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Tout ce qui a été posté par Circeenne
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Ahhh, tu y es presque. Lis encore entre les lignes.
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Le réveil sonne aigre. Il est 06:00. Ça résonne lourdement. La pièce est semi-éclairée, un soleil est renaissant. Un soupir, en émanation élastique, s'échappe de mes poumons, s'évaporant dans les méandres du matelas capitonné. Il faut se lever marmonne la conscience insomniaque, alors que mon poing, lui, s'était déjà fortement agrippé à une touffe de drap, la tête, elle, dans un mouvement félin, s'avachit sous la gravité du coussin, comme pour dire, non, nonchalamment. Les paupières alourdies, une vision sous-marine, un reste onirique épars, pour lequel seul me vient un goût constellé d'éclats inconséquents. La sensation est embrumée d'un trouble laiteux, matérialisée en un "je ne sais dire ce que j'entrevois, mais la chose est là". A ce moment précis, je ne sais si je vis ou si je meurs, car tous les membres de mon corps restent dilatés, appesantis, par une tiédeur diffuse et onctueuse où la mollesse fermente comme de la levure. J'ai une sensation de fraicheur. Je n'ai pas envie du monde. Je me couvre et, fœtus, je me laisse emporter par la morphine. Mais le réveil sonne encore. Il faut sortir un bras pour le taire. Il faut défaire sa couette, rompre avec l'apesanteur, agir d'une tape, brusque légèreté, faire face à la lumière solaire, ouvrir l’œil, perdre son ivresse, sortir du liquide amniotique et naitre à la vie d'un jour éphémère. Même le soupir s'y résout, il devient plus haletant, le corps se raidit, l'esprit se vivifie et la nuit s'est éteinte. La main s'arrache du lit pour étouffer les cris stridents du coq machinal. La fin est le début. Les rayons achèvent la tâche et d'une colère, vous perdez le rêve et la lourdeur des draps qui s'affalent sur le sol d'un bruissement feuillé. Vous êtes nu sur le lit, prêt à rompre avec la liberté de vos chaines pour l'esclavage sans fouet, sans acier, sans contrainte autre que quitter son lit. Mon désespoir est un désarroi. Mon rêve était une liberté. Et ma tristesse est réalité. Lève toi et cours, lève toi...
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https://francais.rt.com/opinions/20092-amiral-merer--a-hebron
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Un chemin de terre parsemé de pierres plates, devenues lisses sous l'effet du temps et du souffle ensablé, mène dans un désert vert, autrefois cité romaine. Cette nature crépitante de vivacité sous le soleil ocre de la méditerranée, nourrit l'intensité du ciel bleu d'un reflet brillant, et comme un duvet d'été dans les collines lançonnaises de Provence, elle s'anime au gré des éléments. Seuls les massifs calcaires sur lesquels se sont enracinés Cyprès, Pin d'Alep, Micocoulier donnent l'illusion d'une forêt ancrée, immuable, caractérielle. Rien n'est outre-mesuré, tout est raccourci, surement par l'ardeur de la chaleur qui lèche les flancs et illumine la chlorophylle du matin jusqu'au crépuscule. Accompagnée de ma seule solitude que j'aime retrouver ici. Je m'assieds en ce lieu, cathédrale de beauté, après avoir parcouru quelques kilomètres de longues foulées. J'y viens respirer l'air lavandin, y écouter le bruissement des rameaux velus, observer ce spectacle scintillant, en étant enveloppée par une douce fièvre. Un sommeil qui m'enivre. Je n'ai qu'une volonté, obéir à la pesanteur sur ce rocher caillouteux, dont les creux me paraissent moelleux et suffisants pour me contenir tout entier et à mon aise. Séduite, je laisse ma main caresser le rugueux sablonneux qui crisse sous son passage. Ses contours sont pareils à une sculpture antique, coquillage millénaire. Et à mesure que le soleil quitte le zénith de cet océan turquoise, vidé de ses grumeaux, comme une toile vierge, prête à recevoir sa peinture. Je suis consumée de langueur. La fièvre me gagne encore davantage lorsque l'air, trop doux, affaisse mon corps dans la paresse éternelle comme un sucre mouillé. Le temps se déforme alors et l'espace s'allonge. Les couleurs révèlent leur vérité bigarré aux nuances incroyables. Les décrire prendrait une partie des rouleaux du destin. Je ne peux plus lutter, je m'endors dans les bras du Zéphyr qui baiserait presque mon front en m'offrant de son lait tiède, quand il plonge dans l'aine pour rejoindre mon cou. Je n'ai pas le choix, je me recroqueville dans cette plaine lymphatique. Qu'il est bon de mourir ici, dans cette sereine monotonie.
