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Et le futur?


Ambre Agorn

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Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 169 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)

Le passé nous subjugue.

Le futur nous hypnotise.

Et nous sommes incapable de vivre le présent.

Devant moi se dresse un arbre. Ce que j'en vois n'est que le résultat de son passé. Je ne peux pas percevoir son présent, je ne sais pas ce qu'il fait, à part lui recoller ce qu'il a fait l'an dernier à la même date, ou ce qu'a fait un arbre jusqu'à présent. Je suis exclue de son présent, incapable de le vivre.

Il en va de même pour tous les autres arbres, mais aussi pour mes compatriotes. Suis-je même capable de percevoir ce que je suis dans mon présent? J'ai une idée globale de ce qui se passe, j'ai peut-être étudié scientifiquement tout ce qui est "étudiable" scientifiquement, mais suis-je vraiment dans mon présent?

Le passé, c'est le terreau où je pousse, l'influence qui m'a fait être ce que je deviens.

Le présent je le conçois à un certain niveau, celui qui me fait appliquer le passé.

Mais le futur? Le futur n'existe pas en fait! Le futur c'est juste mon esprit qui se dit "Jusqu'ici tout va bien, alors tout ira bien". Le futur c'est le calcul de probabilités basées sur le passé. Le futur n'est alors que le reflet du passé...il n'a rien de futur.

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Membre, 69ans Posté(e)
pic et repic Membre 17 993 messages
Maitre des forums‚ 69ans‚
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Il y a 6 heures, Ambre Agorn a dit :

Mais le futur? Le futur n'existe pas en fait! Le futur c'est juste mon esprit qui se dit "Jusqu'ici tout va bien, alors tout ira bien". Le futur c'est le calcul de probabilités basées sur le passé. Le futur n'est alors que le reflet du passé...il n'a rien de futur.

bonjour,

je qualifierai plutôt le futur comme l'arbre des possible à parir de chaque élément du passé, à chaque décision, c'est une nouvelle branche de ce futur qui est empruntée.

 s'il n'existe pas encore, le futur devient de présent à chaque instant.

nous regardons le futur comme étant devant nous et le passé derrière....mais vrai et faux à la fois : peut on regarder vers le futur ? non car on ne le voit pas et en tournant le dos au passé , c'est aussi faux car ce que l'on a vu qui est derrière nous et cela nous l'avons vu !

pour l’anecdote, j'ai lu il y a bien longtemps qu'une tribu d'Amazonie avait une conception radicalement opposée à la notre en ce qui concerne la perception de cette dualité futur/passé.

le futur est derrière eux car ils ne peuvent le voir tandis que le passé se trouve devant eux car ils l'ont vu et peuvent toujours se le remémorer et donc le "voir".

le futur est pour moi la somme des potentialités à partir du présent et est dominé par l'interaction avec passé .

bonne journée.

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Membre, 153ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
Mentor‚ 153ans‚
Posté(e)
Il y a 7 heures, Ambre Agorn a dit :

Le passé nous subjugue.

Le futur nous hypnotise.

Et nous sommes incapable de vivre le présent.

Devant moi se dresse un arbre. Ce que j'en vois n'est que le résultat de son passé. Je ne peux pas percevoir son présent, je ne sais pas ce qu'il fait, à part lui recoller ce qu'il a fait l'an dernier à la même date, ou ce qu'a fait un arbre jusqu'à présent. Je suis exclue de son présent, incapable de le vivre.

Il en va de même pour tous les autres arbres, mais aussi pour mes compatriotes. Suis-je même capable de percevoir ce que je suis dans mon présent? J'ai une idée globale de ce qui se passe, j'ai peut-être étudié scientifiquement tout ce qui est "étudiable" scientifiquement, mais suis-je vraiment dans mon présent?

Le passé, c'est le terreau où je pousse, l'influence qui m'a fait être ce que je deviens.

Le présent je le conçois à un certain niveau, celui qui me fait appliquer le passé.

Mais le futur? Le futur n'existe pas en fait! Le futur c'est juste mon esprit qui se dit "Jusqu'ici tout va bien, alors tout ira bien". Le futur c'est le calcul de probabilités basées sur le passé. Le futur n'est alors que le reflet du passé...il n'a rien de futur.

Tout est là, présent. Le passé n’est que passé dans l’artifice de nos concepts. Le passé est pourtant tout entier là, présent. Le moindre atome est la mémoire du passé certes, mais cette mémoire n’existe, pour nous qu’en tant qu’elle est présente. Notre corps lui même est la mémoire active du passé, et si le monde ne possède pas d’origine alors l’éternité est là toute entière  présente en nous. Et l’avenir lui même est là, tout entier présent. Nous sommes capables de conceptualiser tout cela mais incapable de le comprendre avec notre seule pensée consciente. La pensée consciente est un infinitésimal au sein d’une seule ou d’une multitude de pensées autres, agissantes.

Notre univers  tel que nous pouvons le concevoir est une onde qui franchit sans cesse un espace bordé par le néant. Tout l’univers est là, dans cette onde courbe sans cesse  en mouvement, et présente.

