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Le monolinguisme


Philogène

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Membre, Talon 1, 79ans Posté(e)
Talon 1 Membre 24 298 messages
79ans‚ Talon 1,
Posté(e)
Il y a 15 heures, Fraction a dit :

Non, je fais une abduction quelque peu présomptueuse de votre intervention.

J'aime bien la philosophie façon "grandes gueules".

Mais mon ambition personnelle est davantage sémantique que balistique.

Certes, l'esprit de synthèse permet des phrases courtes et puissantes, mais son excès simpliste et arrogant me frustre.

Ca ressemble beaucoup à de l'érudition exhibitionniste, à de l'apparat.

"A ceux qui font des lectures et des discussions d'apparat.

Écoute ce que dit Socrate : « Il ne conviendrait pas à mon âge, hommes, de venir à vous comme un jeune homme qui fabrique des discours. » Comme un jeune homme dit-il. Car c'est en réalité un petit art fort élégant de choisir des petits mots, de les arranger, de venir les lire gracieusement et d'ajouter, pendant la lecture : « sur votre vie, il en est peu qui puissent comprendre ces choses-là. »"

Epictète

 

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Membre, 48ans Posté(e)
Fraction Membre 7 003 messages
Maitre des forums‚ 48ans‚
Posté(e)
Il y a 4 heures, Talon 1 a dit :

Ca ressemble beaucoup à de l'érudition exhibitionniste, à de l'apparat.

"A ceux qui font des lectures et des discussions d'apparat.

Écoute ce que dit Socrate : « Il ne conviendrait pas à mon âge, hommes, de venir à vous comme un jeune homme qui fabrique des discours. » Comme un jeune homme dit-il. Car c'est en réalité un petit art fort élégant de choisir des petits mots, de les arranger, de venir les lire gracieusement et d'ajouter, pendant la lecture : « sur votre vie, il en est peu qui puissent comprendre ces choses-là. »"

Epictète

 

Bonjour,

Pensez-vous vraiment que je pratique l'écriture spontanée, ou le verbiage esthétique ?

Aurais-je si peu de considération pour mon temps libre et pour mes lecteurs ?

Ce qui vous conduit à cette conclusion, c'est seulement le fait que vous ne me comprenez pas.

Mais n'y aurait-il pas d'autres conclusions possibles à partir du même fait ?

 

Les associations conceptuelles sont comme des fonctions composées.

C'est-à-dire qu'elles nécessitent une qualité d'audience particulièrement vigilante et volontaire.

Lire n'est pas une activité passive, et la culture molle prémâchée type fast-food provoque l'obésité de l'esprit.

 

Les corrompus croient ce qu'ils veulent, les impotents croient ce qu'ils peuvent.

Et c'est la facilité qui les unit.

Pour ma part, j'essaye de croire ce que je dois.

Mais c'est seulement dans l'effort qu'on y parvient.

 

Selon la thèse mécaniste (physique classique), c'est l'un qui détermine l'autre.

Mais selon la thèse finaliste, c'est Tout qui détermine tout.

Aussi, les concepts relatifs à cette considération thétique sont des concepts globaux et dimensionnels.

Ce sont des mots rares et complexes, et leurs associations sont des casse-têtes.

Cordialement, Fraction

 

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Invité Groenland
Invités, Posté(e)
Invité Groenland
Invité Groenland Invités 0 message
Posté(e)
il y a 32 minutes, Fraction a dit :

Bonjour,

Pensez-vous vraiment que je pratique l'écriture spontanée, ou le verbiage esthétique ?

Aurais-je si peu de considération pour mon temps libre et pour mes lecteurs ?

Ce qui vous conduit à cette conclusion, c'est seulement le fait que vous ne me comprenez pas.

Mais n'y aurait-il pas d'autres conclusions possibles à partir du même fait ?

 

Les associations conceptuelles sont comme des fonctions composées.

C'est-à-dire qu'elles nécessitent une qualité d'audience particulièrement vigilante et volontaire.

Lire n'est pas une activité passive, et la culture molle prémâchée type fast-food provoque l'obésité de l'esprit.

 

Les corrompus croient ce qu'ils veulent, les impotents croient ce qu'ils peuvent.

