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konvicted

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Billets posté(e)s par konvicted

  1. konvicted
    Comme ça s'est peut-être entendu au silence de mort qui règne sur ce blog depuis quelques mois, je ne suis pas des plus inspirés dernièrement. D'ailleurs, le machin qui suit n'est même pas fini (je n'en ai encore écrit qu'une moitié). Après divers remaniements qui ne m'apportent toujours pas satisfaction, j'hésite entre le continuer et tout bazarder ; je le poste dans le doute.

    Est-ce un symptôme de l'accoutumance ?
    Mes mots ne m'ont jamais semblé si creux ;
    Je me suis certes connu moins fiévreux,
    Est-ce un delirium tremens qui commence ?
    Ou ce putain d'organe qui me lance,
    Lui qui quoique plus pompant que pompeux
    M'en fait baver des laïus sirupeux
    Quand je lui demande : à quand le silence ?
    Alors si du haut de son importance,
    Cupidon trouve tout à coup curieux
    Que je ne le prenne pas au sérieux,
    Si je l'agace par ma réactance,
    J'implore, non, j'exige sa clémence
    Car s'ils ne sont fourbes et malicieux,
    Ses choix ne sont pas des plus judicieux,
    Je plaide la légitime démence.
    Mais soudain je sens mon flegme en péril,
    Je délire comme ma fièvre grimpe,
    Me mettrais presque à prier tout l'Olympe
    Pour solliciter douze mois d'Avril.


  2. konvicted
    Yo,
    Après presque trois semaines à tenter en vain de renouer avec Erato, ou à défaut avec Pégase, j'en viens à la conclusion, évidente à crever les yeux d'un cyclope borgne, que je risque fort de me heurter à une page blanche pendant encore quelque temps avant de pouvoir enfin écrire la suite de Douze mois d'avril. Comme j'imagine, ironiquement parlant bien entendu, que vous brûlez de découvrir le fin mot de l'histoire, je vais glisser la solution en spoiler en commentaire dudit poème.
    A la revoyure.
  3. konvicted
    Le sac à main




    « Chéri, j'ai oublié ma clé USB avec mon Powerpoint pour ma putain de réunion, il me la faut absolument ! J'arrive, je suis sur le chemin, mais je suis carrément à la bourre...


    — OK, j'ai compris. Dis-moi juste où chercher.


    — Dans mon grand sac à main. Je serai là d'ici 10-15 minutes.


    — Si on t'arrête pas pour portable au volant.


    — Ou excès de vitesse.


    — Je t'attendrai dehors. »




    Merde ! je viendrais pas de lui promettre,


    Non pas seulement de fouiller son sac,


    Ce qui est honteux, mais surtout de mettre


    La main sur sa clé dans pareil bric-à-brac ?


    Et en un temps record, bonjour le trac !




    Autrement, ça aurait pu me ravir...


    Des mois que je me retiens d'assouvir


    Ma curiosité quasi maladive,


    Voilà qu'elle m'invite à me servir,


    Qu'elle s'étonne pas si je récidive !




    Qui sait ce que je vais y découvrir ?


    (Elle le sait, mais c'est une question rhétorique,)


    Toute une boîte de Pandore à ouvrir,


    J'imagine des gadgets excentriques


    Qui prêtent à sourire ou à souffrir,


    De la pince à épiler aux cosmétiques,


    En passant par les serviettes hygiéniques...


    Une photo de nous, une agrafeuse,


    Des mouchoirs, une boîte de tic-tac,


    La brosse disparue de sa coiffeuse,


    Un cal'pin, un sachet de thé en vrac,


    Un parapluie et un plus petit sac.




    Merde, la clé ! va falloir se presser,


    Je reste planté à tergiverser


    Et à mesure que le temps défile


    Un bien mauvais quart d'heure se profile.


    Je veux même pas imaginer sa tête


    Si je suis bredouille à son arrivée :


    « Désolé, chérie, je l'ai pas trouvée,


    Enfin, pas cherchée, occupé à... serre-tête,


    J'ai oublié serre-tête dans la liste »,


    Un coup à dormir seul sur le divan,


    Dans le scénario le plus optimiste,


    Celui où je suis encore vivant.




    Bon, il est où ce sac pour commencer ?


    Là, y a ni placard ni même de place


    Au sol qui soit dit en passant est dégueulasse,


    Bref, et si je me sortais des WC ?


    J'ai une intuition, direction la piaule,


    Je cours et manque écraser le greffier,


    « Fais voir un peu gaffe où je mets les pieds,


    Qu'est-ce que t'as, Snowball, pouquoi tu miaules ?


    Quand on a éparpillé sa litière,


    On fait profil bas, la ramène pas,


    Je vais devoir sévir, te mettre au pas,


    Dis adieu au saumon et au gruyère...


    À qui je veux faire croire ça ?


    Allez, boule de poils, viens dans mes bras ! »




    Après câlins et livraison de croquettes,


    Ouf ! j'ai le sac à main entre les pognes,


    Il était sous le pieu et on s'en cogne


    Mais j'y ai retrouvé une socquette,


    Sous le lit, pas dans le sac, j'entends bien,


    De toute façon, c'était pour la rime.


    Venons-en au sac si ça vous fait rien,


    Ça y est, je plonge les mains dans l'abîme,


    Je tâte, je palpe... aïe ! le faux croco


    Vient de m'entailler le doigt, c'est la guerre ;


    Me laissant pas miner par un vulgaire


    Criterium, je surmonte cet accroc,


    Poursuis, conscient de revenir de loin.


    C'est mal barré, le sac a maints recoins,


    J'ai l'impression de chercher une aiguille


    Sur l'écran d'une montre digitale,


    Essayons plutôt la méthode brutale,


    Aucune chance que la clé resquille


    Car hop, je le retourne et le secoue


    Au-dessus du lit, il pleut des babioles,


    Attends, c'est quoi ce truc, du fard à joues ?


    Merde ! j'entends le bruit d'une bagnole.




    « Je t'attendrai dehors, hein ?


    — Désolé, j'ai pas trouvé.


    — Je t'avais dit mon grand sac à main. Bref, je t'engueulerai ce soir, là j'ai pas le temps. »




    Aurevoir lit moelleux, je suis tricard,


    Au mieux on se trouve dès demain ;


    Furax et déçue, elle ouvre un placard,


    Prend un sac, le fameux grand sac à main,


    Et en y glissant une main experte,


    En un clin d'œil sort l'objet de la perte.


    C'est donc vrai, le fourbi organisé,


    Bluffant, pour elle ça a l'air fastoche,


    Il me faut un remontant anisé,


    C'est tout juste si je connais ma poche.


  4. konvicted
    Les derniers pétales de Rose




    Quelque chose cloche avec Rose,


    Je n’ai plus peur du lendemain


    Pour peu qu’elle me tienne la main ;


    Mes sentiments à l’eau-de-rose


    Ont cessé leur sauve-qui-peut,


    Faut dire que j’aime un peu.




    Qu’arrive-t-il tout d’un coup ? j’ai chaud


    Et mes tempes perdent les eaux,


    Ça doit être un début de fièvre.


    Je suis peut-être contagieux,


    Il vaudrait probablement mieux


    Qu’elle se mêle de ses lèvres.




    Mais elle est pendue à mon cou,


    Et c’est vrai que j’aime beaucoup.




    J’ai les pommettes écarlates,


    Je halète, j’ai les mains moites,


    Une insolation, sûrement.


    Voulant m’éviter un malaise,


    Rose me propose une chaise,


    M’aide à ôter mes vêtements.




    J’ai toute foi en son traitement,


    Car je l’aime passionnément.




    Ah ! je vois qu’elle aussi étouffe sous ses fringues…


    Au risque de passer pour hypochondriaque,


    Elle prend pas le temps de les plier, c’est dingue !


