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La philosophie se moque de la philosophie

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mary.shostakov

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mary.shostakov Membre 402 messages
Forumeur accro‚ 83ans‚
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S'il est une règle en philosophie, c'est bien celle-ci : une doctrine philosophique n'est jamais réfutée, mais remplacée par une autre, laquelle devient la nouvelle doctrine à la mode qui prend la place de l'ancienne diva. La façon dont les constellations philosophiques se succèdent, apparaissent et disparaissent, révèle l'état d'effondrement dans lequel se retrouve la philosophie placée devant la nécessité d'entretenir et d'administrer ses morts. La philosophie est devenue le mannequin vivant de ce qu'elle fut jadis, un grand musée où s'entassent de vieilles antiquités sur lesquelles se pratique en permanence la réanimation artificielle ! Une poupée Petrouchka qui reprend provisoirement vie à travers l'analyse et l'exégèse de ses textes sacrés que les « Amis des idées » utilisent pour entraîner les jeunes à se mouvoir dans le monde de la spéculation pure et des abstractions.

La science est susceptible de progrès (impossible, là, de retourner en arrière et de revenir à des théories déjà réfutées) alors qu'en philosophie il n'y a pas d'évolution, mais une succession de doctrines où, à chaque fois, un nouveau sauveur proclame la mort de la philosophie pour la faire renaître sous un nouveau déguisement qui cache derrière un langage et une phraséologie nouvelle de vieux réflexes et d'anciennes attitudes. Chacun n'a-t-il pas pour tâche, en digérant le matériau philosophique, de montrer l'unique voie possible en annonçant la restauration de la philosophie à partir du nouveau fondement qu'il affiche ? Chaque philosophe peut recommencer à zéro sans avoir à se soucier de ceux qui le précèdent (ses adversaires, ses devanciers) sinon à mettre tout de suite et prudemment hors jeu son rival le plus proche (Platon pour Aristote. Kant pour Hegel. Husserl pour Heidegger). Le salut de l'homme dépend du nouveau sauveur. À lui de dénoncer les erreurs séculaires à l'humanité son fondement instaurateur. Le sentiment que le système seul (le platonisme, l'aristotélisme, le cartésianisme, l'hégélianisme …) et lui seul détient la vérité et que tous les autres ont tort ne peut venir d'aucune vérification on infirmation extérieure puisque la philosophie se refuse par définition à tout contrôle empirique ou expérimental, contrairement aux sciences où, une fois pour toutes, le déchet s'élimine. Platon et Aristote peuvent côtoyer Marx et Hegel, Sartre et Heidegger, Jaspers et Bergson et ceux-ci ceux-là sans que l'ordre de ces rapprochements artificiels et arbitraires ne pose aucun problème. 

Le brouet éclectique de la philosophie officielle ne peut mener le débutant qu'à l'égarement et à la confusion la plus complète : Il n'y a rien de plus triste qu'un jeune philosophe à la fois un peu cartésien et un peu hedeiggérien, un peu rationaliste et un peu lacanien, sincèrement structuraliste et plutôt antiscientiste, volontiers marxiste et très sensible aux charmes de l'idée de Dieu, tenté par l'incroyance, mais imprégné de théoscolastique. Et (par-dessus tout) définitivement opposé à toute forme d'éclectisme ! 

On fabrique couramment ce genre de monstre. C'est légal. 

Mieux, c'est institutionnel ! 

La légitimation de la philosophie renvoie à elle-même dans un cercle sans fin qui passe par le retour et le recours à sa propre fondation. Ce qui donne de la valeur à un auteur, c'est de le citer, et une plus grande valeur encore, c'est de le citer souvent ! La banalité nivelante, l'indifférence philosophique où tout s'équivaut et tout s'échange forment les pages roses de l'académisme philosophique. Que l'auteur dise vrai ou faux, cela n'a pas d'importance; l'important n'est pas ce que l'auteur a dit, l'important, c'est ce qu'on peut lui faire dire pour transformer son langage philosophique en proposition révolutionnaire. Le fait de le convoquer, de toute façon, lui confère cette importance (les philosophes-thaumaturges connaissent les inépuisables vertus du discours oraculaire ou performatif : « Il l'a dit, donc c'est vrai »), l'acte de convocation devant être salué comme la marque du plus grand respect et de la plus grande admiration pour la pensée, même si les thèses sont discutables, dépassées ou totalement erronées !