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Membre, Talon 1, 79ans Posté(e)
Talon 1 Membre 24 296 messages
79ans‚ Talon 1,
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Nos affections s'emportent au-delà de nous

Nous ne sommes jamais chez nous, nous sommes toujours au-delà. La crainte, le désir, l'espérance, nous lancent vers l'avenir.

Nous n'allons pas, on nous emporte comme les choses qui flottent, ores doucement, ores avec violence, selon que l'eau est ireuse (coléreuse) ou bonasse.

Montaigne

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Membre, 70ans Posté(e)
Don Juan Membre 3 260 messages
Forumeur vétéran‚ 70ans‚
Posté(e)
Il y a 10 heures, Ambre Agorn a dit :

Le passé nous subjugue.

Le futur nous hypnotise.

Et nous sommes incapable de vivre le présent.

Devant moi se dresse un arbre. Ce que j'en vois n'est que le résultat de son passé. Je ne peux pas percevoir son présent, je ne sais pas ce qu'il fait, à part lui recoller ce qu'il a fait l'an dernier à la même date, ou ce qu'a fait un arbre jusqu'à présent. Je suis exclue de son présent, incapable de le vivre.

Il en va de même pour tous les autres arbres, mais aussi pour mes compatriotes. Suis-je même capable de percevoir ce que je suis dans mon présent? J'ai une idée globale de ce qui se passe, j'ai peut-être étudié scientifiquement tout ce qui est "étudiable" scientifiquement, mais suis-je vraiment dans mon présent?

Le passé, c'est le terreau où je pousse, l'influence qui m'a fait être ce que je deviens.

Le présent je le conçois à un certain niveau, celui qui me fait appliquer le passé.

Mais le futur? Le futur n'existe pas en fait! Le futur c'est juste mon esprit qui se dit "Jusqu'ici tout va bien, alors tout ira bien". Le futur c'est le calcul de probabilités basées sur le passé. Le futur n'est alors que le reflet du passé...il n'a rien de futur.

La graine qui tombe sur le sol ressent deux forces, une force qui la pousse et une force qui l'attire, la conjugaison de ces deux forces produit le phénomène de construction, c'est à partir de ces deux forces et au point de rencontre de ces deux forces --qui peut être considéré comme l'instant présent-- que la graine va cheminer dans son "devenir".

On peut donc considérer que le futur existe comme une force aspirante au service du devenir et pas seulement une vue de l'esprit.

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
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Jadis, quand ce présent n'était que le futur

Il n'existait donc pas, il était comme un mur

Un mur pour le passé qui était le présent

Et s'arrêtait donc là ; c'est proprement dément !

Mais ce présent n'est plus : oui il est dépassé !

Un présent dépassé c'est assez le passé

Le futur de tantôt est à présent présent

Un présent tout nouveau, un présent plus récent

Il me faut cependant rester très vigilant

Ce présent maintenant plus ou moins trépidant

N'était pas le futur et pas du tout comforme

Au futur qu'il était : un changement énorme

A mon sens imprévu se serait donc produit

Car il n'est pas du tout mon beau futur déduit

Où me suis-je trompé ? Qu'est-je donc mal construit ?

L'an 2000 si beau dans les années soixante

A pas mal capoté : il a suivi la pente...

:smile2:

(à suivre peut-être ?)

 

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)

Dans mon futur passé,

Je ne me déplaçais

Que sur trottoirs roulants

Le monde était moins lent

Et sans aucun effort

Un week-end sur Vénus,

L'espace avait son port,

 L'autre sur Uranus.

Sur Mercure l'hiver

Bien au chaud j’exultais

L'été sur Jupiter

La liste consultais

Des endroits

Où le froid

Pouvait me rafraîchir.

Et sans trop réfléchir

Je pouvais m'embarquer

Pour l'un des lieux marqués !

 Oui vous l'avez compris mon futur : DES VACANCES !

L'an 2000 était beau était sûr

Il était l'espérance

Et me voilà coincé ici dans ma masure !

Les murs sont écroulés et mes trottoir patinent

Ne croyez surtout pas que je vous baratine :

Mon an 2000 est mort !

Un autre a pris sa place.

Mais il existe encor

avec toutes ses grâces

Au fonds de mon cerveau

Et toujours aussi beau !

(Poil au dos !)

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Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 169 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)
Il y a 11 heures, pic et repic a dit :

bonjour,

je qualifierai plutôt le futur comme l'arbre des possible à parir de chaque élément du passé, à chaque décision, c'est une nouvelle branche de ce futur qui est empruntée.

 s'il n'existe pas encore, le futur devient de présent à chaque instant.

nous regardons le futur comme étant devant nous et le passé derrière....mais vrai et faux à la fois : peut on regarder vers le futur ? non car on ne le voit pas et en tournant le dos au passé , c'est aussi faux car ce que l'on a vu qui est derrière nous et cela nous l'avons vu !

pour l’anecdote, j'ai lu il y a bien longtemps qu'une tribu d'Amazonie avait une conception radicalement opposée à la notre en ce qui concerne la perception de cette dualité futur/passé.

le futur est derrière eux car ils ne peuvent le voir tandis que le passé se trouve devant eux car ils l'ont vu et peuvent toujours se le remémorer et donc le "voir".

le futur est pour moi la somme des potentialités à partir du présent et est dominé par l'interaction avec passé .

bonne journée.