    (Elle est en général farouchement maniaque),


    Je crois bien que je fais une crise cardiaque…




    Fausse alerte, je suis vivant, presque pimpant,


    Et Rose continue d’effeuiller ses pétales,


    Vite ! un linge humide pour mon front galopant,


    « Pourquoi tu m’envoies ça ? L’est sec, ton soutif sale. »


    Mais attends… c’est pour ça que mon p’tit cœur s’emballe ?


    C’est donc ce qu’on appelle être excité ? Flippant !


    Quelques instants plus tard… Je disais donc : trippant !


    Vient le tour du dernier tissu qu’elle trimbale,


    Je fais quoi maintenant ? bof, j’en sais peau de balle,


    J’attends qu’elle me souffle une didascalie.






    « T’as oublié à la folie.





    — Et pas du tout, aussi. Je dirais même surtout, maintenant que tu m’as interrompu.





    — Ça fait au moins un quart d’heure que tu tapes plus rien. Tu veux peut-être que je te souffle la fin ?





    — Si ça peut t’empêcher de faire la maligne, te gêne pas !





    — Allez, pousse-toi, laisse-faire la pro.





    — Oublie pas que je fais dans le tous publics !





    — Exit les mots bite, couille et niquer, j’ai compris. J’ai le droit à sucer quand même ?





    — Oh, putain !





    — Je déconne, détends-toi. Moi aussi je sais être subtile quand je veux, alors pète un coup. Tiens, va te chercher une bière pendant que je démarre. Et fais m’en péter une tant que t’es debout, c’est ta tournée ! »






    J’attends qu’elle me souffle une didascalie,


    Par chance, elle préfère entreprendre à être prise,


    Prend ma « question » en main, madame s’est servie,


    Pour tout voyage en train, elle a sa place assise,


    Descend au septième ciel quand il est desservi.




    Comme elle est généreuse, au moins tant qu’amoureuse,


    Parfois elle me laisse errer entre ses fesses,


    Même si la pratique est un peu douloureuse,


    Mais moins que de subir ne serait-ce qu’une messe.




    Veni vidi vici, je suis vidé, merci,


    Rose aimerait sans doute encore un peu parler,


    Pourquoi pas ? mais pas fort, je commence à ronfler,


    L’endorphine connait son job, pas de souci,


    Au réveil lui dirai : je t’aime à la folie.


  5. konvicted
    Self-mad man




    L'été de ma vie commençant,


    Me voilà paumé en pensant


    Rien en foutre en vingt ans comme en cent.


    Rien qui me mette vraiment sang


    Dessus dessous... Ah si ! mes triques,


    Foutus bobards asymétriques


    Où le moindre châssis m'étrique


    Jusque dans mes ramassis métriques.


    Du plomb dans l'aile et Éros clinque,


    Tchin ! ma santé mentale trinque,


    La raison ? bof, rien à tringler,


    Je suis peut-être un brin cinglé.




    Mais je ne cherche aucun remède,


    I'm going slightly mad 1.




    J'ai un putain d'esprit turbide


    Qui ne demande qu'à brailler,


    Absolument rien dans le bide


    Mais c'est pas faute de grailler,


    Une nonchalance morbide


    Que j'ai pas fini de railler,


    Un train-train des plus insipides


    Trop attendu pour dérailler,


    Une veine aux jeux intrépide


    Qui ne voudra pas se tailler,


    Un tas de problèmes stupides,


    Trop menus pour les détailler.




    Mais je n'espère plus qu'on m'aide,


    I'm going slightly mad.




    Dans dix ans au bout du rouleau


    Ou bien salaud ou bien soulaud,


    À m'exploser le ciboulot


    Car la paix se boit au goulot,


    Au mieux je me tue au boulot


    Au pire je vis au bureau.


    Faudrait tout reprendre à la base


    Du passé faire table rase


    Avant qu'il me manque une case,


    Avant même que mon cœur s'embrase,


    Quand je trouvais les nanas nazes 2,


    Meanwhile I'm going bananas.




    Filez-moi le num de Lionel Hutz 3,


    Parce que la suite c'est I'm gone nuts.




    1
    est un titre de Queen.

    2 Cf.
    Als ich Mädchen noch Scheiße fand de SDP.

    3 Avocat des plus incompétents (et dans incompétent, il y a quelques syllabes superflues) dans Les Simpson.


  6. konvicted
    Ma femme idéale




    Ma femme idéale, non contente


    De ne vouloir que moi pour bonhomme,


    Est sublime à tomber dans les pommes.


    Je peux bien exiger ce qui me chante,


    Les gonzesses dans ma vie affective


    Sont de toute façon toujours fictives.




    Ma femme idéale est un prix Goncourt,


    Également un Nobel de chimie,


    Ce à tout juste vingt ans et demi.


    Là où elle est carrément hors concours,


    C'est qu'elle a découvert une raison


    De me donner de l'amour à foison.




    Ma femme idéale est une comique,


    La fine fleur de l'esprit corrosif,


    Le verbe acide, le rire explosif.


    Et ils connaissent, ses zygomatiques,


    Une autodérision à toute épreuve ;


    Elle est même en couple avec moi, pour preuve.


  7. konvicted
    Puzzle




    Les puzzles, ça m'a jamais fait bander,


    Ça prend des plombes et encore pire, tu penses,


    Pour çui-là qu'a mille pièces, qu'est en 3D,


    Mais sans les lunettes, c' qu' est encore une chance ;


    C' qui craint, c'est qu' t'as pas les bords pour t'aider,


    Et tu tournes en rond à en perdre patience.




    Je sais même plus à quoi il doit r'ssembler,


    Con comme je suis, j'ai paumé l'emballage,


    Alors comment veux-tu qu' je puisse l'assembler ?


    Puis, j' crois bien qu' les puzzles, c'est pas d' mon âge


    Et j'ai assez d' trucs à faire pour pas meubler


    Mon emploi du temps d' ministre à la plage.




    J' m'y attendais, j'ai eu c' que j' méritais,


    J' suis trop con, j' fais toujours la même erreur


    Quand j'accepte à contre-cœur de l' prêter,


    A une adorable connasse, horreur !,


    Qui prend soin de l' casser sans l' remonter,


    J' devrais faire plus attention à mon cœur.


  8. konvicted
    Adieu mon pote




    Certes, tu n'as jamais été un bon vivant


    Mais maintenant que t'es un plus vivant du tout,


    Je t'assure, tu fais moins la gueule que nous ;


    Si tu nous voyais, tu la ferais plus qu'avant,


    Histoire de paraître le plus malheureux,


    Je te jure, on te croirait cette fois, mon vieux.




    Tu nous avais dit que t'avais raté ta vie


    Et qu'avant tout la vie t'avait raté aussi,


    Que tu ne raterais sûrement pas ta mort ;


    Toi qui nous avais habitué à masquer


    Ta détresse infinie sous un humour musclé,


    Pensant que tu blaguais, on t'avait donné tort.




    Nous avons bien ri mais toi jaune, c'est probable,


    Quand on t'a dit que malgré ta vie à gerber,


    Tu n'aurais pas les cojones de te plomber ;


    On a été cons de ne pas te voir capable


    De te donner la mort en buvant un toxique,


    Y'avait des signes, t'avais été alcoolique.




    Comme tu l'aurais voulu, on a convaincu


    Les parents anéantis qui t'ont survécu


    De donner tes organes contre leurs principes ;


    Je sais que tu as toujours donné de bon cœur


    Mais je plains celui à qui on greffe ton cœur,


    Il ne pourra qu'être plus malheureux, ce type.




    Et puis, comme spécifié dans ton testament,


    On a versé tes cendres dans ton pot de fleurs,


    Et on l'a privé d'eau pour que vienne son heure ;


    Par pitié, on lui a mis le feu instamment


    Pour qu'il souffre moins longtemps, ce narcisse-là,


    Pour qu'il souffre moins longtemps, ce narcisse-là.





