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... La philosophie contemporaine


Invité Quasi-Modo

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Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
deja-utilise Membre 5 738 messages
If you don't want, you Kant...,
Posté(e)

" À qui de droit ":

https://fr.wikipedia...tum_ad_personam

" Dans une argumentation, l'argumentum ad personam désigne une attaque personnelle portée par l'une des parties à la partie adverse sans rapport avec le fond du débat. "

http://www.forumfr.c...html?hl,attaque

Ce que l'on ne peut pas faire, c'est obliger les gens à regarder les choses en face, penser à leur place, il appartient à chacun de faire l'effort de compréhension, qui est étroitement lié à celui de l'étendu des ses connaissances antérieures: il y a une asymétrie importante dans l'acquisition du savoir, celui qui ne veut pas comprendre n'a que peu d'effort à fournir, voire aucun, alors que celui qui veut comprendre devra fournir beaucoup d'effort, sans garantie de succès, partant de ce constat, il est clair que certains débats sont perdus d'avance, on ne peut rien contre de la mauvaise foi ou de la mauvaise volonté, le problème vient de la recherche elle-même avant même d'en connaitre le but: la vérité.

La Dialectique éristique (en allemand Eristische Dialektik, du grec ἐριστική τέχνη) est une œuvre du philosophe Arthur Schopenhauer. Rédigée vers 1830-1831 et publiée en 1864, elle est parfois éditée en France sous le titre L'Art d'avoir toujours raison (en allemand Die Kunst, Recht zu behalten). De façon à la fois sarcastique et pragmatique, Schopenhauer y expose une série de stratagèmes permettant de l'emporter lors de controverses, indépendamment de la vérité du point de vue que l'on soutient. Ce travail qu'il considère comme le premier essai d'une « dialectique scientifique » n'ayant pas d'équivalent à son époque a aussi pour but de bien distinguer ces stratagèmes afin de pouvoir les dénoncer. La dialectique éristique constituée de la dialectique et de la sophistique s'opposerait ainsi à la logique, l'analytique, et la philosophie dont le but est la recherche objective de la vérité.

https://fr.wikipedia..._%C3%A9ristique

Stratagème 28

Ridiculiser d'autorité en tablant sur la naïveté de l'auditoire

Ce stratagème est surtout utilisable quand des savants se disputent devant des auditeurs ignorants. Il consiste à avancer une objection non valable mais dont le seul spécialiste reconnaît le manque de validité. Celui qui est le spécialiste, c'est l'adversaire, pas les auditeurs. À leurs yeux, c'est donc lui qui est battu, surtout si l'objection fait apparaître son affirmation sous un jour ridicule. Les gens sont toujours prêts à rire, et on a alors les rieurs de son côté. Pour démontrer la nullité de l'objection, il faudrait que l'adversaire fasse une longue démonstration et remonte aux principes scientifiques ou à d'autres faits, et il lui sera difficile de se faire entendre.

Ex. : L'adversaire dit : « Au cours de la formation des montagnes primitives, la masse à partir de laquelle le granit et tout le reste de ces montagnes s'est cristallisé était liquide à cause de la chaleur, donc fondu. La chaleur devait être d'environ 200˚Réaumur et la masse s'est cristallisée au dessous de la surface de la mer qui la recouvrait. » Nous avançons l'argument que : « à cette température, et même bien avant, vers 80˚, la mer se serait mise à bouillir depuis longtemps et se serait évaporée dans l'atmosphère. » Les auditeurs s'éclatent de rire. Pour nous battre, il lui faudrait démontrer que le point d'ébullition ne dépend pas seulement du degré de température mais tout autant de la pression de l'atmosphère et que celle-ci, dès que par exemple la moitié de la mer serait transformée en vapeur d'eau, elle aurait tellement augmenté qu'il n'y aurait plus d'ébullition, même à 200˚Réaumur. Mais il ne le fera pas car avec des non-physiciens, il y faudrait une véritable conférence.

*Ultime stratagème

Soyez personnel, insultant, malpoli Lorsque l’on se rend compte que l’adversaire nous est supérieur et nous ôte toute raison, il faut alors devenir personnel, insultant, malpoli. Cela consiste à passer du sujet de la dispute (que l’on a perdue), au débateur lui-même en attaquant sa per

sonne : on pourrait appeler ça un argumentum ad personam pour le distinguer de l’argumentum ad hominem, ce dernier passant de la discussion objective du sujet à l’attaque de l’adversaire en le confrontant à ses admissions ou à ses paroles par rapport à ce sujet. En devenant personnel, on abandonne le sujet lui-même pour attaquer la personne elle-même : on devient insultant, malveillant, injurieux, vulgaire.

Stratagème XIX

Généraliser plutôt que de débattre de détails Si l’adversaire nous défie expressément de mettre à mal un point particulier de son argumentation mais que nous ne voyons pas grand-chose à y redire, nous devons tenter de généraliser le sujet puis de l’attaquer là dessus. Si on nous demande d’expliquer pourquoi on ne peut pas faire confiance à une certaine hypothèse physique, nous pouvons invoquer la faillibilité de la connaissance humaine en citant plusieurs exemples.

La vérité objective selon Sch. c’est celle du terrain de la logique, de la réflexion, de l’expérience. C’est le terrain sur lequel tout homme honnête à la recherche de la vérité devrait débattre (en philo ou en politique. Pourquoi décider arbitrairement de limiter cette discussion aux discours politiques ?)

Sch. donne les armes pour gagner un débat sur la forme, ayant apparence de vérité. Et en aucun cas il s’agit pour "l’homme de la vérité" d’user de ces stratagème au service de la vérité. Il s’agit de les utiliser pour défendre et maintenir sa position, indépendamment de la vérité.

Je cite Sch. :

"Ainsi, il serait inapproprié dans la science de la dialectique de s’attarder sur la vérité objective et son développement puisque la dialectique naturelle et innée ne s’en soucie pas : seul avoir raison compte. La science de la dialectique, en un sens du terme, a pour principal but d’établir et analyser les stratagèmes malhonnêtes afin qu’ils puissent être immédiatement identifiés dans un débat réel, et écartés. C’est pourquoi la dialectique doit faire de la victoire son véritable but, et pas la vérité".