Et c'est la facilité qui les unit.

Pour ma part, j'essaye de croire ce que je dois.

Mais c'est seulement dans l'effort qu'on y parvient.

 

Selon la thèse mécaniste (physique classique), c'est l'un qui détermine l'autre.

Mais selon la thèse finaliste, c'est Tout qui détermine tout.

Aussi, les concepts relatifs à cette considération thétique sont des concepts globaux et dimensionnels.

Ce sont des mots rares et complexes, et leurs associations sont des casse-têtes.

Cordialement, Fraction

 

Ahhh je comprends enfin.... c'est donc cela ! Vous essayez de faire fonctionner notre néocortex préfrontal à tous avec votre façon de rédiger vos interventions ? 

C'est pas mal comme stratégie mais vous oubliez peut-être que notre cerveau reptilien a plus de 400 millions d'années derrière lui et que par conséquent question fiabilité il n'y a pas mieux ! Sans compter que votre style d'écriture requière presque exclusivement notre néocortex préfrontal et que cela empêche l'activation et la mise en concurrence avec les autres parties du cerveau comme le reptilien. Parce que quand je vous lis je sens mon néocortex préfrontal chauffer un maximum, je suis en mode mono-core, c'est lourd et ça n'avance pas, l'hyperthreading ne sert alors plus à rien ! :) 

Ceci fait que vous manquez d'intuition mon ami ! L'intuition, vous savez, cette idée géniale et pourtant simple... ! Les idées les meilleurs sont aussi souvent les plus simples, n'est-ce pas ?

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Membre, 153ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
Mentor‚ 153ans‚
Posté(e)
Il y a 1 heure, Fraction a dit :

Bonjour,

Pensez-vous vraiment que je pratique l'écriture spontanée, ou le verbiage esthétique ?

Aurais-je si peu de considération pour mon temps libre et pour mes lecteurs ?

Ce qui vous conduit à cette conclusion, c'est seulement le fait que vous ne me comprenez pas.

Mais n'y aurait-il pas d'autres conclusions possibles à partir du même fait ?

 

Les associations conceptuelles sont comme des fonctions composées.

C'est-à-dire qu'elles nécessitent une qualité d'audience particulièrement vigilante et volontaire.

Lire n'est pas une activité passive, et la culture molle prémâchée type fast-food provoque l'obésité de l'esprit.

 

Les corrompus croient ce qu'ils veulent, les impotents croient ce qu'ils peuvent.

Et c'est la facilité qui les unit.

Pour ma part, j'essaye de croire ce que je dois.

Mais c'est seulement dans l'effort qu'on y parvient.

 

Selon la thèse mécaniste (physique classique), c'est l'un qui détermine l'autre.

Mais selon la thèse finaliste, c'est Tout qui détermine tout.

Aussi, les concepts relatifs à cette considération thétique sont des concepts globaux et dimensionnels.

Ce sont des mots rares et complexes, et leurs associations sont des casse-têtes.

Cordialement, Fraction

 

J’aime votre style quand vous êtes piqué, un peu en colère.

Vous employez les mots comme vous le sentez, et votre sensibilité est originale.

Je crois que, parfois,  vous cédez à la séduction de la musique engendrée  par les sens symphoniques des mots.

Vous appelez cela, quand vous percevez cette inclination à se laisser aller à cette musique, sensualisme je crois.

Vous reprochez cela à Derrida, mais vous reprochez à Derrida un trait de sensibilité que vous partagez pourtant avec lui.

Ne ne vous laissez pas emporter trop loin dans la colère quand celle - ci est engendrée par des esprits vulgaires.

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Membre, 48ans Posté(e)
Fraction Membre 7 003 messages
Maitre des forums‚ 48ans‚
Posté(e)
il y a 5 minutes, Annalevine a dit :

J’aime votre style quand vous êtes piqué, un peu en colère.

Vous employez les mots comme vous le sentez, et votre sensibilité est originale.

Je crois que, parfois,  vous cédez à la séduction de la musique engendrée  par les sens symphoniques des mots.

Vous appelez cela, quand vous percevez cette inclination à se laisser aller à cette musique, sensualisme je crois.