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E V E R Y N I G H T
Circeenne a commenté un(e) billet du blog de Circeenne dans Dans l'embrasure du trumeau,
J'aime ce genre de phrases polysémiques :) -
Je cours sans m'arrêter avec la folie qui me poursuit, et je cours encore jusqu'à être fatiguée. Vidée, je finis par tomber comme happée par une chose qui m'a traquée. Jetée je ne sais où, je m'écrase sur un sol brunâtre moucheté d'un vert translucide, sorte de brûlure à l'acide chlorhydrique. Tout est cependant coagulé. Je parviens à me relever, enfonçant mes doigts dans cette substance visqueuse qui veut me retenir. Je me débats. L'atmosphère est âcre, sombre et vaporeuse. Il n'y a pas de lumière, si ce n'est celle de la lune jaunie par la maladie. Puis, alors que je peine à sortir de ce marécage pâteux, une odeur de souffre m'entaille les narines dont le sang coule à flot versé. Titubante, je m'en extrait à l'aide de mains sortantes du sol. Effrayée par ce théâtre infernal, je cours encore, cette fois la main sur le nez pour stopper cette hémorragie qui brise les interstices de mes doigts comme un fléau d’Égypte. Au milieu de la forêt dans laquelle je parviens, je trouve une porte grillagée, immense, aux barreaux épais, noire comme l'enfer. Elle est enchainée dans des racines vivantes dont les ramifications sont charnues et hérissées d'épines, pareilles à celles des roses. Je saigne toujours et ma robe passe de saphir à rubis sans que je m'en doute. Ma main droite noircie. Je suis gênée par l'hémoglobine qui capillarise toute ma peau et m’alourdit, comme un vêtement lourd, placé sur moi et si hermétique que mes cris sont inaudibles. Le ciel reste d'un bleu noirâtre, la porte rugit de joie et cela m'agenouille de peine, de peur et de tristesse. Une ronce se lève et m'y achève par strangulation. Je me réveille en sueur, je pleure et me dis qu'il faut y croire, qu'un jour je ne ferai plus ce rêve bleui.
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C'est la réponse qu'il y a sur ton profil !