Le fait de se représenter le futur et le passé devant ou derrière reste la même chose, non?

Votre dernière phrase est pour moi des plus obscures. Comment le futur peut-être un potentiel dominé par le passé? Ce sont pour moi des concepts qui ne me parlent pas du tout.

Bonne soirée! :)

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Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 169 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)
Il y a 10 heures, Annalevine a dit :

Tout est là, présent. Le passé n’est que passé dans l’artifice de nos concepts. Le passé est pourtant tout entier là, présent. Le moindre atome est la mémoire du passé certes, mais cette mémoire n’existe, pour nous qu’en tant qu’elle est présente. Notre corps lui même est la mémoire active du passé, et si le monde ne possède pas d’origine alors l’éternité est là toute entière  présente en nous. Et l’avenir lui même est là, tout entier présent. Nous sommes capables de conceptualiser tout cela mais incapable de le comprendre avec notre seule pensée consciente. La pensée consciente est un infinitésimal au sein d’une seule ou d’une multitude de pensées autres, agissantes.

Notre univers  tel que nous pouvons le concevoir est une onde qui franchit sans cesse un espace bordé par le néant. Tout l’univers est là, dans cette onde courbe sans cesse  en mouvement, et présente.

Le passé tout entier dans le présent: oui, c'est ce que je ressens quand je vois cet arbre.

Oui, c'est exactement cela: tout à fait compréhensible intellectuellement, mais en lire les traces, agir en intégrant physiquement ce que je comprends intellectuellement, cela relève d'un phénomène que je ne suis pas sûr qu'il soit descriptible et transmissible intellectuellement.

L'infini à porté de la main...et non pas de la raison!

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Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 169 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)
Il y a 7 heures, Don Juan a dit :

La graine qui tombe sur le sol ressent deux forces, une force qui la pousse et une force qui l'attire, la conjugaison de ces deux forces produit le phénomène de construction, c'est à partir de ces deux forces et au point de rencontre de ces deux forces --qui peut être considéré comme l'instant présent-- que la graine va cheminer dans son "devenir".

On peut donc considérer que le futur existe comme une force aspirante au service du devenir et pas seulement une vue de l'esprit.

J'aime bien l'image!

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Membre, 153ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
Mentor‚ 153ans‚
Posté(e)
Il y a 20 heures, Ambre Agorn a dit :

Le passé tout entier dans le présent: oui, c'est ce que je ressens quand je vois cet arbre.

Oui, c'est exactement cela: tout à fait compréhensible intellectuellement, mais en lire les traces, agir en intégrant physiquement ce que je comprends intellectuellement, cela relève d'un phénomène que je ne suis pas sûr qu'il soit descriptible et transmissible intellectuellement.

L'infini à porté de la main...et non pas de la raison!

La main...J’ai associé votre remarque avec « le geste et la parole » de Leroi-Gourhan. Mais  j’assujettissais le geste au toucher. 
Vous  référez souvent au toucher, le corps à corps. Il m’est apparu que je ne vous comprenais pas. 
Mais là, dans votre réponse, je vois mieux de quoi vous parlez.
Toucher, voir, humer...la sensation...la sensation non comme source de jouissance mais comme révélatrice de quelque chose des choses.

Votre main posée sur le fût de l’arbre vous révèle un passé infini tout entier présent, là.

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Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 169 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)
Il y a 5 heures, Annalevine a dit :

La main...J’ai associé votre remarque avec « le geste et la parole » de Leroi-Gourhan. Mais  j’assujettissais le geste au toucher. 
Vous  référez souvent au toucher, le corps à corps. Il m’est apparu que je ne vous comprenais pas. 
Mais là, dans votre réponse, je vois mieux de quoi vous parlez.
Toucher, voir, humer...la sensation...la sensation non comme source de jouissance mais comme révélatrice de quelque chose des choses.

Votre main posée sur le fût de l’arbre vous révèle un passé infini tout entier présent, là.

Mon grand-père, qui était capitaine de bateau (c'était leur lieu de résidence) dans ses années vertes, nous racontait tellement d'histoires sur la mer, les baleines, les autochtones, les tempêtes, les îles, les animaux exotiques, les joies et les peines du marin, la vie de famille à bord à combiner avec celle de tout l'équipage, son métier de médecin, etc... tellement d'histoires que je pensais connaître chaque choses qu'il décrivait. Parce que je pouvais raconter ces histoires à d'autres, et même utiliser mes propres mots pour faire naître en l'autre l'image que ma propre imagination avait construite à partir des récits précis, drôles ou dangereux que mon grand-père racontait avec toute sa vie et sa propre expérience (sa vision personnelle), façon de raconter et son conditionnement et son état au moment du récit.

Et puis un jour j'ai vu la mer, je suis allée dans un petit bateau, j'ai vécu un léger coup de tabac... Là, je me suis rendue compte que je n'y étais pas du tout dans mes histoires, j'en perdais tous les mots, mon esprit était muet. Quoi que je dise ou décrive, celui qui n'a jamais vu avec ses yeux, touché et goûté l'iode de la mer, senti la poussé de la vague et l'attirance quand elle se retire, aspirée par la suivante, la sensation du roulis, le bruit spécial du vent que rien d'autre que la mâture n'arrête, la vue du creux invisible de la vague quand on est sur son dos au bord de sa crête, celui-là ne peut pas connaître. Il peut savoir, imaginer, mais il ne connaît pas.