Un dernier pour la route, vu en d'autres lieux:

Stratagème XXXI

Je ne comprends rien de ce que vous me dites Si on se retrouve dans une situation où on ne sait pas quoi rétorquer aux arguments de l’adversaire, on peut par une fine ironie, se déclarer incapable de porter un jugement : « Ce que vous me dites dépasse mes faibles capacités d’entendement : ça peut très bien être correct, mais je ne comprends pas suffisamment et je m’abstiendrai donc de donner un avis. » En procédant ainsi, on insinue auprès de l’auditoire – auprès duquel votre réputation est établie – que votre adversaire dit des bêtises. Ainsi, lorsque la Critique de la raison pure de Kant commença à faire du bruit, de nombreux professeurs de l’ancienne école éclectique déclarèrent : « nous n’y comprenons rien. » croyant que cela résoudrait l’affaire. Mais lorsque les adhérents de la nouvelle école leur prouvèrent avoir raison, ceux qui déclarèrent ne rien y avoir compris en furent pour leurs frais.

On aura besoin d’avoir recours à cette tactique uniquement lorsqu’on est certain que l’audience est plus inclinée en notre faveur qu’envers l’adversaire. Un professeur pourrait par exemple s’en servir contre un élève. À proprement parler, ce stratagème appartient au stratagème précédent où l’on fait usage de sa propre autorité au lieu de chercher à raisonner, et d’une façon particulièrement malicieuse. La contre-attaque est de dire : « Toutes mes excuses, mais avec votre intelligence pénétrante il doit vous être particulièrement aisé de pouvoir comprendre n’importe quoi, et c’est donc ma pauvre argumentation qui est en défaut. » et de continuer à lui graisser la patte jusqu’à ce qu’il nous comprenne nolens volens qu’il nous apparaît clair qu’il n’avait vraiment compris. Ainsi pare-t-on cette attaque : si l’adversaire insinue que nous disons des bêtises, nous insinuons qu’il est un imbécile, le tout dans la politesse la plus exquise.

À bon entendeur...

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Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
deja-utilise Membre 5 738 messages
If you don't want, you Kant...,
Posté(e)

Pour en revenir à un débat constructif.

A aucun moment, je n'ai écrit ni envisagé que "la langue seule" puisse influencer notre façon de penser.

En revanche, je suis partisan de ne pas marginaliser/minimiser le rôle de la langue.

Oui, je sais bien Tison que tu ne l'envisages pas de façon unique, c'était pour réagir à l'intensité de ton engagement/intuition dans cette voie: " Mais précisément, ce qu'il importerait de savoir, c'est en quoi cela a une influence inconsciente sur notre mode de penser ? (Mon intuition est que cette influence est considérable !) . "

Et je te disais que cette influence est aussi importante/intense que n'importe quelle source, car rien de notre environnement n'est neutre vis à vis de notre inconscient, la simple présence d'une personne dans une salle d'attente modifie substantiellement notre réaction intérieure, notre état mental, elle est par contre en nombre de circonstances influentes largement marginale, car dans le cadre déjà restreint de la culture, dans laquelle nous nous inscrivons, le langage n'en est qu'une partie, lui même se déclinant en différentes langues d'un moyen de communication/investigation plus global, réduisant encore le champ des possibles.

De plus, j'affirmais que nous pouvons nous en extraire, à grand renfort d'attention/écoute, de moyen d'investigation, d'observations " infantiles " mnésiques ( en rapport à la réminiscence des évènements de nos premiers instants de vie ), d'effort et de motivation à tendre vers la justesse...

( P.S.: je ne t'oublies pas pour l'autre partie ! :) )

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Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
deja-utilise Membre 5 738 messages
If you don't want, you Kant...,
Posté(e)

@Tison

je me suis mélangé les pinceaux dans les liens fournis en réponse à Chapati sur le genre grammatical, celui " olé-olé ", et je pense que celui-ci pourrait t'intéresser car insistant sur le rôle symbolique de la pensée, sujet connexe au relativisme linguistique mais primant certainement bien plus profondément encore, c'est à dire supra-linguistique.

Comme me le faisait remarquer un des mes fils sur un sujet analogue, par exemple sur la couleur rouge, symbole du danger, pourtant employé comme costume traditionnel féminin dans les mariages asiatiques ( chinois je pense ), c'est à dire que le rouge dans la robe de mariage a une valeur symbolique forte positive s'opposant à la perception de danger plus naturelle et instinctive ! ( sang ou couleur du visage en colère )

Voici ce lien: https://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/68/42/43/PDF/La_lune_et_le_soleil.pdf

Bonne lecture...

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Membre, 157ans Posté(e)
chapati Membre 6 957 messages
Baby Forumeur‚ 157ans‚
Posté(e)

à DU,

Marrant. Tu effaces le post où tu te goberges d'être un génie (à propos de mauvaise foi), et tu viens ensuite expliquer que je ferais de l'ad personam après t'être vu rembarré (certes sèchement) suite au fait que tu considères comme "calomnieux" de te dire que tu ne comprends pas ce que je dis.

On me l'avais jamais faite, celle-là !

(en matière de justice, ca s'appelle destruction de document a charge)

Bref, c'est tout simple : quand tu comprends pas, tu demandes des explications avant de monter sur tes grands chevaux, et peut-être que si le fais gentiment, sans être persuadé que tu ne peux que tout comprendre, t'en auras.

Sinon et de manière générale, ma position est simple : ca ne m'intéresse pas de discuter avec des gens qui ne le font qu'à travers un rapport de force... et donc j'évite ces gens-là.

De plus, Deleuze envisage le langage comme des mots d'ordre et je suis là encore assez d'accord avec lui.

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Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
deja-utilise Membre 5 738 messages
If you don't want, you Kant...,
Posté(e)

Marrant. Tu effaces le post où tu te goberges d'être un génie [...]

???

http://www.forumfr.c...post,p,10090388 ?

or

http://www.forumfr.c...post,p,10090894 ?

De plus, Deleuze envisage le langage comme des mots d'ordre et je suis là encore assez d'accord avec lui.

C'est à dire ? ( Même si cette réponse n'est pas à mon intention, mais à l'ensemble des forumeurs, car nous sommes lus par un public )

Sinon et de manière générale, ma position est simple : ca ne m'intéresse pas de discuter avec des gens qui ne le font qu'à travers un rapport de force... et donc j'évite ces gens-là.

Ok, j'en prends note, ne pas hésiter à me le rappeler en cas de besoin dans l'éventualité de futures conversations, car effectivement je suis jusqu'au-boutiste/exigeant/logicorigide, ça peut incommoder, j'en conviens !

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Membre, 157ans Posté(e)
chapati Membre 6 957 messages
Baby Forumeur‚ 157ans‚
Posté(e)

Ok sur ce point, j'ai deconné. C'était effectivement sur un autre fil (ton deuxième lien).

Dont acte.

Ok, j'en prends note, ne pas hésiter à me le rappeler en cas de besoin dans l'éventualité de futures conversations, car effectivement je suis jusqu'au-boutiste/exigeant/logicorigide, ça peut incommoder, j'en conviens !