Devant l'impossibilité pour la philosophie moderne de construire des systèmes ou des doctrines de style traditionnel comme ceux qui jalonnent la philosophia perennis, il ne lui reste plus qu'à faire appel au témoignage des anciens quand il s'agit de traiter d'une question dont la vérité lui échappe, vérité qu'on saura toujours trouver chez les grands auteurs et dans la cohabitation de leurs écrits historiques. Il y a les chefs de file, Platon, Aristote, Kant, Hegel, nous les connaissons déjà, il y a ensuite ceux qui traînent ou qui suivent les « modes » mais qui sont parfois tout aussi importants : Marc-Aurèle, Plotin, Spinoza, Leibniz, Fichte, Shoppenhauer, Husserl, Bergson, Jaspers, Sartre …

Curieusement, les sensualistes, les empiristes et les pragmatistes sont à peu près toujours absents des compilations, des manuels et des différentes « introductions » à la philosophie. Ce sont des pensées décidément trop vulgaires ! Trop peu éthérées ! Trop éloignées de l'Esprit et des sublimes élévations ! Mieux valent les « philosophies positives » de Jaspers, de Derrida, de Levinas, de Ricœur ou de Heidegger ! Mieux vaut placer les jeunes âmes à l'abri des tentations « matérialistes », « scientistes » ou « positivistes » et renvoyer plus sûrement à la Grande Tradition. 

Citer les auteurs (la « citationnite » : maladie propre à l'académisme dont souffrent de nombreux mandarins), puiser ça et là sans tenir compte du contexte et des circonstances dans lesquelles elles ont été écrites, n'est-ce pas cela qui s'appelle du détournement ou de l'escroquerie ? 

En lieu et place d'une lecture attentive, d'une lecture serrée (critique) des textes, on préfère mimer les auteurs, s'exalter devant des jeux de mots éminemment spirituels, pratiquer sur les œuvres une exégèse pieuse et hagiographique. Le mimétisme est un excipient en philosophie, perroqueter devient philosopher, ou poser la question, la sempiternelle question qui se transforme d'elle-même en savoir authentique (pour Heidegger, il s'agit d'un savoir « sur le mode du questionner » !). À travers ce verbalisme foncier et ces nombreux rabâchages raffinés et compliqués, c'est la philosophie institutionnalisée qui se révèle dans sa triste vérité : par leur chute dans l'irréalité, les alchimistes du Verbe qui administrent la philosophie n'administrent plus qu'un cadavre qui fonde l'authentique domaine de la philosophie !

Cette idéologie où les croyances s'affrontent dans la confusion des théories et l'arbitraire anecdotique des « dépassements », c'est l'histoire de la philosophie revêtue de sa ridicule robe d'apparat. La philosophie continue de s'accrocher au préjugé voulant que sans « point de vue philosophique », la science ne peut qu'errer ou se perdre, que les savants sont incapables de s'interroger sur les fondements de leurs sciences, préjugé qui est absolument faux. 

Il est plutôt grave que l'académisme philosophique continue à véhiculer les mêmes mensonges sur la science afin de détourner le regard du travail scientifique véritable et, surtout, des avancements véritables de la science dont les progrès font pâlir les philosophes. Cette méfiance à l'égard des sciences cherche à maintenir l'illusion d'un lustre perdu, ce qu'on se garde bien cependant d'avouer : « La science est en crise » (Husserl), « La science ne pense pas » (Heidegger), « Les théories scientifiques perdent de vue l'homme véritable » (Jaspers), « La science est barbare » (Michel Henry).

Curieux retournement : ce sont les sciences qui sont en train d'organiser la faillite de la philosophie dont les systèmes ne sont plus qu'un sauve-qui-peut général devant ce qui menace les privilèges et les prérogatives des Socrates fonctionnaires ! Si la philosophie osait réellement donner la parole aux sciences, il ne resterait plus rien de son édifice théorique et de son vain bavardage. 

La philosophie est le champ de bataille des problèmes non résolus, sa prétendue remise en question perpétuelle, ses présumés « dépassements » (coups d'État de la pensée) se résument à de vulgaires prises d'ambassade qui n'ont conduit tout au plus qu'à de bruyantes, mais inoffensives révolutions de palais. 