J'ai vu des cèdres en image, j'ai lu des descriptions botaniques et géographiques pour le "reconnaître". Mais le jour où j'ai pu en toucher un de mes yeux, sentir sa peau, et humer son essence dans l'air qui l'entourait, côtoyer ses environs immédiats, tourner autour de lui, grimper au plus haut de ses branches, voir une partie de ce qu'il domine et m'asseoir dans ses fourches , j'ai su que mon corps apprenait une partie de ce cèdre, avait accès à une certaine connaissance. Le jour où mon collègue s'est mis à prononcer ce mot, j'ai vu immédiatement qu'il pensait savoir, mais ne connaissait pas. Je l'ai emmené voir ce cèdre. Même s'il n'a rien compris intellectuellement à ma démarche, je sais que j'ai enseigné à son corps une partie de ce cèdre.

Le pouvoir de l'expérience, non pas intellectuelle, mais physique.

Je m'éloigne un peu du sujet de l'avenir...quoique...

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Membre, 153ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
Mentor‚ 153ans‚
Posté(e)
Il y a 11 heures, Ambre Agorn a dit :

Mon grand-père, qui était capitaine de bateau (c'était leur lieu de résidence) dans ses années vertes, nous racontait tellement d'histoires sur la mer, les baleines, les autochtones, les tempêtes, les îles, les animaux exotiques, les joies et les peines du marin, la vie de famille à bord à combiner avec celle de tout l'équipage, son métier de médecin, etc... tellement d'histoires que je pensais connaître chaque choses qu'il décrivait. Parce que je pouvais raconter ces histoires à d'autres, et même utiliser mes propres mots pour faire naître en l'autre l'image que ma propre imagination avait construite à partir des récits précis, drôles ou dangereux que mon grand-père racontait avec toute sa vie et sa propre expérience (sa vision personnelle), façon de raconter et son conditionnement et son état au moment du récit.

Et puis un jour j'ai vu la mer, je suis allée dans un petit bateau, j'ai vécu un léger coup de tabac... Là, je me suis rendue compte que je n'y étais pas du tout dans mes histoires, j'en perdais tous les mots, mon esprit était muet. Quoi que je dise ou décrive, celui qui n'a jamais vu avec ses yeux, touché et goûté l'iode de la mer, senti la poussé de la vague et l'attirance quand elle se retire, aspirée par la suivante, la sensation du roulis, le bruit spécial du vent que rien d'autre que la mâture n'arrête, la vue du creux invisible de la vague quand on est sur son dos au bord de sa crête, celui-là ne peut pas connaître. Il peut savoir, imaginer, mais il ne connaît pas.

J'ai vu des cèdres en image, j'ai lu des descriptions botaniques et géographiques pour le "reconnaître". Mais le jour où j'ai pu en toucher un de mes yeux, sentir sa peau, et humer son essence dans l'air qui l'entourait, côtoyer ses environs immédiats, tourner autour de lui, grimper au plus haut de ses branches, voir une partie de ce qu'il domine et m'asseoir dans ses fourches , j'ai su que mon corps apprenait une partie de ce cèdre, avait accès à une certaine connaissance. Le jour où mon collègue s'est mis à prononcer ce mot, j'ai vu immédiatement qu'il pensait savoir, mais ne connaissait pas. Je l'ai emmené voir ce cèdre. Même s'il n'a rien compris intellectuellement à ma démarche, je sais que j'ai enseigné à son corps une partie de ce cèdre.

Le pouvoir de l'expérience, non pas intellectuelle, mais physique.

Je m'éloigne un peu du sujet de l'avenir...quoique...

Ce que votre grand-père vous a transmis c’est autre chose que la connaissance directe des choses. C’est le cœur de son expérience qu’il vous a transmis, la manière dont il ressentait le monde, comment il l’aimait. Sa singularité, elle même jaillie de ce passé infiniment divers, présent, qui nous modèle, il vous l’a présentée.

Pour la connaissance directe des choses nous ne pouvons parler de connaissance que dans l’expérience. Là je vous suis.

Et pourtant nous sommes tous à ce point différents que je ne pratique pas l’expérience comme vous la pratiquez. Encore cette étonnante singularité de chacun. 
 

Je vais repousser la sensation après en avoir fait l’expérience pour voir si cette expérience n’ouvre pas sur d’autres mondes. Ce faisant il est probable que je rate une certaine connaissance, attelé à ce point à accéder au discours muet des choses que je ne les entends pas dans leur simple expression.

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Membre, 52ans Posté(e)
Aruna Membre 527 messages
Forumeur balbutiant‚ 52ans‚
Posté(e)
il y a une heure, Annalevine a dit :

Ce que votre grand-père vous a transmis c’est autre chose que la connaissance directe des choses. C’est le cœur de son expérience qu’il vous a transmis, la manière dont il ressentait le monde, comment il l’aimait. Sa singularité, elle même jaillie de ce passé infiniment divers, présent, qui nous modèle, il vous l’a présentée.

