Aller au contenu

Kégéruniku 8

Membre
  • Compteur de contenus

    8 039
  • Inscription

  • Dernière visite

  • Jours gagnés

    5

Billets posté(e)s par Kégéruniku 8

  1. Kégéruniku 8

    La preuve par 8
    Sur un tronçon d’éternité,

    Entre assurance et volupté,

    J’ai pris le temps de t’écouter

    Toi et tes désirs gémissants,

    Et leurs motifs impuissants,

    Faisant le deuil d’amours naissant.

    Tu t’es emparée de mon attention,

    Je t’ai offert mon affection,

    Et nous avons dérivé vers la passion.

    Entre les arbres et sur la route,

    Sans un regard et sans un doute,

    Je me suis saisi de la voute

    Qui mène aux cieux et à tes reins ;

    Mutine sylphide, guerrier d’airain

    Qui s’entremêlent avec entrain.

    Entre la tempête et la brise,

    Ondulant sous ta chemise,

    Tu te donnes sans remise.

    Moi, j’ai des présents pour l’avenir

    Et des étoiles en devenir,

    Mais je dois te prévenir

    Que l’amour est un défi !

    Et si la chute te pétrifie

    Je ne suis pas homme à qui l’on se fie.

    Parce que nos statuts sont fragiles,

    La base des songes est faite d’argile,

    Il te faudra être agile.

    Alors accroche-toi, lacère mon dos,

    Élève toi, toujours plus haut

    Et s’il le faut, saisi mes os !

    Escalade mes falaises

    Ou disparais dans la glaise.

    Je n’ai pas de place pour les fadaises.

    Mais si de la gravité tu te défais,

    Si tu gravis tous mes sommets,

    C’est la jouissance que je promets.

  2. Kégéruniku 8

    La preuve par 8
    Pourtant immobile, dans sa robe bleue,
    Le sourire docile, le regard fougueux ‒
    La chaleur du fournil et la grâce des dieux ‒
    Dans un souffle, puis dans mille, j'ai vu danser les cieux.
     
    Châtelaine chatoyante qui virevolte sans heurt,
    Par le jour enhardie, comme ignorante des peurs.
    Du dédain se défie quand défilent les heures
    Mais jamais ne dédit l'invariable pudeur.
     
    De la couleur éclatante qui s'échappe du ciel
    Aux solitudes volontaires d'une retraite spirituelle,
    J'ai perçu des plaisirs qu'on voudrait éternels.
     
    D'une silhouette gracile à la profondeur de la nuit
    Aux circonvolutions fébriles qui viennent chasser l'ennui,
    J'ai gravé ton souvenir dans le lapis-lazuli.
  3. Kégéruniku 8

    La preuve par 8
    Enjôlée par les arabesques du combat d'épées,
    Appesantie par la torpeur de l'homme-enclume,
    Mandragore endormie se rêvait canopée,
    Désireuse du ciel comme serpent à plumes.
    Abîmée, mise en terre comme les titans anciens,
    Prisonnière des enfers et de leur triste gardien,
    Elle avait mis en bière tous les songes lumineux
    Qui auraient pu la tirer du séjour ignominieux.
    Blessée, délaissée, comme laissée en jachère
    Dans un monde où toute vie n'était que rampante.
    Elle se dit qu'immobile valait mieux que destin en pente.
    Et ainsi s'endormit pour mieux passer l'hiver.
    Approche le renouveau et qu'enfin sonne l'heure
    Du trépas annoncé de ta placide pudeur.
    Que n'en reste que lambeaux, que flétrisse son cœur ;
    Je la veux terrassée par les armes de l'oiseau moqueur.
    Digne héritier de Teumesse,
    Retraité des cinq roues, vadrouilleur insaisissable,
    Qui dessine ses peines et sculpte ses liesses
    Comme le ferait philosophe avec la pierre et le sable.
    Éternel badineur, dont la voix ne s'aggrave
    Que pour contraster la légèreté d'une humeur toujours suave,
    S'est approché, curieux, de la racine frileuse
    Se donnant pour mission de la rendre amoureuse.
    Déterre la dormeuse et lui montre ses tours.
    Se confronte au refus, se risque au rejet,
    Se consacre à la réalisation de son unique projet,
    Trébuche en chemin et tombe fou d'amour.
    Approche le renouveau et qu'enfin sonne l'heure
    Du trépas annoncé de ta placide pudeur.
    Que n'en reste que lambeaux, que flétrisse son cœur ;
    Je la veux terrassée par les armes de l'oiseau moqueur.
    Facétieux et rieur, l'âme toujours légère,
    Enhardi par sa belle, se découvre des ailes.
    Lui propose alors de prendre le chemin des airs
    Pour graver dans sa chair, les délices du ciel.
    Éblouie, ébahie et maintenant libérée des supplices
    Celle qui fut Pénélope se changeait en Ulysse.
    Désireuse d'un voyage par delà les nues
    Se laisse charmer à l'idée de ces mondes inconnus.
    Se jette dans la gueule du doucereux prédateur.
    Abandonne sa pudeur et se donne toute entière
    En priant pour des lendemains plus doux que l'hier.
    Puisque plus jamais on ne les vit, chacun y va de son interprétation du bonheur.
  4. Kégéruniku 8

    La preuve par 8
    "J'ai pas encore touché mon verre
    Mais j'ai déjà trop bu ce soir.
    Je deviens sensible à la lumière
    Depuis que je nous voudrais dans le noir.
    Je me suis perdue sur les contours
    De tes yeux doux et pétillants.
    Et j'ai le ventre plein d'amour
    Pour tes rires insouciants.
    Alors je parle avec les mains,
    Pourvu qu'elles effleurent les tiennes!
    Je voudrais qu'on oublie demain!
    Que pour la nuit, tu me retiennes.
    Le désir me monte à la tête,
    J'ai l'ivresse à fleur de peau.
    J'ai si peur que tu me trouves bête,
    Si dans ta bouche, je cherche mes mots.
    Je sais pas quoi dire, je veux plus qu'on parle,
    J'ai le corps qui te réclame!
    Je sens mon envie qui déferle
    Jusqu'aux tréfonds de mon âme.
    Je sais qu'il faut pas, mais je prends le droit,
    Même si j'en aime un autre que toi."
     

    "Je sais que t'en aime un autre que moi,
    Je sais que sur toi j'ai aucun droit.
    J'y peux rien, j'ai le sang qui crame
    Et même si j'essaie de faire le
    Con, ma retenue se pèse centigrammes
    Tandis que ma raison enfile des perles
    Qu'on s'offrirait pas en cadeau!
    Y a pas d'innocence dans ma requête.
    Je veux que tes ongles lacèrent mon dos,
    Que tu me fasses payer ta conquête.
    Parce que la vie est une chienne
    Je m'en fous si le monde s'éteint.
    Je veux que pour la nuit tu sois mienne.
    Mais je veux quand même faire les choses bien.
    Tu pars demain, c'est terrifiant,
    J'aurai pas le temps de te faire la cour.
    Alors je me perds en jeux d'enfants
    En espérant te revoir un jour.
    D'ici là, je me ferai bavard
    Pour étouffer mes désirs adultères.
    Désolé si je t'empêche de boire
    Mais ce soir, l'abstinence est salutaire."
     
     

     
  5. Kégéruniku 8

    Bonne nuit
    C'était chaque fois la même rengaine. Quand on me regardait, l'air désolé, surpris et contrit, j'avais l'impression que je venais d'annoncer que j'avais un cancer du sein. On me disait à quel point c'était dommage, à quel point notre couple semblait parfait, à quel point elle semblait si gentille, à quel point ils compatissaient. Alors, ils me demandaient invariablement pourquoi ? Il devait y a voir une raison forte comme une infidélité d'une part ou de l'autre, un mensonge outrecuidant ou alors une dispute qui finirait par s'arranger. C'est vrai quoi, on ne met pas fin à une histoire de 10 ans sans qu'il n'y ait une raison particulière. D'autant que je n'ai pas l'âge de faire une crise de prise de conscience, pas même si j'avais dû être particulièrement précoce. Aux mêmes questions on peut donner les mêmes réponses ; alors, invariablement, je répondais que je n'arrivais plus à savoir si je la détestais plus ou moins que moi-même.
    Et seulement après avoir pu savourer la gêne occasionnée, je me perdais dans un laïus de rigueur en abordant, dans le désordre, des points tels que la blessure mortelle du quotidien, le manque de la passion des débuts ou encore une incompatibilité de projets concernant la possibilité de laisser en héritage pour ce monde un mélange plus ou moins réussi de nos patrimoines génétiques respectifs.

    Forcément, en 10 années, elle en avait rencontré du monde, alors il m'avait fallu répéter bien trop souvent cette même blague et cette même oraison. Non pas que l'envie de donner les véritables raisons m'étouffait, elle-même ne les a jamais entendues. Mais j'aurais apprécié ne pas avoir à jouer la même représentation insipide par tant et tant de fois. D’autant que, enfin, l’éternelle et interminable nuit s’était achevée. Enfin la lumière, l’aube et le soleil me revenaient pour réchauffer mon corps endolori et non plus pour cuire la charogne d’une vie décomposée.
    Au milieu de cet océan de vie qui balayait dans sa rage luxurieuse chaque particule desséchée de mon être, je n’avais pas l’envie de me perdre en jongleries imbéciles.