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En versant ces mots sur un miroir taché de caféine, une question abyssale vient froidement raidir la souplesse de mon cou et me souffle une vapeur blanchâtre qui me redresse promptement. Pourquoi. Je suspends l’écriture et regarde avec attention le reflet de cette brume idée. Il est vrai, à quoi bon vouloir exorciser une maladie dont la tumeur est au fond du cœur cérébral ? Car nul bistouri, nul scalpel, nul remède n’existe pour ce genre de souffrance paradoxale que la réalité maquille chaque jour, dans la lumière ou l’obscurité. Alors c’est ainsi, l’homme s’est inventé les mots dans un geste désespéré afin de guérir son âme, n’y voyant aucunes plantes pouvant taire ses cris silencieux, il a fallu qu’il les exprime, les nomme et les apprivoise. Mais il y a quelque chose de faux dans "il a inventé". De fait, si sa bouche gloutonne précédait sa langue frivole et qu’il n’en connaissait pas les termes pour distinguer le pesant du subtil ou le ceci de cela, pouvait-il inventer une chose qu’il ignorait ? J’affirme, que rien ne sort d’un obscur et hypothétique néant hasardeux, pas même lors d’un 1789ème matin, où la raison se serait surprise à dire : Chiotte ! Il fait lumière ! À quoi un autre aurait répondu : Pâ gome ça qu’ça s’dy donc ! Ainsi si le verbe l’a précédé c’est donc que celui-ci existait indépendamment de lui-même, par lui-même et pour lui-même. Mais où ? Dans son cœur, très certainement. Né avec, il aurait grandi en contemplant leurs couleurs sonores. Les mots ont fait de lui l’homme, qui n’était pas. Se découvrant un visage, une nature et un esprit, il apposa des lettres là où le sens l’appelait. Et d’abstractions en abstractions, il matérialisait le réel ineffable. En sondant la profondeur de la beauté de ses océans imaginaires, il y découvrait toutes sortes de trésors. Et à mesure qu’il descendait, la clarté s’amenuisait, sans que cela ne l’inquiétât. Les mots devinrent des maux et des êtres difformes commençaient à s'emparer de lui. Et de baisers à morsure, il n'y a qu'un croc. Ils déversèrent en lui, dans ses cavités veineuses, un sang venimeux, chaudement infecté par la noirceur de l’agitation. C’est alors qu’il s’effondrait dans un fracas sans bruit de contorsions douloureuses excitant ses nerfs jusqu’à lui enlever la quiétude que connaissaient ses mers d’un bleu roi harmonieux. Le vent du désir s’est alors mis à souffler dans mille directions quantiques. Ici, là-bas, maintenant et après, en même temps. Le soleil a fondu avec une mollesse toute Dalienne, formant des nœuds de couleurs dont la tonalité dominante est le magenta brûlé. Un rire de folie saccadé, entrecoupé de phrases sans début ni fin, se mêle à des larmes qui pleurent en suspension dans l’espace, s’entrechoquant pour créer des vagues de tristesse. C’est la dépression. À genoux pointus sur votre poitrine elle suce votre moelle avec l’acharnement des chiens, le soupir des persécutés et le regard des hérétiques. Le médecin, de son œil opaque, ne voit que le brillant des yeux dilatés, d’où surgissent à fréquence régulière ses orbites proéminentes qui affirment la détresse, comme un battement de cœur dérégulé. Alors que le corps, lui, sue son suc sur un lit froissé. Il diagnostique un malheur incurable, en désignant le front de ce pauvre homme, tapotant de deux coups sur cet univers qui implose, pour indiquer à la famille, dont les incantations au bon Dieu s’évaporent dans l’air, que l’ardeur de la fièvre aura tôt fait de le tuer. Il mourut possédé et torréfié par l’incandescence du verbe déliquescent. De l'homme ne reste que les os, quand les mots, eux, partent dans l'éther, éternels. La folie, la folie, bouh, pourvu que ça ne m’arrive jamais. J'vais voir un verre d’maux. Un frisson spasmodique m'arrache soudainement un rire bref. Confuse dans mon brouillard, j'entends: dors, dors, ma grande...demain tu travailles. Qui parle avec moi ? https://www.youtube.com/watch?v=i5Kwf_nNmGI