    Et une lettre d'adieu en bonne et due forme !


    Maintenant, où est ma fiole de chloroforme ?


  9. konvicted
    Mes mots interdits
    Je n'ai pas de scrupule à parler de ma personne,
    Et pourtant, dire mes sentiments n'est pas mon fort ;
    Toute ma tendresse, je la cache en métaphores,
    A la manière de propositions polissonnes.
    Il y a ainsi des mots que je ne dis jamais,
    Même communs, comme si je devais blasphémer,
    Et des verbes que je n'ai jamais su conjuguer.
    Mais il n'y a pas une âme au monde à déléguer
    Afin que ces interdits recouvrent la parole ;
    Il te serait dès lors vain d'effeuiller la corolle,
    S'ils étaient loquaces, d'un crocus ou d'un muguet.
    Nul doute pourtant que derrière mes euphémismes
    Et mes litotes flamboie la moins frêle des flammes,
    Scintillant seulement pour la plus belle des femmes,
    Autant par l'esprit épicurien à l'humanisme
    Inimité que par son enveloppe charnelle
    Somptueuse et enivrante devant l'éternel.
    Les mots me manquent, comme toi bientôt ta patience
    En attendant de m'entendre les souffler un jour.
    Désolé de n' pas savoir tenir ma langue à jour,
    Il est des choses que mon cœur comme ma conscience
    Refusent de céder, jusqu'à ce qu'il soit trop tard,
    Emmurées dans mon esprit muet comme au mitard.
  10. konvicted
    La Mort
    I
    Jamais la terre ne porta une seule âme
    Causant haine et peur comm' tu en as l'habitude ;
    Il faut dire que tu fauches avec ta lame
    Chaque année, des vies d'innocents par multitudes,
    Jeunes comme vieux, des hommes comme des femmes.
    Beaucoup d'entre nous, manquant de mansuétude,
    Voudraient à leur tour pouvoir éteindre ta flamme.
    Je n'accepte pas, quant à moi, cette attitude,
    Te considérant plutôt telle une grand' dame,
    Et même, j'éprouve une digne gratitude,
    Vivre pour toujours, ce serait à mon grand dam,
    Sauf, évidemment, avec la béatitude.
    II
    Certains font preuve parfois de si nombreux vices,
    Dont tous leurs proches doivent subir les sévices,
    Qu'en les abattant, tu leur rends un fier service,
    Plus besoin, pour être aimés, de s' casser l' pelvis1.
    Car une fois que tu leur as cassé la pipe,
    Les pires salauds deviennent de braves types2.
    La terre porte des ratés et peigne-cul,
    Inintéressants, mal-aimés de leur vécu,
    Qui ont intérêt à être par toi vaincus,
    Leur permettant de mourir plus haut que leur cul3.
    Car une fois que tu les brûles, les inhumes,
    Les mange-merde se font des héros posthumes.
    Le monde compte des dépressifs à foison,
    Songeant à faire mettre le feu à leur nom4,
    Qui te demandent une corde ou du poison,
    De mauvaise foi, tu serais, à leur dir' non.
    Considérons ça comme un service rendu,
    C'est rare d'ouïr se lamenter les pendus.
    III
    Quant à moi, j'attends que tu viennes de pied ferme,
    Peu m'import' mon sort, la vie me laisse isotherme5.
    J'exprime un soupçon de réserve malgré tout,
    Ne te sens surtout pas tenue d'y mettre un terme
    Après m'avoir vu capable d'y prendre goût,
    Je tiens à quitter ce monde dans le dégoût.
    1 détournement de l'expression se casser le cul
    2 référence à Georges Brassens dans Le Temps passé :
    3 référence à Georges Brassens dans Les Funérailles d'antan :
    4feu en tant qu'adjectif synonyme de défunt
    5me laisse isotherme pour ne me fait ni chaud ni froid


  11. konvicted
    Quand tu seras prête




    Trois tout petits mots se bousculent dans ma tête,


    Sitôt qu'ils te voient, ils veulent en sortir de suite ;


    Mais je ne saurais tolérer aucune fuite,


    L'heure opportune n'est, je crois, pas de la fête.




    Trois tout petits mots que je souffre de n'avoir


    De toute ma vie pas encore prononcés ;


    À chaque occasion, trop lâche, j'ai renoncé,


    Mais je me jure de te les faire savoir.




    Trois tout petits mots que je ne sais quand lâcher,


    N'ayant jusque là pas rencontré la question ;


    Je me permets donc de faire une suggestion,


    Que tu me dises combien de temps les cacher.




    Trois tout petits mots pour un genre de baptême,


    Ça m'est excitant et effrayant en même temps ;


    Dis-moi quand j'aurai attendu assez longtemps,


    Quand tu seras prête à entendre que je t'aime.




    Poème inspiré de When it's time de Green Day :


    ♪♪ But then I need your voice


    As a key to unlock


    All the love that's trapped in me;


    So tell me when it's time


    To say I love you. ♪♪


  12. konvicted
    Dans la lignée d'
    Érato faite humaine,



    Je te dirai pas que t'es belle




    Ne t'avise surtout pas de t'imaginer,


    Sous peine d'être déçue, en me faisant boire


    Pouvoir me faire avouer que t'es belle ce soir,


    Alors que ton visage laisse deviner


    La salle de bains longtemps monopolisée


    Par tous tes cosmétiques, ton fer à friser.


    L'est pas laid, ton fardage, l'idée pour laquelle


    Je refuse de te dire à quel point t'es belle,


    C'est que les magazines beauté que tu lis,


    Pour te vendre l'inutile, ils sont émérites ;


    Tes parents t'ont réussie, t'as pas de mérite,


    T'es déjà sensationnelle au sortir du lit.




    Ne t'avise pas non plus de m'imaginer


    Chantant Wonderful tonight 1 sous prétexte que


    Mon discours pourrait presque faire un tête-à-queue


    Au vu de ta robe qui laisse deviner


    Tout le temps que t'as passé devant le miroir


    À en essayer avant d'opter pour la noire.


    L'est pas laide, ta robe, l'idée pour laquelle


    Je refuse de te dire à quel point t'es belle,


    C'est que si tu regardes bien mes yeux, t'y lis


    L'envie de te l'arracher dans l'instant qui vient ;


    Si tu veux, si tu me dis que ma peau convient,


    Je chante Rien à te mettre 2 à l'entrée du lit.




    Balance tes talons hauts dans la cheminée,


    Ça te flingue les genoux, t'en as pas besoin,


    Tes pieds nus touchent déjà par terre 3 ou pas loin,


    Ça me dépasse que tu te laisses miner


    Quand même par ta taille pourtant idéale ;


    Allez, pense un minimum à tes omoplates,


    On va courir t'acheter des chaussures plates,


    S'il le faut, on va faire tout le tour des Halles.




    Balance, tant que t'y es, dans la cheminée


    L'image de toi-même que tu t'es forgée,


    L'appareil photo et moi nous sommes gorgés


    De visions de ta personne immortalisées,


    Je crois plus réalistes, plus avantageuses ;


    Vénus peut se retourner dans sa sépulture,


    Déesse de la beauté, c'est une imposture,


    N'égalant pas Érato, peut être rageuse.


    1 Chanson d'Eric Clapton.
    2 Chanson de Benoît Dorémus.


    3 "La bonne longueur pour les jambes, c'est quand les pieds touchent par terre", Coluche.
  13. konvicted
    J'en veux à la terre entière




    J'en veux au mec du d'ssus d'avoir une gonzesse,


    J'en veux à sa nana d'accéder au rideau ;


    J'en veux à mes voisins, en rabattant les fesses*


    Ils crient à tous les coups plus fort que mon porno.




