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Le sentiment de compter pour les autres.


Invité David Web

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Invité David Web
Invités, Posté(e)
Invité David Web
Invité David Web Invités 0 message
Posté(e)

Le sentiment de compter pour les autres.

On peut ainsi [...] établir un lien nécessaire entre trois faits anthropologiques indiscutables et indissociables : l'homme est et se sait mortel, la pensée qu'il va mourir lui est insupportable ou impossible et voué à la mort, fin (au sens du terme) qui ne peut pas être prise pour fin (au sens de but), puisqu'elle représente selon le mot de Heidegger, "la possibilité de l'impossibilité", il est un être sans raison d'être, habité par le besoin de justification, de légitimation, de reconnaissance.

Or, comme Pascal le suggère, dans cette recherche de justifications d'exister, ce qu'il appelle "le monde", ou "la société", est la seule instance capable de concurrencer le recours à Dieu. On comprend, armé de cette équivalence, que ce que Pascal décrit comme "misère de l'homme sans Dieu", c'est à dire sans raison d'être, soit sociologiquement attesté sous la forme de la misère métaphysique des hommes et des femmes sans raison d'être sociale, abandonnés à l'insignifiance d'une existence sans nécessité, laissée à son absurdité.

Et l'on comprend aussi, a contrario, le pouvoir quasi divin d'arracher à la contingence et à la gratuité que détient, qu'on le veuille ou non, le monde social, et qui s'exerce par l'intermédiaire notamment de l'institution étatique : en tant que banque centrale du capital symbolique.

L'Etat est en mesure de décerner cette forme de capital dont la particularité est d'enfermer en elle-même sa propre justification. [...] A travers les jeux sociaux qu'il propose, le monde social procure plus et autre chose que les enjeux apparents : la chasse, Pascal le rappelle, compte autant, sinon plus, que la prise, et il y a un bonheur de l'action qui exède les profits patents, salaire, prix, récompense, et qui consiste dans le fait de sortir de l'indifférence (ou de la dépression), d'être occupé, projeté vers des fins, et de se sentir doté, objectivement, donc subjectivement, d'une mission sociale.

Etre attendu, sollicité accablé d'obligations et d'engagements, ce n'est pas être arraché à la solitude ou à l'insignifiance, c'est éprouver, de la manière la plus continue et la plus concrête, le sentiment de compter pour les autres, d'être important pour eux, donc en soi, et trouver dans cette sorte de plébiscite permanent que sont les témoignages incessants d'intérêt -demandes, attentes, invitations -, une sorte de justification pour continuer d'exister.

Pierre Bourdieu, Méditations Pascaliennes, Seuil, 1997.

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Membre, Posté(e)
Boutetractyxreqs Membre 5 959 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

L'estimation positive de se faire percevoir positif par les autres pour s'estimer positif pour soi. Il y a un raccourci si l'on ne compte pas pour les autres c'est d'être égoïste, être ce fameux positif.

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Membre, canal de Lumière, 45ans Posté(e)
Immateriel Membre 1 136 messages
45ans‚ canal de Lumière,
Posté(e)

Chercher à compter pour les autres, s'est inévitablement s'exposer à la déception. A partir du moment où on a des attentes envers les autres, on s'expose systématiquement à ce qu'elles ne soient pas comblées, et donc c'est comme si d'emblée on posait une condition à notre bonheur, à notre bien-être.

Depuis que j'ai compris cela, je ne cherche plus l'approbation des autres, je n'ai aucune attente de leur part non plus. La seule personne envers qui j'ai des attentes, c'est moi-même, et je laisse alors la vie me surprendre, et souvent, lorsqu'on est Bon, les autres nous renvoient l'ascenceur :bo:

Pourquoi se gâcher la vie à vouloir imposer quoique ce soit aux autres ? Ici sur le forum, j'expose des idées, si elles sont acceptées tant mieux, si elles sont refusées tant pis, j'argument, et ça me convient parfaitement, j'y trouve largement mon compte, ainsi je progresse grâce à tout le monde et forcément, par effet miroir, cette progression se diffuse également aux autres !