Pour la connaissance directe des choses nous ne pouvons parler de connaissance que dans l’expérience. Là je vous suis.

Et pourtant nous sommes tous à ce point différents que je ne pratique pas l’expérience comme vous la pratiquez. Encore cette étonnante singularité de chacun. 
 

Je vais repousser la sensation après en avoir fait l’expérience pour voir si cette expérience n’ouvre pas sur d’autres mondes. Ce faisant il est probable que je rate une certaine connaissance, attelé à ce point à accéder au discours muet des choses que je ne les entends pas dans leur simple expression.

Tu considères donc que le monde de la sensation, ou du sentir, est encore en deçà de ce que tu appelles "le discours muet des choses"? Autrement dit, la sensation serait encore trop "bruyante", et du coup à ne pas confondre avec une forme de connaissance silencieuse...

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Membre, 153ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
Mentor‚ 153ans‚
Posté(e)
Il y a 2 heures, Aruna a dit :

Tu considères donc que le monde de la sensation, ou du sentir, est encore en deçà de ce que tu appelles "le discours muet des choses"? Autrement dit, la sensation serait encore trop "bruyante", et du coup à ne pas confondre avec une forme de connaissance silencieuse...

Je veux dire que j’organise ma psyché de manière différente que celle choisie par @Ambre Agorn. Que je repousse la sensation directe pour faire place à une autre façon de connaître le monde. Et que, ce faisant, je me prive de la connaissance à laquelle accède Ambre. Même si, ce faisant, peut-être,  je dis bien peut-être, je m’ouvre à d’autres mondes. 
Je ne fais pas de ma façon d’être un universel, en cela je ne suis pas Français. Je n’érige pas  en universel ma manière d’appréhender le monde.

Ambre complète ma façon d’être. Loin de moi l’idée de dévaloriser sa manière de sentir le monde. Au contraire.

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Membre, 35ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 589 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)
Révélation

 

Citation

Les faits que je rappellerai ici, je les ai souvent décrits et analysés dans mes autres ouvrages, mais non pas sous l'angle où ils sont maintenant considérés. Il s'agit des signes qui nous révèlent l'absence d'ouverture du monde où nous sommes, son absence d'avenir. Il s'agit des sentiments que l'homme peut avoir, ici et maintenant, et qui expriment la même réalité. Mais signes et sentiments ne sont pas clairs, explicités pour la masse des hommes. (...)

Révélation


I

L'Errance

 

Monde clos

Nous vivons l'expérience d'un monde clos. Jamais il n'y eu autant d'ouvertures - percées de la science dans le plus mystérieux, fulgurantes projections de la technique, mondialisation de la pensée, de la civilisation, ouverture des portes du "cosmos"... et jamais l'homme n'a autant ressenti sa clôture, son renfermement, son impuissance. Par personne interposée, il participe à la grande aventure humaine. (...) Mais il n'est pas l'homme en soi, il est le col blanc, cet homme au couplet gris dont l'existence se déroule mécaniquement, comme une bande perforée des vieux pianos mécaniques. (...) La journée organisée, l'année découpée en tranches exactes, on sait que l'on profitera de telles vacances qui seront l'apparence de la liberté. On sait que l'on aura telle augmentation. Et l'on peut à l'intérieur de la programmation générale faire ses petits plans en toute indépendance. Mais il se trouve que ces petits plans correspondent à ceux des autres, et chacun étant parfaitement personnalisé, on trouve quatre millions de Français sur les routes, en automobile, moyen de transport individualiste, au même moment, sur les mêmes routes. Bien sûr chacun le veut - et a choisi. Bien sûr, il y a d'immenses éventails de professions entre lesquelles un homme libre qui va naître pourra choisir. Plus que jamais nous avons la possibilité de faire ce que nos aïeux ne pouvaient pas faire, profiter de cultures étrangères et de biens surprenants, et pourtant cet homme se sent pris au piège. Il a senti sur lui retomber un couvercle, au moment où l'Homme-en-soi crevait le couvercle des cieux. Il a senti se refermer comme une trappe indéplaçable, au moment où chacun peut entrevoir la douceur de vivre pour tous. Il est parfaitement vain de discuter. Le conflit des pessimistes et des optimistes et révolu. On peut démontrer à l'homme de nos sociétés modernes que jamais ses ancêtres n'ont eu autant de moyens, de libertés, de bonheur, de bien-être, de possibilités ouvertes, de longévité, de culture, de distractions, de loisirs, de communications et d'échanges, vous ne convaincrez pas l'homme de notre société qu'il vit dans un petit paradis. Et il commence à savoir que ce n'est pas la faute de l'affreux bourgeois (qu'il est d'ailleurs lui-même devenu) et du système d'exploitation capitaliste (qui est le seul à avoir précisément réussi à lui fournir tout cela...) : l'idéologie communiste s'éteint - les éclairs du maoïsme, du gauchisme sont les derniers éclats que jette un feu mourant (...).