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À l’heure du déjeuner, l’élasticité de la file humaine s’étend encore sur plusieurs mètres, le long d’une cantine qui a déjà abattu la faim de tant de bêtes. En y pénétrant, les masses creuses se bousculent dans l’embouchure étroite de la rambarde électronique, arrachant un bip mécanique à leur passage animé de rires et de paroles mêlées. Mais mon regard finit par s’échouer sur la bordure roide et angulaire de ma table, d’où je conçois le vertige que peut provoquer cette falaise pour cette miette, qui s’y trouve seule comme livrée au désespoir. Je ne peux lui venir en aide, car je ne parle pas le mettais mais dans un geste meurtrier je lui montre qu’un autre monde est possible en sautant. Va donc voir le paradis, que je lui lance ! La voilà qui mourut dans l’indifférence. J’en ris amèrement, mon acte est ignoble. Mais ce n’était qu’une miette me suggère impassiblement mon esprit, il y en a trop dans ce monde. Indigentes, elles forcent à faire le ménage et sont d’un croquant misérable… De là naît une dispute entre moi et moi-même sur le pourquoi du comment le fait d’avoir poussé la miette par-dessus bord est condamnable. Un de mes doigts s’indigne et se désolidarise de la lassitude de ce vain débat. En majeur qu’il est, il claque la porte de mon esprit et va, sans pouvoir se détacher de sa laisse, tracer des lignes imaginaires en patinant sur ce bois, dont je ne sais de quel matériau il est fait. Mais ce doit être quelque chose de bien coûteux au vu de sa consistance et sa couleur ébène. J’allais continuer sur l’identité fondamentale quand ma carotte me fit remarquer que sa chaleur l’avait quittée. Compatissante de ce drame, je l’admis à venir près de mon cœur d’où elle s’y réchauffera. En la croquant je ressentais le froid de sa tristesse et sa fadeur m’en dégoûta. Je finis par la reposer avant de lorgner un micro-ondes qui pourrait précairement lui apporter une solution. Mais un flot d’enragé cherche à lui demander des comptes pour une arnaque à la chaleur, il semble s’en défendre et revendique une publicité honnête. Ma foi, qui d’eux ou de lui dit vrai ? Dans le doute, j’accepte alors de m’habituer à ce froid qui, somme toute, a un caractère attrayant. Mais il est vrai que sa franchise peut dérouter tant d’habitués à la lubricité éphémère. C’est toute la rhétorique du vrai et du faux qui siège dans la carotte. Et pendant que je mâche avec peine ce pain trop moelleux pour n’être pas industriel, mes yeux inquisiteurs viennent s’attarder sur la cravate du directeur adjoint de la section départementale du traitement des archives. Faut dire qu’il gagne mieux sa vie que jamais aucun d’entre les zouaves ici, attroupés autour de lui tel un petit jésus. Cette pensée m’arrache un rire franc et court qui attire l’attention de l’attablé. Je fais alors mine de m’être étouffée. On me propose de l’eau et me voilà avec un sourire qui me trahit à mesure que je cherche à l’enlever. Le bougre efface toi ! L’attention sceptique des commensaux me scrute à m’en arracher la peau, avant qu’une parole me sauve du regard et que le verre qui m’a été donné de boire achève cette crevure qui a bien failli me coûter la remarque : « Qu’est-ce qui vous fait donc rire Mlle ? ». Je reviens lentement sur ma cravate, avec plus de circonspection cette fois-ci. Et je constate en effet qu’elle est de soie avec des motifs d’argent. Sûre qu’elle ne coûte pas une brasque. Cet homme disais-je, est un chef dont le physique en est le reflet. Joufflu, gras à lard, les yeux bleu clair, il avait un rire épais et une voix toute aussi ample et molle. Il fallait voir sa montre qui avait moins l’ambition de