    J'en veux à ma mère de m'avoir mis au monde,


    J'en veux à mon père de l'avoir fécondée ;


    J'en veux à mes parents sans qui à la seconde


    Je me déglinguerais sous un métro bondé.




    J'en veux au spermato qui a gagné la course,


    J'en veux à l'ovule y ayant succombé ;


    J'en veux au zygote qui m'a privé des bourses


    Dont j'aurais besoin pour quand même me plomber.




    J'en veux aux meurtriers de pas m'avoir choisi,


    Aux cordes chiées du ciel de pas vouloir me pendre,


    À ce connard de Dieu pour cette vie moisie,


    À la terre entière de ne pas me la prendre.




    * Référence à Brassens dans Le Bulletin de santé :


    "C'est beau, c'est généreux, c'est grand, c'est magnifique !


    Et, dans les positions les plus pornographiques,


    Je leur rends les honneurs à fesses rabattues


    Sur des tas de bouillons, des paquets d'invendus."


  14. konvicted
    Avec des "si"...
    Je mets Paris en bouteille d'eau-de-vie
    Pour oublier ma vie dans la boisson,
    Y noyer mes doutes, peurs et envies,
    Mes péchés, ma conscience et le poisson.
    Si j'étais une fleur, je serais Narcisse,
    Pour ne pas oublier que mon reflet
    N'était pas source de dégoût, jadis.
    J'aurais encore l'âge d'un mouflet
    Si je contrôlais le temps comme Merlin
    Pour avoir à nouveau le temps de souffler.
    J'aurais été abattu à Berlin
    Si j'avais été un mur de béton
    Plus que d'indifférence et de dédain.
    Je crèverais sous des coups de bâton
    Si je désertais ce monde en martyr,
    Pour ne jamais le quitter à tâtons.
    Mais je soudoierais la Mort pour partir
    Le plus tard possible bien qu'indécis
    Je resterai quant à mon avenir.
    Mais peu m'importe puisqu'avec des "si"...
    Je mets Paris en bouteille d'O2
    En vue d'un salut quand j'étoufferai,
    Sous le poids de ce monde si odieux,
    Entêté, insolent mais apeuré.



  15. konvicted
    1




    L’homme est un animal routinier proche de la machine. Tout du moins, Maxime se sent très proche de l’ordinateur qui lui sert d’outil de travail. Mais si son cerveau est analogue à un processeur — ou disons deux dans ses meilleurs jours —, son esprit est à mille lieues d’un système d’exploitation stable et efficace. Loin du bon vieux Linux depuis lequel il asservit des dizaines d’autres machines au nom de la science, ce serait plutôt une vieille version de Windows privée de mises à jour, en proie aux virus et à des erreurs aussi impromptues qu’irrésolues.
    Lui, par contre, est bien résolu, à mener à bien le seul rituel auquel il ne sera jamais accoutumé. Il aime les habitudes et la continuité. Le contrôle n’est possible que dans la familiarité et c’est de la constance que naît la sûreté ; l’inconnu, lui, est angoissant. La vie serait parfaite si elle n’était qu’une succession de petites habitudes imbriquées les unes dans les autres comme les rouages d’une mécanique bien huilée. Cependant, aujourd’hui, le bistrot du vendredi soir où il commande une bière puis un whisky sour et le cinéma du mardi soir lui semblent très lointains. Ce premier dimanche du mois marque un rituel qui ne lui sera jamais ordinaire. Il s’apprête à l’accomplir les mains pleines, le cerveau en ébullition et le cœur au bord des yeux.
    Après avoir écarté le vieux pot de géraniums de la tombe pour en déposer un nouveau, il s’accroupit comme pour se mettre à la hauteur d’un jeune enfant, étouffe un sanglot et lance : « Salut, chérie » avant de raconter les dernières nouvelles du boulot et de la petite famille à celle qui restera de marbre de toute façon. Christelle, la sœur de Maxime, vient d’apprendre qu’elle attend un deuxième enfant. « Cette fois, ils ont décidé de ne pas savoir le sexe du bébé avant sa naissance, ils veulent avoir la surprise. Du coup, on est bien emmerdé pour les cadeaux, parce quand t’enlèves les vêtements, il reste plus grand-chose à acheter. Ils ont tout gardé de Lucie, la poussette, le landau, les biberons, etc. On va quand même pas tous lui acheter des peluches !
    « Tu te rappelles la dernière fois qu’on est allé à la foire ? On a vu ce gros nounours au jeu des balles de ping-pong, on s’est regardé et on s’est tout de suite dit : il nous le faut. Je crois qu’on a dû dépenser dans les 50 € mais on a fini par l’avoir. » Alors qu’il se remémore la joie d’Alison brandissant la peluche d’un air triomphal, le visage de Maxime se fend d’un large sourire, qui se volatilise presque aussitôt. « Pour rien », ajoute-t-il avant de s’effondrer.

    *


    Alison et lui essayaient de faire un enfant quand Elle est morte, fauchée par un automobiliste que l’on n’a jamais retrouvé tandis qu’Elle revenait du supermarché à quatre cents mètres de chez eux. Ils avaient essayé pendant plus de six mois. Inquiets, ils avaient insisté auprès de leur médecin pour subir des tests de fertilité au bout de seulement trois. Tous deux n’avaient jamais été aussi anxieux que pendant l’attente de leurs résultats, comme deux prévenus redoutant d’être condamnés à mort — ou en l’occurrence à ne pas donner la vie. Une semaine plus tard, le verdict était rendu : ils étaient tous les deux féconds. Ils étaient naturellement soulagés, rassurés, confiants même. Ils parlaient de nouveau de leur futur enfant comme d’une certitude. Comme pour sceller cette assurance, ils commençaient à aménager la pièce de leur appartement qui leur servait à la fois de bureau et de buanderie pour accueillir le bébé qui ne saurait plus tarder. De temps à autre, au gré des allées des magasins, au hasard de leurs envies, ils achetaient une commode, une chaise haute, un biberon ou une peluche.
    Maxime mourait d’envie d’être père et avec Elle il se sentait prêt, mais il se demande s’il pourrait assumer de telles responsabilités seul, si Alison était morte après l’arrivée du petit Lucas ou de la petite Rose — ils étaient fixés sur les prénoms de longue date. Certains ne supporteraient pas d’élever un petit être ressemblant trait pour trait au bonheur qu’ils ont perdu. Maxime, au contraire, pense qu’il vivrait mieux l’absence de sa défunte femme — qu’il ne cherche pas à oublier, loin s’en faut — s’il en avait un souvenir vivant. Enfin, tout cela n’a pas d’importance. Maxime n’est pas père et ne le sera jamais.

    *


    « Et si on a deux filles ?
    — Tu ne connais donc rien à la génétique, ma pauvre. C’est toujours une fille, un garçon, une fille, un garçon, etc., c’est statistique. Au pire, on rejoue jusqu’à ce qu’on gagne… L’avantage comme ça, c’est qu’on aura le temps de se faire la main pour bien réussir le garçon.
    — Je n’aime pas trop cette mentalité, jeune homme ! Mes parents m’ont inculqué l’importance de réussir les enfants du premier coup. Si je suis fille unique, c’est parce que je suis parfaite, non, tu crois pas ?
    — Ça se tient, et ça expliquerait pourquoi j’ai un petit frère… Dans le doute, pourquoi on commencerait pas par le cadet ? »

    *


    « Désolé », bredouille-t-il pour s’excuser d’avoir pleuré devant Elle, considérant qu’il est irrespectueux d’inonder autrui de ses états d’âme. En guise de baiser, il embrasse son majeur et son index droits pour les apposer délicatement sur la pierre tombale. Puis, il prend le vieux pot de géraniums sous le bras et rebrousse chemin en baissant la tête, presque honteux d’arpenter les allées d’un cimetière avec des fleurs aussi banales, pour ne pas dire vulgaires. C’étaient les préférées d’Alison, belles et simples ; Elle, pourtant, n’avait rien de commune, mais elle était modeste.
    Maxime lui disait souvent, sur le ton de la plaisanterie — quoiqu’au fond il le pensât réellement —, qu’il Lui avait fallu au moins un Nabuchodonosor de modestie et une piscine olympique d’autodérision pour s’éprendre d’un homme tel que lui. Ça ou la folie. « Oui, TA folie, grand con ! », répondait-Elle alors avant de lui flanquer un baiser qui lui clouerait le bec une minute.