    Plus tard, à d’autres, en d’autres circonstances, j’ai pu m’expliquer d’avantage et plus sincèrement sur cette passade d’une décennie. Mais à l’époque, personne ne voulait l’entendre. Pour tous, il fallait que j’endosse l’inconfortable habit de larmes. Pour tous, mais pas pour toutes. Et diable comme cela était bon. Pour une, l’une des premières à l’avoir rencontrée, l’une des dernières à qui j’ai dû en parler, il n’y eu ni rictus de pitié ni complaignante sollicitude. Et ma tante, lorsqu’elle apprit que j’étais désormais célibataire après 10 ans de vie de couple me dit simplement : « Je suis contente pour toi. »

    Si l’on traduit en français, ma tante s’appelle Ciel. Et elle en portait et l’espérance et la légèreté. Divine friponne aux frivoles mutineries qui avait survolé un monde trop étroit pour la vastitude de ses amours. Elle avait fini par fuir son village natal parce que l’air, aussi pur qu’il put être, ne pouvait masquer l’odeur rance des fumiers qui l’habitaient. Sans études et sans le sou, elle avait traversé l’Europe polyglotte pour finir par s’étendre durablement au-dessus du château d’eau du vieux continent. Et seulement là, enfin, elle avait pu s’épanouir, malgré les difficultés, comme elle l’entendait et non pas comme on le lui demandait.
    Aussi rare que ça pouvait être, j’aimais la voir. Peu importe ce qu’elle avait à raconter ou ce que j’avais à raconter, elle était toujours rieuse, espiègle et rayonnante. Tout était toujours si facile, même si de trop nombreuses fois le contexte voulait imposer le contraire. Même quand ses reins étaient dysfonctionnels et ses poumons tuméfiés, ça ne l’empêchait pas de se foutre de moi et de mes amours pluriels tout en me corrigeant au billard.
    En tout cas, quand la douleur fut si vive que la mort lui sembla préférable, quand tous venaient lui servir la même soupe parce que la rengaine était plus simple et accessible, quand tout l’espoir du monde se changeait en souffrance plus qu’en réconfort, quand l’euthanasie lui fut accordée, je n’ai su que lui dire, dans un sourire, « Je suis content pour toi. »

  6. Kégéruniku 8

    Bonne nuit
    J'ai 16 ans et toute la pluie devant moi. Cette année se sont succédé les saisons de mon cœur sans que l'été ne vienne percer les nuages de poussière que tu me laisses ; sans que l'hiver ne puisse contenir ses rivières trop salées pour geler ; sans que l'eau ne tonne son enivrante colère sur la peau en fleur d'un horizon sans prétexte. Sibyllin, si bilieux, j'ai l'humeur aqueuse et des torrents cristallins qui s'échouent en cataractes pour n'avoir pas su poser un regard plus docile sur les postures malhabiles que tu arborais, fragile, comme autant d'alertes graciles.
    Sous un ciel gris comme la joie que tu toussais en volutes épaisses, j’observe le temps absorber les couleurs de l’assemblée pour les mieux diffuser dans son propre manteau étoilé. Vorace, il assombrit les tissus de mensonges proférés pieusement pour qu’ainsi ils laissent place aux songes coruscants d’une chaleur irréelle, et si tendre, lors desquels j’entends crépiter ton sourire.
    J’ai le feu à l’âme et toute la pluie devant moi. Et j’ai peur que ne s’éteigne un jour le tison qui me remue les entrailles chaque fois que le vent porte ton souvenir à mon oreille. Parjure aux fumerolles, j’en appelle aux scories, que s’embrase le monde pourvu que ne s’estompe jamais la fureur du volcan endormi. Parce que je ne tolère pas l’idée qu’un quelconque calendrier s’en vienne faire des cendres de ce que je porte aux nues, il me faut tuer ce temps parricide comme le titan à la faux, comme le dieu à l’égide.
    J’ai une plaie à combler et toute la pluie devant moi. Et les cinquante Danaïdes toutes ensembles ne peuvent assouvir la soif qui m’étreint quand mon cœur desséché s’en remet à l’ivraie plutôt qu’aux céréales d’ivresse. Je me perds dans la fabrication de souvenirs insipides sur ma peau ainsi pôle. Magnétisant les diversions addictives dans l’espoir lobotomique que se fasse sentir l’électrochoc. Mais nul orage ne gronde dans l’œil du cyclone puisqu’en son cœur, la tempête ne bat pas. C’est donc une morte-vie qui déchaîne sa rage quand le destin m’impose le contexte de ton trépas.
    J'ai 33 ans et toute la pluie devant moi. Des jardins ont été érigés sur les cratères d'autres fois, sur les tranchées cicatricielles. Les myosotis se sont emparés de cette terre laissée en héritage. Désormais moins vert, j'ai compris comment mourir l'âme avertie, comment nourrir la reverdie. Je sais désormais qu'il n'est de mer sans pluie, qu'on ne défait pas le désert sans puits. J'ai même fini par accepter un monde sans lui. J'ai appris, j'ai acquis, j'ai grandi. Et pourtant cette question lancinante qui me taraude l'esprit: Puisqu'il ne le verra jamais, alors, pour qui?
  7. Kégéruniku 8

    La preuve par 8
    La bête habile
    Appelle la belle.
    La belle l'attire
    Façon Satyre label.
    Mais ça tire la bile
    Plus que ça n'astique la bite,
    Comme les stèles aztèques.
    Pas comme lèvres et stick,
    Plus comme lièvre et steak.
    La bête habile,
    La peine s'attire.
    Comme défunt s'attriste
    Mais très vite s’attelle
    A ce que belle s'en tire
    Sans que joie s'enterre.
    Sourire sincère
    Quand cœur se serre
    Et que peau se déchire
    Sous funestes serres.
    La bête habile
    Et funambule
    S'enfuit de la ville,
    Regagne sa bulle.
    S'en veut, débile,
    De rêver de la belle.
    Prépare ses malles
    Pour se faire la belle.
    La bête sans vol
    Aux pieds d'airain
    S'éreinte au sol,
    Se brise les reins.
    Las, bêle en bulle
    Sur butte en blanc,
    S'éclate sous ciel.
    Qui s'en soucie?
    La bête habile
    S'étend sur sol.
    L'eau de la rive
    Pour seul linceul.
    La bête se meurt
    Et quitte son corps
    Pour que de sa mort
    Jaillisse une fleur.
  8. Kégéruniku 8

