Adieu mon pote
Certes, tu n'as jamais été un bon vivant
Mais maintenant que t'es un plus vivant du tout,
Je t'assure, tu fais moins la gueule que nous ;
Si tu nous voyais, tu la ferais plus qu'avant,
Histoire de paraître le plus malheureux,
Je te jure, on te croirait cette fois, mon vieux.
Tu nous avais dit que t'avais raté ta vie
Et qu'avant tout la vie t'avait raté aussi,
Que tu ne raterais sûrement pas ta mort ;
Toi qui nous avais habitué à masquer
Ta détresse infinie sous un humour musclé,
Pensant que tu blaguais, on t'avait donné tort.
Nous avons bien ri mais toi jaune, c'est probable,
Quand on t'a dit que malgré ta vie à gerber,
Tu n'aurais pas les cojones de te plomber ;
On a été cons de ne pas te voir capable
De te donner la mort en buvant un toxique,
Y'avait des signes, t'avais été alcoolique.
Comme tu l'aurais voulu, on a convaincu
Les parents anéantis qui t'ont survécu
De donner tes organes contre leurs principes ;
Je sais que tu as toujours donné de bon cœur
Mais je plains celui à qui on greffe ton cœur,
Il ne pourra qu'être plus malheureux, ce type.
Et puis, comme spécifié dans ton testament,
On a versé tes cendres dans ton pot de fleurs,
Et on l'a privé d'eau pour que vienne son heure ;
Par pitié, on lui a mis le feu instamment
Pour qu'il souffre moins longtemps, ce narcisse-là,
Pour qu'il souffre moins longtemps, ce narcisse-là.
Et une lettre d'adieu en bonne et due forme !
Maintenant, où est ma fiole de chloroforme ?
14 Commentaires
Commentaires recommandés