Vous reprochez cela à Derrida, mais vous reprochez à Derrida un trait de sensibilité que vous partagez pourtant avec lui.

Ne ne vous laissez pas emporter trop loin dans la colère quand celle - ci est engendrée par des esprits vulgaires.

Si vous avez ressenti de la colère dans mes propos, c'est involontaire de ma part.

Les forums ne sont pas faits pour s'énerver, même si les échanges sont parfois conflictuels.

 

Il y a du lyrisme partout, même dans un code informatique.

Parce que tout est art, même la méthodologie la plus rigoureuse.

 

Mais mon apathie naturelle est plus propice à la discussion rigoureuse qu'au tchat sympathique.

Je n'ai pas beaucoup de rêves à vendre, et je reconnais que ma tonalité est souvent anxiogène, et mon rare humour transgressif.

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Membre, Talon 1, 79ans Posté(e)
Talon 1 Membre 24 298 messages
79ans‚ Talon 1,
Posté(e)
il y a une heure, Fraction a dit :

Si vous avez ressenti de la colère dans mes propos, c'est involontaire de ma part.

Les forums ne sont pas faits pour s'énerver, même si les échanges sont parfois conflictuels.

 

Il y a du lyrisme partout, même dans un code informatique.

Parce que tout est art, même la méthodologie la plus rigoureuse.

 

Mais mon apathie naturelle est plus propice à la discussion rigoureuse qu'au tchat sympathique.

Je n'ai pas beaucoup de rêves à vendre, et je reconnais que ma tonalité est souvent anxiogène, et mon rare humour transgressif.

Encore du charabia. Vous vous admirez beaucoup. Annalevine va être jalouse.

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Membre, 48ans Posté(e)
Fraction Membre 7 003 messages
Maitre des forums‚ 48ans‚
Posté(e)
il y a 44 minutes, Talon 1 a dit :

Encore du charabia. Vous vous admirez beaucoup. Annalevine va être jalouse.

Non, je ne suis pas narcissique, et je parle rarement de moi.

Une fois dépouillé de mon ego survivaliste, je ne suis que la tête de lecture et d'écriture de mes réalités.

 

Je suis vraiment désolé d'être incompris, par vous ou par d'autres.

Mais il existe un Babel linguistique et culturel entre les hommes dont je ne suis pas responsable.

Entre le mot juste et le mot pénétrant, je choisit souvent le mot juste, et ça me coûte une segmentation de mon public.

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Membre, Talon 1, 79ans Posté(e)
Talon 1 Membre 24 298 messages
79ans‚ Talon 1,
Posté(e)
il y a 11 minutes, Fraction a dit :

souvent le mot juste

C'est le mot compris qui est utile. Celui qui est seul à jargonner n'est utile à personne. La philo souffre de ces prétentieux qui préfèrent être admirés que compris.

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Membre, 48ans Posté(e)
Fraction Membre 7 003 messages
Maitre des forums‚ 48ans‚
Posté(e)
il y a 1 minute, Talon 1 a dit :

C'est le mot compris qui est utile. Celui qui est seul à jargonner n'est utile à personne. La philo souffre de ces prétentieux qui préfèrent être admirés que compris.

Vous employez le mot "utile" à propos de philosophie.

La philosophie aurait un dessein pragmatique plutôt que représentatif ?

C'est louable, mais ça peut conduire à un certain despotisme intellectuel.

 

En outre, vous faites une fixation sur ma volonté de séduire alors que je pense, au contraire, en être carencé.

 

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Membre, 48ans Posté(e)
Mal-Voyant Membre 109 messages
Forumeur activiste‚ 48ans‚
Posté(e)
Le 07/03/2021 à 12:34, Philogène a dit :

Bonjour à tous, je dois chercher la thèse de ce texte mais j'ai du mal à la percevoir. Merci d'avance pour votre aide.

 

Mais de rien. Tout le plaisir est pour moi :D

 

 

 

On ne voit bien qu'avec le coeur. L'essentiel est invisible pour les yeux.

 

 

 

Les étoiles sont éclairées pour que chacun puisse un jour retrouver la sienne.

 

 

Mais si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde.

 

Toutes les grandes personnes ont d'abord été des enfants. (Mais peu d'entre elles s'en souviennent.)