    La preuve par 8
    Le soleil se lève et avec lui ses rayons dardant
    Déchirent la couche de rêve lovée derrière mes paupières.
    Adieu la nuit, les étoiles, la lune et ses rayons d’argent.
    Bonjour la lumière qui s’infiltre comme à travers une meurtrière.
    En accord avec l’heure, j’ai l’humeur maussade
    De qui se lève moins pour l’aurore que pour éviter le déclin d’une vie.
    A mes côtés, la présence que j’ai adoré le temps d’une passade
    Devient mon abhorrée pour ne pas être disparue avec la nuit.
    Et soudain, j’ai l’impression d’être dévoré par un trou béant.
    Comme si j’avais un estomac à la place du cœur.
    Habité par Kronos et sa faim de titan,
    Je me sens disparaître, englouti par un vide intérieur.
    Délesté de toute pensée, j’œuvre de façon mécanique
    A l’entretien des rouages insensés qui articulent le matin
    Et je m’enfonce plus avant dans la suite arithmétique
    Qui me promet que chaque pas de plus me rapproche forcément de la fin.
    Et tandis que le temps passe, tandis que les heures meurent,
    Je me blottis au cœur de l’impasse comme l’architecte en sa demeure.
    Brûlant les minutes et les secondes dans mon infernal labeur
    En priant pour que demain puisse survenir avant l’heure.
    Ainsi la journée, triste goutte de poix, s’étire sans rien changer
    A l’engourdissement de mon esprit fébrile.
    Quel effroyable démon, avide de se venger,
    A pu bien rendre le temps si stérile ?
    Heureusement, il n’y a pas que les bonnes choses qui aient une fin.
    Heureusement, les mauvaises compagnies se quittent aussi.
    Et peu m’importe si plus jamais il n’y aura de demain,
    J’embrasse avec bonheur le crépuscule d’une ancienne vie.
    Comme si j’abritais en mon sein les confins du cosmos,
    Tout a coup confronté aux errements du temps.
    Telle l’étoile qui se recroqueville juste avant qu’elle n’implose,
    Enfin, je vois tressaillir la lumière à la faveur du néant.
  9. Kégéruniku 8
    J'ai 4 ans et demi et je déteste me coucher. Je dors dans une mezzanine alors que je souffre du vertige. De fait, chaque soir, lorsque je regarde l'échelle que je vais devoir escalader pour me coucher, et bien forcément j'appréhende. Et j'ai beau le faire tous les soirs, ça n'empêche que j'ai horreur de ça. J'essaie de trouver comment faire pour repousser le plus possible l'heure du coucher. En parler? Je n'ai rien à dire si ce n'est que je ne veux pas me coucher, et la formule n'est pas des plus efficaces. Dire que je veux rester avec les tontons? Trop incertain, ça ne fonctionne que rarement et jamais bien longtemps. Regarder un film avec papa? Il parait que je ne devrais même pas regarder ces films, je pourrais faire des cauchemars. Je suis plus inquieté par le fait de me coucher que par le fait de continuer à regarder, mais bon. Non, ce qui me permet vraiment de gagner du temps, ce sont les histoires que l'on me lit. Ma mère est persuadée que le fait de me lire des histoires me rendra plus intelligent, alors elle le fait relativement régulièrement et chaque fois qu'elle le fait, cela retarde le temps du coucher de façon conséquente. Le problème, c'est qu'elle n'a pas toujours envie de lire, d'autant moins lorsqu'il y a du monde à la maison, ce qui arrive assez souvent quand même. J'ai beau sortir les livres et les garder ouverts devant moi, pour signifier qu'il faudrait me nourrir l'intelligence, ça ne fonctionne pas vraiment.
    Au diable la dépendance, on n'est jamais mieux servi que par soit même. Cela me prend du temps, c'est parfois compliqué, mais je lis. Et plus je lis, plus je découvre que j'aime le faire par moi même, les mots s'inscrivent mieux sur ma rétine et les images dans mon esprit. Quand elle se rend compte que je lis, ma mère n'ose même plus me déranger, pour ne pas prendre le risque que tout s'écroule, comme s'il s'agissait plus d'un heureux accident que d'une succession d'efforts. Pourquoi sur-articulait elle chaque syllabe si ce n'était pas pour que je comprenne? Enfin bref, trop heureux ou trop peureux, personne n'osait m'interrompre pour me dire qu'il était temps d'aller dormir. Alors, chaque soir, sans exception, je lisais. Le problème, c'est qu'à lire chaque soir, rapidement, je n'eu plus assez de livres. Il me faudrait donc lire les livres de papa, même s'ils contiennent beaucoup moins d'images. Cela m'a demandé un temps d'adaptation, mais entre l'angoisse de l'échelle et le regard admiratif de mes parents, je ne pouvais que continuer mes efforts. En plus, les livres de papa étaient tellement plus intéressant! Je savais désormais comment il faisait pour savoir tant de choses, en fait, c'était caché là, dans ses livres. Il y en avait beaucoup sur les animaux. Non seulement ils me faisaient découvrir des animaux incroyables aux noms parfois tellement improbables et drôles, comme le aye-aye ou le cagou, mais en plus ils parlaient aussi de tous les pays du monde. D'autres encore parlaient du corps humain, ils avaient des dessins rigolos qui montraient ce qui est en nous et qu'on ne peut pas voir. Et encore une fois, il y avait des mots amusant, surtout les noms des os. L'occiput, l'humérus, le péronnée... Je me demandais toujours comment ces mots avaient été choisis. Il y avait aussi des livres fantastiques qui parlaient de légendes du monde entier, de mythologie. Ceux là étaient mes préférés et je connaissais mieux les périples d'Héracles et les facéties de Loki que les personnages de dessins animés qui passaient à la télé. Maman avait raison, ces livres me rendaient plus intelligent, je commençais seulement à les lire que déjà je répondais mieux aux questions de mon robot 2XL. Et durant tout le temps où j'ai pu lire les livres de mon père, je ne m'inquiétait que moins du coucher. Souvent, je finissais par m'endormir dans les bouquins et je n'avais donc pas à monter à l'échelle. Tout était parfait.
    Jusqu'à ce que je termine le dernier livre disponible.
    Je n'avais plus d'excuse pour ne pas me coucher, plus de prétexte pour rester sur le canapé. Et les angoisses revinrent d'autant plus féroces que je n'y étais plus habitué. Même si parfois mon père achetait de nouveaux livres, ça ne me protégeait que d'une poignée de nuits, dans le meilleur des cas. Il fallait que je trouve quelque chose, une méthode qui me permettrait de tenir une éternité. C'est là que je réalisai qu'il y avait bien un livre que je n'avais pas encore lu. Je l'avais déjà arpenté, pour m'aider dans mes lectures, mais je ne l'avais jamais lu, en lui-même. Et je compris rapidement pourquoi. Lire le dictionnaire s'avérait absolument fastidieux. Des enjeux pour ainsi dire nuls, une répétitivité effroyable et bien trop peu de découverte. Imposant comme il était, l'ouvrage semblait être parfaitement idéal, mais sa lecture était en fait parfaitement insupportable. Mon dernier rempart était intenable. A force de réflexions, j'eu une idée extraordinaire, qui non seulement me rendrait la lecture du dictionnaire possible mais qui en plus démultiplierait le temps qu'il me faudrait pour l'achever. Désormais, chaque soir, je me contenterai de la lecture d'une poignée de mots seulement, par contre, ces mots me serviraient. Il me faudrait les utiliser pour raconter mes propres histoires, mes propres légendes, mes propres explications du monde. Dès lors, la lune devint ma plus fidèle confidente, et aujourd'hui encore, même si je ne dors plus dans une mezzanine et que je ne souffre, de toutes façons, plus du vertige, même si les méthodes se sont succédées et ont changé, il n'est pas une nuit qui ne serve de support aux élucubrations de mon esprit.
  10. Kégéruniku 8
    Personnes quelconques, vie banale,
    Je crois que la télé nous a banane.
    On restera pas dans les annales,
    La chance nous a fait le coup de la panne.
    Tu voulais vivre dans les étoiles
    Et en fait ta vie s’étiole.
    T'aurais voulu mettre les voiles
    Mais t'étais qu'une petite tafiole.
    Et comme tous les autres tu t'es rangé
    Loin de ces rêves qui te démangeaient.
    Entre picole et canapé,
    Tu veux juste qu'on te foute la paix.
    Si l’amour propre est un moustique
    T’as prévu le stock de citronnelle.
    Aucune chance qu’il ne te pique
    Qu’il ne t’érafle ou te cherche querelle.
    T’as l’air plus zen qu’un moine bouddhiste
    Mais t’es juste mort à l’intérieur.
    A vivre sa vie sans prise de risque
    Elle y perd toute sa saveur.
    Ce qui t’entoure n’a aucun goût,
    Ceux qui t’entourent te dégoûtent ;
    Balance tout à l’égout,
    Dégueule jusqu’à la dernière goutte.
    Mais t’es trop lâche pour tout lâcher,
    Tu mérites juste de te faire lyncher.
    Tu sais rien faire sauf te cacher
    Et pleurer tes chances gâchées.
    Et tu sombres tout doucement
    Pour ne pas prendre de décision.
    Et tu te places en isolement
    Comme si t’étais ton propre maton.
    La vie c'est dur, ma bite aussi.
    Deux points de suture, pourquoi tu cries?
    T'engueules les murs, t'habite ici.
    Tu joues sécure et tu fais l'aigri?!
    Serait peut-être temps de changer de disquette!
    Disent que tu t'uses comme une gisquette.
    Tise gin, suze, juste une lichette;
    Tchin et motiv' finit en moquette.

    De jolis mots plein la bouche
    Mais y a rien quand t'accouches.
    Tu fais qu'attendre les cafouilles,
    Toujours à faire le guet.
    Mais souvent quand ça bafouille
    En fait c'est toi qui bégaie.
    Tu t'imagine comme géant
    Qui peine à s'éveiller.
    Mais t'es qu'un petit con gênant
    Qui a bien assez veillé!

     
    Tu sais la vie ne livre pas.
    Tu sais pas quoi dire, ne l'ouvre pas.
    Tu cherches l'avenir, délivre toi.
    Les faux départs ça n'arrive pas.
  11. Kégéruniku 8
    Je ne fais rien de mes journées, en fait je vis comme un mort,
    A hanter le canapé, sans mettre un pied dehors.
    Impossible de me tromper, si je ne fais rien je n’ai jamais tort.
    Je préfère affronter mes regrets que d’être vaincu par les remords.

    Je ne suis pas marteau, je ne serai jamais le clou qui dépasse.
    Je préfère passer inaperçu qu’on me reproche de prendre trop de place.
    Parce que risquer d’être vu c’est risquer qu’on me les casse,
    Je préfère rester au chaud que d’essayer de briser la glace.

    Vive les icebergs, c’est pour la terre si je jette un froid.
    Je suis un homme vergue, à toute demande je réponds en croix.
    Ils ont l’amitié prédatrice dont je ne serai jamais la proie ;
    Je préfère être pris pour un tordu qu’être un vendu qui se croit droit.

    Je suis un lettré contraint de suivre la loi du nombre.
    Je suis paumé comme un sextoy sur un étal de concombres.
    Ils sont toujours en train de foncer, pas étonnant que l’avenir soit sombre.
    Je préfère encore me défoncer que de courir après mon ombre.

    Comme un fantôme, je suis coincé entre les quatre murs de ma chambre.
    Aux alentours, la seule verdure c’est celle de mes plants de chanvre.
    Ils ont raison, je ne suis qu’un drogué incapable de redescendre.
    Je préfère mourir dans ma fumée que de vivre dans leur cendre.

    Je les ai vu brûler des champs, des forêts et des mers
    Pour récolter lithium, pétrole et autres luxes éphémères.
    Ils ravagent un patrimoine pour produire des cartes mères.
    Je préfère qu’émerge un monde sans môme qu’un môme sans terre.

    Pour ne pas vivre face contre terre, je me suis tourné vers les cieux.
    Ça ne coûte rien de baisser les bras, ça ne coûte rien de lever les yeux.
    Je me suis drapé dans ma vertu et lui ait donné le nom de dieu.
    Parce que je préfère me voiler la face que d’avouer que je suis comme eux.
  12. Kégéruniku 8
    Adieu l’espace et ses confins,
    Je squatte le canap’ et ses couffins.
    Si je reste couché c’est, qu’in fine,
    Dans mon appart, je suis confiné.

    J’ai pas de copine, je suis infidèle, je trompe l’ennuie.
    Toujours en pyj’, même en journée je vis la nuit.
    Le bout du rouleau, moi je m’en tape j’ai du PQ pour toute l’année.
    Mais je suis sympa, si t’as du shit j’ai peut-être des feuilles à te dépanner.

    Mais si t’as rien, t’es dans la merde et je m’en lave les mains.
    Garde tes distances, la visioconférence c’est plus humain.
    Je suis isolé et sans amour, mais j’ai Youporn, je m’en bat les couilles.
    Geste barrière, c’est quand on peut pas se voir qu’on se serre les coudes.

    Je paie sans contact, j’ai pas d’écran tactile, je suis pas câlin.
    Mais j’ai changé depuis qu’on mange du pangolin.
    Je rêve de bises, de poignées de mains, de faire l’amour sans porter de masques.
    Je veux revoir des prises de catch, des prises de tête, pas de prises de casques.

    Je traine sur twitter et sur tik tok, en quête d’amis.
    Je suis tellement seul, je parle aux voisins, j’appelle mamie.
    Sur l’alcool je lève le pied, y a que sur le net que je lève mon verre.
    Me laissez pas seul pour l’apéro, venez on s’accorde un plaisir solidaire.