Au regard des disciplines devenues conquérantes : l'histoire, la psychologie, la sociologie, l'ethnologie, depuis que les grands progrès de la connaissance sont accomplis par les technosciences, la philosophie ne sait plus que faire. À mesure que les sciences progressent, que les méditations ne cheminent plus infailliblement par « la classe de philosophie », les systèmes philosophiques s'effondrent à un rythme qui fait peur. Que reste-t-il de ces vaillants combattants dont le progrès de chacun a été de nier tous les autres ? Platon … Aristote … Descartes … Des figurines abstraites et démodées, des penseurs vénérables soumis à une tradition fabriquée qui est encore une habile façon de justifier, par bribes, un état de fait insupportable.

Toute cette tradition idéaliste et métaphysique qui forme et structure le corpus philosophique, l'Institution la relaie. La philosophie française n'est pas en reste, elle qui soutient grâce à l'académisme universitaire toute une tradition spiritualiste qui remonte à Maine de Biran, qui se développe à travers les philosophies idéalistes des Renouvier, Lachelier, Boutroux, Lalande avant de se terminer dans les élucubrations philosophico-oraculaires de Bergson (toujours le bienvenu) et de Teilhard (le jamais oublié) ! Quelle misère ! Plus on monte, plus le verbe se fait Roi : les élucubrations d'un Ricœur, d'un Derrida ou d'un Lacan sont des morceaux de bravoure dans le domaine de l'escalade métaphysique. Le discours creux et prétentieux passe pour plein philosophique, pour saisie de l'être, capture du concept, dévoilement de la vérité qu'aucun, bien sûr, n'a su approcher avant eux. Ce qui transfigure les choses en liturgie verbale a toujours eu du succès. Toute gigantomachie langagière profite à la philosophie. 

Les Apôtres du Pli, de la Trace ou de la Déchirure, maîtres de la Différance (bien différent avec un « a ») et de la Ritournelle sont les héros, les Hérault des pauvres débutants, dévots heideggeriens, hégéliens, derridiens, deleuziens ou foucaldiens qu'ils abusent.

On enseigne aux apprentis philosophes à se mouvoir dans les Abstractions. La philosophie ne se fait plus action, elle n'est plus recherchée en vue d'une possible et incertaine sagesse, non, la philosophie maintenant s'écrit ainsi : Il ne s'agit pas d'énoncer un discours susceptible d'éclairer la situation des êtres vivants, mais de développer de façon autonome un certain univers de mots. 

Il y avait la théologie, qui parlait de Dieu, l'ontologie, qui parlait de l'Être. Maintenant, de « logies » en « logies », on est parvenu à la logologie, qui est discours sur le discours. Le philosophe (ou ce qu'il en reste) n'est plus devant le monde, car celui-ci pourrait bien avoir disparu que le logologue ne s'en serait même pas aperçu. Il est devant un vocabulaire et une grammaire qu'il va remanier à sa guise, conformément à une esthétique de la désincarnation. On se prend à regretter Platon, Aristote et Descartes qui au moins faisait leur travail honnêtement. Devant ce pseudo-mysticisme et la fascination pour le vide de ces prétendus penseurs, même les premiers ne s'y reconnaîtraient pas !

Je sais que ce genre de critique de la philosophie ne peut qu'attirer lui-même la critique et l'inimitié des philosophes de la philosophie officielle. S'en prendre à la philosophie, cette grande Église laïque et hétéroclite, c'est s'attaquer à un objet de dévotion, à une Institution que, pour de nombreuses raisons (historique, sociales, politiques, idéologiques, matérielles), certains ont intérêt à préserver dans sa sainteté et son intouchabilité. Il n'est jamais prudent de s'attaquer à des structures et des modes de pensée profondément enracinés dans la culture et l'histoire et remettre en question un système que les dignes descendants de Socrate, sous couvert de défendre les valeurs, la démocratie et quoi encore, ont bien l'intention de défendre bec et ongles. 