 

Espérant vous avoir aidé.

Votre Mal-Voyant.

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Membre, nyctalope, 40ans Posté(e)
Criterium Membre 2 874 messages
40ans‚ nyctalope,
Posté(e)
Le 07/03/2021 à 06:34, Philogène a dit :

Bonjour à tous, je dois chercher la thèse de ce texte mais j'ai du mal à la percevoir. Merci d'avance pour votre aide.

Je suis monolingue. Mon monolinguisme demeure, et je l’appelle ma demeure, et je le ressens comme tel, j’y reste et je l’habite. Il m’habite. Le monolinguisme dans lequel je respire, même, c’est pour moi l’élément. Non pas un élément naturel, non pas la transparence de l’éther mais un milieu absolu. Indépassable, incontestable. Hors de lui je ne serais pas moi-même. Il me constitue, il me dicte jusqu’à l’ipséité du tout, il me prescrit, aussi, une solitude monacale, comme si des vœux m’avaient lié avant même que j’apprenne à parler. Ce solipsisme intarissable, c’est moi avant moi. A demeure. Or jamais cette langue, la seule que je sois ainsi voué à parler, tant que parler me sera possible, à la vie à la mort, cette seule langue, vois-tu, jamais ce ne sera la mienne.

Jamais elle ne le fut en vérité. Tu perçois du coup l’origine de mes souffrances, puisque cette langue les traverse de part en part, et le lieu de mes passions, de mes désirs, de mes prières, la vocation de mes espérances. Mais j’ai tort, j’ai tort de parler de traversée et de lieu. Car c’est au bord du français, uniquement, ni en lui ni hors de lui, sur la ligne introuvable de sa côte que, depuis toujours, à demeure, je me demande si on peut aimer, jouir, prier, crever de douleur ou crever tout court dans une autre langue ou sans rien en dire à personne, sans parler même. Mais avant tout et de surcroît, voici le double tranchant d’une lame aigüe que je voulais te confier presque sans mot dire, je souffre et je jouis de ceci que je te dis dans notre langue dite commune : « Oui je n’ai qu’une langue, or ce n’est pas la mienne."

Autant j'aime bien la réponse de Fraction sur le solipsisme, autant je pense que ce texte cache d'autres interprétations. Tout le premier paragraphe sauf sa dernière phrase peut être résumé comme montrant ce "monolinguisme" comme une prison. Tout le second paragraphe sauf quelques phrases fait une interprétation au premier degré de cette "langue", disant qu'il n'est ni au centre ni en-dehors d'elle, ni n'évolue d'un lieu à un autre avec elle — il est juste au bord, dirions-nous que c'est au bout d'une aile de cette grande prison. Et les phrases terminant chaque paragraphe, pensées comme des punchlines, nous disent juste que ce n'est même pas sa langue.

Le premier degré a déjà été mentionné: ce pourrait être la complainte de quelqu'un qui est né ailleurs et aurait "dû" parler une autre langue mais qui finalement a été piégé par ce monolinguisme effaçant son lien avec sa précédente culture. Un berbère, un basque, un enfant adopté d'Asie du Sud-Est... le champ des possibles est large. Mais tout cela ça a déjà été dit et un tel texte ne se lit jamais juste au premier degré.

Une autre façon de l'interpréter serait de focaliser sur ce terme de "monolinguisme" et de son sens caché. Ce serait en lien à la façon dont nous pensons: une partie de nous-même pense avec le langage, met en mots nos expériences, commente tout — logique et consciente. Une autre partie plus cachée préfère communiquer par images, et est typiquement tue par les modernes, ce qui la relègue au niveau du subconscient. — Le problème avec notre narrateur intérieur, c'est qu'il donne une illusion de continuité de la personne que l'on est... Or parfois ne faisons-nous pas des choses que le jour d'avant nous ne pensions pas faire et n'aurions jamais pu imaginer faire? Nos actions reflètent-elles toujours nos mots et nos promesses? N'y a-t-il pas un gouffre énorme entre le trajet que font les personnes, et la narration qu'elles s'en sont faites tout le long du trajet? — Certains disaient qu'il n'y a pas un seul "moi", il y en a cent, il y en a mille; mais alors si l'on est habité par cette multitude, lequel est-il vraiment "moi"? Est-ce un ensemble, cette douzaine de "moi" qui forme le vrai "moi"? On ne sait pas.