Bonne mise au point. Je te répondrai donc (plus tard) sur l'histoire des "mots d'ordre" du langage.

a+

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Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 032 messages
Forumeur alchimiste ‚
Posté(e)

Pour en revenir à un débat constructif.

Oui, je sais bien Tison que tu ne l'envisages pas de façon unique, c'était pour réagir à l'intensité de ton engagement/intuition dans cette voie: " Mais précisément, ce qu'il importerait de savoir, c'est en quoi cela a une influence inconsciente sur notre mode de penser ? (Mon intuition est que cette influence est considérable !) . "

Et je te disais que cette influence est aussi importante/intense que n'importe quelle source, car rien de notre environnement n'est neutre vis à vis de notre inconscient, la simple présence d'une personne dans une salle d'attente modifie substantiellement notre réaction intérieure, notre état mental, elle est par contre en nombre de circonstances influentes largement marginale, car dans le cadre déjà restreint de la culture, dans laquelle nous nous inscrivons, le langage n'en est qu'une partie, lui même se déclinant en différentes langues d'un moyen de communication/investigation plus global, réduisant encore le champ des possibles.

De plus, j'affirmais que nous pouvons nous en extraire, à grand renfort d'attention/écoute, de moyen d'investigation, d'observations " infantiles " mnésiques ( en rapport à la réminiscence des évènements de nos premiers instants de vie ), d'effort et de motivation à tendre vers la justesse...

( P.S.: je ne t'oublies pas pour l'autre partie ! :) )

Dans la mesure où je te présentais cela en terme d'"intuition", tu auras fait la part de l'intensité, de la passion, du feu qui m'habitait... avec sa part d'incommensurabilité et d'hyperbolisme :) . Cette intuition est un cri, un appel, une force qui me pousse vers quelque chose d'inconnu, qui va me conduire à problématiser... Trop conscient des problèmes que soulève la question de l'influence de la langue, je n'ai fait que traduire ce même sentiment intuitif qu'à pu avoir par exemple le linguiste John A. Lucy, mentionné plus haut, qui a décidé un beau jour de consacrer sa vie professionnelle à cette seule question de savoir comment la langue peut influer sur la pensée. Son interview est précieuse puisqu'elle fait état de réflexions après 20 ans de recherche. En dépit d'un butin qui pourra sembler, en apparence, bien maigre ("La recherche sur toutes ces questions en est encore à ses débuts et les propositions sur la relativité linguistique ont besoin de validation empirique"), la science fait son bonhomme de chemin dans ce domaine, puisqu'il s'agit bien de science et non pas de science-fiction, d'où l'intérêt que pourra prêter le philosophe attentif à toute nouvelle donne scientifique pouvant permettre, pourquoi pas ?, de sortir, via le "tournant linguistique", de cette situation aporétique décrite par Quasi-Modo et dans laquelle semblent se trouver certains philosophes actuels.

Un semblant d'approche de cette question n'est à mes yeux pas envisageable ici, faute de compétences suffisantes, de temps et d'espace. L'affaire est trop complexe.

Ce savoir-là - cette intuition de la complexité d'une question - ne se transmet pas.

Voilà pourquoi je préfère ne pas intervenir dans la discussion relative à ta deuxième partie, Déjà, même si j'avais été interpellé par l'approche intuitive et déjà potentiellement problématisée de Chapati...

J'avais noté le problème de lien que tu mentionnes et que tu as rectifié. Là aussi, autre approche linguistique de la question... à suivre

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Membre, 157ans Posté(e)
chapati Membre 6 957 messages
Baby Forumeur‚ 157ans‚
Posté(e)

Le langage en tant que mot d'ordre chez Deleuze : opération délicate à expliquer...

Dire d'abord qu'il faut distinguer le langage de la communication, même s'il est l'outil de cette dernière. Deleuze en gros refuse que le langage soit une structure objective, refuse le sytème signifiant/signifié à travers lequel on a l'habitude de traduire les énoncés. En accord avec Foucault sur ce point, il est pour lui question d'expression et de contenu.

Avant de poursuivre, il faut dire un mot sur la façon qu'il a de traiter les mots, pour faire comprendre les implications qui amèneront la suite : les mots ne correspondent pas chez Deleuze à des "essences" dont ils seraient porteurs, comme c'est le cas dans la philosophie traditionnelle, mais sont à comprendre par différenciation, c'est-à-dire que chaque mot prend telle place par rapport aux autres mots (mais ça nous emmènerait trop loin dans une explication de la philosophie deleuzienne et je m'en tiens donc là).

Donc quand un type veut "exprimer" quelque chose, ce qu'il a à dire est bien de l'ordre du sens, sens qu'il peut soit expliquer pour lui-même (pensée) soit pour le faire comprendre (communication). Les mots, de par leur supposée signifiance intrinsèque perçue comme douteuse, ne suffisent plus à dire un sens précis en même temps qu'audible. Pour ce qui est de la communication, la tâche de l'auteur de l'énoncé est donc certes de choisir des mots, mais pour les agencer entre eux dans le seul but qu'ils expriment au mieux le sens de ce qu'il veut dire. Les mots sont donc plus des outils pour produire du sens que des vecteur de sens eux-même.

Bref on a d'un côté un type qui agence des mots pour faire passer du sens, et de l'autre un autre qui doit reconstituer l'énoncé à partir des mots utilisés, et le tout en espérant que le lecteur sera capable de comprendre la démarche de l'auteur, c'est-à-dire de le lire à partir d'un sens supposé sous-jacent et non de seuls mots devenus presque "flexibles" ou remplaçables.

Or dans cette histoire de langage, on nous présente les choses comme si le langage était le fruit d'un savoir supposé entrelacer du visible et de l'énonçable (distinction foucaldienne entre ce qu'on peut voir des choses et ce qu'on peut en dire, ce qui tient lieu d'explication). Mais vu ce qui précède, on se rend bien compte que c'est plus compliqué que ça : qu'il y a toujours un sujet qui organise ses énoncés et donc que le sens qu'il donne aux choses est subjectif, et ne peut en aucun cas refléter une quelconque objectivité du langage.

Le langage est en effet toujours pris entre savoir et pouvoir (et dépend en outre de tout un tas de contextes). Bref, il n'est en rien un instrument objectif pour lequel on veut le faire passer, mais bien un truc indissociable de pouvoirs qui le sous-tend. Entre visible et énonçable, il y a forcément un rapport de forces transversal qui ne peut aboutir à une pseudo "signifiance" du langage.