Pour ceux qui ont depuis longtemps constaté que le recours à la grande tradition conduisait à une impasse, il est possible d'y échapper. Il leur reste la pratique des métiers. On peut faire de la logique, de l'esthétique, de la morale, de l'histoire de l'art, de l'histoire des religions, de la psychologie, de la traductologie. Les grandes machines spéculatives sont remplacées par un travail beaucoup plus modeste qui a au moins le mérite de fuir le bavardage. Loin des ambitions totalisantes de la philosophie et délivré des efforts pour se maintenir à des hauteurs apocalyptiques, chacun peut s'aménager un petit coin tranquille qu'il pourra cultiver dans l'espoir d'y découvrir peut-être quelque vérité pratique, stratagème moins dangereux, mais somme toute peut-être plus utile aussi …

Ceux qui pratiquent ainsi leur métier sont de braves serviteurs de la philosophie. La philosophie est leur affaire, leur gagne-pain, même si la plupart d'entre eux, qui s'en sont souvent fort éloignés, n'ont de philosophique que le nom. Mieux vaut gagner sa vie à tourner sa broche, se disent-ils, qu'à jouer au pontife qui s'évertue à donner vie à un squelette de philosophie. Ce ne sont pas tous les philosophes qui ont la même facilité et le même talent pour administrer la pénurie ! Tout cela n'est pas dénué de sens et c'est en pleine conscience, c'est-à-dire en réaction à l'état général de déroute de la situation actuelle, qu'ont commencé les défections.

Les défections sont nombreuses et le choix se porte souvent sur les sciences humaines, psychologie, sociologie, droit, linguistique, traductologie, journalisme, qui aspirent les intellectuels blasés et fatigués d'une philosophie exsangue vers une vraie spécialité. Déçus par la pauvreté de la discipline, fatigués du pseudo socratisme, si ces gens ont quitté la philosophie, soyons-en rassurés, c'est dans l'intention de n'y plus revenir.

Il est tout à fait indéniable que la philosophie a eu à jouer un rôle positif au cours du passé, mais son pouvoir, qui faisait aussi son prestige, s'est volatilisé. Son refus à l'admettre est une tentative désespérée pour dissimuler sa condition. Le rôle historique de la philosophie semble achevé. Continuer à faire aujourd'hui de la philosophie comme si rien n'avait changé, ce n'est plus qu'une imposture. Une discipline qui est incapable de se renouveler et qui ne se perpétue qu'en glorifiant son passé et ses pères fondateurs est une discipline vouée à disparaître tôt ou tard, et plus tôt que tard !

Pourquoi les philosophes, si férus de théorie, si prompts par leur pensée et si avides d'esprit critique, ne s'interrogent-ils pas sur leur rôle ? Comment la philosophie a-t-elle pu être réduite à ce lamentable verbiage, à ce gaspillage de salive qui l'a dépouillée de sa mission fondatrice ? 

La philosophie ne réside pas dans les barbarismes ou les langages abscons. Elle n'a pas à être hermétique, solipsiste ou psittaciste. La philosophie doit nous apprendre à vivre. Et à bien vivre. Elle doit viser l'édification et la construction de soi. Une fois que nous avons reconnu les égarements de la philosophie, pourquoi devrait-on respecter les erreurs qui lui sont congénitales ?

Il ne s'agit pas de renier ou de rejeter pêle-mêle toutes les philosophies, mais de se débarrasser au plus vite de toutes celles qui cèdent au platonisme, à l'idéalisme, à la métaphysique et aux délices de l'irrationalisme. Il y a tout un pan de la philosophie auquel on ne peut administrer aucun remède. La philosophie ne peut pas être remplacée par quelque chose, ou par plusieurs choses qui ressembleraient à la philosophie, mais par quelque chose ou par plusieurs choses qui prendront ou plutôt qui ont déjà pris et continueront de prendre d'autres formes, sous lesquelles il est impossible d'exiger a priori de reconnaître les caractéristiques de la forme ancienne. 

C'est pourquoi l'idée de remède est encore une idée académique, car elle implique la conservation, pour l'essentiel, de ce à quoi il s'agirait de remédier. Or, je ne tiens pas à remédier aux insuffisances de la philosophie de Hurssel ou de Heidegger. Je tiens au contraire à ce que ces philosophies disparaissent le plus vite possible ! En un mot, une critique constructive n'est pas une critique tempérée d'éloges. C'est une critique qui rend impossible pour tout esprit soucieux de connaissance le retour de certaines erreurs. Je ne vois pas pourquoi on devrait « proposer » quelque chose « à la place » de ces erreurs.