Je pense que la clé du bonheur c'est de se détacher de tout ce qui est PUREMENT extérieur ainsi que de tout ce qui est PUREMENT intérieur, il faut s'attacher à ce qui est COMMUN, à ce qui est Bon pour Tous, et pour cela, il faut soi-même s'améliorer, se purifier, et agir dans ce sens. C'est ainsi qu'on entre en Harmonie avec le monde.

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Membre, Jedi pas oui, jedi pas no, 31ans Posté(e)
Jedino Membre 47 969 messages
31ans‚ Jedi pas oui, jedi pas no,
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Mon dieu, non, pas Bourdieu, encore. Je vais faire une overdose :gurp:

Mais sinon, toujours intéressant.

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Membre, Posté(e)
Mazzepa Membre 162 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

Dans l'alienation positive, quand une mère se sacrifie pour son enfant, cherche-t-elle à oublier la mort ?

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Invité nietzsche.junior
Invités, Posté(e)
Invité nietzsche.junior
Invité nietzsche.junior Invités 0 message
Posté(e)

oui celle de son enfant ...

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Membre, Posté(e)
Mazzepa Membre 162 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

Excellent. Ça ne change rien ?

Elle se sacrifie pour la vie de son enfant

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Membre, Zero Point Energy, 46ans Posté(e)
Yethineo Membre 3 634 messages
46ans‚ Zero Point Energy,
Posté(e)

http://www.youtube.com/watch?v=V60USaluxGA




Le sentiment de compter pour les autres.





On peut ainsi [...] établir un lien nécessaire entre trois faits anthropologiques indiscutables et indissociables : l'homme est et se sait mortel, la pensée qu'il va mourir lui est insupportable ou impossible et voué à la mort, fin (au sens du terme) qui ne peut pas être prise pour fin (au sens de but), puisqu'elle représente selon le mot de Heidegger, "la possibilité de l'impossibilité", il est un être sans raison d'être, habité par le besoin de justification, de légitimation, de reconnaissance.

Or, comme Pascal le suggère, dans cette recherche de justifications d'exister, ce qu'il appelle "le monde", ou "la société", est la seule instance capable de concurrencer le recours à Dieu. On comprend, armé de cette équivalence, que ce que Pascal décrit comme "misère de l'homme sans Dieu", c'est à dire sans raison d'être, soit sociologiquement attesté sous la forme de la misère métaphysique des hommes et des femmes sans raison d'être sociale, abandonnés à l'insignifiance d'une existence sans nécessité, laissée à son absurdité.
Et l'on comprend aussi, a contrario, le pouvoir quasi divin d'arracher à la contingence et à la gratuité que détient, qu'on le veuille ou non, le monde social, et qui s'exerce par l'intermédiaire notamment de l'institution étatique : en tant que banque centrale du capital symbolique.

L'Etat est en mesure de décerner cette forme de capital dont la particularité est d'enfermer en elle-même sa propre justification. [...] A travers les jeux sociaux qu'il propose, le monde social procure plus et autre chose que les enjeux apparents : la chasse, Pascal le rappelle, compte autant, sinon plus, que la prise, et il y a un bonheur de l'action qui exède les profits patents, salaire, prix, récompense, et qui consiste dans le fait de sortir de l'indifférence (ou de la dépression), d'être occupé, projeté vers des fins, et de se sentir doté, objectivement, donc subjectivement, d'une mission sociale.

Etre attendu, sollicité accablé d'obligations et d'engagements, ce n'est pas être arraché à la solitude ou à l'insignifiance, c'est éprouver, de la manière la plus continue et la plus concrête, le sentiment de compter pour les autres, d'être important pour eux, donc en soi, et trouver dans cette sorte de plébiscite permanent que sont les témoignages incessants d'intérêt -demandes, attentes, invitations -, une sorte de justification pour continuer d'exister.


Pierre Bourdieu, Méditations Pascaliennes, Seuil, 1997.
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