    Être seul ça saoule, c’est pas facile, je regrette mon ex.
    Et si ça se trouve c’est elle qui me manque, pas juste son sexe.
    C’est vrai qu’elle en branlait pas une, où en tout cas jamais la mienne,
    Mais si elle me laisse tremper la plume, promis j’en fais ma cheffe indienne.

    A part moi-même dans ma chambre, plus rien ne tourne rond.
    Je voulais glander quand je bossais, maintenant je rêve de réunion !
    Depuis mes premiers pas, j’ai plus jamais marché
    Mais je vais courir tous les jours pour une bouffée d’air pollué.

    Nique le canap’ et ses couffins,
    Je pars vers l’espace et ses confins.
    Si jamais je reste confiné
    Je serai sportif, sociable, travailleur et romantique ! Je préfère rester un con fini.

  13. Kégéruniku 8
    Je m’en allais sur mes six ans quand j’ai cessé de croire au père Noël.
    Je convoquais alors mes parents - Oui, j’ai toujours été un brin formel -
    Afin de leur faire part de mon sentiment à l’égard de leurs propos irrationnels.
    Quel ne fut pas mon étonnement ! Loin d’abandonner leurs fariboles sensationnelles
    Ils me dirent triste sire et médisant quand mes objections n’étaient rien de plus naturelles.
    J’entends parfaitement que par ce mouvement ils œuvraient à la sauvegarde de mythes traditionnels
    Mais ils le faisaient à mes dépends et cela éveilla en moi quelques penchants insurrectionnels.
    Ils me traitaient comme un enfant ; je leur ferai comprendre comme l’erreur était cruelle.
    Je devais donc avoir six ans, peut être sept, quand je décidais de m’attaquer à leur héros conceptuel.
    Une fois achevé le repas de fête, alors qu’approchait l’heure solennelle,
    Comme à l’accoutumée ils lui laissaient une lichette de lait ainsi que des biscuits à la cannelle.
    Mais cette fois j’en avais changé la recette par l’ajout de quelque ingrédient additionnel ;
    J’avais pu compter sur l’aide de Pépette qui, je l’apprendrai plus tard, était porteuse de salmonelles.
    Le stratagème fonctionna et lors ils cessèrent net de m’importuner en me parlant d’un père Noël.
    Bien sûr, aujourd’hui je regrette, parce que je savais bien que sous le costume se cachait mon paternel.
    Je n’avais toutefois pas imaginé que la blagounette se changerait en impair mortel.
  14. Kégéruniku 8
    Le temps n'a jamais été mon allié, mais en cet instant, il m'est totalement étranger. Je suis plongé dans la confusion comme si mon cerveau se trouvait empaqueté dans du coton imbibé d'alcool. J'écris comme si je ne savais pas le faire...
    Lorsque j'arrive, je suis plein d'appréhensions, d'âpres tensions, sans prétention. Je sais quel texte je vais dire, je sais comment le dire, j'espère pouvoir le dire. J'ai tant d'enthousiasmes à étouffer que j'arrive avec une heure d'avance, alors que je suis venu à pieds. Il fait frais, certain diraient même froid, mais un tee-shirt me suffit pour braver le temps, même immobile. J'ai le sang en ébullition, j'en arrive même à transpirer. Je finis tout de même par entrer et m'installer 15 minutes avant l'heure annoncée. Finalement, ça ne commencera que bien plus tard, mais c'est tant mieux, cela me permet de me calmer, du moins jusqu'à ce qu'elle arrive. Les rapports sont cordiaux et le resteront jusqu'à la fin de la soirée slam. Il y a quelques rires échangés, quelques brefs regards, c'est parfait, je n'ai pas envie de plus puisque pour le moment, j'ai encore du mal à me dire que venir était une bonne idée. C'est la première fois que je participe à un évènement de la sorte, mais ça ne me dérange pas outre mesure, je ne suis, d'ordinaire, que peu sensible au stress. Toutefois, de la voir présente, elle ainsi que ses amis, m'angoisse. Et comme les astres sont avec moi, c'est à moi qu'il revient de dire le premier texte de la soirée. J'ai l'impression d'être un de ces suppliciés offert en pâture aux requins et ce même si tous les regards sont emplis de tendresse. Je reste un temps immobile sur la planche, mais puisqu'il nous faut périr, autant marquer les esprits, je tente le saut de l'ange et dit mon texte. Pas sans fautes. Le mental devient emmental quand mon esprit est plein de trous. J'essaie de le cacher en jouant sur le rythme des silences. Quand enfin je lance mon dernier vers, je quitte la scène dans la foulée, soulagé d'avoir survécu.

    A ma grande surprise, je prend un plaisir certain à écouter les autres, je me laisse bercer par chaque texte lu, par chaque mot dit. Mais quand vient son tour à elle, je suis mortifié par la honte. Elle dit le premier texte qu'elle a écrit et il s'avère meilleur dans sa structure et dans son rythme que tout ce que j'ai pu écrire jusque là. Et c'est sans parler de son aisance, de son charisme et de la facilité qui semble se dégager de sa performance. J'aurai pu tomber amoureux juste avec cet instant. A ce moment, j'ai honte d'être venu slamer, j'ai honte d'écrire, j'ai honte d'être là. Heureusement pour mon ego, même si toutes m'emportent, toutes les prestations ne sont pas du même acabit.

    Il est 22h lorsque une seconde ronde est lancée et je décide d'y participer. Il serait dommage de ne pas le faire maintenant que le stress a quasiment disparu. C'est un texte plus ancien, plus détaché de la situation, que je parviens à dire presque sans trembler. Elle repasse également, sa prestance est absolument incroyable, mais le texte n'est pas d'elle, ce qui me permet de ne pas mourir sur le coup. Non, lors de cette seconde ronde, c'est Aimile qui m'a frappé en plein cœur. Je n'avais jamais pensé la poésie comme lui l'a proposée. Je serai de toutes façons bien incapable de suivre son modèle et je l'admire avec d'autant plus de force qu'il réalise ce qui m'est inaccessible. Une fois le dernier vers dit, un temps est laissé à la discussion. Je n'ai jamais été très à l'aise pour entamer la discussion, alors je ne parle pas beaucoup, ce qui ne m'empêche pas d'être touché par les mots qui me sont adressés.

    L'évènement prend fin sur le coup de 23h, je n'ai pas envie de rentrer chez moi mais je n'ai pas d'alternative, jusqu'à ce que, ô surprise, elle m'invite à l'after. Dans mon esprit, un siècle s'écoule durant lequel s'affrontent ceux qui, ignorant la longueur du fossé qu'il me reste à franchir, me disent de courir jusqu'à l'aube ; tandis que ceux qui ne pensent qu'à l'El dorado me disent que pour cette nuit je peux tout endurer. Dans les faits, je n'ai jamais été aussi rapide et efficace dans mes prises de décisions et il ne m'a fallu qu'une demi-seconde pour lui répondre que c'est avec plaisir que je me joindrai à eux.

    Nous nous dirigeons vers un bar dans lequel nous ne resterons que 2 heures. Durant la première de ces heures je découvre à quel point Aimile est stupéfiant. J'aimerai ouvrir son crâne et disséquer sa cervelle pour comprendre la pièce qui s'y joue. J'aimerai lui arracher les yeux et me les greffer pour voir ce qu'il voit. Il me présente son carnet à croquis puis l'alphabet sur lequel il travaille et je me plais à observer, en intervenant le moins possible, l'ange qui lui sort de la bouche.

    Après quoi, c'est au tour de Suerte, le bien nommé, de m'emporter dans sa ronde. Il discute simplement, comme s'il n'y avait aucun enjeu derrière, comme s'il n'y avait que le plaisir des mots et de l'instant et mentalement je me réjouis de constater que c'est bel et bien possible. Avec lui, je me fais plus bavard, parce que pour la première fois de ma vie, je pourrai tout dire sans avoir à anticiper la réaction que mes mots pourraient provoquer. Je teste d'ailleurs en parlant de la mort de mon père, auquel il me fait curieusement penser, et il ne tique pas, son regard ne s'emplit pas d'une empathie nauséabonde ou d'une compassion perverse, il accueille mes propos et poursuit les siens comme pour n'importe quel autre sujet. Je me livre plus qu'à l'accoutumée et d'ailleurs, il y a certaines de mes bafouilles qui finissent par attirer l'attention de Marnie, qui se joint à notre discussion et qui m'offre, ce faisant, la plus grande dose de plaisir que je sois en mesure d'endurer. Pendant prêt d'une heure, il me faut me faire violence pour ne pas exulter face aux mots qu'elle prononce, face aux regards qu'elle me lance. Suerte commence d'ailleurs, fort aimablement, à s'effacer de la discussion, mais il est temps de partir, le bar doit fermer. Alors que nous quittons les lieux, elle me répète à plusieurs reprises que je suis énervant, que je suis chiant. Aussi simple soit-elle, c'est la plus belle déclaration possible.

    Personne ne veut laisser la soirée se terminer, et surtout pas moi, alors nous allons en boite. Je consens à m'enfermer dans un de ces lieux qui ne m'inspirent que détresse et désarroi, la compagnie est bien trop agréable pour que j'émette le moindre doute. Cette fois, la crainte du fossé ne se fait pas entendre et ne reste que l'envie de voler.