Il y eut des témoins de cette expérience. Les poètes ont rendu compte de cette croissance de l'illimité dans l'absurde. Mais il ne s'agissait plus de l'absurde du cosmos, de la nature incommunicable à l'homme : celle-ci était au contraire pénétrée, mesurée, contrôlée, sinon comprise. Il s'agissait dorénavant de l'absurde créé par l'homme, dans sa société, par ses propres moyens.

Kierkegaard l'avait senti. Kafka en a exprimé l'angoisse. Le surréalisme a heurté à ses portes, cherchant vainement une issue. Camus l'a réduit à un concept mais a témoigné pour l'homme révolté. (...) Le sartrisme a formulé l'incohérence de ce progrès dans son incohérence même, exactement comme le structuralisme a montré la structure parce qu'elle avait déjà dominé ce monde. (...) C'était en fonction de notre structuration implacable que le structuralisme est né. C'est pour une explication de notre société qu'il est utile mais il est trop difficile et complexe pour y parvenir, et n'est explicatif de notre temps que comme métaphysique, et dans son être même. Et ceci, dès lors, est involontaire. (...) On peut dire que l'homme se trompe et que, par exemple, le système technicien n'est pas si rigoureux qu'il le croit, mais l'important est qu'il le vit ainsi. Il est essentiellement convaincu que s'est établie dans le monde une sorte de fatalité nouvelle, le jeu inéluctable de puissances auxquelles il ne peut rien.

L'homme de notre temps est saisi par un sentiment semblable répondant à deux expériences apparemment contradictoires. D'un côté, le système se déroule, les structures s'organisent et fonctionnent. L'homme le sait ou non, peu importe : il vit qu'il n'y peut rien, que rien ne changera, qu'il n'a aucune accession aux centres de décision. Il courbe le dos et subit, accuse les "Ils", se révolte sans espoir : cela revient au même. Il proclame son exigence de participation qui n'est que l'envers de cette expérience. Mais il sait que même cela ne changera rien. Son avenir est plus strictement inscrit dans les structures que dans les astres. Mais en face, et inversement, l'information lui jette au visage cent évènements incohérents, imprévisibles, tout change apparemment à toute vitesse, impossible de s'arrêter pour fixer, cerner, comprendre, le spectacle n'est plus que j'essayais de voir, tout se suit sans raison. L'incohérence semble présider à cette succession, l'impression que j'en retire est celle d'un monde ahurissant, mobile mais non malléable, incompréhensible, pointilliste, inquiétant comme des voiles de fantômes. On n'y peut rien. On ne s'y reconnaît pas. L'avenir dès lors est imprévisible. Double expérience faite au moment moment par le même homme - qu'il subit ensemble, et ne peut maîtriser, toutes deux le conduisant à la même démission par absence d'avenir - et l'introduisent dans une nouvelle contradiction.

Car nous sommes situés dans la situation la plus étrange où l'homme vit exactement l'inverse de ce que objectivement il devrait vivre. Dans une société la plus pacifiée, la plus assurée qui ait jamais existé, l'homme vit dans une incertitude et une peur croissantes. Dans une société la plus scientifique, l'homme vit sur le mode irrationnel, dans une société la plus libérale, l'homme vit la répression et même la sur-répression ; dans une société où les communications sont les plus développées, l'homme vit dans une sorte de fantasmagorie ; dans une société où tout se fait pour établir des rapports, l'homme vit dans la solitude... Et il semble que chaque progrès nourrisse dans le vécu de l'homme exactement son contraire. Jamais l'homme n'a eu autant de moyens de faire l'histoire et son histoire, jamais il ne s'est senti aussi totalement déterminé, aussi réduit. Et le voici pris dans un étonnant système d'actions et de réactions. Car plus il lutte pour desserrer ce qu'il considère comme ses liens, plus il les resserre. La technique lui a fait un merveilleux univers de puissances et d'objets. Il accepte les puissances, sans même s'en rendre compte et commence à craindre les objets, car sa vie n'a pas de sens et sa crainte est de se voir évincé par les choses. Mais comme le seul sens possible de toute son activité est justement de se procurer davantage d'objets, car telle est la seule valeur possible que lui offre le système en compensation de son travail, il achète sans cesse et augmente son angoisse en étant envahi par les objets. Monde clos. Système. Absurde. Angoisse. Non seulement c'est ce que vit l'homme occidental du XXe siècle, mais encore il demande qu'on lui montre, le lui prouve, le lui représente ; il se précipite aux pièces de Beckett et d'Albee qui ne sont ni explosives ni contestataires, mais simplement projections de ce que n'importe qui vit dans ce monde. (...)