    *


    Sa mort acheva de lui clouer le bec pour de bon. Maxime n’a jamais été loquace qu’avec Elle. Quand il ne se sent pas complètement étranger aux conversations de ses collègues — ce qui est rare —, il se dit que son opinion n’intéresse personne alors il se tait ; il faut qu’on lui demande explicitement son avis pour qu’il l’exprime, auquel cas il le fait avec plaisir et de manière aussi exhaustive que possible, comme s’il se retenait de parler depuis des années et qu’il craignait qu’on le contraigne de nouveau au mutisme. Dans sa famille, il est très prudent, donnant l’impression de risquer d’être renié à chaque mot qu’il prononce. Il n’y a guère qu’avec ses amis qu’il s’autorise à débiter des phrases au rythme qu’ils les pensent, et encore, seulement quand il n’est plus tout à fait sobre. Avec Elle, il se sentait capable de parler de tout et de rien. Il buvait les anecdotes de travail pourtant banales de sa femme et allait jusqu’à lui raconter les siennes. Elle lui rendait la parole aussi facile que la résolution d’une équation différentielle linéaire homogène du premier ordre.
    Mais quand Maxime rentre chez lui, Alison n’est pas là pour l’écouter raconter dans les moindres détails la visite qu’il vient de passer au cimetière. Il n’aura pas ouvert la bouche de la journée, sauf pour se joindre le temps de quelques chansons aux voix de Brassens et Freddie Mercury qui assurent un concert privé de longue haleine pour combler le silence qu’il ne supporte plus. Il ne supporte tout bonnement plus la solitude de son appartement, alors il la peuple artificiellement ou, mieux, il l’évite.
    Si bien, il est 20h10 quand, le lendemain, Maxime rentre du travail. Il a fait deux heures supplémentaires, non payées, comme tous les jours — sauf le mardi parce que c’est soirée ciné. Il aime son travail et il n’a plus de raison de se dépêcher de rentrer à la maison où il ne peut plus espérer retrouver que des pots de fleurs. Et ses orchidées n’ont pas beaucoup de conversation. À vrai dire, elles ne lui ont plus adressé la parole depuis sa dernière beuverie.

    *


    C’était près de trois mois après la mort d’Alison — et quelque part celle de Maxime. Il ne mettait plus le nez dehors que pour aller au supermarché ou au boulot. Son entourage s’inquiétait de le voir s’isoler de la sorte tout en continuant de travailler comme si de rien n’était — depuis le jour fatidique, il avait tout juste posé un RTT pour l’enterrement —, le pensant, à raison, dans le déni. Désespéré de le voir se couper de la réalité, Fabien, son meilleur ami, prétendit avoir besoin de ses lumières en informatique pour lui demander de passer chez lui. Maxime ne crut pas plus en ce prétexte qu’en la semaine de trente-cinq heures mais il accepta quand même ; au fond de lui, il devait avoir réellement envie d’enfin mettre des mots sur ce qu’il s’était évertué à taire.
    De ce fait, bien que Fabien s’attendît à ce que ce fût la croix et la bannière et sortît sa pince à sortir les vers du nez, il eut tout juste besoin d’insinuer qu’ils se faisaient tous du souci pour lui pour que le barrage de Maxime l’Impassible cède sous la pression de cette douzaine de semaines de mensonges — en particulier à lui-même —, laissant jaillir des larmes d’autant plus nécessaires que rares, comme les pluies dans le désert.
    Pour le consoler d’avoir tant pleuré — et se consoler d’être lui-même au bord des larmes —, Fabien lui proposa de passer le reste de la soirée au bar que Maxime et Alison avaient pris l’habitude de fréquenter — souvent seuls, parfois avec des amis, pratiquement toujours jusqu’à la fermeture —, tous les vendredis soir. Ça tombait bien, c’était vendredi. Fabien et lui firent la fermeture, et ils n’ont pas bu trop de tisane.
    Tout ce dont Maxime se souvient, c’est d’avoir fait la conversation avec la gérante du bar, Éléonore, pendant que Fabien semblait draguer n’importe qui. Alison et lui — surtout Elle — avaient souvent eu l’occasion d’échanger avec elle, mais il en savait très peu de chose de personnel. Elle se dit étonnée de le voir sans sa femme, et de ne pas l’avoir vu depuis un moment. Elle parut sincèrement désolée d’apprendre pourquoi.
    « Vous pouvez pas l’enlever, hein ? fit-elle en désignant son alliance du regard dans un hochement de tête.
    —Pas moyen de l’enlever, non, je crois que mon doigt a enflé. Ça doit être le mariage, paraît que ça fait grossir.
    —Je vous ai connu plus convaincant.
    —C’est que j’ai perdu mon inspiration. Mais c’est Elle qui a expiré... Ah ! les aléas de la langue français, allez comprendre… Je peux pas. Parce que si je l’enlève, ça veut dire que j’admets qu’elle est partie, mais j’espère encore qu’elle va revenir de courses. Peut-être en disant : « désolée pour le retard, j’étais un peu morte sur le chemin du retour »… J’ai l’impression d’être mort aussi dans ce putain d’accident. Comment est-on censé vivre après avoir perdu la seule personne qui nous donnait envie de nous lever le matin et de rentrer chez soi le soir ?
    —On s’efforce de rester la personne qu’elle aimait. Au début, on entretient la routine qu’on avait avec elle pour sentir sa présence, puis on se rend compte qu’elle nous suit partout, alors on va de l’avant. »
    Il la regarda un d’air intrigué.
    « J’ai été mariée pendant deux ans. Il est mort d’un AVC. On parlait tout le temps d’ouvrir un bar, dans un futur pas trop lointain, mais on se disait qu’on avait le temps. Un peu après sa mort, j’ai quitté mon boulot de comptable et j’ai décidé de réaliser notre rêve… Qu’est-ce que vous deux n’avez pas eu le temps de faire ? »
    Une tartiflette, un tour d’Europe, un enfant, si peu de choses…

    *


    On s’efforce de rester la personne qu’elle aimait. Cette phrase resta ancrée dans son esprit comme l’air entraînant d’une chanson niaiseuse dont ne parvient pas à se libérer. À force de la ressasser, il finit par reprendre les habitudes qu’ils avaient à deux, ou du moins celles qui pouvaient se faire seul. Le cinéma du mardi soir, le bar du vendredi soir, le café du samedi après-midi, la promenade du dimanche matin. Il n’en ressentit que plus pleinement son absence, dans un premier temps. Puis, il eut l’impression qu’elle l’accompagnait toujours, bien que ce ne fût certainement que des vieux souvenirs que son subconscient tentait de faire passer pour des photos instantanées dans le but de l’apaiser. Il la voyait de nouveau du coin de l’œil dans le fauteuil contigu dans les grandes salles obscures, l’entendait commander une piña colada par-dessus la trompette de Miles Davis, sentait les arômes de son caramel macchiato, appréciait la chaleur de sa paume en arpentant les allées du parc Monceau main dans la main. Sans s’en rendre compte, il venait de sécher une première larme au coin de son deuil.