Mais qu'est-ce qui crée cette illusion que la ribambelle de "moi", choisis parmi les plus conscients, forme une seule et même personne — ce narrateur intérieur, ce monolinguisme. — Mais on n'a bien vu qu'il s'agit d'une illusion, d'un reflet faussement uni (comme l'on peut créer un objet en 3D qui ressemble en tout point à un triangle impossible comme l'avatar de Fraction — mais seulement sous un seul angle précis, lequel donne l'illusion que chaque arête se connecte à la suivante, ce qui n'est pas le cas)... Donc cette unique langue, cet unique et artificiel "moi", est un mensonge, une illusion: ce n'est pas "moi" — c'est-à-dire pour filer la métaphore, ce n'est même pas ma langue.

Voilà: donc pour moi, ce texte est un début de névrose en réalisant le gouffre immense entre notre narrateur intérieur appelé "monolinguisme" et ce que serait le véritable "moi" dont on n'aperçoit même pas les contours subconscients et qui n'est à l'évidence pas la même personne.

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Membre, 153ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
Mentor‚ 153ans‚
Posté(e)
Il y a 2 heures, Criterium a dit :

Autant j'aime bien la réponse de Fraction sur le solipsisme, autant je pense que ce texte cache d'autres interprétations. Tout le premier paragraphe sauf sa dernière phrase peut être résumé comme montrant ce "monolinguisme" comme une prison. Tout le second paragraphe sauf quelques phrases fait une interprétation au premier degré de cette "langue", disant qu'il n'est ni au centre ni en-dehors d'elle, ni n'évolue d'un lieu à un autre avec elle — il est juste au bord, dirions-nous que c'est au bout d'une aile de cette grande prison. Et les phrases terminant chaque paragraphe, pensées comme des punchlines, nous disent juste que ce n'est même pas sa langue.

Le premier degré a déjà été mentionné: ce pourrait être la complainte de quelqu'un qui est né ailleurs et aurait "dû" parler une autre langue mais qui finalement a été piégé par ce monolinguisme effaçant son lien avec sa précédente culture. Un berbère, un basque, un enfant adopté d'Asie du Sud-Est... le champ des possibles est large. Mais tout cela ça a déjà été dit et un tel texte ne se lit jamais juste au premier degré.

Une autre façon de l'interpréter serait de focaliser sur ce terme de "monolinguisme" et de son sens caché. Ce serait en lien à la façon dont nous pensons: une partie de nous-même pense avec le langage, met en mots nos expériences, commente tout — logique et consciente. Une autre partie plus cachée préfère communiquer par images, et est typiquement tue par les modernes, ce qui la relègue au niveau du subconscient. — Le problème avec notre narrateur intérieur, c'est qu'il donne une illusion de continuité de la personne que l'on est... Or parfois ne faisons-nous pas des choses que le jour d'avant nous ne pensions pas faire et n'aurions jamais pu imaginer faire? Nos actions reflètent-elles toujours nos mots et nos promesses? N'y a-t-il pas un gouffre énorme entre le trajet que font les personnes, et la narration qu'elles s'en sont faites tout le long du trajet? — Certains disaient qu'il n'y a pas un seul "moi", il y en a cent, il y en a mille; mais alors si l'on est habité par cette multitude, lequel est-il vraiment "moi"? Est-ce un ensemble, cette douzaine de "moi" qui forme le vrai "moi"? On ne sait pas.

Mais qu'est-ce qui crée cette illusion que la ribambelle de "moi", choisis parmi les plus conscients, forme une seule et même personne — ce narrateur intérieur, ce monolinguisme. — Mais on n'a bien vu qu'il s'agit d'une illusion, d'un reflet faussement uni (comme l'on peut créer un objet en 3D qui ressemble en tout point à un triangle impossible comme l'avatar de Fraction — mais seulement sous un seul angle précis, lequel donne l'illusion que chaque arête se connecte à la suivante, ce qui n'est pas le cas)... Donc cette unique langue, cet unique et artificiel "moi", est un mensonge, une illusion: ce n'est pas "moi" — c'est-à-dire pour filer la métaphore, ce n'est même pas ma langue.