Explosion de l'irrationnel

Que l'irrationnel fuse aujourd'hui de partout, beaucoup le considèrent comme une heureuse ouverture dans ce monde clos. L'étudiant se révolte, et ce n'était pas comme la révolte ouvrière pour un monde plus juste, mieux organisé, plus installé, auquel il devait prendre part, mais contre ce monde installé, organisé, cette prolifération de choses et de bien-être, de compétences et de machineries. Le Noir américain se révolte, et c'est un torrent de lave furieuse qui brusquement dévaste un quartier, souvent noir. Le hippie se révolte dans l'exaltation du pouvoir des fleurs, le rêve hypnotique, la transe musicale... Il n'y a pas de programme et de projet. On a souvent reproché aux jeunes de ne pas avoir de projet, de programme. (...) "Que demandez-vous ?" Ils ne savent que répondre : "Que tout saute - Mais ce n'est pas une réponse, et l'avenir... ?" Ici, tout se tait parce qu'il n'y a pas d'avenir. La même absence de projet, de plan, de programme, se retrouve chez les Noirs américains : leurs organisations sont parfaitement incohérentes, et mettent au jour des déclarations extraordinairement contradictoires. Quant aux hippies, c'est leur essence même qui veut qu'ils n'aient aucun projet. On vit aujourd'hui. On saisit l'instant, essayant de le rendre aussi beau, séduisant, charmeur que possible. Les "conséquences" sont refusées. Ils entrent dans un nouveau mode d'expression, un nouveau style du vécu. Ils refusent les assurances et prévisions. Ils refusent l'action pour atteindre un certain but fixé. (...) C'est l'aspiration à ne pas voir plus loin que le moment, c'est le Grand Refus contre tout ce qui est proposé. (...) Sur quoi débouchera ce rien ? Ici encore règne la plus grande incertitude. Pour les uns, il y a quand même l'appel à la spontanéité absolue. (...) Mais d'autres encore se refusent même à envisager la possibilité d'un après. Aucune spontanéité créatrice du future ne les concerne plus, ils sont dans l'instant et ne veulent être nulle part ailleurs. Ils tentent de vivre le plus richement la seconde qui est donnée. Et cette annulation de tout avenir possible implique de se livrer à l'irrationnel dernier. Il n'y a plus de valeur, plus de critères d'action, plus de délibération intelligente, il y a les fleurs et l'amour que l'on prend et qu'on laisse. Il y a la faim dans cette minute et le rassasiement après. Il y a le désir enfin libéré, la possession du monde que l'on aspire par tous ses pores, une exaltation calme, une participation au délire musical, une fusion des sens ; drogues et pop music. C'est une résurgence de l'orphisme, dépouillement essentiel de soi-même et renoncement à agir sur l'Evènement pour entrer dans la Communion, libération des morales et des contraintes. Mystères indicibles auxquels on participe mais dont on ne peut parler. Car de fait, comme on a dit : il n'y a rien. Mais ce rien ne démontre par la sottise de cette conduite, l'important étant la communion, la libération, l'ec-stase. Cette croissance de l'irrationnel, quelle qu'en soit la forme, semble être la vraie protestation contre la société technicienne. Et l'honneur de l'homme, sinon son salut. Mais par un étrange retournement, voici que ce efforts désespérés, ces conduites qui nous paraissent si étranges et aberrantes, ces bagues et ces colliers, ces signes indouistes et ces cheveux longs, ces cocktails Molotov, et ces conspirations, ces refus et ces insultes, ces haines et ces délires, cet amour libre sans amour et cette incohérence de foules sans autre arcature que musicale, tout ce nouveau que les jeunes nous jettent à la tête n'est encore que le reflet pur et simple de la situation connue. Ce qui les marque, c'est eux aussi, l'absence d'avenir. Certes il y aura un futur. Le temps coule. A cette minute succédera une autre. Mais il n'y a pas d'avenir, pas de construction, pas de place, pas de logique, par de développement ultérieur de la vie, pas d'harmonie, préétablie ou à vouloir. Aucune expérience ne vaut pour après. Rien d'ailleurs n'est expérience. (...) Mais alors que l'adulte qui se trouve dans cette situation refuse de la voir, en perçoit seulement le trouble profond en lui-même, le refoule dans son inconscient, en est perturbé gravement mais ne veut pas admettre qu'il ne maîtrise pas son avenir, et multiplie alors les prévisions, les planifications, les modèles, les organisations, les status, les prospectives, les rigueurs conséquentialistes, les planifications, les programmations. Voici que les jeunes ont brusquement fait apparaître la situation telle qu'elle est. (...)

Jeunesse triste

(...) Ne parlons pas d'une crise de la jeunesse, cela est dit trop vite. Crise, pour l'adulte, c'est que le fils ne ressemble pas au père. Nous avons cependant établi qu'ils sont exactement le reflet visible de ce que nous sommes. Mais ils nous font voir ce que nous refusons de nous avouer. Alors nous parlons de crise de la jeunesse. Il n'y a pas de crise, il y a le malheur et la jeunesse. Malheur ! Mais enfin, jamais ils n'ont été si heureux. Les belles facultés, les bourses, les voyages, les facilités de travail, l'abaissement du niveau des examens... Que voulez-vous de plus ? (...) Mais justement, ils sont exactement ce que nous sommes : ils vivent le contraire de ce que les conditions matérielles les invitent à vivre, ils se sentent sans avenir - ou plutôt ce lendemain de cendres corrompt ce qui leur est donné aujourd'hui. Ils vivent et ne vivent pas. (...) La vraie crise de la jeunesse, nous la trouvons dans l'inadaptation croissante des jeunes, que l'on qualifie du terme vague d'inadaptés, dans leur mascarade, leur drogue, leurs fuites et l'excès de leurs "engagements". Nous ne sommes plus au temps de l'engagement conscient, volontaire dans un parti, exaltant des valeurs et se vouant à construire une société ou un homme meilleur. Ils savent maintenant que rien ne débouche sur rien, que leur engagement n'a pas plus de sens que le reste. Et que l'action qui n'a pas de sens ne peut en donner un à quoi que ce soit. Ils savent, ou croient savoir, ce qui revient au même. Comme leurs aînés, ils sont pris dans des réseaux d'illusions mortelles. (...) Alors ils fuient.