    Une fois arrivée, c'est Réglisse qui me fait poursuivre ma transe. Pour des raisons qui lui appartiennent, il s'avère que c'est la toute première fois qu'il découvre un lieu de ce genre et il resplendit d'un bonheur enfantin terriblement communicatif. Je me surprend à sourire comme jamais je ne l'avais fait jusque là. Moi qui porte aux gémonies l'héautontimoroumenos et ses vers: "je suis de mon cœur le vampire, un de ces grands abandonnés au rire éternel condamné et qui ne peuvent plus sourire." je me change en chat de Cheshire. il me suffit de l'observer pour me retrouver parfaitement béat, au point d'en faire enrager tous les bouddha du monde. Pour parfaire la scène, alors que tous partent danser, Marnie reste avec moi, se rapprochant toujours plus, ravissant mon regard pour qu'il finisse par se figer sur elle. Sachant pertinemment que je l'observe, elle sourit comme si elle était tzarine de toutes les Russies. Elle finit par m'accorder son regard, ses pupilles sont totalement dilatées me laissant ainsi tout l'espace nécessaire pour y plonger... Ses lèvres ont le goût de mes rêves mais ses mots provoquent les mêmes déchirures que ne le ferait l'ingestion de poudre d'émeraude. Elle veut comprendre et là je réalise que je l'ai blessée sans n'avoir aucune explication, aucune justification. Tout aurait dû s'arrêter là, mais l'alcool joue en ma faveur, influant sur la décision qui est sienne. Et pour les 2 heures durant lesquelles nous resteront encore dans la péniche, elle ne quitte plus mes bras, mes mains restent vissées sur sa peau et ses lèvres fusionnent avec les miennes. Lorsque la compagnie vient émettre le souhait de partir, je ne sais plus qui ils sont, où je suis ou même qui je suis. Jamais je n'aurai cru éprouver la moindre once de regret quant au fait de sortir de boîte. Après quelques hésitations, Marnie nous propose d'aller chez elle, Aimile nous abandonne et c'est donc Réglisse, Suerte et sa compagne, Marnie et moi même qui poursuivons. Une fois arrivée, la fatigue reprend ses droits et finalement tout s'accélère. Rapidement Suerte et sa compagne décident de rentrer chez eux. Réglisse ne peut pas rentrer chez lui, Marnie lui propose donc sa chambre, tandis qu'elle reste avec moi dans le salon.

    C'était une soirée slam, mais le temps des mots est révolu. Jusque là, je savais que son âme me plaisait, je découvre que son corps est l'incarnation exacte et précise de tout ce que j'aime. Plus que mon sexe ou mon esprit, mes mains sont la première de mes zones érogènes et là il n'est pas une once de peau que j'effleure sans être submergé de plaisir, pas la moindre partie de son corps qui ne provoque l'extase la plus complète et totale. Elle se contorsionne comme dans un rêve, comme si tout ça n'était que folie et mon esprit s'embrase aussi sûrement que la forge de mes entrailles. Mon cœur bat à tout rompre et la température de mon corps s'élève au point de faire fondre la plus éternelle des glaces. Et pourtant, ce qui me saisit plus que sa douceur, c'est sa chaleur qui me brûle les paumes, et le sang, et les os. Je jouis jusqu'aux yeux lorsque la lumière nocturne fait ressortir et la pâleur de sa peau et la flamboyance de sa chevelure et mes oreilles se délectent de la délicatesse des soupirs et des gémissement qu'elle exhale, jusqu'au derniers mots qu'elle susurre et qui forment l'ultime estocade, celle dont je ne peux me protéger. Je meurs tandis qu'elle s'endort. Je n'ai plus de cervelle, mon crâne n'abrite plus qu'une mélasse graisseuse en fusion. Je profite des derniers instants nocturnes pour me reformer. Je ne pense pas, je ne suis pas en état, j'attends, que la marche des lucioles fumantes de mes pensées aboutisse pour que je naisse à nouveau. Et lorsque c'est fait, j'écris. Sur mon téléphone, même si je n'aime pas ça. Ce ne sont pas que les muses mais tout le panthéon antique qui se penche sur mes épaules pour me souffler les vers les plus diablement inspirés que j'ai produit. Au diable la modestie, il s'agit des vers les plus monstrueusement efficaces qu'il m'ait été donné de lire. Cependant, ils ne survivront pas à l'aube, puisqu'elle ne voudra pas les entendre, ils ne méritent pas même d'exister. Non, quand elle se réveillera, le rêve se dissipera. D'abord affublée d'une honte coquette, elle finira pas user du masque de la froideur, de l'indifférence, et ce sera là notre dernier échange. Les dernières flammèches de la passion brûleront en moi comme les feux de la colère puis viendra le temps des cendres, l'extermination de masse, l'ère glaciaire et enfin, je l'espère, même si cette nuit j'ai aimé pour toute une vie, la reverdie.
  15. Kégéruniku 8
    Perdue dans les tempêtes
    Assaillie par les nuages,
    Quand le ciel joue de la trompette
    C’est qu’a éclaté l’orage.
    Alors je file comme l’éclair
    Pour semer les cris du vent,
    Je traverse mille et un déserts
    En quête d’un océan.
    Mais au milieu des éruptions
    Du firmament qui se déchire,
    Soudain j’entre en collision
    Avec le mur de mes souvenirs.
    Couchée au sol, je me sens sale
    Quand me saisissent de vieilles peines.
    Lierres du passé, racines du mal
    Soudain s’agrippent et m’enchainent.
    Et je me bats, je me débats, je me débine,
    Je me dis bien que si je dévale
    Je me défais de ta bobine,
    Ça me débecte, ça me déprime et je déballe
    De vieux pinceaux
    Comme si c’était baguette magique.
    Je tire un trait comme Picasso
    Qui roulerait en Renault Scenic !
    Et je m’enfuis à vive allure
    Loin des couleurs de Guernica.
    Je veux des bleus, des courbatures,
    Du rouge sang, pas d’arnica.
    J’ai bien trop vu le vide en prose,
    Je veux toutes les douleurs sur ma palette.
    Et si le ciel devient morose,
    Je veux me perdre dans les tempêtes.
    Je veux me perdre dans les tempêtes.
    Je veux me perdre dans les tempêtes.
     
    Perdue dans les tempêtes,
    Je voulais pas faire trempette.
    J’ai pris la poudre d’escampette
    Pour ne pas voir que le temps pète.
    Je veux mourir dans tes tendresses
    Loin des barrières que le temps dresse,
    Même si je sais que le temps presse,
    Sans toi je meurs donc je t’en prie,
    Eloigne toi de l’intempérie,
    Si tu t’approches tu vas périr.
    Il faut que tu restes en périphérie,
    J’ai vu couler bien trop de ferrys.

    N’abandonnes pas sans coup férir.
    Je veux pas que tu partes sans même blémir.
    J’aime pas ce que je veux, je sais pas quoi dire.
    Je veux pas que tu te casses, mais si tu reviens je me tire.
    Je veux pas que tu te casses, mais si tu reviens je me tire.
    J'ai peur que tu me casses quand tu m'attires.
  16. Kégéruniku 8
    Le futur n’existe pas. Rien n’est éternel. J’ai beau te l’avoir dit mille fois, perdu au milieu de nos rêves, je suis revenu sur mes pas pour faire durer la brève. J’ai pris le temps à rebours, pour que les moments passés deviennent les présents de l’avenir. J’ai détruit notre monde, l’ai démuni de ses atours, l’ai ravagé, dans l’espoir que demain soit à la hauteur. Et tandis que je pensais construire ce qui n’existe pas, je nous privais de ce qui est. J’aurai dû savoir que demain ne peut se faire au détriment d’aujourd’hui.

    J’ai détroussé le bonheur pour enrichir le bonheur. L’esprit sans dessus dessous, ce que je fais n’a aucun sens et je ne parviens plus à diriger mes pensées. J’ai voulu m’approcher de ton feu pour me fondre en toi, mais une fois l’esprit enfumé, frivole, j’ai créé des espaces espérant réduire la distance. J’ai pris l’amer et désormais l’âme erre loin de l’aimée et de ses messages. Douce mésange brûle mes anges. Présente excuses et soudain exige que je laisse cure pour son exquise lumière obscure. Mais quand l’aube darde au travers des ombres, c’est un gris terne et morne qui se dévoile. A terre et mort, mon esprit, encore, obombre les couleurs fragiles que promettaient nos langues agiles.

    Aux cendres la chance et ses choix, puisqu’il me faut choir, je veux choyer les dernières braises du foyer. Aux cendres les ardeurs, c’est la brûlure du froid qui du haut de son beffroi me transit d’effroi.
    Nous n’étions pas si puissants, et le temps passant, nos corps s’épuisant, nous nous sommes lassés des caresses enlacées et nous sommes laissés comme deux diables glacés.
    Si tu me hantes, mon art tique. Mais si je prends le chemin des airs, ça ira. Adieu blizzards et tempêtes, mon souffle instable s’éloigne de vos paysages et prend la route des décors de sable. Puisque le futur n’existe pas, je m’en retourne au doux sirocco des beautés baroques. Pour la princesse, le prince cesse et s’en retourne vers d’autres poétesses.

