Nuit d'attente
Je crois être d'une patience olympienne. Parce que la patience est une façon confortable et laudative de qualifier la passivité. Je peux attendre, sans rien faire, sur des durées infinies, que les choses viennent à moi, parce qu'en tant que personnage principal de mon histoire c'est ainsi que tout devrait fonctionner ; je l'ai vu à la télé. Et pour toute forme d'agacement, il m'arrive tout au plus de signifier par un phrasé lapidaire l'étendue de ma patience. "Regardez moi comme je ne fais rien à part attendre. Qu'est ce que j'attends bien quand même."
Toutefois, s'il s'avère que j'attends si sagement, c'est parce que je n'accorde aucune importance à ce qui pourrait arriver ou non. Ma patience est dénuée d'espérance. D'ailleurs, aussi rare que cela puisse être, dès lors que j'en viens à espérer, à désirer véritablement une issue, mon calme, mon phlegme et mon don pour la passivité s'évaporent aussitôt. Je me retrouve assailli, sous le joug d'un bombardement d'émotions contradictoires. Je veux tout dire, tout faire, tout tenter. Les idées les plus saugrenues m'apparaissent exploitables et je ne fais plus la différence entre ce qui est bon et ce qui est con. Ce n'est d'ailleurs qu'en éprouvant la plus grande des difficultés que je parviens à m'empêcher de tout saborder dans un élan inconsidéré de stupide impulsivité. Et c'est probablement ma prolixité qui me sauve, puisqu'en moins de temps qu'il n'en faut pour me nuire, j'élabore cent plans, les rêve un par un et les magnifie tous, pour finalement n'être entravé non par la raison mais par l'embarras du choix. Ce n'est qu'une fois l'émotion retombée que je réalise la stupidité dont je suis capable et que je bénis les défauts qui m'ont empêché d'agir. Mais il est des fois où, ni ma prudence pleine de lâcheté, ni ma patiente passivité, ne viennent à mon secours. Des fois où l'impulsivité tonitruante qui me saisit parvient à s'exprimer. Dès lors, je m'empresse de détruire toute possibilité d'accéder à ce que j'ai pu désirer. Je saccage méthodiquement tout ce qui viendrait me rappeler que j'ai osé agir sans même me soucier des effets réels de mes actes. Ma bêtise à porté ses fruits et ce que je convoitais m'est accessible? Rien à foutre. Pas de traces, pas de preuves, pas de témoins, j'efface tout! Comment accepter de réussir par le biais de ce que l'on méprise? Quelle place pour la complainte et l’apitoiement si je perds mon temps dans la victoire? Qu'est-ce qu'il adviendrait de moi si, toute honte bue, je me laissais aller à vivre vraiment et non plus par principe?
Durant des années, j'ai eu l'impression d'être un trou noir, un astre vampire. J'emportais les autres dans mon sillage et les vidaient de leurs substances.
Bien qu'enorgueilli à cette idée, j'ai détesté ça. Alors, je me suis retiré du monde, refermé sur moi même et j'ai vécu quelques temps en ermite moderne. A mon retour, j'avais changé et il ne restait rien de cette marque que je pouvais laisser autrefois. Désormais, je n'étais plus qu'une plaque de verre. Invisible et imperméable. Lorsqu'il arrivait que, par accident, l'on me touche, tous ne faisaient plus que glisser sur moi. Valait-il mieux n'être qu'un monstre vorace et inconséquent ou s'effacer pour n'impacter que le moins possible les mondes alentours? Vivre ou laisser vivre? Parfois, ces questions me taraudent alors qu'il devrait être si simple d'en goûter les réponses, et probablement qu'un jour viendra où je m'y abandonnerai. En attendant
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