Dans le rêve, le déguisement, l'enfermement dans leur propre cercle, la drogue et la révolution, la route et le gaspillage - ils fuient, mais ce n'est jamais l'expérience dure et volontaire purement individualiste de Rimbaud, Monfreid, Nizan... C'est le laisser-aller, laisser-couler d'une masse, d'un plasma. Ils traduisent dans leur comportement la contradiction du monde dans lequel ils n'arrivent pas à s'insérer et qu'ils récusent. Ils fuient mais ne cherchent que l'insertion. Ils insultent l'adulte mais n'attendent qu'une authenticité de sa part. Ils veulent vivre absolument et adoptent des conduites suicidaires. Ils sont trop choyés, et vivent toutes leurs expériences sur le mode accusatoire et abandonnique. Et les contradictions se résolvent exactement en une seule formule : ils sont sans espérance. C'est exactement là que tout aboutit.

L'absence d'espérance est la clé qui permet de ressaisir à partir d'un point de vue unique les sentiments et comportements de l'homme moderne en général, et de l'adolescent qui est cet homme porté à son incandescence, à son état explosif et visionnaire. Et nous en trouvons une expression dernière dans la multiplication des suicides... (...) Mais c'est avant tout l'acte de celui qui porte un fardeau trop lourd, dont l'aveu est la peur en même temps que le sentiment d'être rejeté par tous. Comment les jeunes avec leur sensibilité, leur transfert à l'absolu de chaque expérience pourraient-ils résister au poids écrasant des informations tragiques au milieu desquelles l'adulte ne peut survivre que par l'épaisseur de son indifférence, l'expérience d'un passé qui a fini par avoir un futur, la confusion entre ce futur et une histoire, le divertissement d'un travail accaparant... Les armes du néant, l'adolescent ne les possède pas, il ne peut se voiler le défaut d'espérance du monde, il en meurt.

 

 

J. Ellul, L'Espérance oubliée, 1972.

 

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Ambre Agorn Membre 2 169 messages
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Il y a 2 heures, Loufiat a dit :
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J. Ellul, L'Espérance oubliée, 1972.

 

C'est une invitation à lire, ou une tentative de communication?

J'avoue que je n'ai pas bien compris où vous vouliez en venir, et suis intriguée

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Membre, 35ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 589 messages
Mentor‚ 35ans‚
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Il y a 2 heures, Ambre Agorn a dit :

C'est une invitation à lire, ou une tentative de communication?

J'avoue que je n'ai pas bien compris où vous vouliez en venir, et suis intriguée

Un peu tout ca à la fois, ca s'inscrit dans le thème, ca peut (ou pas) donner matière à réflexion voire discussion.. C'est gratuit  

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Membre, 63ans Posté(e)
hbou Membre 467 messages
Baby Forumeur‚ 63ans‚
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Il y a 10 heures, Loufiat a dit :
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"L'esclavage c'est la liberté" : Déclaration des droits de l'homme

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
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L’arbre muet me parle…


 

L’arbre muet me parle et le bavard se tait

C’est ainsi que j’étais

Sans étai

Que je fus

à l’affût

Bouche cousue

Je disais l’indicible

Et l’œil clos

Regardais l’invisible,

D’une oreille ensablée

J’écoutais l’inaudible

En un mot

Ressentais l’insensible.

Et me persuadais

Que le sensible ment

Sensiblement…


 

Oui je fus celui-là qui le monde inversait.

Et la neige était noire

Et je bouillais de froid

L’herbe verte était rouge...

(Plagiat!)

Au chaud je me gelais,

« Tout métal est de bois »

Était ma loi.

Une poutrelle en fer produisait maintes feuilles :

Il suffisait que je le veuille

Et je montais en bas (non sans tomber de haut)

Puis descendais là-haut

Une image invisible était pour moi le beau

En couleur noir et blanc j’admirais les tableaux

Je disais le laid beau, je disais le beau laid

(Euh !… C’est un champignon !)

« Beau le laid », « beau de l’air »

(Ça c’est bien plus mignon?)

Et les deux font la paire.

Je Volais dans la terre

Et marchais sur le ciel

Le miel pour moi était amer

Comme le fiel

Et le sucre salé ! (Allez :

Çà vous vous en doutiez !)

Le droit était tordu

Et le tordu tout droit

Le recto, un verso

Et le verseau dit « vin » !.

J’étais devin !

Mais que fait naître

ou qu’ouvre

Et trouve

le blanc

Devenu noir

sans espoir ?

Le noir devenu blanc ?

Un blanc éblouissant ?

Une fenêtre

Sur le néant….

Le chaos

Sans écho.


 

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