  17. Kégéruniku 8
    Je crois être d'une patience olympienne. Parce que la patience est une façon confortable et laudative de qualifier la passivité. Je peux attendre, sans rien faire, sur des durées infinies, que les choses viennent à moi, parce qu'en tant que personnage principal de mon histoire c'est ainsi que tout devrait fonctionner ; je l'ai vu à la télé. Et pour toute forme d'agacement, il m'arrive tout au plus de signifier par un phrasé lapidaire l'étendue de ma patience. "Regardez moi comme je ne fais rien à part attendre. Qu'est ce que j'attends bien quand même."
    Toutefois, s'il s'avère que j'attends si sagement, c'est parce que je n'accorde aucune importance à ce qui pourrait arriver ou non. Ma patience est dénuée d'espérance. D'ailleurs, aussi rare que cela puisse être, dès lors que j'en viens à espérer, à désirer véritablement une issue, mon calme, mon phlegme et mon don pour la passivité s'évaporent aussitôt. Je me retrouve assailli, sous le joug d'un bombardement d'émotions contradictoires. Je veux tout dire, tout faire, tout tenter. Les idées les plus saugrenues m'apparaissent exploitables et je ne fais plus la différence entre ce qui est bon et ce qui est con. Ce n'est d'ailleurs qu'en éprouvant la plus grande des difficultés que je parviens à m'empêcher de tout saborder dans un élan inconsidéré de stupide impulsivité. Et c'est probablement ma prolixité qui me sauve, puisqu'en moins de temps qu'il n'en faut pour me nuire, j'élabore cent plans, les rêve un par un et les magnifie tous, pour finalement n'être entravé non par la raison mais par l'embarras du choix. Ce n'est qu'une fois l'émotion retombée que je réalise la stupidité dont je suis capable et que je bénis les défauts qui m'ont empêché d'agir. Mais il est des fois où, ni ma prudence pleine de lâcheté, ni ma patiente passivité, ne viennent à mon secours. Des fois où l'impulsivité tonitruante qui me saisit parvient à s'exprimer. Dès lors, je m'empresse de détruire toute possibilité d'accéder à ce que j'ai pu désirer. Je saccage méthodiquement tout ce qui viendrait me rappeler que j'ai osé agir sans même me soucier des effets réels de mes actes. Ma bêtise à porté ses fruits et ce que je convoitais m'est accessible? Rien à foutre. Pas de traces, pas de preuves, pas de témoins, j'efface tout! Comment accepter de réussir par le biais de ce que l'on méprise? Quelle place pour la complainte et l’apitoiement si je perds mon temps dans la victoire? Qu'est-ce qu'il adviendrait de moi si, toute honte bue, je me laissais aller à vivre vraiment et non plus par principe?
    Durant des années, j'ai eu l'impression d'être un trou noir, un astre vampire. J'emportais les autres dans mon sillage et les vidaient de leurs substances.
    Bien qu'enorgueilli à cette idée, j'ai détesté ça. Alors, je me suis retiré du monde, refermé sur moi même et j'ai vécu quelques temps en ermite moderne. A mon retour, j'avais changé et il ne restait rien de cette marque que je pouvais laisser autrefois. Désormais, je n'étais plus qu'une plaque de verre. Invisible et imperméable. Lorsqu'il arrivait que, par accident, l'on me touche, tous ne faisaient plus que glisser sur moi. Valait-il mieux n'être qu'un monstre vorace et inconséquent ou s'effacer pour n'impacter que le moins possible les mondes alentours? Vivre ou laisser vivre? Parfois, ces questions me taraudent alors qu'il devrait être si simple d'en goûter les réponses, et probablement qu'un jour viendra où je m'y abandonnerai. En attendant
  18. Kégéruniku 8
    J'ai 13 ans. Je vis avec ma mère et mes deux frères, 4 et 11 ans. Avec le plus grand, nous dormons dans un cagibi dans lequel ont étés placés des lits superposés. Ça me va, je n'ai jamais aimé dormir et le reste du temps on peut rester dans le salon. À condition, bien sûr, de ne pas faire trop de bruit. Ma mère travaille de nuit, à l'usine. Alors, la journée, elle dort. On joue, en essayant de ne pas faire de bruit. Pour ne pas qu'elle mette des coups de marteau sur la console, comme la dernière fois. Pour ne pas qu'elle saute sur moi à pieds joints, comme la fois d'avant. On joue a un jeu de société, pokemon je crois, mais peu importe. Le plus grand de mes frères est en train de perdre et me soupçonne de tricher, je dois bien reconnaître que c'est arrivé quelques fois. Le plus jeune n'est plus dans la partie, il est fatigué, il a faim, et prend beaucoup de temps lorsque c'est son tour. Le plus âgé s'impatiente et s'énerve, je m'offusque, je n'ai pas triché, je gagne parce que j'ai mieux joué. Le ton monte, ma mère se réveille.
    «Bande d'enculés, je me tue au boulot pour vos gueules et c'est même pas possible de dormir? Je me sacrifie tous les jours pour vous et faudrait encore que je vous donne ma chatte? Vous vous rendez pas compte de la chance que vous avez de m'avoir, vous profitez de moi, vous me sucez tout mon sang, bande de fils de pute. Je devrais vous mettre en foyer, à vous faire enculer par les plus grands, là vous comprendriez bande de bâtards.»
    Aucun de nous ne bronche. Les propos ont beau être les mêmes que d'habitude, la peur est aussi la même. Le plus jeune finit tout de même par dire qu'il a faim
    Elle me regarde et continue: « Et toi le bon à rien, tu peux pas faire à manger? Faut toujours que vous comptiez sur moi? Si je meurs, parce que vu comment vous m'usez ça pourrait arriver bientôt, vous allez faire quoi? Occupe toi un peu de tes frères que je puisse me reposer. Je peux me reposer un peu ou c'est trop demander? Hein mes seigneurs!»
    Je n'ai jamais préparé le repas. D'habitude, c'est à peine si je peux me préparer mon propre petit déjeuner. Mais ce n'est pas comme si j'avais le choix. Je pars dans la cuisine et j'essaie. Il y a des steak hachés, de la semoule, ça ne devrait pas être trop compliqué. Bon, il semblerait que j'ai raté quelque chose. La semoule est compacte et goûte le sable. Quant à la viande, elle est toute grillée et l'appartement est empli de fumée. Aussi mauvais que ce soit, nous mangeons, sans rien dire et nous préparons pour le coucher.
    Vu ce qu'elle fume, je ne pensais pas que l'odeur pourrait réveiller ma mère, mais il s'avère que si. Elle court dans la cuisine et il semblerait que ni l'état de la poêle ni le reste de semoule ne lui convienne. Elle me gifle et crie:
    « Et tu te dis intelligent, même pas capable de faire une putain de semoule? T'es qu'un bon à rien, un flemmard de merde juste bon à se gratter les couilles! Tu crois que je faisais pas à manger à ton âge? Vous avez trop la belle vie, vous savez rien faire. Je peux pas compter sur vous.»
    Tandis qu'elle me frappe, elle crie de plus en plus fort. Elle se saisit d'un couteau et place la lame sous ma gorge. Je n'ai pas la moindre idée de ce qu'elle éructe. Je ne vois que la bave blanche à ses lèvres, et mes petits frères, comme deux suricates aux grands yeux ronds, qui regardent la scène, incapables du moindre mouvement. Tout se passe si lentement, je ne sais pas combien de temps j'ai gardé cette lame contre ma gorge. Des secondes? Des minutes? Des heures?
    Peut être se rend-elle compte que je ne l'entend plus, ma mère me bouscule puis appuie la pointe du couteau contre mon ventre. Pas assez pour me faire mal, juste assez pour que je saigne. Je vois bien qu'elle continue de vociférer mais je n'entends rien, si ce n'est un sifflement continue. Elle finit par jeter le couteau, fracasser la poêle contre le plan de travail et nous crie de dégager. Mes frères courent se coucher, moi, je suis puni. Je dois sortir et faire l'aller-retour du 7ème étage au rez de chaussée par les escaliers. Seulement trois fois, je m'en tire plutôt bien.
    Lorsque je rentre, ma mère me prend dans ses bras et me dit qu'elle est désolée, qu'elle ne devrait pas avoir à se comporter comme ça, ça lui brise le cœur, mais on ne lui laisse pas le choix. Je lui présente mes excuses, elle m'embrasse et je vais me coucher. Ce soir là, je dors paisiblement. 
     
    Cela fait bien longtemps que je n'avais pas pensé à ça. Pendant longtemps, j'ai cru que c'était normal, je n'avais donc pas de raison d'y penser. Mais ce soir, je ne trouve pas le sommeil, mon esprit vagabonde et se perd dans les souvenirs. Finalement, aussi banale que puisse être mon existence, j'ai peut être des histoires à raconter. Je sélectionne parmi les souvenirs qui ne sont pas trop douloureux et j'écris, en attendant de m'endormir paisiblement.
  19. Kégéruniku 8
    Les retours sont des adieux et les adieux des retrouvailles.
    Pour ne pas ruminer la colère stérile qui m'obnubilait, j'errai de ports en porc. Me plongeant à corps retrouvé dans l'exploration, plus gloutonne que méthodique, des intimes eaux tièdes et doucereuses qui bordaient ma dérive. Je collectais ces délicats nectars avec d'autant plus d'enthousiasme que j'avais connu et la diète et la disette. Et je goûtais d'autant plus mon plaisir que j'étais cet iris n'ayant pas vu la rose, à nouveau débutant, balbutiant, à la poursuite de repères que je n'avais plus. La première étreinte fut d'ailleurs la plus folle. Pour la première fois depuis près d'une décade j'explorais, tâtonnant, arpentant les paysages de l'inconnue dans un mélange d'exaltation et d'effroi. Adieu les caresses mécaniques, je devais à nouveau penser chaque geste, doser chaque toucher pour qu'il convienne à l'attouchée. En sus, je devais redécouvrir mes propres perceptions, et quand elle passa ses doigts délicats sur mes côtes, je me sentis frissonner comme je ne me souviens pas l'avoir jamais fait auparavant. Extasié, extatique, j'aurai pu m'arrêter là si l'extravagante faim ne m'avait exhorté à poursuivre mes exercices expérientiels.
    Avide, c'est en toute logique que je cherchais à faire le plein. Après la première, il y eu donc la deuxième. La nouveauté en moins, la surprise en plus, d'autant que je n'étais pas à l'origine de la démarche, ce qui m'apparut comme tout aussi déroutant que plaisant. Puis vint la troisième, opportuniste et pragmatique, mais pas moins appréciée.
    Cependant, j'avais beau étouffer mes ardeurs sous d'autres corps, ça n'empêchait pas mes idées d'être à l'igné, ça n'éteignait pas le feu qui continuait de me ronger. Me poussant ainsi toujours plus avant dans l'errance et ses remèdes.
    Ainsi, comme un clou en chasse un autre et alors que j’avais choisi la nostalgie pour terrain de jeux, je pris la direction d’un bar dont le nom m’était soudainement revenu. Dire que j'espérais quoique ce soit serait quelque peu présomptueux, toutefois, je ne pouvais me résoudre à écarter l'improbable possibilité de retrouver celle par qui j'avais eu vent du lieu. Quand je l'ai connue, elle habitait à proximité du bar et avait sympathisé avec le gérant. Je m'étais donc dit que si je devais la retrouver, ce serait l'endroit idéal. Cependant, aux dernières nouvelles, qui n'étaient certes pas des plus récentes, elle avait déménagé. Je passais donc la soirée, bercé par quelques sonorités de ce qui était présenté comme du jazz, à ne rien attendre désespérément. Et, logiquement, rien ne se produisit.