Le langage est en fait pris dans des "mots d'ordres" qui le transforme en simple représentant du savoir/pouvoir. Par exemple, il n'y a pas de différence en terme de langage à dire que Pierre est plus grand que Paul selon qu'on l'a soi-même constaté ou qu'il s'agit d'une info collectée en deuxième main. La phrase est donc reçue comme un mot d'ordre du savoir sans qu'on en sache la portée en terme de simple communication. Le langage, selon Deleuze, devrait être vu comme une carte du réel alors qu'il est perçu comme un calque.

Je laisse finir Deleuze :

Nous appelons mot d’ordre, non pas une catégorie particulière d’énoncés explicites (par exemple à l’impératif), mais le rapport de tout mot ou tout énoncé avec des présupposés implicites, c’est-à-dire avec des actes de paroles qui s’accomplissent dans l’énoncé, et ne peuvent s’accomplir qu’en lui. Les mots d’ordre ne renvoient donc pas seulement à des commandements, mais à tous les actes qui sont liés à des énoncés par une "obligation sociale". Il n’y a pas d’énoncé qui ne présentent ce lien, directement ou indirectement. Une question, une promesse sont des mots d’ordre. Le langage ne peut se définir que par l’ensemble des mots d’ordre, présupposés implicites ou actes en parole, en cours dans une langue à un moment donné. (…) Il n’y a pas de signifiance indépendante des significations dominantes, pas de subjectivation indépendantes d’un ordre établi d’assujettissement. Pourtant toutes deux dépendent de la nature et de la transmission des mots d’ordre dans un champ social donné.

(Mille Plateaux - Postulats de la linguistique - p.101 & 102)

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Membre, Posté(e)
Dompteur de mots Membre 1 841 messages
Forumeur activiste‚
Posté(e)
Parce que précisément je ne peux pas jeter ainsi le concept de vérité alors qu'il est consubstantiel de toutes nos pensées ou propos!

Oui ?

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Membre, 157ans Posté(e)
chapati Membre 6 957 messages
Baby Forumeur‚ 157ans‚
Posté(e)
. En dépit d'un butin qui pourra sembler, en apparence, bien maigre ("La recherche sur toutes ces questions en est encore à ses débuts et les propositions sur la relativité linguistique ont besoin de validation empirique"), la science fait son bonhomme de chemin dans ce domaine, puisqu'il s'agit bien de science et non pas de science-fiction, d'où l'intérêt que pourra prêter le philosophe attentif à toute nouvelle donne scientifique pouvant permettre, pourquoi pas ?, de sortir, via le "tournant linguistique", de cette situation aporétique décrite par Quasi-Modo et dans laquelle semblent se trouver certains philosophes actuels.

C'est en fait assez délicat à mon sens de parler de "science" dès que l'humain est en question. Là par exemple, la dite science nous explique qu'elle "a besoin de validation empirique". Ça veut dire quoi ? D'une quantité de données permettant de faire des statistiques ? On aurait alors une science des statistiques. Mouais. Un peu léger pour parler d'une cause ou origine de modes de pensée.

De plus, c'est plutôt inquiétant de se prétendre science quand on en est à comparer une langage d'une partie du Yucatán peuplée j'imagine d'indiens descendants des mayas et l'anglais (ou américain) ! Je sais pas exactement ce que le type nous dit quand il dit qu'il n'y a pas de pluriel dans la langue parlée dans le Yucatán mais à vue de nez, ça semble significatif d'un truc pas anodin. Du coup qu'elle,différence faire quant à la langue quand il est sans doute question de modes de pensée traditionnels fortement signifiants et sans doute prégnant ? Alors oui, c'est sur qu'on apprend ca aux mômes, mais enfin avec tout le reste hein !

Bref, c'est assez compliqué l'usage du mot "science", parce que dans les esprits, occidentaux en particulier (et à propos de langage), ça laisse entrevoir une idée de "porteur de vérité" qui pour moi n'a pas plus de raison d'être en sciences humaines qu'en philosophie par exemple, si les seuls caractères scientifiques portent alors sur une certaine rigueur "de type scientifique" (quoi d'autre). La philo n'a pas besoin de moi de rigueur que la socio et autres, et n'est pas plus ni moins porteuse de vérité que n'importe quelle science non " dure".

(ou alors, on revient à l'histoire d'une vérité qui ne serait que l'affirmation de la fausseté du faux, et alors d'accord pour dire qu'il peut y avoir quelque chose de scientifique là dedans)

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Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
deja-utilise Membre 5 738 messages
If you don't want, you Kant...,
Posté(e)

À nous deux mon ami,

Lorsque j'ai résumé cette première "observation" (chaque "observation" ne pouvant, à elle seule, être taxée de paradigme), je n'ai pas manqué de penser à toi, cher Déjà, et à ta position sur cette question que tu avais rappelée il y a peu de temps. il risque d' y avoir malentendu dans la mesure où il importe de savoir ce que nous entendons par "pensée". Pour ma part, j'opère le recadrage suivant : j'entends par pensée toute sorte de pensées conceptuelles (= philosophiques), c'est-à-dire la mise en concepts d'intuitions premières. Celles-ci sont des sortes d'excitations, d' émotions, etc. Il y a bien évidemment tout un langage émotionnel non-verbal, à savoir une "pensée sans langage", mais qui diffère, à mon avis, du langage verbal, davantage abstrait, conceptualisé, etc. (Le tout étant bien sûr de se souvenir, comme le rappelle Nietzsche, que tous ces concepts ont une source affective).

Tu réduits donc le champ de validité de la notion de pensées, mettant de coté celles par association d'idées, les représentations symboliques, je peux l'entendre puisque tu expliques/traduits ce que tu as toi-même dit précédemment. Mais as-tu lu le lien en entier, car même dans ce cadre particulier ainsi défini, penser est possible sans langage !?

De plus, mais je ne remets pas la main sur le lien vidéo associé ( effacé sur youtube semble-t-il ), les animaux, d'autres primates mais des perroquets également, sont capables de jouer avec/utiliser les/jouir des concepts utilement.

Je ne restreints pas mon approche à une communication non verbale, mais bien des raisonnements, des constructions, des manipulations conceptuelles, élaborées, ne s'appuyant pas sur un langage.

Il est même logiquement impossible d'imaginer que ce soit le langage qui permette des constructions ou des relations abstraites ( créer ou user de concepts ), puisqu'il nous faut acquérir d'abord le langage dans ce cas pour les utiliser, mais cette acquisition fait appel justement à ces capacités ! Autrement dit, c'est précisément parce que nous en sommes capables en amont que nous pouvons apprendre une langue, et non l'inverse.

Voilà pourquoi je suis farouchement contre ce genre d'idées, que le langage soit une condition à la pensée, quelle qu'elle soit.

N'avais-je pas écrit : "le langage n’est pas une activité permettant d’articuler des représentations indépendantes de celles que nous possédons déjà ; il ne prend son sens que lorsque nos différentes représentations ont un minimum de corrélation" ?