    *


    Maintenant qu’il y repense, Maxime est persuadé que son ami l’a délibérément délaissé pour qu’il fasse la causette avec Éléonore. Il n’a pas souvenir d’avoir jamais vu Fabien user de son bagout sur des flâneuses alcoolisées avant cette fameuse soirée. Oh ! il en baratine un paquet et en séduit certainement quelques-unes, mais jamais en compagnie de ses amis. Prétendument pour des raisons de confidentialité.
    « Tant que l’INPI me refusera le droit de déposer des brevets sur mes techniques de séduction, elles devront rester pour vous un mystère impénétrable mêlé de curiosité et d’admiration.
    — Et les malheureuses bimbos en manque d’amour propre qui acceptent de te vendre leur âme, t’as pas peur qu’elles ébruitent tes techniques révolutionnaires ?
    — T’en fais pas pour lui, conclut Alison, si elles ont le temps de finir dans son pieu, c’est soit qu’elles se souviennent de rien, soit qu’elles aimeraient pouvoir oublier. »
    Fabien a probablement déjà tenté sa chance avec Éléonore et a dû découvrir son point commun avec Maxime. C’est vrai qu’elle est plutôt mignonne. Mais bon, je suis un homme marié.

    2


    « Pour être honnête, je ne pensais pas que vous viendriez.
    — Moi non plus. J’ai cru à une mauvaise blague mais je ne pouvais pas ne pas m’en assurer.
    — Ce n’est pas une blague, croyez-moi.
    — Vous dîtes que vous avez des informations sur sa mort ?
    — Oui, c’est exact… Il n’y a pas de bonne façon de le dire, alors je vais être direct. Si j’ai des informations sur la mort de votre femme, c’est parce que j’en suis responsable… J’étais alcoolique à l’époque, une vraie épave. Je conduisais pas très frais ce soir-là, comme souvent, et… Enfin, vous connaissez la suite. Ça semblait irréel, je voulais pas y croire, j’ai continué ma route sans regarder dans le rétro. Au réveil, je croyais avoir fait un cauchemar. C’est quand j’ai vu l’article dans le journal que j’ai réalisé. J’étais trop lâche pour me rendre, mais au fond je voulais qu’on m’arrête, j’arrivais plus à me regarder dans une glace. Je n’y arrive toujours pas et c’est pour ça que je me suis enfin décidé à me rendre. C’est pour ça que je voulais vous voir aujourd’hui, pour vous l’apprendre moi-même avant que vous l’entendiez de la police… Je sais que rien de ce que je dirai ne pourra soulager votre peine ou votre colère, mais il n’y a pas un jour qui passe sans que j’aie envie de me…
    — Ne vous rendez pas.
    — Quoi ?
    — Ses parents ont fait leur deuil, ne les obligez pas à devoir le faire une seconde fois. Si vous voulez vous repentir, trouvez un confessionnal. Ce n’est pas à eux de payer pour vous racheter une conscience. »

    *


    « Et là je me suis barré. J’ai bien fait, dis, de lui défendre de se rendre ? Si tu es d’accord, ne fais absolument aucun signe. Oui, je savais bien que tu ne voudrais pas revoir la désolation de tes vieux… C’est injuste, ce mec a ruiné tellement de vies. Mais la sienne aussi. Alors pourquoi est-ce que j’ai tellement envie de l’étrangler ? Et dire qu’avant qu’il me donne ce putain de rendez-vous, j’avais presque oublié que ce n’était pas la mort qui t’avait tuée, mais bien un homme. Qu’est-ce que je suis censé faire maintenant, lui pardonner ? »

    *


    « Maxime ! Qu’est-ce que vous faites ici ? s’étonne-t-il en trouvant l’homme accroupi devant sa porte.
    — Je… sais plus trop.
    — Entrez, je vous offre un verre. J’ai pas d’alcool, mais je peux vous proposer une citronnade maison si vous vous sentez l’âme d’un aventurier.
    — Alison vous pardonne. Pardonnerait… Elle était comme ça, pas rancunière pour un sou. Elle voyait le meilleur chez les gens, ne les jugeait pas pour ce qu’ils faisaient mais pour ce qu’ils pouvaient devenir.
    — Je… je suis… Elle devait être exceptionnelle.
    — Oui, j’ai beaucoup de chance de l’avoir connue. J’espère qu’elle me pardonnera… »

    *


    « Je sais ce que tu vas dire. Mais je l’ai fait pour moi, ok. C’était facile de le pardonner pour toi qui n’as pas à subir le calvaire de te survivre. Je pouvais pas. Pas après ce qu’il m’a fait endurer ces deux dernières années. Ça ne t’aura pas fait revivre, mais moi, si, en quelque sorte. C’est peut-être ce qu’il me fallait pour faire mon deuil. Peut-être pas de le tuer, mais de sentir ton regard désapprobateur pour la première fois. Tu n’y avais pas souvent recours et je m’estimais heureux d’en avoir jamais fait les frais, jusqu’à présent. Je préfère ne pas le recroiser de sitôt, alors je propose de ne pas repasser te voir avant un petit moment. J’espère que tu sauras me pardonner avec le temps, cela dit, j’aimerais qu’on se quitte en bons termes. À bientôt Alison. »

    3


    « Une Karmeliet comme d’habitude ?
    — Non merci, Éléonore. J’ai envie de changer un peu. Je vais plutôt prendre un mojito.
    — Ouh là, je ne vais plus savoir à quel saint me vouer. Maxime prend une bière puis un whisky sour, c’est un axiome ancré aussi profondément en moi que un et un font deux, voire plus.
    — I’m not going to be the person I’m expected to be anymore.
    — C’est une citation, ça, non ?
    — D’où tenez-vous une telle ineptie ?
    — Je ne sais pas, probablement du passage incongru du français à l’anglais, ou alors du fait que ça vient d’une pub Chanel.
    — I don’t know what you’re talking about. Mais je veux bien consentir à vous ménager en vous commandant une Karmeliet. Pas à la place, mais en plus et c’est vous qui la buvez.
    — J’apprécie l’offre, d’autant que j’adore cette bière — vous avez bon goût —, mais je ne bois jamais en service.
    — Mon offre tiendra toujours après la fin de votre service…
    — Et voilà votre mojito, annonce-t-elle avant de remarquer la nudité anormale de l’annulaire gauche de Maxime qui fouille dans son portefeuille. Je ne serai certainement pas contre un verre ou deux à la fin de mon service. »
  16. konvicted
    J'ai la mémoire qui m'irrite




    J'ai le souvenir qui me gratte,


    Fait de ces fantômes anciens


    Que l'on ressuscite à la gratte,


    J'aurais voulu être musicien.


    Mais si ce n'est pas dans mes cordes


    D'en pincer pour mieux m'épancher,


    Avant qu'esprit et cœur s'accordent,


    J'ai quand même de quoi plancher,


    Un vide sur quoi me pencher...


    J'ai le vertige, vais flancher.




    J'ai la mémoire qui m'irrite


    Et c'est bien l'amer qui m'a pris*,


    J'ai les regrets que je mérite,


    Pour le coup, j'y ai mis le prix.


    J'implore pas miséricorde,


    J'implose mais en rigolant,


    Faute de me passer la corde


    Au cou, j'apprends les nœuds coulants,


    D'ici que je prenne du cran,


    De sûreté je suis croulant.




    * ♪ C'est pas l'homme qui prend l'amer,


    C'est l'amer qui prend l'homme. ♪


  17. konvicted
    Quitte à être incompréhensible


    Faute de faire mon impossible


    J'ai envie d'écrire l'indicible


    D'une sale impasse irréversible


    D'un cœur patiemment impassible,


    C'est un arc à la corde sensible


    Dont je ferais un violon si possible,


    Ses flèches n'ont aucun sens, sans cible,


    Ou bien mouvante, inaccessible ;


    Organe instable et putrescible,


    Pas d'constance en rayon, fissible


    Comme un crayon de combustible,


    Mais réacteur insubmersible,


    Sa fusion est irrépressible.