La réalité n'attend pas après la philosophie pour répondre aux questions devant lesquelles les hommes de tout temps sont sommés de répondre et de réagir. Si la philosophie cesse, on peut supposer que les femmes et les hommes d'aujourd'hui vont continuer à réfléchir, à doute et à s'interroger, comme ils l'ont toujours fait avec ou sans philosophie. 

Il ne s'agit donc pas de « sauver » la philosophie, ce qui supposerait que la philosophie puisse être « corrigée » ou « dépassée », mais peut-être de redonner la parole à d'autres philosophies, c'est-à-dire aux « parias » de la philosophie que la tradition (l'histoire de la philosophie) a niés en faisant le silence sur eux. Imaginons que les cinquante livres de Démocrite et les trois cents rouleaux d'Épicure aient été retrouvés ! Un effort véritable peut permettre de nous libérer de la tradition pour écrire aujourd'hui ces livres et ces rouleaux, à notre façon, bien sûr, qui est celle du 21e siècle ! 

Les Serviteurs de l'Idée, les Alchimistes du Verbe, les Structurologues et les Grammatologues, les Apôtres du Plis, de la Trace ou de la Différance, les Artisans du Je-ne-Sais-Quoi-et-du-Presque-Rien, ils sont en train d'organiser la faillite de la philosophie. 
Devant la troublante image de sa décrépitude, il serait temps que les Socrate fonctionnaires se réveillent …


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Membre, 155ans Posté(e)
Don Juan Membre 2 916 messages
Mentor‚ 155ans‚
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Il y a 7 heures, mary.shostakov a dit :

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S'il est une règle en philosophie, c'est bien celle-ci : une doctrine philosophique n'est jamais réfutée, mais remplacée par une autre, laquelle devient la nouvelle doctrine à la mode qui prend la place de l'ancienne diva. La façon dont les constellations philosophiques se succèdent, apparaissent et disparaissent, révèle l'état d'effondrement dans lequel se retrouve la philosophie placée devant la nécessité d'entretenir et d'administrer ses morts. La philosophie est devenue le mannequin vivant de ce qu'elle fut jadis, un grand musée où s'entassent de vieilles antiquités sur lesquelles se pratique en permanence la réanimation artificielle ! Une poupée Petrouchka qui reprend provisoirement vie à travers l'analyse et l'exégèse de ses textes sacrés que les « Amis des idées » utilisent pour entraîner les jeunes à se mouvoir dans le monde de la spéculation pure et des abstractions.

La science est susceptible de progrès (impossible, là, de retourner en arrière et de revenir à des théories déjà réfutées) alors qu'en philosophie il n'y a pas d'évolution, mais une succession de doctrines où, à chaque fois, un nouveau sauveur proclame la mort de la philosophie pour la faire renaître sous un nouveau déguisement qui cache derrière un langage et une phraséologie nouvelle de vieux réflexes et d'anciennes attitudes. Chacun n'a-t-il pas pour tâche, en digérant le matériau philosophique, de montrer l'unique voie possible en annonçant la restauration de la philosophie à partir du nouveau fondement qu'il affiche ? Chaque philosophe peut recommencer à zéro sans avoir à se soucier de ceux qui le précèdent (ses adversaires, ses devanciers) sinon à mettre tout de suite et prudemment hors jeu son rival le plus proche (Platon pour Aristote. Kant pour Hegel. Husserl pour Heidegger). Le salut de l'homme dépend du nouveau sauveur. À lui de dénoncer les erreurs séculaires à l'humanité son fondement instaurateur. Le sentiment que le système seul (le platonisme, l'aristotélisme, le cartésianisme, l'hégélianisme …) et lui seul détient la vérité et que tous les autres ont tort ne peut venir d'aucune vérification on infirmation extérieure puisque la philosophie se refuse par définition à tout contrôle empirique ou expérimental, contrairement aux sciences où, une fois pour toutes, le déchet s'élimine. Platon et Aristote peuvent côtoyer Marx et Hegel, Sartre et Heidegger, Jaspers et Bergson et ceux-ci ceux-là sans que l'ordre de ces rapprochements artificiels et arbitraires ne pose aucun problème. 