Si, mais...

Par exemple, la corbeau qui voit rentrer dans le champ pour l'y faire déguerpir un paysan qui tente maladroitement de se cacher, sait ce qui se trame, de même si ils viennent à plusieurs, le corvidé saura naturellement jusqu'à environ 5 individus, si il en reste encore dissimulés ou si ils sont tous présents et visibles, le langage n'est pas un préambule à la réflexion, cet animal est capable de compter, soustraire ou additionner, tout ça pour comprendre la situation qui se déroule devant lui, si l'on tente de lui faire croire à la disparition d'un comparse, il ne tombera pas dans le panneau, cette mise en situation expérimentale, n'utilise aucunement le langage, et pourtant il y a eu des " propositions " ( non verbales donc ) élaborées par les scientifiques et qui ont été rejetées ou acceptées par l'animal, pour pouvoir agir en conséquence, s'enfuir, s'éloigner, ou continuer à picorer les graines dans le champ.

Nos représentations ne sont pas strictement dépendantes d'un langage, ce qui permet d'hybrider des apports linguistiques avec d'autres qui n'ont aucun rapport verbal pour coupler ou réfléchir et aboutir à d'autres représentations plus évoluées que les précédentes.

Comment peux-tu te distancer de quelque chose si ce quelque chose n'est pas clairement identifié ?

Je suis content que tu me poses cette question, car je vais pouvoir révéler mon secret !

Il faut dire que depuis ma plus tendre enfance, je ne suis pas confiant envers autrui, j'ai toujours de mémoire était méfiant, et cela ne m'a jamais quitté, ce qui a eu une influence considérable sur mon appropriation de mes savoirs, de ma compréhension du monde, j'ai toujours douté de ce que les grands pouvaient me raconter, j'ai toujours mis une distance, relativiser, ou pris avec suspicion ce qui m'était fourni, surtout si ça ne cadrait pas avec ce que je pouvais voir, constater de mon coté.

J'ai donc toujours cultiver cette distanciation avec les idées des autres, quelles soient dominantes ou locales, vis à vis de mes propres représentations, je n'ai jamais perdu le fil conducteur en quelque sorte, comme la sève de l'arbre qui peut atteindre des hauteurs très importantes, alors qu'une fois une prise d'air faite sur le tronc sur toute la périphérie, il sera impossible de reprendre la continuité, toute la partie supérieure sera à jamais couper du suc vital, mais tant qu'il restera un filet de sève qui passe vers la partie supérieur, son fonctionnement peut continuer ou reprendre comme avant.

Même si tout le monde n'aura pas eu une approche aussi extrême, le simple fait d'avoir toujours garder une once de doute, on pourra renouer avec ce que nous étions, plus innocents, proche des faits, sans idées préconçues, plus fidèle, tout en voyant où sont les pensées populaires, plus idéologiques/idéelles que pragmatiques.

Merci pour la référence (c'est noté), mais tu aurais pu donner des pistes de réflexion, un minimum de contre-argumentation !

Me suis encore trompé sur ce coup là:

Comment pensent les bébés, A. Gopnik, A. Meltzoff et P. Kuhl

ou

La bosse des maths, S. Dehaene ( auteur cité dans un des derniers liens que je t'ai proposé )

Je ne peux pas te faire de citation, j'ai toujours et encore une pitoyable mémoire, condamné à ne retenir que l'essence des idées, pas les croustillants détails... En tout cas, le langage n'est pas ce qui est mis en avant pour expliquer ce qui se passe, et les exemples sur les animaux donnés au-dessus sont encore plus saisissants ( déjà fourni je crois, Les origines animales de la culture, D. Lestel )

La communication pour les animaux sociaux, oui, mais langagière n'est pas une condition nécessaire.

Et sans communication avec les autres membres d'une même espèce pour les animaux solitaires, comme la pieuvre ou plus proche de nous, le chat.

( Je ferai un piètre philosophe à mes yeux, si je ne respectais pas ce que j'attends d'un philosophe dans la déontologie, il me semblait nécessaire d'être prudent sur le ton employé, ce qui a récemment éveillé un quiproquo, te réfuter oui, mais pas n'importe comment ! ;) )

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Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 032 messages
Forumeur alchimiste ‚
Posté(e)

C'est en fait assez délicat à mon sens de parler de "science" dès que l'humain est en question. Là par exemple, la dite science nous explique qu'elle "a besoin de validation empirique". Ça veut dire quoi ? D'une quantité de données permettant de faire des statistiques ? On aurait alors une science des statistiques. Mouais. Un peu léger pour parler d'une cause ou origine de modes de pensée.

De plus, c'est plutôt inquiétant de se prétendre science quand on en est à comparer une langage d'une partie du Yucatán peuplée j'imagine d'indiens descendants des mayas et l'anglais (ou américain) ! Je sais pas exactement ce que le type nous dit quand il dit qu'il n'y a pas de pluriel dans la langue parlée dans le Yucatán mais à vue de nez, ça semble significatif d'un truc pas anodin. Du coup qu'elle,différence faire quant à la langue quand il est sans doute question de modes de pensée traditionnels fortement signifiants et sans doute prégnant ? Alors oui, c'est sur qu'on apprend ca aux mômes, mais enfin avec tout le reste hein !

Bref, c'est assez compliqué l'usage du mot "science", parce que dans les esprits, occidentaux en particulier (et à propos de langage), ça laisse entrevoir une idée de "porteur de vérité" qui pour moi n'a pas plus de raison d'être en sciences humaines qu'en philosophie par exemple, si les seuls caractères scientifiques portent alors sur une certaine rigueur "de type scientifique" (quoi d'autre). La philo n'a pas besoin de moi de rigueur que la socio et autres, et n'est pas plus ni moins porteuse de vérité que n'importe quelle science non " dure".

(ou alors, on revient à l'histoire d'une vérité qui ne serait que l'affirmation de la fausseté du faux, et alors d'accord pour dire qu'il peut y avoir quelque chose de scientifique là dedans)

Si tu veux en savoir un peu plus sur les travaux de John A. Lucy, et cette question du pluriel dans cette langue parlée au Yucatan, tu peux lire cet article en anglais, pp. 303-3O7 :

http://www.ehu.eus/o...iewFile/564/470

Ce peuple privilégie la forme des objets, alors que les Anglais privilégient la matière des objets, etc.

L'élaboration de traits distinctifs de ce genre pourrait se faire entre grandes familles de langues. Et, bien sûr, à l'intérieur de chaque grande famille linguistique, etc. Il y a de quoi faire, avec près de 7000 langues à travers le monde.

