures; puis la plage étroite, et la ligne des algues plus ou moins séchées et portées là au gré des vagues; au-delà, le sable devient gris et se mue en vase épaisse. Et il n'y a personne; l'endroit est désert. Là-haut, au loin, un bout de lune éclaire mes pas. Pieds nus, l'on se déplace sans un bruit. Je reconnais le vieil arbre, en face du grand rocher posé de biais. Il faudra des siècles pour que ces immenses rocs changent légèrement de position – or, cela ne faisait que trente ans. Je reconnaissais chaque interstice, chaque structure; je devinais la couleur qu'ils devaient refléter le jour. — En s'approchant, il faut passer une bande de la plage où des petits cailloux et de vieux coquillages piquent les pieds, avant d'arriver à la pierre. Deuxième pointe à gauche, passer celui en forme de fantôme, monter sur le plateau, s'arrêter et tendre l'oreille... longer le roc jusqu'à une sorte de battue, un point qui n'est accessible que rarement, lorsque la marée est aussi basse. Là, il y a une proéminence dans la roche, une sorte de parallélépipède rectangle, qui ressemble à un petit coffre. Aussitôt un vieux souvenir me revient - et je m'agenouille devant, y pose l'oreille. Il y a de vieilles légendes qui parlent de pierres magiques, enfermant cloches et trésors, qui sonnent aujourd'hui encore, certaines nuits... Je me bouche l'autre oreille avec le pouce et j'écoute. Il n'y a qu'un bruit de brossage, distant: le reflux de la mer. — Cette nuit ce trésor sera sauf. — Pourtant, parfois, l'écho de certains sons de bateaux semble résonner dans quelque interstice, et me parvient, lointain et faible... Je me relève et reprend ma recherche. Un peu plus bas, il y a une petite ouverture dans la roche; quelqu'un y avait fixé, il y a très longtemps, un pivot et une chaîne, tous les deux usés par la rouille et couverts d'algues. C'était à cette chaîne que l'on pouvait affixer une boîte secrète, ou tout autre objet que l'on arriverait à y lier. Lorsque j'avais découvert cette cachette, j'imaginais qu'elle avait dû être utilisée pour dissimuler de la contrebande au XIXe — en fait je ne le savais pas vraiment. Ç'aurait aussi pu être un point pour déposer des messages secrets dans les années de guerre... Mais depuis, plus personne n'en connaît l'existence. Au bout de la chaînette, une solide petite boîte en ferraille, maintenant couverte de bigorneaux. Il m'est impossible de délier le paquet, il a trop vieilli et la lumière est trop faible; alors, avec une pince acérée, je libère l'objet. — La marée ne va pas tarder à submerger l'endroit et à isoler ces roches du rivage; il me faut me hâter. Quelques pas rapides, je sautille de pierre en pierre; la plage est toujours aussi déserte. Devrais-je retourner à l'hôtel avec l'objet? Il sent la mer et me couvre les mains d'algues et de saleté... Devrais-je l'ouvrir ici? Vu son état, il faudra le fracasser contre une pierre... – Ainsi, j'hésite de longs instants quant à l'étape suivante - celle à laquelle je n'ai pas encore pensé... Je crois déjà à peine tenir à nouveau dans les mains la petite boîte abandonnée à dessein trente ans plus tôt... Pourquoi revenir ici? — C'est qu'il y avait des textes à l'intérieur. C'était en fait une sorte de time-capsule avant l'heure, avant que ça ne devienne une mode passagère; et je ne me souviens pas du tout des choses que j'y ai glissées. L'un des poèmes, en revanche, m'était revenu en rêve et refusait d'en repartir: des lignes écrites avec du sang, des vers qu'il me fallait détruire. — Or, seul le feu panse cette plaie. Et j'allais faire un feu – un grand feu, beau et létal. Il brûlera, il brûlera.
  24. Criterium

    Les changeurs de vie.

    Je ne l'ai pas fait.
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