Le brouet éclectique de la philosophie officielle ne peut mener le débutant qu'à l'égarement et à la confusion la plus complète : Il n'y a rien de plus triste qu'un jeune philosophe à la fois un peu cartésien et un peu hedeiggérien, un peu rationaliste et un peu lacanien, sincèrement structuraliste et plutôt antiscientiste, volontiers marxiste et très sensible aux charmes de l'idée de Dieu, tenté par l'incroyance, mais imprégné de théoscolastique. Et (par-dessus tout) définitivement opposé à toute forme d'éclectisme ! 

On fabrique couramment ce genre de monstre. C'est légal. 

Mieux, c'est institutionnel ! 

La légitimation de la philosophie renvoie à elle-même dans un cercle sans fin qui passe par le retour et le recours à sa propre fondation. Ce qui donne de la valeur à un auteur, c'est de le citer, et une plus grande valeur encore, c'est de le citer souvent ! La banalité nivelante, l'indifférence philosophique où tout s'équivaut et tout s'échange forment les pages roses de l'académisme philosophique. Que l'auteur dise vrai ou faux, cela n'a pas d'importance; l'important n'est pas ce que l'auteur a dit, l'important, c'est ce qu'on peut lui faire dire pour transformer son langage philosophique en proposition révolutionnaire. Le fait de le convoquer, de toute façon, lui confère cette importance (les philosophes-thaumaturges connaissent les inépuisables vertus du discours oraculaire ou performatif : « Il l'a dit, donc c'est vrai »), l'acte de convocation devant être salué comme la marque du plus grand respect et de la plus grande admiration pour la pensée, même si les thèses sont discutables, dépassées ou totalement erronées !

Devant l'impossibilité pour la philosophie moderne de construire des systèmes ou des doctrines de style traditionnel comme ceux qui jalonnent la philosophia perennis, il ne lui reste plus qu'à faire appel au témoignage des anciens quand il s'agit de traiter d'une question dont la vérité lui échappe, vérité qu'on saura toujours trouver chez les grands auteurs et dans la cohabitation de leurs écrits historiques. Il y a les chefs de file, Platon, Aristote, Kant, Hegel, nous les connaissons déjà, il y a ensuite ceux qui traînent ou qui suivent les « modes » mais qui sont parfois tout aussi importants : Marc-Aurèle, Plotin, Spinoza, Leibniz, Fichte, Shoppenhauer, Husserl, Bergson, Jaspers, Sartre …

Curieusement, les sensualistes, les empiristes et les pragmatistes sont à peu près toujours absents des compilations, des manuels et des différentes « introductions » à la philosophie. Ce sont des pensées décidément trop vulgaires ! Trop peu éthérées ! Trop éloignées de l'Esprit et des sublimes élévations ! Mieux valent les « philosophies positives » de Jaspers, de Derrida, de Levinas, de Ricœur ou de Heidegger ! Mieux vaut placer les jeunes âmes à l'abri des tentations « matérialistes », « scientistes » ou « positivistes » et renvoyer plus sûrement à la Grande Tradition. 

Citer les auteurs (la « citationnite » : maladie propre à l'académisme dont souffrent de nombreux mandarins), puiser ça et là sans tenir compte du contexte et des circonstances dans lesquelles elles ont été écrites, n'est-ce pas cela qui s'appelle du détournement ou de l'escroquerie ? 

En lieu et place d'une lecture attentive, d'une lecture serrée (critique) des textes, on préfère mimer les auteurs, s'exalter devant des jeux de mots éminemment spirituels, pratiquer sur les œuvres une exégèse pieuse et hagiographique. Le mimétisme est un excipient en philosophie, perroqueter devient philosopher, ou poser la question, la sempiternelle question qui se transforme d'elle-même en savoir authentique (pour Heidegger, il s'agit d'un savoir « sur le mode du questionner » !). À travers ce verbalisme foncier et ces nombreux rabâchages raffinés et compliqués, c'est la philosophie institutionnalisée qui se révèle dans sa triste vérité : par leur chute dans l'irréalité, les alchimistes du Verbe qui administrent la philosophie n'administrent plus qu'un cadavre qui fonde l'authentique domaine de la philosophie !