    Mais malgré les plaies que j'essuie,


    Je donnerais tout ce que je suis


    Pour être un peu plus moi-même,


    I don't know, it's just the way I am.




    Mi-humaniste mi-sociopathe,


    Mi-samaritain misanthrope,


    Chuis rien qu'un paradoxe sur pattes,


    Un tournesol sélénotrope.


    Je souffre pas de la solitude,


    Juste de ne pas l'accepter,


    Mais toujours la même attitude


    D'évitement et de lâcheté,


    Surtout pas question de tenter


    De me sortir un doigt du uc,


    Si on s'inquiète de ma santé,


    Chuis solitaire comme Lucky Luke,


    Je sais pas qui ça peut feinter,


    Même la Camarde, je la reluque.




    Mais malgré les plaies que j'essuie,


    Je donnerais tout ce que je suis


    Pour être un peu plus moi-même,


    I don't know, it's just the way I am.




    Moi heureux c'est un oxymore,


    J'aurai certainement pas de remords


    Quand ma promise m'aura occis, mort,


    Ma promise c'est une métaphore,


    L'existence me tape sur le système


    Comme Vulcain sur le métal, fort.


    Pour arroser les chrysanthèmes,


    Je cracherai de sous ma tombe,


    En attendant que le couperet tombe,


    Comme pour insulter la vie


    Je m'évertue à gâcher la mienne,


    Mais si mes vers tuaient, l'antienne


    Morne que je répète à l'envi


    M'aurait déjà ouvert les veines.




    Mais malgré les plaies que j'essuie,


    Je donnerais tout ce que je suis


    Pour être un peu plus moi-même,


    I don't know, it's just the way I am.




    Juste maudit d'être égocentrique


    Sans égale mais pas sans trique,


    Je déteste t'aimer, Narcisse,


    Tu me fais faire un drôle d'exercice


    De la réflexion, l'eau qui dort


    Étant un miroir déformant


    Donc ma peine me semble incommen-


    Surable, infecte, mais est inodore,


    Vraiment elle devrait être indolore,


    Alors mon seignor il est l'or,


    Je veux dire, mon saigneur, il est l'heure,


    De changer, de conjurer le malheur...


    Non, je suis pas sérieux, je me leurre




    Car malgré les plaies que j'essuie,


    Je donnerais tout ce que je suis


    Pour être un peu plus moi-même,


    I don't know, it's just the way I am.




    Malgré tout, si je fais le compte de la faim du moi,


    Je souhaite pas ça à mon pire ennemi,


    Mais son seul ennemi c'est moi.


  18. konvicted
    La brosse à dents




    Ma donzelle est bisédentaire,


    Un peu chez moi, un peu chez elle,


    D'une hygiène bucco-dentaire


    Impeccable proche du zèle,


    Elle a toujours, c'est évident,


    Avec elle une brosse à dents.




    Ce matin cherchant une prise


    Pour ma barbe picométrique,


    Ouh là, deux drôles de surprises !


    Mon rasoir n'est pas électrique


    Et, puis-je croire à l'accident ?,


    Elle a laissé sa brosse à dents.




    C'est gênant, mon appartement


    Pas fana de l'engagement


    Ne peut compter deux résidents,


    Trop p'tit pour deux brosses à dents.




    Et puis on sait depuis des lustres


    Qu'il n'y a pas de bon ménage,


    Depuis les deux tout premiers rustres :


    Elle, elle est fan de jardinage,


    Lui, la terre, il veut la peupler


    Donc elle lui sort ce couplet :


    « Hors de question de m'engrosser


    Tu m'entends, tu peux te brosser »,


    Et voilà qu'il se brosse, Adam.




    Mais comment lui dire avec tact


    Laissant son amour propre intact


    Et puis son amour sale ardent


    Où se mettre sa brosse à dents ?




    Sur la question je dois taffer,


    D'abord il me faut un café,


    Je file droit vers la cuisine


    Et là je tombe d'assez haut


    Bordel, où est ma Senseo ?


    Je me rabats sur la bibine,


    Mais panique dans le frigo,


    Reste plus rien, c'est l'embargo,


    J'en avais une ribambelle,


    Même mon Yop s'est fait la belle,


    Je commence à flipper, je crois


    Que mon frigo a un ténia,


    Il est maigre et... attends, c'est quoi


    Au fond ? Horreur, des Activia !




    « Chéri, ça va ?


    — Hein ? oui, pourquoi ?


    — Tu viens d'crier comme un putois...


    Je te croyais rentré chez toi.


    — Oui, moi aussi... Je vais y aller. »


    Je prends la porte et ma stevé,


    M'apprête à battre le pavé,


    Quand je l'entends m'interpeller :


    « T'as oublié ta brosse à dents ! »


    Elle n'est pas, décidément,


    Encore prête pour l'engagement,


    Ça dépasse mon entendement !


  19. konvicted
    J'aimerais introduire ce poème que j'aurais dû écrire il y a six ans par une citation de circonstance :
    « C'est à ce moment-là de ma vie que je me suis dit : quel bel appareil que la mémoire ! Quel mystère aussi ! Je veux dire, la mémoire en tant que... Marie, tu vois bien que papa est occupé ! Commence toute seule, j'arrive dans dix minutes. Pardon, où en étais-je ? Ah oui, je disais, une pepperoni et une quatre fromages, s'il vous plaît. »
    Pascal Zeimer, Enregistrements des mémoires d'un historien amnésique


    Léa,


    Ce n'est pas faute de vocabulaire,


    Je l'ai vérifié dans le dictionnaire,


    J'ai pas plus original en trois lettres.


    Z'êtes pas nombreux sur cette planète,


    J'imagine, à sortir la bicyclette


    Pour aller au lycée à deux cents mètres.




    Je comprends, moi non plus je n'aime guère


    Le sentiment d'avoir les pieds sur terre,


    C'est pourquoi quand la gravité me guette


    Je m'apesantis* sur un coup de tête.




    J'imagine mes doigts se gemeller


    Avec les tiens dans un avenir hâtif,


    Dans des gestes langoureux s'emmêler


    En boucle dans les boucles de tes tifs


    Et, maladroits, avoir des démêlés


    Avec les agrafes de tes soutifs.




    Léa,


    J'ai beau avoir épluché tous les vocables


    Et y en a un nombre considérable,


    J'ai pas plus envoûtant en deux syllabes.


    Tu es tellement plus qu'originale,


    L'humanité ne m'est point cardinale


    Sauf toi qui déroutes mon astrolabe.




    *Du verbe apesantir qui, n'existant pas, est à ne pas confondre avec appesantir qui est son antonyme. Voir
    Premier pas sur la Lune et Entre R et L.

  20. konvicted
    Rien ne rime avec Rose




    Un p'tit sourire en coin charmant,


    Des yeux vert noisette en amande,


    Un p'tit grain de beauté marron


    Au coin de sa frimousse ronde,


    Elle descend les escaliers


    D'une démarche cavalière


    Avec les talons de course,


    Pas aiguillés mais pas trop courts,


    Ni des mules ni des sabots,


    Les bottines, ça, ça la botte.


    (Wallace Calvin)




    Comme un con assis sur mon banc,


    Je la vois, forcément, je bande,


    Mon cœur bat dans le caleçon,


    Pendant que mon regard la sonde,


    J'ai jamais vu plus beau collier !


    De sa sacoche en bandoulière,


    Elle sort des Ray Ban toutes connes


    Mais qui doivent coûter bonbon,


    Et au risque de vous étonner,


    Elle les pose sur son pif.




    Je me lève et m'apprête à crier son prénom,


    Mais je suis emmerdé, rien ne rime avec Rose.




    Elle ôte un instant ses lunettes,


    Ça valait le coup de les mettre !


    Le temps de me tendre ses joues,


    En plus il fait à peine jour,


    Feint de lever la main sur moi


    Lorsque je traite de grimoire


    L'hebdo Elle que je remarque


    Comme il dépasse de son sac,


    J'en profite pour la lui prendre,


    Promis, juré, je te la rends.