dire l’heure que de crier son pesant statut. Il avait le visage rondelet à double menton, et ses pommettes étaient rosées par le vin trop abondant en sa chair. Sous l’eau, vous le confondrez avec un requin joyeux. Son ventre n’était probablement pas à la hauteur de ses ambitions quoi qu’il prétendît déjà un certain orgueil pour sa chemise qui tendue par le poids des viscères devait souffrir quelque peu. Vous allez mieux Mlle ? Me surprit-il d’une voix bien forte que le silence s’imposa à 14 d’entre l’assistance, seuls deux continuaient de finir à dire ce qu’ils avaient à dire avant d’écouter ma réponse. Dans ces moments-là, vous vous dites ce que vous faites ici avec vos chefs et vos responsables. Et même la solitude, qui accoudée à l’une des poutres de bétons soutenant la pièce, se mit à rire de moi en disant j’ai affaire ! Bon courage ! J’ai cru que j’allais y passer, merci de ce verre disais-je d’une voix à la mesure de ma position dans l’entreprise. Vous êtes Mlle S n’est-ce pas ? Quand celui avec qui vous mangez n’est pas certain de votre nom, c’est que vous êtes bien inutile à ses yeux. Effectivement, j’ai été responsable de ce département l’année dernière et cette année je suis affectée en région parisienne d’où je dois répertorier l’ensemble des archives dans une section dont je n’ai aucune responsabilité... Hum… Cette onomatopée en guise de réponse provoque en vous une sensation de vide sidéral. Une autre personne prit la parole en disant qu’elle me connaissait et qui j’étais. Celui-là même responsable de mon départ à Paris après que j’avais osé tenir tête à ses directives nouvelles dans sa conception innovante du management des ressources humaines. Faut dire également que ce jeune homme d’une trentaine d’années, sorti avec prestige d’HEC, jamais habitué au manque, bien policé, avait eu envers moi des gestes et paroles déplacées qui m’ont forcé à le remettre à sa place de fils à maman chatoyé et mignon. Se croyant être un peu comme mon mari sans me l’avoir dit, il avait bien l’amertume de voir à quel point une femme mariée peut se rebeller après trois mois de vie commune. Mlle S a du caractère et ferait un excellent cadre, dit-il sans que je puisse cerner ses intentions avant d’ajouter : c’est pourquoi je pensais que Paris lui permettrait d’évoluer directement dans la maison mère. Hum… Oui c’est une bonne idée. Et… Comment vous sentez là-bas ? Se contenta de répondre le requin heureux. Et bien, à tout bien considérer Paris, du fait de ses charmes embouteillés, de son soleil noirci par la grisaille acide et par le grouillement de ses habitants aigris, voyez-vous, je n’ai d’autres choix que de me sentir à devoir m’adapter. Haha, vous en faites pas, nous sommes tous passés par là, allongea-t-il, d’une voix plus grave qu’avant. Puis il poursuivait en retenant une remonté gastrique: on s’occupera bien de vous, sans trop y croire. S’adressant enfin à tous : Nous avons bien mangé, c’était bon hein ? C’est ma femme qui sera jalouse de savoir que la cantine est meilleure que ce qu’elle prépare rarement. Il enfonça : Ah ces femmes. Faites-leur une belle grâce, elle s'empresse de l’oublier. Dites-leur une menue critique, elle se la grave dans l’os avec l’acharnement des enfants… Il décrocha un rire hypocrite de l’assistance auquel je me joignis amèrement comme le firent ces rémoras, qui ne pouvant manger ce que mange le requin, mangent ce qu’il a entre ses dents. Tous se levèrent pour le suivre plateau dans les mains. Je m’excusais en prétextant un besoin tout féminin qui nourrissait l’hypocrisie du rire et m’enfuyais dans les toilettes où je versais une larme vinaigrée de colère avant de me refaire un semblant de beauté. Et puisqu'une réunion ennuyeuse allait m’attendre, pourquoi ne pas écrire ?
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Saint Ponge.