Cette idéologie où les croyances s'affrontent dans la confusion des théories et l'arbitraire anecdotique des « dépassements », c'est l'histoire de la philosophie revêtue de sa ridicule robe d'apparat. La philosophie continue de s'accrocher au préjugé voulant que sans « point de vue philosophique », la science ne peut qu'errer ou se perdre, que les savants sont incapables de s'interroger sur les fondements de leurs sciences, préjugé qui est absolument faux. 

Il est plutôt grave que l'académisme philosophique continue à véhiculer les mêmes mensonges sur la science afin de détourner le regard du travail scientifique véritable et, surtout, des avancements véritables de la science dont les progrès font pâlir les philosophes. Cette méfiance à l'égard des sciences cherche à maintenir l'illusion d'un lustre perdu, ce qu'on se garde bien cependant d'avouer : « La science est en crise » (Husserl), « La science ne pense pas » (Heidegger), « Les théories scientifiques perdent de vue l'homme véritable » (Jaspers), « La science est barbare » (Michel Henry).

Curieux retournement : ce sont les sciences qui sont en train d'organiser la faillite de la philosophie dont les systèmes ne sont plus qu'un sauve-qui-peut général devant ce qui menace les privilèges et les prérogatives des Socrates fonctionnaires ! Si la philosophie osait réellement donner la parole aux sciences, il ne resterait plus rien de son édifice théorique et de son vain bavardage. 

La philosophie est le champ de bataille des problèmes non résolus, sa prétendue remise en question perpétuelle, ses présumés « dépassements » (coups d'État de la pensée) se résument à de vulgaires prises d'ambassade qui n'ont conduit tout au plus qu'à de bruyantes, mais inoffensives révolutions de palais. 

Au regard des disciplines devenues conquérantes : l'histoire, la psychologie, la sociologie, l'ethnologie, depuis que les grands progrès de la connaissance sont accomplis par les technosciences, la philosophie ne sait plus que faire. À mesure que les sciences progressent, que les méditations ne cheminent plus infailliblement par « la classe de philosophie », les systèmes philosophiques s'effondrent à un rythme qui fait peur. Que reste-t-il de ces vaillants combattants dont le progrès de chacun a été de nier tous les autres ? Platon … Aristote … Descartes … Des figurines abstraites et démodées, des penseurs vénérables soumis à une tradition fabriquée qui est encore une habile façon de justifier, par bribes, un état de fait insupportable.

Toute cette tradition idéaliste et métaphysique qui forme et structure le corpus philosophique, l'Institution la relaie. La philosophie française n'est pas en reste, elle qui soutient grâce à l'académisme universitaire toute une tradition spiritualiste qui remonte à Maine de Biran, qui se développe à travers les philosophies idéalistes des Renouvier, Lachelier, Boutroux, Lalande avant de se terminer dans les élucubrations philosophico-oraculaires de Bergson (toujours le bienvenu) et de Teilhard (le jamais oublié) ! Quelle misère ! Plus on monte, plus le verbe se fait Roi : les élucubrations d'un Ricœur, d'un Derrida ou d'un Lacan sont des morceaux de bravoure dans le domaine de l'escalade métaphysique. Le discours creux et prétentieux passe pour plein philosophique, pour saisie de l'être, capture du concept, dévoilement de la vérité qu'aucun, bien sûr, n'a su approcher avant eux. Ce qui transfigure les choses en liturgie verbale a toujours eu du succès. Toute gigantomachie langagière profite à la philosophie. 

Les Apôtres du Pli, de la Trace ou de la Déchirure, maîtres de la Différance (bien différent avec un « a ») et de la Ritournelle sont les héros, les Hérault des pauvres débutants, dévots heideggeriens, hégéliens, derridiens, deleuziens ou foucaldiens qu'ils abusent.

On enseigne aux apprentis philosophes à se mouvoir dans les Abstractions. La philosophie ne se fait plus action, elle n'est plus recherchée en vue d'une possible et incertaine sagesse, non, la philosophie maintenant s'écrit ainsi : Il ne s'agit pas d'énoncer un discours susceptible d'éclairer la situation des êtres vivants, mais de développer de façon autonome un certain univers de mots. 