    (saur)




    De Notre-Dame à Austerlitz,


    Des quais, y en a toute une liste,


    Madame a des jambes précaires


    Donc on prend ni détour ni quai


    Mais le tourniquet du métro


    Même si l'odeur est atroce,


    D'un coup j'aimerais être anosmique,


    Mais avec ma paie, pas de risque,


    Et puis je m'appelle pas Anne,


    Et elle, se pinçant le nez...




    Je vous révélerais volontiers son prénom,


    Mais je suis emmerdé, rien ne rime avec Rose.




    Sauvés du miasme souterrain,


    La narine à nouveau sereine,


    Tchou-tchou, en voiture Simone,


    Mais le train sera pas si morne,


    J'ai apporté un jeu de cartes


    Qui se joue à pas moins de quatre...


    Sinon, tu lis et je te regarde,


    Même si je trouve ça fade,


    Là je parle de ta lecture,


    Moi j'ai de quoi m'occuper des lustres.




    Mais comment exprimer la passion qui m'anime,


    Ne trouvant rien qui rime avec : « je t'aime, Rose » ?


    Je vais quand même pas le lui écrire en prose !


  21. konvicted
    Les yeux plus gros que son ventre



    Ça vous change un homme, un marmot,


    Y a deux ans, un an, même pas,


    Je n'en aurais pas cru un mot,


    Seuls les cons se ravisent pas,


    En attendant tes premiers mots,


    Ça fait drôle d'être papa.




    Ça vous change une couche, un papa,


    Dix à vingt par jour au bas mot,


    Y a un an je n'y pensais pas,


    Puis ta dab m'en a soufflé mot,


    En attendant tes premiers pas,


    Ça fait drôle d'avoir un marmot.


    Ça te plaît ? T'as le droit de dire non, tu sais, ce n'est pas parce que tu es mon fils que tu es tenu au bon goût. Ça ne m'étonnerait pas que tu aies hérité de quelques tares de ta mère de ce côté-là. Quand tu vois ses lectures, Femme actuelle, Marc Levy et Télé 2 semaines, y a de quoi s'inquiéter. Bref, puisque tu me dis que ça te plaît, c'est reparti pour un tour !
    J'ai des envies contradictoires,


    Pas prêt à te voir sans bavoir,


    Des quenottes plein la mâchoire,


    Pourtant j'ai hâte de savoir


    Quel avenir tu vas avoir,


    Je le devine méritoire,


    Mais t'inquiète pas, si tu veux,


    Tu pourras être un flic véreux,


    Un militaire, un journaleux,


    Et toujours compter sur tes vieux


    Pour te soutenir de leur mieux,


    M'enfin, on préférerait matheux.


    Allez, je te laisse, je t'ai assez soûlé pour aujourd'hui et ta mère tire une drôle de tête. Je crois qu'elle commence à s'inquiéter de me voir parler à un ventre encore désespérément plat.
  22. konvicted
    Ballade inspirée de
    de SDP (cette fois c'est cohérent) et dédicacée à tous ceux qui ne la liront pas.



    Ballade pour les gens qui ne me lisent pas




    Faute de temps, faute de goût,


    Il ne leur vient jamais en tête


    De s'émouvoir de mon bagout,


    De mes mots les plus beaux ou bêtes.


    Ont-ils oublié d'être esthètes,


    Attendent-ils mon premier pas


    Ou sont-ils juste analphabètes ?


    Les gens qui ne me lisent pas.




    Même en râtissant les égouts,


    Je ne trouverais l'épithète


    Caractérisant mon dégoût


    Pour l'inculture satisfaite


    Poussant à donner de la tête


    Du berceau jusques au trépas


    En dehors de mes strophes parfaites


    Les gens qui ne me lisent pas.




    Ça ne leur tordrait pas le cou,


    Coûterait pas une courbette,


    D'en lire un peu sinon beaucoup,


    Au moins par-dessus la gambette.


    Mais ma dignité n'est pas prête


    À faire des ronds de compas


    Pour admettre que je regrette


    Les gens qui ne me lisent pas.




    L'ignorance étant leur défaite,


    Ils m'en voudront sûrement pas


    Si je leur fais ainsi leur fête,


    Les gens qui ne me lisent pas.


  23. konvicted
    Encore une ballade, mais une longue cette fois-ci !

    Ballade pour la donzelle de l'arrêt de bus




    Alors que je faisais le pied de grue,


    Commençant tout juste à m'impatienter,


    L'attente d'une durée incongrue


    Me parut plus facile à supporter


    Quand je vis cette beauté se pointer.


    Donc sitôt de retour de ma balade,


    Tant que son souvenir m'a pas mis malade,


    Je compte jouer de mon plus beau phébus


    Afin de balbutier une ballade


    Pour la donzelle de l'arrêt de bus.




    J'ai imaginé à première vue


    Qu'elle avait troué chaussure à son pied,


    Mais paraît que l'ouverture est prévue,


    J'en fais ni un procès ni un papier,


    Après tout, du moment que ça lui sied.


    Elle marchait à un train raisonnable,


    Exhibant ses jambes interminables


    Aux poils de frais décimés rasibus


    Sous un short à la courteur intenable,


    Dans la direction de l'arrêt de bus.




    Et en chœur avec mon regard, ma fièvre


    Grimpait à un rythme des plus malsains,


    Des reins aux yeux en passant par les lèvres,


    Ses cheveux blonds vainement lissés ceints


    D'un serre-tête discret à dessein,


    Au fur qu'elle descendait l'avenue,


    Et puis j'achevai de monter aux nues,


    Je chevauchai un cumulonimbus


    Quand elle m'a souri, la belle inconnue


    Bientôt arrivée à l'arrêt de bus.




    À peine quelques mètres de distance,


    Je pensais putain de merde, en substance,


    Je suais un ruisseau de frontibus,


    Un gus manifesta son existence,


    Passa devant moi, embrassa la Vénus.


  24. konvicted
    La ballade des rencontres qu'on n'a pas faites




    Tant de noms dans un répertoire,


    Des connaissances, des parents,


    Et des Gomorrhéens notoires,


    Mais il en manque un, c'est flagrant.


    Un ami, un mec important


    Ou même l'amante parfaite,


    Elle tient un rôle inconstant,


    La rencontre qu'on n'a pas faite.




    Tant de ruelles arpentées,


    D'un pas décidé ou errant,


    De trottoirs sous nos shoes crottées,


    Mais il en manque un, c'est flagrant.


    On l'aurait vue au croisement,


    Si le hasard, ce faux prophète,


    N'en avait voulu autrement,


    La rencontre qu'on n'a pas faite.




    Quand mordu par la nostalgie,


    On pense avoir perdu son temps,


    Elle prend chair en l'effigie


    D'un destin bien plus méritant.


    C'est un flirt, au matin mourant,


    Ou une amourette surfaite,


    Ou pourquoi pas l'amour, le grand,


    La rencontre qu'on n'a pas faite.




    On laisse un bout de cœur vacant,


    Des fois qu'elle gagne la fête,


    On ne sait où, on ne sait quand,


    La rencontre qu'on n'a pas faite.






  25. konvicted
    Panne d'inspiration




    Quand t'as tourné sept fois la langue de Molière


    Entre tes doigts noircis d'une encre imaginaire,


    Ta plume ayant eu l'temps de prendre la poussière,


    Tes textes désormais plus stockés qu'en binaire,


    Que reste-t-il à faire ?




    Quand à chaque poème, en mieux tu fais le même,


    Tournant toujours autour des mêmes foutus thèmes,


    D'une muse fictive et puis de chrysanthèmes,


    Comment ne pas vouloir voir venir l'heure blême ?


    Puis merde ! j'ai la flemme.


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