Je me ferai un plaisir de lire Mille plateaux par Deleuze (en me procurant le livre, car je n'aime pas lire des textes trop longs sur un écran).

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Membre, 157ans Posté(e)
chapati Membre 6 957 messages
Baby Forumeur‚ 157ans‚
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Bon enfin bref, la philo contemporaine, c'est Deleuze épicétou.

:crazy::8P::crazy:

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Membre, Posté(e)
Dompteur de mots Membre 1 841 messages
Forumeur activiste‚
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En clair, les philosophes du langage vont mettre en doute la compréhension classique de notre accès à la connaissance puisqu’ils mettent de l’avant l’idée que notre langage articule une précompréhension du monde qui structure notre accès à la connaissance. Le sujet isolé n’est pas la mesure de cette précompréhension linguistique ; celle-ci est toujours articulée et intersubjectivement partagée par l’ensemble de la communauté qui partage un langage commun. Notre point de vue pour juger de la validité d’un énoncé et de nos représentations du monde ne peut être qu’intersubjectif.

Le tournant linguistique sera amené à mettre en doute la conception correspondantiste /« mentaliste » de la vérité. Selon ce paradigme correspondantiste, la vérité se dévoile à travers sa conformité avec le monde objectif (= « modèle cognitif du miroir du monde », pour reprendre l’expression de Habermas) ; nos représentations mentales peuvent référer de façon juste au monde extérieur ; la réalité nous est accessible directement via les sens, et cette expérience sensible peut être formalisée à travers nos représentations mentales.

Ce que la philosophie du langage va remettre en cause, c’est l’idée que nous aurions accès via nos sens à une réalité non interprétée, ce qui est impossible puisque toute représentation doit passer à travers un filtre linguistique déformant cette rencontre avec le monde. Le caractère holiste du langage suggère que nos nouvelles interprétations doivent pouvoir être conciliées avec nos représentations déjà acceptées, que nos croyances antérieures influencent nécessairement nos croyances en devenir. Nous n’avons aucun accès à la réalité « nue ».

Le sujet isolé ne semble plus être en mesure d’être l’autorité permettant de juger de la validité de nos représentations du monde. Le tournant linguistique suggère la nécessité de l’horizon d’une communauté d’interprétation. Une telle « mutation de l’autorité épistémique » (Habermas, 2001), ou césure paradigmatique, va conduire les philosophes du langage à se demander s’il est encore possible de conserver un concept fort de vérité et de défendre une conception « réaliste » (position de Habermas et de Apel) ou, au contraire, préférable d’opter pour une conception déflationniste de la vérité et de rejeter toute intuition réaliste (position de Rorty qui va radicaliser le tournant linguistique).

Je te remercie pour toutes ces explications Tison. C'est toujours un plaisir de te lire lorsque tu traites de linguistique (de philosophie aussi mais la linguistique semble bien occuper une place spéciale dans tes pensées).

La première pensée qui m'est venue en te lisant c'est de me dire que l'incontournable Nietzsche avait déjà ouvert bien grande cette porte du tournant linguistique, à la fin du XIXe siècle. Rappelle-toi (j'ose poser l'hypothèse que tu as une certaine connaissance de Nietzsche) toutes ces allusions aux "filets du langage", aux présupposés grammaticaux qui selon lui avaient menés Descartes à son cogito, à ses idées sur la nature physiologique des éléments grammaticaux de base, mais aussi, et sans doute de manière plus importante, puisque cela constitue l'un des points fondamentaux de son œuvre, à son travail de sape à l'égard des grands concepts philosophiques qui trop souvent s'envolent comme des ballons déréglés vers les cieux fumants de la vérité.

La deuxième pensée qui m'est venue à l'esprit est que je plussoie allègrement ces considérations qui limitent le concept de vérité. Pour moi, le langage – et à plus forte raison le langage philosophique – n'est qu'un instrument de communication à la visée pratique, d'abord et avant tout. Suivant cette idée, ce n'est pas le vrai qui importe le plus à mes yeux, mais bien le vital. Et d'ailleurs, je pense que c'est le cas pour la plupart des gens. Seulement, ils l'ignorent.

Ma troisième pensée a été de me dire que ce tournant linguistique n'est pas seulement linguistique mais qu'il est aussi politique. Le libéralisme est en effet l'exact reflet de la pensée que tu décris : où toute prétention à une vérité sociale est abandonnée au profit d'un dialogue entre les îlots individuels de liberté. D'ailleurs, ça concorde pile avec la grande époque de Rawls.

Ma quatrième pensée a été de me dire qu’on fait probablement erreur en considérant la vérité comme si elle était un bloc ontologique qui recouvre toute la réalité. À ce titre, mon intervention de départ dans ce topic était quelque peu à côté de la plaque également* (ou du moins elle était rétrograde par rapport à mon sentiment réel sur cette question). C’est le cas aussi du tournant linguistique (même si j’admets mon ignorance crasse quant à ce mouvement philosophique), mais aussi des différentes options présentées par Quasimodo. Il en va peut-être là d’une façon analogue au dilemme moral de la croyance en Dieu tel que l’ont dessiné les hommes modernes, à savoir l’opposition pure et nette entre la croyance et l’athéisme, comme s’il n’existait aucune autre façon d’articuler les exigences différentes qui nous habitent. Comme si les exigences d’élévation qui sont recoupées par le concept « Dieu » ne pouvaient pas se conjuguer harmonieusement avec les exigences de réalisme et de flexibilité morale qui sont recoupées sous le concept « athéisme ». De même, peut-être est-il possible de conjuguer harmonieusement nos exigences pour une connaissance universelle, à l’épreuve du temps et qui manifeste de l’unité – qui sont recoupées par le concept « vérité » – avec les exigences philosophiques à se donner le droit de réfléchir à des thèmes qui ne font pas l’objet d’une telle connaissance.

Quasimodo nous présente quatre options mais en fait, elles s’alignent toutes sous l’égide de la première exigence que j’ai nommée : à savoir que dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de ramener le tout de ses pensées à la vérité. Même le sceptique ne fait pas autrement. L’originalité mais aussi l’inanité de sa position est qu’il déclare d’emblée que cela est impossible mais qu’il s’enferme aussi dans cette impossibilité. Alors que la position la plus raisonnable, est sans doute de reconnaître que cela est effectivement impossible, tout en reconnaissant que la vérité a des territoires qui lui appartiennent de droit, tandis que d’autres sont sous une occupation différente, une occupation que les philosophes du tournant linguistique, mais aussi que toute la philosophie pragmatique contemporaine ont bien caractérisée avec l’idée de co-construction. C’est-à-dire qu’il y a des territoires de la pensée qui ne sont pas alignés sous le règne impérialiste de la vérité mais qui forment plutôt une sorte de modèle coopératif (d’aucuns inséreraient le mot « démocratie » ici) où la substance de la pensée se forme de manière confluente, dans un dialogue constant avec les autres, avec la réalité et avec soi-même. Cela n’empêche pas qu’il y ait des personnalités (j’aurais pu dire aussi des « valeurs » - je slalome entre le cognitif et le politique) qui puissent s’élever ici et là, et qui se posent en modèles qui alignent la construction de la pensée.