Voilà: donc pour moi, ce texte est un début de névrose en réalisant le gouffre immense entre notre narrateur intérieur appelé "monolinguisme" et ce que serait le véritable "moi" dont on n'aperçoit même pas les contours subconscients et qui n'est à l'évidence pas la même personne.

 

 

Votre réaction face au texte de Derrida m'a étonné. Quelque chose, dans votre expression, me heurtait. Mais quoi ? En m’imprégnant du texte de Derrida, en consultant ses thèses sur la langue, je me suis rendu compte de ce paradoxe  : vous utilisez comme grille de lecture du texte de Derrida, la langue d’un autre : celle du freudisme (subconscient, moi, névrose, etc.)

Or ce que Derrida dénonce c’est que la langue, la nôtre, est toujours la langue d’un autre. Nous apprenons notre langue près d’autres (la famille en général).

Pour analyser Derrida qui repousse la langue comme étant la langue d’un autre, vous utilisez à votre tour une langue qui est celle d’un autre, une langue que certains vous ont apprise, une langue qui n’est pas la vôtre (vous ne l’avez pas inventée).

La thèse de Derrida est extrême mais intéressante. Elle est extrême : comment ne pas apprendre notre langue d’un autre ? Elle est intéressante : faut-il que chacun crée sa propre langue ?

 

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Membre, 35ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 589 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)
Il y a 1 heure, Annalevine a dit :

La thèse de Derrida est extrême mais intéressante. Elle est extrême : comment ne pas apprendre notre langue d’un autre ? Elle est intéressante : faut-il que chacun crée sa propre langue ?

Vous avez mal lu... ? Il ne peut pas s'agir de "créer sa propre langue". Ça ne peut avoir aucun sens.

Il faut mieux réfléchir à ce qu'est la langue. Se trouve-t-elle "en" moi ? Se trouve-t-elle hors de moi ? Quelle est la relation à la langue ? Quelle est-elle ?

La langue est relation. Si je vous dis "bonjour", ceci ne se trouve ni en vous, ni en moi. Ceci est "entre" nous.

Et plus encore, la langue nous constitue, comme "moi". Elle est précédente à nos désirs, notre amour, notre jouissance, etc.

Le 07/03/2021 à 12:34, Philogène a dit :

Mon monolinguisme demeure, et je l’appelle ma demeure, et je le ressens comme tel, j’y reste et je l’habite. Il m’habite. Le monolinguisme dans lequel je respire, même, c’est pour moi l’élément. Non pas un élément naturel, non pas la transparence de l’éther mais un milieu absolu. Indépassable, incontestable. Hors de lui je ne serais pas moi-même. Il me constitue, il me dicte jusqu’à l’ipséité du tout, il me prescrit, aussi, une solitude monacale, comme si des vœux m’avaient lié avant même que j’apprenne à parler. Ce solipsisme intarissable, c’est moi avant moi. A demeure. Or jamais cette langue, la seule que je sois ainsi voué à parler, tant que parler me sera possible, à la vie à la mort, cette seule langue, vois-tu, jamais ce ne sera la mienne.

Jamais elle ne le fut en vérité. Tu perçois du coup l’origine de mes souffrances, puisque cette langue les traverse de part en part, et le lieu de mes passions, de mes désirs, de mes prières, la vocation de mes espérances. Mais j’ai tort, j’ai tort de parler de traversée et de lieu. Car c’est au bord du français, uniquement, ni en lui ni hors de lui, sur la ligne introuvable de sa côte que, depuis toujours, à demeure, je me demande si on peut aimer, jouir, prier, crever de douleur ou crever tout court dans une autre langue ou sans rien en dire à personne, sans parler même. Mais avant tout et de surcroît, voici le double tranchant d’une lame aigüe que je voulais te confier presque sans mot dire, je souffre et je jouis de ceci que je te dis dans notre langue dite commune : « Oui je n’ai qu’une langue, or ce n’est pas la mienne."

