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Spasmodique.


Circeenne

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En versant ces mots sur un miroir taché de caféine, une question abyssale vient froidement raidir la souplesse de mon cou et me souffle une vapeur blanchâtre qui me redresse promptement. Pourquoi. Je suspends l’écriture et regarde avec attention le reflet de cette brume idée. Il est vrai, à quoi bon vouloir exorciser une maladie dont la tumeur est au fond du cœur cérébral ? Car nul bistouri, nul scalpel, nul remède n’existe pour ce genre de souffrance paradoxale que la réalité maquille chaque jour, dans la lumière ou l’obscurité.

Alors c’est ainsi, l’homme s’est inventé les mots dans un geste désespéré afin de guérir son âme, n’y voyant aucunes plantes pouvant taire ses cris silencieux, il a fallu qu’il les exprime, les nomme et les apprivoise. Mais il y a quelque chose de faux dans "il a inventé".

De fait, si sa bouche gloutonne précédait sa langue frivole et qu’il n’en connaissait pas les termes pour distinguer le pesant du subtil ou le ceci de cela, pouvait-il inventer une chose qu’il ignorait ? J’affirme, que rien ne sort d’un obscur et hypothétique néant hasardeux, pas même lors d’un 1789ème matin, où la raison se serait surprise à dire : Chiotte ! Il fait lumière ! À quoi un autre aurait répondu : Pâ gome ça qu’ça s’dy donc !

Ainsi si le verbe l’a précédé c’est donc que celui-ci existait indépendamment de lui-même, par lui-même et pour lui-même. Mais où ? Dans son cœur, très certainement. Né avec, il aurait grandi en contemplant leurs couleurs sonores. Les mots ont fait de lui l’homme, qui n’était pas. Se découvrant un visage, une nature et un esprit, il apposa des lettres là où le sens l’appelait. Et d’abstractions en abstractions, il matérialisait le réel ineffable. En sondant la profondeur de la beauté de ses océans imaginaires, il y découvrait toutes sortes de trésors. Et à mesure qu’il descendait, la clarté s’amenuisait, sans que cela ne l’inquiétât. Les mots devinrent des maux et des êtres difformes commençaient à s'emparer de lui. Et de baisers à morsure, il n'y a qu'un croc. Ils déversèrent en lui, dans ses cavités veineuses, un sang venimeux, chaudement infecté par la noirceur de l’agitation. C’est alors qu’il s’effondrait dans un fracas sans bruit de contorsions douloureuses excitant ses nerfs jusqu’à lui enlever la quiétude que connaissaient ses mers d’un bleu roi harmonieux. Le vent du désir s’est alors mis à souffler dans mille directions quantiques. Ici, là-bas, maintenant et après, en même temps. Le soleil a fondu avec une mollesse toute Dalienne, formant des nœuds de couleurs dont la tonalité dominante est le magenta brûlé. Un rire de folie saccadé, entrecoupé de phrases sans début ni fin, se mêle à des larmes qui pleurent en suspension dans l’espace, s’entrechoquant pour créer des vagues de tristesse. C’est la dépression. À genoux pointus sur votre poitrine elle suce votre moelle avec l’acharnement des chiens, le soupir des persécutés et le regard des hérétiques.

Le médecin, de son œil opaque, ne voit que le brillant des yeux dilatés, d’où surgissent à fréquence régulière ses orbites proéminentes qui affirment la détresse, comme un battement de cœur dérégulé. Alors que le corps, lui, sue son suc sur un lit froissé. Il diagnostique un malheur incurable, en désignant le front de ce pauvre homme, tapotant de deux coups sur cet univers qui implose, pour indiquer à la famille, dont les incantations au bon Dieu s’évaporent dans l’air, que l’ardeur de la fièvre aura tôt fait de le tuer. Il mourut possédé et torréfié par l’incandescence du verbe déliquescent. De l'homme ne reste que les os, quand les mots, eux, partent dans l'éther, éternels.

La folie, la folie, bouh, pourvu que ça ne m’arrive jamais. J'vais voir un verre d’maux. Un frisson spasmodique m'arrache soudainement un rire bref. Confuse dans mon brouillard, j'entends: dors, dors, ma grande...demain tu travailles.

Qui parle avec moi ?

https://www.youtube.com/watch?v=i5Kwf_nNmGI

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