    Sur le chemin du retour, je décide de faire un détour afin de me poser quelques instants sur la berge, prendre le temps de réfléchir et souffler un peu. La vue, sans être extraordinaire, me réconforte et je me plais à contempler le reflet de l'eau sur la lune. A moins que ce ne soit l'inverse. Peu importe, toujours assis sur ma souche, à l'écart des bancs qui auraient pu accueillir de quelconques importuns, je souris benoîtement face au buste de Django Reinhardt, illustre musicien dont j'ignorais jusqu'à l'existence avant qu'elle ne m'amène ici, en son dernier fief. Je ne connais pas sa musique, je ne connais que très mal son histoire, mais j'ai désormais envie de musique afin de me laisser délicatement porter par le flux de souvenirs, et, quitte à me plonger dans la nostalgie, j'écoute: 
     
    puis,
    et encore,
     
    Puis enfin
     

    C'est alors que je profite d'une tranquillité absolue qu'une ombre indélicate s'amène et s'installe, sans gène, à côté de moi. Bien que dérangé, je n'ai pas envie de m'énerver, alors j'essaie de l'ignorer. Je coupe la musique et pianote aléatoirement sur mon téléphone. Si je l'ignore et vaque à mes affaires, la personne finira bien par comprendre que je ne veux pas être dérangé et me laissera tranquille. A priori, non, ça ne change rien.
    Doucement, patiemment, je sens la colère monter en moi de façon graduelle. Je m'échauffe, je boue, je fulmine et d'un coup je décide de repartir puisque je n'ai plus rien à faire ici. Je me lève et pars sans jeter le moindre regard vers la raison de mon départ, quand j'entends: "je pensais qu'on pourrai discuter."
    Il y a bien deux ans que je n'ai pas entendu cette voix, mais je la reconnais. Je me sens con. Affreusement con. Sans dire le moindre mot, je retourne m'assoir, tout penaud, comme ce gamin qui se rend bien compte de sa bêtise mais qui ne sait absolument pas quoi faire pour y pallier. Ce qui la fait, non pas rire, mais glousser ; oui, le terme me semble mieux convenir pour décrire le son émis.
    J'ai envie de lui demander ce qu'elle fout là, de lui dire que je suis désolé, de l'envoyer chier aussi, de l'embrasser, elle me semble plus belle que dans mes souvenirs, le changement de coupe lui va sacrément bien, elle est con quand même d'être resté à côté sans rien dire, est ce qu'elle attend que je dise quelque chose? Mais attends, t'avais pas déménagé?
    Finalement, la seule chose qui finit par sortir de ma bouche: "Salut".
    Wouah, champion, quelle verve, franchement je m'épate moi même. J'espère quand même ne l'avoir pas trop subjuguée, ce serait dommage qu'elle reste pantoise du fait de ma prolixité.
    "Ça va?"
    Pull up! De mieux en mieux, y a pas à dire, jui un poète moi. Manque plus qu'une allusion à la météo en mode, "il fait doux mais le fond de l'air est frais" et j'emporte la timbale.

    Finalement, malgré des débuts pour le moins laborieux, la discussion démarre et s'éternise même dans une obscurité de plus en plus difficile à ignorer. Le contact est renoué, je lui dis que je reviendrai vers elle prochainement mais que je dois pour l'instant y aller. Elle pose alors sa main sur la mienne et m'embrasse, pour la première fois.
    En rentrant, même si je ne peux pas m'empêcher de penser à la suite et à la fin de cette histoire, je suis dans le même état que la plus vulgairement niaise des prépubères qui a été bien trop longtemps nourrie aux comédies romantiques et aux love interest à deux balles que lui vendent de trop nombreuses séries. Et le pire, c'est que je ne déteste pas ça.
  20. Kégéruniku 8
    Quel que soit le chemin emprunté, quelle que soit l'issue, parfois il n'y a que la colère.
    Je me souviens les chaudes nuits passées dans la torpeur la plus profonde et réconfortante, où l'absence se changeait en oxygène faisant de chaque inspiration un souffle béni. Blotti dans l'obscurité silencieuse, je goûtais les plaisirs de l'isolement et de la déréliction, avide de vacuité, comme une chance de s'extraire d'un brouhaha quotidien et continu. Errant paisiblement, libéré de toutes les contraintes que nous peuvent imposer une simple présence, je me voyais déjà aspiré, absorbé, englouti par la plus exquise des inerties. Las, le plaisir n'était jamais que de trop courte durée puisqu'il fallait que je sois assaillis de messages, d'appels, d'informations superflues, de questions superficielles et d'autres importunes notifications en tout genre. Que je m'efforce de répondre ou d'ignorer, rien n'y faisait, l'invasion se poursuivait avec force dans un flux qui semblait ne jamais devoir se tarir. Et la colère grondait, sans que je ne la laisse être perçue, elle tonnait en mon sein, me déchirant et réduisant à moins que rien les saveurs du paradis pré-existant. Et même lorsqu'il semblait que le calme était à nouveau à portée de main, je me trouvais désormais dans l'incapacité d'oublier l'emprise du temps et ne voyait plus que l'impératif qui suivrait, prisonnier de l'existant comme si l'on m'avait encore forcé à naître. Diable! Que je l'ai maudite pour n'avoir su m'ignorer.
    Le temps a passé, les choses ont changé, les choses m'ont changé. Et me voilà maintenant souffrant de la morsure du froid. L'absence, la plus fidèle de mes amours, n'est plus que cet espace vide entre deux moments de vie. Et si l'absence d'absence ne me réjouit pas outre mesure, il est certain que cette absence en demi-teinte ne m'est plus ni désirable ni confortable. Je ne sais plus que faire de tout ce vide et j'en viens à guetter le moindre indice, le moindre signe de présence. Je vérifie ma messagerie avec la régularité d'un métronome et m'inquiète de ne pas la voir se remplir. Les espaces qui m'étaient si précieux ne sont plus qu'instruments de torture m'infligeant des souffrances aux motifs sans reliefs et sans couleurs qui m'auraient autrefois d'avantage poussé au rire. Parce que, de ma liberté, il a été fait une geôle, là encore, la colère me gagne. Du fait de ce silence imposé, des raisons que je lui donne et surtout du triste état dans lequel il me plonge, je m'enfle de rage et d'amertume, amassant les combustibles afin de prolonger l'ardeur de mon ire sachant pertinemment qu'une fois que tout sera consommé, il ne me restera rien. Si bien que son retour n'aura plus que le goût des cendres, me privant du plaisir des retrouvailles comme j'ai été privé des plaisirs de la solitude. Diable! Que je l'ai maudite pour n'avoir su m'ignorer.
  21. Kégéruniku 8
    Je veux être dieu. Non pas dieu de toutes choses. Je déteste les groupes, les foules, les nombres. Ils sont inconsistants et n’existent probablement que pour me nuire. Et plus encore, je hais leur mécanique, vulgaire et terriblement indiscrète. Rien n’égale la singulière saveur du secret. Non, je veux être un dieu personnel. Partagé, pourquoi pas. Si c’est par une poignée d’adeptes. Et je veux que chaque adoration soit singulière dans son histoire et dans son expression. Je ne veux pas être ce fer qui marque le bétail et laisse toujours la même empreinte derrière lui ; autant se livrer directement aux inspecteurs. Je veux que les rares personnes marquées le soient de façons toujours différentes, pour qu’ainsi je puisse croire en ma propre profondeur.
    Je veux être dieu, parce qu’il n’y a pas d’autre façon de me prouver mon existence. Si j’ai effectivement occupé ce temps qui m’était alloué, il doit y avoir des traces de mon passage. Et si j’ai vécu, véritablement, et ne me suit pas contenté d’orner le paysage comme n’importe quel agrégat sédimenteux, sédimentaire, sédimental, alors ces empreintes doivent retranscrire ne serait-ce que l’idée d’un changement, d’un mouvement d’âme.
    C’est parce que je veux être dieu que je m’abandonne parfois à la contemplation extatique des fragments abandonnés sur les chemins passés de mon voyage. J’observe et je guette en quelques lieux choisis, en quelques yeux tendres, le moindre indice me laissant espérer la présence d’une relique de mon histoire. J’observe longuement, régulièrement, pour enfin trouver cet autel à ma gloire, cette preuve irréfutable. J’ai besoin de savoir alors dites-moi !
    Non, ne dites rien, ça ne compte pas. Montrez-moi, mieux ! Laissez-moi voir, laissez-moi ressentir ce quelque chose, quoi que ce soit. Même si la fleur est quelconque, je veux savoir que j’ai semé. Et s’il ne reste que désolation, je veux savoir que j’ai soufflé. Qu’importe le souvenir, sa nature ou son odeur, pourvu que je puisse me dire que j’ai compté.
    Mais au-delà de cette divine avidité de reconnaissance qui me tiraille et me fait me vautrer dans les fanges du mortellement commun, Lucifer peut bien se consumer pour moi, je veux être dieu pour ce luxe inestimable qui consiste à pouvoir choisir ses adeptes en les créant à son image. Parce qu’il m’importe bien plus de la bouteille que de l’ivresse. Parce que je veux bien être petit, sale, inutile, mais je préfère mourir pour avoir fait la fine bouche plutôt que de me l’admettre. Alors, petit dieu fourbe et menteur pareil à tous ces misérables incapables de s’assumer, je créé, je tisse, je baise et j’écris comme le font les pêcheurs ; je peux bien détruire les fonds marins, estropier et rejeter avec dédain, pourvu que je ne sois pas seul à mordre à l’hameçon.
  22. Kégéruniku 8
    Je te l’ai déjà dit, je ne ressens rien pour toi.
    Mais tu es le plus bel ornement qui soit.
    Et si ta présence permet de rendre le paysage plus beau
    Je t’emporterai avec moi, par monts et par vaux.
    Et qu’importe si mon cœur reste calme,
    Si dans mes rêves ce n’est pas ton nom que je clame ?
    Puisque c’est ton rire que je porte comme bijou.
    Tes couleurs sont le fard sur mes joues.
    Alors, ne me demande pas si je t’aime.
    Si, dans tes absences, tu me hantes.
    S’il est vrai que parfois tu me manques,
    C’est le manque dont je souffre en lui-même.
     