 

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Membre, 153ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
Mentor‚ 153ans‚
Posté(e)
Il y a 10 heures, Loufiat a dit :

Vous avez mal lu... ? Il ne peut pas s'agir de "créer sa propre langue". Ça ne peut avoir aucun sens.

Il faut mieux réfléchir à ce qu'est la langue. Se trouve-t-elle "en" moi ? Se trouve-t-elle hors de moi ? Quelle est la relation à la langue ? Quelle est-elle ?

La langue est relation. Si je vous dis "bonjour", ceci ne se trouve ni en vous, ni en moi. Ceci est "entre" nous.

Et plus encore, la langue nous constitue, comme "moi". Elle est précédente à nos désirs, notre amour, notre jouissance, etc.

 

Il est intéressant votre message, il illustre ce que tente de dire Derrida. Comme il n’est pas compris il finit dans l’un de ses livres par parler de lui : il a dû apprendre le français en Algérie, la langue du colon qui n’est pas la sienne. Il est passé à côté des langues, qui dans son imaginaire, auraient dû être les siennes : l’hébreu et l’arabe.

Réfléchir  sur la langue de la manière que vous le proposez c’est déjà accepter que cette langue soit la sienne. C’est la linguistique en elle-même que Derrida critique.

Votre proposition est déjà soumission à un ordre.

Vous faites respectez l’Ordre, ce qui est la première intention du langage que l’on vous apprend quand vous êtes enfant. Et vous-même comme représentant de l’Ordre qui vous a été assigné vous dites comment je dois lire Derrida, comment je dois penser.

Quand j’écris : doit-on créer son langage, je m’évade de votre Ordre, qui est celui de votre Maître, celui qui vous a assigné un langage, je prend congé de Derrida, et j’explore des voies  qui pourraient être tracées.

Je pense surtout à mon expérience d’enseignant. Certains enfants n’ont pu prendre leur envol qu’en créant un langage à eux, totalement imaginaire, un langage que les gens comme vous s’ingéniaient aussitôt à briser, car ce n’était pas le langage des maîtres. Ce n’était pas le langage de l’ordre.

 

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Membre, Un oiseau la tête en bas !, Posté(e)
Sittelle Membre 12 620 messages
Un oiseau la tête en bas !,
Posté(e)
il y a 16 minutes, Annalevine a dit :

 

Je pense surtout à mon expérience d’enseignant. Certains enfants n’ont pu prendre leur envol qu’en créant un langage à eux, totalement imaginaire, un langage que les gens comme vous s’ingéniaient aussitôt à briser, car ce n’était pas le langage des maîtres. Ce n’était pas le langage de l’ordre.

 

Avec mon  ressenti le passif d'un oison qui plane  je me vois tout à fait dans cette dernière image .. 

pa contre c'est un envol précaire .. celui d'Icare .. fragile .. parce qu'il se heurte à ceux qui sont dans l'ordre .. 

La communication  est impossible ..

Les échanges au mieux aléatoires . au pire  inexistants ..

Triste combat .. ..

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
Le 07/03/2021 à 14:29, riad** a dit :

Ça m'étonne, je garde un bon souvenir de Camus, j'ai lu l'étranger et la peste dans les années nonante, c'est vrai que je ne me rappelle pas de son style, j'ai des souvenirs vagues de l'étranger, mais si c'était camus je ne trouverais pas le texte repoussant.

J-C Van Damme : on t'a reconnu !

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
Le 08/03/2021 à 14:49, Fraction a dit :

Si vous avez ressenti de la colère dans mes propos, c'est involontaire de ma part.

Les forums ne sont pas faits pour s'énerver, même si les échanges sont parfois conflictuels.

 

Il y a du lyrisme partout, même dans un code informatique.

Parce que tout est art, même la méthodologie la plus rigoureuse.

 

Mais mon apathie naturelle est plus propice à la discussion rigoureuse qu'au tchat sympathique.

Je n'ai pas beaucoup de rêves à vendre, et je reconnais que ma tonalité est souvent anxiogène, et mon rare humour transgressif.

Moi j'aime bien ta façon de dire. elle fait toujours réfléchir, enrichit par d'autres idées.