Circeenne a commenté un(e) billet du blog de Circeenne dans Dans l'embrasure du trumeau,
Je conseille de lire avec l'accent belge ! -
Cramère en le ciel gris, trônait sur un royaume céleste. De sa bouche embourrée de verbes aux couleurs biliaires, Il châtiait tout infidèle, ennemis amère de la cornière. Sur tout l'horizon désert, où ne règnent que les hyènes, Ce dieu fiel emplissait ses vides d'une ambition noirâtre. Répandre sa bible, établir sa loi, étendre son cadastre. Sous le joug, prospéraient alors tant de poésies normalisées. La littérature et le bon mot ? Une prescription qu'il faisait. Ordonnances sur Ordonnances rongèrent le peuple entre ses lignes. Esclaves de la règle, parler ordinaire, langues cousues par Cramère. D'aucun ne fit plus rire l'orange, parler le miroir ou crier le reflet. Mais un homme sema le trouble dans la cité. Il appela au Dieu unique, Fit du rayon céleste un arc-en-ciel et de l'orange une éponge ressuscitée. Miracles en miracles, il déchaina les foules aliénées qui le crucifièrent. De lui il ne reste que sa religion, les poètes : " Qu'on s'en persuade : il nous a bien fallu quelques raisons impérieuses pour devenir ou pour rester poètes. Notre premier mobile fut sans doute le dégoût de ce qu'on nous oblige à penser et à dire, de ce à quoi notre nature d'hommes nous force à prendre part. Honteux de l'arrangement tel qu'il est des choses, honteux de tous ces grossiers camions qui passent en nous, de ces usines, manufactures, magasins, théâtres, monuments publics qui constituent bien plus que le décor de notre vie, honteux de cette agitation sordide des hommes non seulement autour de nous, nous avons observé que la Nature autrement puissante que les hommes fait dix fois moins de bruit, et que la nature dans l'homme, je veux dire la raison, n'en fait pas du tout. Eh bien ! Ne serait-ce qu'à nous-mêmes nous voulons faire entendre la voix d'un homme. Dans le silence certes nous l'entendons, mais dans les paroles nous la cherchons : ce n'est plus rien. C'est des paroles. Même pas : paroles sont paroles. O hommes ! Informes mollusques, foule qui sort dans les rues, millions de fourmis que les pieds du Temps écrasent ! Vous n'avez pour demeure que la vapeur commune de votre véritable sang : les paroles. Votre rumination vous écœure, votre respiration vous étouffe. Votre personnalité et vos expressions se mangent entre elles. Telles paroles, telles mœurs, ô société ! Tout n'est que paroles. " Francis PONGE, Proêmes (1948, textes écrits en 1929-1930).
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Ce matin, je regarde du haut de mon balcon la pâleur du ciel froid qui revêt une teinture limpide, bigarrée d’azur, d’ocre et de carmin clairs. Peinture sublimement funeste. Toutes ces nuances diffuses sont comme des gouttes d’encre suspendues dans un temps rompu, dilatées langoureusement sur l’atmosphère aqueuse. Le bouffant vaporeux des nuages, blanc ou gris, est banni par le vent de cette toile où le soleil se fait célébrer en seigneur de guerre. La scène est solennelle. Tout joue avec pesanteur. Le fracas des boucliers est inaudible. Les armées se heurtent avec force et éclats rayonnants sous un ciel qui couvre les étoiles de douleur, torpeur, terreur. Elles se couvrent quand se déchire, avec une extrême lenteur, le sang des cœurs flottant dans l’air. Un cavalier s’illustre. Il frappe ! La nuit est tombée, personne ne la pleure. Cependant, les combats se poursuivent tout autour, en silence et toujours dans l’indifférence. Au milieu de la mêlée, un auguste Roi s’approche lourdement, conservant une posture de vainqueur, droite et ancrée. Il sait qu’elle est sienne. Elle tend une main trépidante d’une mortelle fraicheur. Un regard fixe, sec, brûlant vers la terre où blessée, elle s’agite avec haine et rage en soubresaut de vitalité. Je n’entends pas mais elle semble l’insulter, sans effets sur la fatalité de son destin. L’épée se lève fermement et au son de Dieu le veut ! Elle revendique impassiblement sa gloire, son prestige, sa force d’acier sur la victime étendue, avant de s’abattre tout entier sur son cou beurré. Ainsi, d’un geste abrupt, il pourfend la nuit dont la tête se détache avec allégresse, à la façon des feuilles d’automne. Mais il le sait, la gorgone ici achevée, naîtra maintenant ailleurs, là-bas où le regard porte sur demain. À genoux, il pleure donc de reconnaissance ou de fatigue ou d’un je-ne-sais-quoi qui le rend plus déterminé. Car qu’importent les raisons de sa lutte, elle est perpétuelle et cela suffit à l’y contraindre. C’est donc en Sisyphe, qu’il va à nouveau haranguer sa foule regroupée devant lui comme hier. Et derechef, il part vers l’horizon d’un pas usé en colonne rangée sur les traces de son passé là où règne déjà la nuit, comme hier. Et à mesure que son armée avance, les oiseaux chantent avec lassitude : « Vive le Roi, Longue vie au Roi ! ». Mince je vais être en retard au bureau !