Vu sous l’angle de la vérité, c’est une position qui pourrait être qualifiée de dogmatisme sectoriel adjoint à un scepticisme sectoriel. Mais cela ne qualifie pas cette position de manière adéquate puisque l’angle de la vérité ne peut révéler toute l’ampleur de cette position, entendu que la vérité n’est plus notre paradigme unique. Ce serait comme observer la société américaine du seul point de vue français, sans s’interroger sur ce que ce peut être que d’être américain. Ce qu’on tente de désigner sous l’appellation de « scepticisme sectoriel » n’est pas seulement un scepticisme – c’est-à-dire un positionnement par rapport à la vérité, mais bien plutôt un mode de construction de la pensée différent.

Ma cinquième pensée a été une considération supplémentaire par rapport au bloc ontologique de la vérité– dont nous affirmons l’aspect sectoriel – à l’effet qu’il ne se présente justement pas comme un bloc monolithique aux contours bien tranchés. Il tient plutôt de la nébuleuse, en ce sens qu’il se démarque bien en tant qu’objet, ou en tant que bloc ontologique, mais que son aspect est diffus. Il n’est pas toujours évident de déterminer avec exactitude où nous nous trouvons, sous quel mode de construction de la pensée nous nous alignons.

Une affirmation à l’effet que « la vérité est consubstantielle de toutes nos pensées ou propos » touche l’intuition valable que la vérité constitue un mode de construction de la pensée fondamental. Sa part regrettable consiste à sous-entendre qu’il s’agit du seul mode de construction de la pensée.

* Cette intervention de départ avait une portée comparable au cri du cœur de l’athée dans le dilemme moderne de la croyance – où l’aspiration à laisser cours à des exigences nouvelles finit par tout broyer sur son passage. Ma deuxième pensée allait aussi dans ce sens.

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tison2feu Membre 3 032 messages
Forumeur alchimiste ‚
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1 / Tu réduits donc le champ de validité de la notion de pensées, mettant de coté celles par association d'idées, les représentations symboliques, je peux l'entendre puisque tu expliques/traduits ce que tu as toi-même dit précédemment. Mais as-tu lu le lien en entier, car même dans ce cadre particulier ainsi défini, penser est possible sans langage !?

De plus, mais je ne remets pas la main sur le lien vidéo associé ( effacé sur youtube semble-t-il ), les animaux, d'autres primates mais des perroquets également, sont capables de jouer avec/utiliser les/jouir des concepts utilement.

Je ne restreints pas mon approche à une communication non verbale, mais bien des raisonnements, des constructions, des manipulations conceptuelles, élaborées, ne s'appuyant pas sur un langage.

Il est même logiquement impossible d'imaginer que ce soit le langage qui permette des constructions ou des relations abstraites ( créer ou user de concepts ), puisqu'il nous faut acquérir d'abord le langage dans ce cas pour les utiliser, mais cette acquisition fait appel justement à ces capacités ! Autrement dit, c'est précisément parce que nous en sommes capables en amont que nous pouvons apprendre une langue, et non l'inverse.

Voilà pourquoi je suis farouchement contre ce genre d'idées, que le langage soit une condition à la pensée, quelle qu'elle soit.

Mon erreur est sans doute d'avoir adjoint au terme "concept" le qualificatif "philosophique" (à supprimer donc). Mais je n'ai nulle part mis de côté les associations d'idées ni les représentations symboliques; tu le supposes à tort. De plus, tu imagines que ma définition de la pensée conceptuelle ne s'appliquerait qu'aux animaux humains, ce que qui est totalement fantaisiste ; au contraire, je pense que certains animaux non-humains ont un langage suffisamment élaboré pour manier des abstractions, et l'éthologie a encore beaucoup de choses à nous apprendre dans ce domaine. Quand on sait le rôle que peut jouer la seule intonation pour différencier un même cri, cela ouvre des perspectives sur la complexité et la richesse insoupçonnée de certains langages animaux, certains animaux pouvant être pourvus de qualités auditives incroyablement supérieures à celles des animaux humains.

Je te concède néanmoins, en guise de conclusion provisoire et pour en revenir à l'essentiel, que cette première "observation" (relative au tournant linguistique) est de loin la plus discutable et que, comme tu le suggères, il se pourrait bien que ce soit la capacité langagière qui rende possible l'élaboration de pensées conceptuelles. Les neurosciences auront sûrement encore beaucoup à nous apprendre sur cette question.

(Pour la video, je ne peux y accéder pour l'instant, le temps de prendre en main mon nouvel ordi !).

2 / Si, mais...

Par exemple, la corbeau qui voit rentrer dans le champ pour l'y faire déguerpir un paysan qui tente maladroitement de se cacher, sait ce qui se trame, de même si ils viennent à plusieurs, le corvidé saura naturellement jusqu'à environ 5 individus, si il en reste encore dissimulés ou si ils sont tous présents et visibles, le langage n'est pas un préambule à la réflexion, cet animal est capable de compter, soustraire ou additionner, tout ça pour comprendre la situation qui se déroule devant lui, si l'on tente de lui faire croire à la disparition d'un comparse, il ne tombera pas dans le panneau, cette mise en situation expérimentale, n'utilise aucunement le langage, et pourtant il y a eu des " propositions " ( non verbales donc ) élaborées par les scientifiques et qui ont été rejetées ou acceptées par l'animal, pour pouvoir agir en conséquence, s'enfuir, s'éloigner, ou continuer à picorer les graines dans le champ.

Nos représentations ne sont pas strictement dépendantes d'un langage, ce qui permet d'hybrider des apports linguistiques avec d'autres qui n'ont aucun rapport verbal pour coupler ou réfléchir et aboutir à d'autres représentations plus évoluées que les précédentes.

Même rappel que supra. Sans vouloir te blesser d'aucune façon, cher Déjà, je dirai qu'à force de dilution et d'éparpillement dans tes réponses, tu perds de vue ce qui faisait le départ de la 2e "observation", et qui concerne l'usage de la langue par le philosophe et son discours.

D'ailleurs, et cette remarque ne s'adresse pas à toi, Déjà, pour gagner en précision, les 4 "observations" mentionnées devraient être formulées - à mon humble avis ! - en termes de langue et non de langage (distinction indispensable entre langue et langage, depuis de Saussure).