Mais ce qu'on te reproche c'est ce que les jeunes élèves reprochent aux profs qui leur explique un poème : "c'est pas possible que le poète ait pensé à tout ça !"...

Les pauvres ! Il a pensé dix fois plus et dix fois au delà !

Je vais lire les pages du milieu qui me manquent...

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Membre, 153ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
Mentor‚ 153ans‚
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Le 08/03/2021 à 14:49, Fraction a dit :

Si vous avez ressenti de la colère dans mes propos, c'est involontaire de ma part.

Les forums ne sont pas faits pour s'énerver, même si les échanges sont parfois conflictuels.

 

Il y a du lyrisme partout, même dans un code informatique.

Parce que tout est art, même la méthodologie la plus rigoureuse.

 

Mais mon apathie naturelle est plus propice à la discussion rigoureuse qu'au tchat sympathique.

Je n'ai pas beaucoup de rêves à vendre, et je reconnais que ma tonalité est souvent anxiogène, et mon rare humour transgressif.

Puisque j’en suis à disserter sur l’Ordre que la langue ( en général) induit lorsqu’elle demeure la langue d’un maître, je me suis aperçu, vous concernant, que, parfois, j’avais moi aussi envie de vous rappeler à l’Ordre. 

C’est la finesse propre à Derrida de dire : attention je porte moi aussi l’Ordre de la langue apprise. C’est la prudence à observer vis à vis de soi : est ce que moi aussi je rejoins parfois l'armée des Orques ?

Vous pratiquez une langue qui ne respecte pas l’Ordre. Du coup pour vous comprendre il est nécessaire de renoncer à ses réflexes et de vous considérer avec un esprit vierge.

Parfois je suis obligé de rouvrir mon dictionnaire pour vous comprendre. Vous employez les mots différemment. C’est intéressant pour le lecteur. Vous étendez le champ des compréhensions possibles.

Ce que vous m’apprenez sur moi-même : je dois faire attention de ne pas rejoindre l’armée des fantassins chargée de faire respecter l’ordre. 

Je veux prendre soin de rester libre. Vous me rappelez à ma propre exigence ne jamais rejoindre une horde.

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Membre, 77ans Posté(e)
hybridex Membre 10 071 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
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Le 07/03/2021 à 17:04, riad** a dit :

J'ai un gros problème avec la littérature ambigüe, je comprends rien, déjà c'est pas facile de comprendre la langue de tout les jours, alors quand je lis "je l’habite. Il m’habite" mon cerveau bogue.

Remarque que si on chante ce genre de littérature, ça passe, parce que tu t'intéresses plus au rythme qu'au texte, c'est d'ailleurs pour ça que les musulmans chantent le coran.

 

Si tu écoutes l'émission de France Culture que j'ai référencée plus haut tu vas peut-être te découvrir plus dérridien que tu ne penses.

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Membre, 153ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
Mentor‚ 153ans‚
Posté(e)
Le 07/03/2021 à 13:31, Sittelle a dit :

purée comme ce texte est poignant .. comme il fait vibrer un pan.. enfoui .. latent .. comme oublié de non univers .. 

En lisant ce texte j’en conçus  aussi une émotion, un ressenti, ce mot que vous aimez employer et que je comprends.

Ce texte m’a renvoyé à moi-même jadis.

Quand j’étais ado je partais marcher à travers les champs et je me disais : je ne suis pas l’enfant de ce pays, je vais partir sur les routes, je vais partir chercher le pays dont je suis l’enfant.

Et je suis parti sur les routes, loin. Je me croyais seul à penser ainsi mais, à cette époque, quantité de jeunes partaient ainsi. À l’époque nous étions appelés  : génération beatnik. 

Je ne connais pas Derrida. Je suis surpris de retrouver en lui un pan de ma sensibilité comme vous retrouvez en lui un pan de la vôtre.

Il est plus qu’un philosophe ( il a écrit : « plus de langue » c’est à dire : prenons de la langue plus que ce que le colon nous dit de prendre).

Il est un artiste. L’artiste est celui qui crée une langue autre. Il permet ainsi à d’autres de rencontrer, grâce à l’émission de cette langue autre, sa propre langue.

Grâce  à Derrida vous rencontrez votre langue enfouie dans vos ressentis.

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