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Les affairés.
Circeenne a commenté un(e) billet du blog de Circeenne dans Dans l'embrasure du trumeau,
Salut Karbomine, L'usage de la virgule n'est pas restreint à la séparation d'un syntagme, il peut être le fait de l'auteur à vouloir interrompre le lecteur dans sa lecture et rien dans la prescription n'interdit cela. Pour l'abstraction du "ventre" : l'horizon déchirée, la pensée éventrée, l'art éclaté... et des milliards d'autres exemples me font penser que tu rends la langue bien plus pauvre qu'elle ne l'est. En voici un et pas des moindres : "La rue se calcinait au soleil, se tordait sous le ciel éventré." Jean-Paul Sartre A vouloir le Grevisse comme parangon on nourrit la pauvreté de l'expression. Et quoi de plus misérable qu'une langue qui ne sait dire l'abstraction. Heureusement que la métaphore et la comparaison parmi toutes ces figures de style que la langue française a en son sein (image encore) dément les matérialistes ennemis des poètes, puritains du verbe qui se dit comme ils le disent. Qui ne sait dire la vacuité du mot, ne doit en aucun cas exprimer la parole. Car celui là n'a pas d'imagination. Et faire de la prescription de manière autotélique n'a aucun intérêt hormis paraître "bien parlant" et c'est être comme le disait Barthes un écrivain et non un écrivant. "...l’écrivain est un homme qui absorbe radicalement le pourquoi du monde dans un comment écrire. Et le miracle, si l'on peut dire, c'est que cette activité narcissique ne cesse de provoquer, au long d'une littérature séculaire, une interrogation au monde: en s'enfermant dans le comment écrire, l'écrivain finit par retrouver la question ouverte par excellence: pourquoi le monde? Quel est le sens des choses? En somme, c'est au moment même où le travail de l'écrivain devient sa propre fin, qu'il retrouve un caractère médiateur : l'écrivain conçoit la littérature comme fin, le monde la lui renvoie comme moyen..." Les écrivants, eux, sont des hommes « transitifs» ; ils posent une fin (témoigner, expliquer, enseigner) dont la parole n'est qu'un moyen ; pour eux, la parole supporte un faire, elle ne le constitue pas. Voilà donc le langage ramené à la nature d'un instrument de communication, d'un véhicule de la «pensée». Même si l'écrivant apporte quelque attention à l'écriture, ce soin n'est jamais ontologique: il n'est pas souci. L'écrivant n'exerce aucune action technique essentielle sur la parole; il dispose d'une écriture commune à tous les écrivants, sorte de koinè, dans laquelle on peut certes, distinguer des dialectes (par exemple marxiste, chrétien, existentialiste), mais très rarement des styles. Car ce qui définit l'écrivant, c'est que son projet de communication est naïf : il n'admet pas que son message se retourne et se ferme sur lui-même, et qu'on puisse y lire, d'une façon diacritique, autre chose que ce qu'il veut dire : quel écrivant supporterait que l'on psychanalyse son écriture? Il considère que sa parole met fin à une ambiguïté du monde, institue une explication irréversible (même s'il l'admet provisoire), ou une information incontestable (même s'il se veut modeste enseignant) ; alors que pour l'écrivain, on l'a vu, c'est tout le contraire : il sait bien que sa parole, intransitive par choix et par labeur, inaugure une ambiguïté, même si elle se donne pour péremptoire, qu'elle s'offre paradoxalement comme un silence monumental à déchiffrer, qu'elle ne peut avoir d'autre devise que le mot profond de Jacques Rigaut : Et même quand j'affirme, j'interroge encore. Roland Barthes, Essais critiques, « Ecrivains et écrivants » (1960). Bien à toi ma puce. -
Je sais, tu as crée cette chose pour t'amuser avec moi, tu n'es qu'un rat ! Invente donc de vrais casse-têtes !
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Les affairés.