3 / Je suis content que tu me poses cette question, car je vais pouvoir révéler mon secret !

Il faut dire que depuis ma plus tendre enfance, je ne suis pas confiant envers autrui, j'ai toujours de mémoire était méfiant, et cela ne m'a jamais quitté, ce qui a eu une influence considérable sur mon appropriation de mes savoirs, de ma compréhension du monde, j'ai toujours douté de ce que les grands pouvaient me raconter, j'ai toujours mis une distance, relativiser, ou pris avec suspicion ce qui m'était fourni, surtout si ça ne cadrait pas avec ce que je pouvais voir, constater de mon coté.

J'ai donc toujours cultiver cette distanciation avec les idées des autres, quelles soient dominantes ou locales, vis à vis de mes propres représentations, je n'ai jamais perdu le fil conducteur en quelque sorte, comme la sève de l'arbre qui peut atteindre des hauteurs très importantes, alors qu'une fois une prise d'air faite sur le tronc sur toute la périphérie, il sera impossible de reprendre la continuité, toute la partie supérieure sera à jamais couper du suc vital, mais tant qu'il restera un filet de sève qui passe vers la partie supérieur, son fonctionnement peut continuer ou reprendre comme avant.

Même si tout le monde n'aura pas eu une approche aussi extrême, le simple fait d'avoir toujours garder une once de doute, on pourra renouer avec ce que nous étions, plus innocents, proche des faits, sans idées préconçues, plus fidèle, tout en voyant où sont les pensées populaires, plus idéologiques/idéelles que pragmatiques.

L'ombre du doute est sauve, puisque la 3e "observation" repose sur le doute : Et si, au final, nos représentations du monde n'étaient autres que le résultat d'une "précompréhension du monde" articulée par un certain moule cognitif ? L'ethhnolinguistique aura certainement des réponses à apporter dans les prochaines décennies.

4 / Me suis encore trompé sur ce coup là:

Comment pensent les bébés, A. Gopnik, A. Meltzoff et P. Kuhl

ou

La bosse des maths, S. Dehaene ( auteur cité dans un des derniers liens que je t'ai proposé )

Je ne peux pas te faire de citation, j'ai toujours et encore une pitoyable mémoire, condamné à ne retenir que l'essence des idées, pas les croustillants détails... En tout cas, le langage n'est pas ce qui est mis en avant pour expliquer ce qui se passe, et les exemples sur les animaux donnés au-dessus sont encore plus saisissants ( déjà fourni je crois, Les origines animales de la culture, D. Lestel )

La communication pour les animaux sociaux, oui, mais langagière n'est pas une condition nécessaire.

Et sans communication avec les autres membres d'une même espèce pour les animaux solitaires, comme la pieuvre ou plus proche de nous, le chat.

Sur ce point, je demandais juste que ta référence au livre de Dehaene soit suivie éventuellement de quelque idée pouvant servir d'accroche et donner envie de le lire.

L'objet de la 4e "observation" relative au tournant linguistique aurait méritée d'être davantage pris en considération. Il concerne en effet les animaux sociaux !, et c'est à mon avis l'un des points forts de la théorie de l'agir communicationnel de Habermas et de Karl-Otto Appel.

(En m'excusant de chevaucher sur l'intervention de Dompteur).

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Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 032 messages
Forumeur alchimiste ‚
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Bon enfin bref, la philo contemporaine, c'est Deleuze épicétou.

:crazy::8P::crazy:

Compte tenu de ton insistance, j'ajoute au panier La logique du sens, par Deleuze. Je pressens que Deleuze a tenté d'en finir avec cette logique du sens unique, à savoir la logique aristotélicienne, qui nous enferme dans le carcan du vrai ou du faux, comme si tout devait être ou blanc ou noir. Et puis sa conception du désir non pas comme manque mais comme production, cela a de la gueule !

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Membre, 157ans Posté(e)
chapati Membre 6 957 messages
Baby Forumeur‚ 157ans‚
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Compte tenu de ton insistance, j'ajoute au panier La logique du sens, par Deleuze. Je pressens que Deleuze a tenté d'en finir avec cette logique du sens unique, à savoir la logique aristotélicienne, qui nous enferme dans le carcan du vrai ou du faux, comme si tout devait être ou blanc ou noir. Et puis sa conception du désir non pas comme manque mais comme production, cela a de la gueule !

Mp

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Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 032 messages
Forumeur alchimiste ‚
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Mp

A la lecture de ton MP, il apparaît que l'essai de Deleuze, La Logique du sens, ne correspond pas à ce que je pressentais et que, de plus, sa lecture risque d'être ardue. Je viens de jeter un coup d'oeil sur le résumé proposé par Wikipedia et, en effet, il est indiqué : "Composé de 34 "séries" de paradoxes, cet essai tente de développer une philosophie de l'événement et du devenir à partir d'une variation sur Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, le stoïcisme ou encore la psychanalyse. Puis sa réflexion se poursuit à travers une exégèse des oeuvres de pierre klossowski, Michel Tournier, F. Scott Fitzgerald et Emile Zola."

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Membre, 157ans Posté(e)
chapati Membre 6 957 messages
Baby Forumeur‚ 157ans‚
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A la lecture de ton MP, il apparaît que l'essai de Deleuze, La Logique du sens, ne correspond pas à ce que je pressentais et que, de plus, sa lecture risque d'être ardue. Je viens de jeter un coup d'oeil sur le résumé proposé par Wikipedia et, en effet, il est indiqué : "Composé de 34 "séries" de paradoxes, cet essai tente de développer une philosophie de l'événement et du devenir à partir d'une variation sur Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, le stoïcisme ou encore la psychanalyse. Puis sa réflexion se poursuit à travers une exégèse des oeuvres de pierre klossowski, Michel Tournier, F. Scott Fitzgerald et Emile Zola."

Oui ben par exemple, il semble qu'Alice au pays des merveilles, abondamment cité au début, il en ai eu marre ensuite, trop "binaire" peut-être par rapport à ce qu'il voulait dire. Non je crois que le chapitre dans Mille Plateaux est bien ce qui correspond le mieux au problème du langage même. Si je trouve autre chose, je te filerai un lien.

Ceci dit, à la relecture, je trouve mon résumé plus haut pas mal fait... mais je peux comprendre qu'il mette en jeu beaucoup de choses et que ce soit pas évident de rebondir dessus. C'est le problème avec Deleuze, tant c'est étranger à tout ce qui ressemble à de la philo traditionnelle : les types baignés dans Platon et cie retrouvent pas leurs petits (je vise personne ici en particulier, la remarque est d'ordre générale).

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