    C’est vrai, je ne ressens rien pour toi.
    Mais tu es le plus bel ornement qui soit.
    Et seule ta joliesse illumine mes jours,
    Il n’y a qu’en ta lumière que brillent mes atours.
    Et qu’importe si tu n’habites pas mes songes,
    Si tous mes mots doux ne sont que mensonges ?
    Aussi vrai que je ne les pense pas,
    Tous mes poèmes ne sont que pour toi.
    Alors, ne réclame pas mon affection.
    Je t’en prie, garde toi de quémander
    Mes amours et mes pensées
    Quand je n’ai pour toi que de l’attention.
     
    Parce que, voilà, je ne ressens rien pour toi.
    Même si tu es le plus bel ornement qui soit.
    Même si tu mériterais que l’on te révère,
    Pour tes charmes, mon cœur se fait de pierre.
    Et qu’importe tes sourires, tes joies, tes peines et tes larmes
    Si jamais ils ne me font poser les armes ?
    Puisque c’est sans amour que je t’étreins,
    Sans passion que je me fais tiens.
    Alors, va, cours, vole au loin !
    Rechercher ce qui te revient de droit.
    Quitte mes bras, brave mes lois
    Et trouve celui qui apaisera ton chagrin.
    Parce que, moi, pour toi, je ne ressens rien.
    Même si tu fus le plus bel ornement sur mon chemin.
     
  23. Kégéruniku 8
    Pleurer c'est mâle sauf pour leurrer le mal.
    Plaisir lesbien, ça fait gémir c'est bien.
    J’ai les couilles en vadrouille, mes baloches se font la malle.
    Impuissance d’un puissant qui s’épuise pour un rien.



    Et ça n’a pas de sens comme dans un film de uc.
    Rien à branler comme si j’étais eunuque.
    Fais pas les gros yeux comme si t’étais grand-duc,
    Cette meuf est chaude, j’ai sa mouille sur ma nuque.
    Et je suis fin prêt pour son grand bassin,
    J’ai pas pris de bonnet mais elle m’en passe un.
    Je lui reluque le maillot comme un mec pas sain,
    Puis j’envoie la mayo, non attends, pas ça !
    C’est pas comme si je pouvais lui dire
    Que c’est pas commencé et j’ai déjà fini !
    Je sais pas comment faire, je veux être Houdini
    Et mettre les voiles comme burkini.
    Pose sa main sur ma verge, nique la mer, elle force !
    Faut que je prenne le large, j’aimerai être la Corse.
    « C’est ma mère qui m’héberge, faut qu’elle soit d’accord.
    - Putain mec t’es barge, c’est toi qui m’accoste… »

    Pleurer c'est mâle sauf pour leurrer le mal.
    Plaisir lesbien, ça fait gémir c'est bien.
    J’ai les couilles en vadrouille, mes baloches se font la malle.
    Impuissance d’un puissant qui s’épuise pour un rien.



    Et ça parle de tass’, ça parle de casse,
    Ça parle de tape et de cap ou pas cap,
    De poukis, d’équipes, d’esquiver les stups,
    De sape, de schlass et de cannabis cup.
    Ça parle beaucoup, mais ça fait rien.
    Y a moins de fours que de galériens.
    Ça veut niquer les tours comme désordre aérien
    Mais fait le mort tous les jours, président algérien.
    Ça veut jouer les bandits, comme Montana
    T’es moins Tony, qu’Hanna Montana.
    Si t’es de Bundy , qu’on te condamna
    T’es comme Al Bundy avec sa nana.
    Coincé dans prison mais t’as rien d’un taulard,
    T’es ton propre maton comme Pablo Escobar.
    Privé d’horizon quand tu t’enchaine au bar
    C’est que tu l’appelles chaton qu’elle rapplique épaulard.

    Pleurer c'est mâle sauf pour leurrer le mal.
    Plaisir lesbien, ça fait gémir c'est bien.
    J’ai les couilles en vadrouille, mes baloches se font la malle.
    Impuissance d’un puissant qui s’épuise pour un rien.


    Sans succès, je m’arrête, j’en ai fini de draguer.
    N’écoute plus ta baleine, ne te laisse plus parquer.
    Si t’attends qu’elle soit prête, t’as pas fini de tanguer
    Grimpe à bord de ma charrette, quittons cette vie flinguée.
    Si t’es derrière moi, plus jamais je bégaie.
    Wesh, dégage ta nana, il est temps de la larguer.
    A la traîne isolés, bien plus forts conjugués.
    Garde- le pour toi, mais je crois bien qu’on est gays.

  24. Kégéruniku 8
    Je broie du noir dans mes nuits blanches.
    Je veux pas te voir, je veux juste tes hanches.
    Moi je vois la vie en néon rose ;
    Je serai ravi que dans maison close.
    Billets de sang, l’argent est rouge.
    Sin citizen comme Mickey Rourke .
    Pas de gueule de bois pour la fée bleue,
    Deux verres ou trois rendent spiritueux.
     
    J’ai toutes les couleurs sur ma palette,
    Toutes les douleurs dans ma galette.
    Tes coups d’humeur, je m’en balek.
    Si t’es Docteur, moi je suis Dalek.
     
    Cerveau s’égare sur la pente douce,
    Cigarillos dans ton penthouse.
    Je veux pas revenir, je veux que la drogue dure.
    Je troque mon avenir contre une piqure.
    Plus je m’élève plus je manque d’air,
    J’envoie mes rêves six pieds sous ter.
    Trois lignes ou quatre, j’aime, je compte pas.
    Plus rien à battre : Bertrand Cantat.
     
    J’ai toutes les couleurs sur ma palette,
    Toutes les douleurs dans ma galette.
    Tes coups d’humeur, je m’en balek.
    Si t’es Docteur, moi je suis Dalek.
     
    Maigre lumière dans la nuit noire.
    Y a que sur civière que je garde espoir.
    Dites au docteur de prendre son temps
    Même si je meurs on le paie contant.
    Sirène de nuit chante sur mon sort,
    Adieu l’ennuie, vivement la mort.
    Dans l’ambulance la vie s’écoule,
    Fin de turbulences, enfin c’est cool.
     
    J’ai toutes les couleurs sur ma palette,
    Toutes les douleurs dans ma galette.
    Tes coups d’humeur, je m’en balek.
    Si t’es Docteur, moi je suis Dalek.
    Plus d’une couleur à mon arc,
    Plus d’une coulée sur mon art.
    Plus qu’une corde et sur mon arbre,
    Plus qu’un corps, y aura mon âme.
  25. Kégéruniku 8
    Marnie manie la rime avec l’art et la manière. Manie sans frime, sans fard et sans que Marnie erre.

    L’âme marine, je veux qu’elle s’arrime, pas qu’elle rame, pas qu’elle trime ;  paquet de drames braquaient sa mine, minaient son âme, masquaient la cime de ses récits, de ses récifs.

    Mais serre-moi, je suis réceptif ! Et si l’émoi est récessif, si dans ma joie je suis excessif, que quand tu me vois c’est déceptif, envole-toi au-dessus des ifs ! Au-dessus des lois et de Sisyphe et de ses strophes.

    Pour panne de cœur y a pas de greffe, et si je meurs c’est sans grief. Je suis pas lutteur comme Zangief mais si y a lueur là je m’agrafe, moi j’ai pas peur des catastrophes, des cataclysmes.

    Je capitalise comme Qatari, je peux soigner comme cataplasme, produire beau jeu comme Catalogne ou faire rêver comme catalogue ; catapulte sur les problèmes, t’as qu’à t’appuyer sur ma poigne.

    Je veux tes menottes sur mes pognes, t’écouter vivre l’ivrogne, voir tes quenottes et ta trogne. Je veux que ça tonne quand ça grogne, que ça remue et que ça cogne, je veux que ça tangue, que ça balance !

    Assis séant, sur l’océan, c’est peu seyant mais sémillant que je saisi ses hanches et ma chance, que je m’élance sur la planche, que je flanche face à l’intense, que je me noie dans son regard.

    Barracuda, au bar accoudé, barbant comme un barbelé, qui baragouine son baratin et parasite mon plein entrain, m’a rappelé que faut parler et pas se perdre dans l’horizon.

    Alors ils ont raison et allons-y, foutu tison ravive les braises, souffle la brise, brise la grève que l’on se grise de plus belle ! Attise l’artiste et pas l’art triste, adieux l’arthrite ! Salut Marnie !

    Je suis pas personne mais ça me chiffonne comme tu rayonnes, comme tu brilles, comme tu claironnes. Enfin bref, moi c’est Nelson.

×