Circeenne a commenté un(e) billet du blog de Circeenne dans Dans l'embrasure du trumeau,
Bonsoir Karbomine, merci de t'être investie dans une analyse riche en détails qui m’honore très sincèrement mais à quoi je souhaite t'opposer quelques objections. Par rapport à l'erreur dite de syntaxe j'aurais apprécié que tu m'expliques en quoi c'est une erreur de syntaxe car le ni (les) visages ni l'ombre naissante (sous-entendant la tombée de la nuit) semble agrammaticale de même que "cette drogue offre". Quant à l'image, je ne vois pas pourquoi il faut rester sur l'étymologie puisque c'est une image, notamment quand le fait d'éventrer symbolise la déchirure qu'est-ce qui peut métaphoriquement empêcher d'éventrer un reflet ? Je cite : Des tempêtes avaient ravagé les côtes, éventré des falaises (Zola, Joie de vivre,1884, p. 1107). La foule nous a suivies, mais trop serrée dans le chemin, elle a éventré les haies qui le bordent (Colette, Cl. école,1900, p. 290). La bête souple du feu a bondi d'entre les bruyères (...) ici elle éventre une chênaie (Giono, Colline,1929, p. 144). Tout texte est à réécrire surtout les premiers jets :p Bien à toi et au plaisir de te lire et relire ! -
Qui est RESP ?
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Les affairés.
Circeenne a commenté un(e) billet du blog de Circeenne dans Dans l'embrasure du trumeau,
Haha ! -
Un E à 90 degré ?
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Dans la rue d'un soir d'été, des marcheurs égarés n'ont d'yeux que dans la lumière bleuâtre de leurs écrans scintillants. Ils ne voient ni visages ni l'ombre naissante, prélude de la nuit, seule la fraicheur les maintient en vie. Les pas pressés résonnent sur le pavé et se coupent nettement au sons des cloches ou à l'aigreur des vibrations qui rythmes la cadence des passants. Le temps leur est indifférent, il n'existe pas là où ils sont. Et comme les chiens de Pavlov, au tintement cuivré, ils se mettent à tapoter, à sourire, à minauder toutes sortes de plis avec un regard toujours le même, bas, celui du soumis. A les voir rire, seuls ou en groupes, on ne peut s’empêcher de penser à un Poprichtchine croyant qu'une bête lui a écrit des lettres. C'est l'objet qui devient maitre de toutes les attentions. Enlevez leur, et les voilà qui crient à la douleur que le monde réel exerce sur l'âme. Cette drogue numérique, offre ainsi l'échappatoire artificiel d'un paradis que le pavot ne peut qu'à coup de fortes doses concurrencer. Car là-bas tout vous est permis même le meurtre. Et c'est parce qu'elle vous déracine de la terre en absorbant tout entier votre regard jusqu'à la moelle, que votre miroir se déchire dans votre reflet éventré. Par là, elle y pénètre, en salves successives d'images bruyantes, de textes choquants, et de sons enivrants. Elle finit par vous coloniser de réflexes lumineux et vos rêves sont à l'image de ses voeux. Vous ne répondez plus par le oui ou le non, vous faites seulement au son ou à la vibration ce pourquoi vous devez faire car il n'y a plus de temps, plus d'espace, seules les stimuli vous animent. C'est le sens du devoir. Aimez, détestez, agitez-vous, mais dans le silence mécanique de la parole sémiotique. Vous n’êtes plus. Somnambules, vous allez et venez sans connaitre votre finalité. Vous vous calcifiez jusqu'à devenir un élément du décor virtuel. Votre existence se transfère dans une masses fluviales de données diffusent dans les airs. Vous disparaissez au coin d'une rue avec l'entrain des affairés. Tous vous connaissent sous un pseudonyme qui devient votre épitaphe où s'est étiolé votre nom. Le server sait tout de vous jusqu'à vous apprendre que vous est un autre. Courez donc morts-vivants car il ne reste de vous que l'image fluorescente de votre passage. Une chose qui clignote.
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L'exil et le royaume d'Albert Camus.