Il y avait la théologie, qui parlait de Dieu, l'ontologie, qui parlait de l'Être. Maintenant, de « logies » en « logies », on est parvenu à la logologie, qui est discours sur le discours. Le philosophe (ou ce qu'il en reste) n'est plus devant le monde, car celui-ci pourrait bien avoir disparu que le logologue ne s'en serait même pas aperçu. Il est devant un vocabulaire et une grammaire qu'il va remanier à sa guise, conformément à une esthétique de la désincarnation. On se prend à regretter Platon, Aristote et Descartes qui au moins faisait leur travail honnêtement. Devant ce pseudo-mysticisme et la fascination pour le vide de ces prétendus penseurs, même les premiers ne s'y reconnaîtraient pas !

Je sais que ce genre de critique de la philosophie ne peut qu'attirer lui-même la critique et l'inimitié des philosophes de la philosophie officielle. S'en prendre à la philosophie, cette grande Église laïque et hétéroclite, c'est s'attaquer à un objet de dévotion, à une Institution que, pour de nombreuses raisons (historique, sociales, politiques, idéologiques, matérielles), certains ont intérêt à préserver dans sa sainteté et son intouchabilité. Il n'est jamais prudent de s'attaquer à des structures et des modes de pensée profondément enracinés dans la culture et l'histoire et remettre en question un système que les dignes descendants de Socrate, sous couvert de défendre les valeurs, la démocratie et quoi encore, ont bien l'intention de défendre bec et ongles. 

Pour ceux qui ont depuis longtemps constaté que le recours à la grande tradition conduisait à une impasse, il est possible d'y échapper. Il leur reste la pratique des métiers. On peut faire de la logique, de l'esthétique, de la morale, de l'histoire de l'art, de l'histoire des religions, de la psychologie, de la traductologie. Les grandes machines spéculatives sont remplacées par un travail beaucoup plus modeste qui a au moins le mérite de fuir le bavardage. Loin des ambitions totalisantes de la philosophie et délivré des efforts pour se maintenir à des hauteurs apocalyptiques, chacun peut s'aménager un petit coin tranquille qu'il pourra cultiver dans l'espoir d'y découvrir peut-être quelque vérité pratique, stratagème moins dangereux, mais somme toute peut-être plus utile aussi …

Ceux qui pratiquent ainsi leur métier sont de braves serviteurs de la philosophie. La philosophie est leur affaire, leur gagne-pain, même si la plupart d'entre eux, qui s'en sont souvent fort éloignés, n'ont de philosophique que le nom. Mieux vaut gagner sa vie à tourner sa broche, se disent-ils, qu'à jouer au pontife qui s'évertue à donner vie à un squelette de philosophie. Ce ne sont pas tous les philosophes qui ont la même facilité et le même talent pour administrer la pénurie ! Tout cela n'est pas dénué de sens et c'est en pleine conscience, c'est-à-dire en réaction à l'état général de déroute de la situation actuelle, qu'ont commencé les défections.

Les défections sont nombreuses et le choix se porte souvent sur les sciences humaines, psychologie, sociologie, droit, linguistique, traductologie, journalisme, qui aspirent les intellectuels blasés et fatigués d'une philosophie exsangue vers une vraie spécialité. Déçus par la pauvreté de la discipline, fatigués du pseudo socratisme, si ces gens ont quitté la philosophie, soyons-en rassurés, c'est dans l'intention de n'y plus revenir.

Il est tout à fait indéniable que la philosophie a eu à jouer un rôle positif au cours du passé, mais son pouvoir, qui faisait aussi son prestige, s'est volatilisé. Son refus à l'admettre est une tentative désespérée pour dissimuler sa condition. Le rôle historique de la philosophie semble achevé. Continuer à faire aujourd'hui de la philosophie comme si rien n'avait changé, ce n'est plus qu'une imposture. Une discipline qui est incapable de se renouveler et qui ne se perpétue qu'en glorifiant son passé et ses pères fondateurs est une discipline vouée à disparaître tôt ou tard, et plus tôt que tard !

Pourquoi les philosophes, si férus de théorie, si prompts par leur pensée et si avides d'esprit critique, ne s'interrogent-ils pas sur leur rôle ? Comment la philosophie a-t-elle pu être réduite à ce lamentable verbiage, à ce gaspillage de salive qui l'a dépouillée de sa mission fondatrice ? 

La philosophie ne réside pas dans les barbarismes ou les langages abscons. Elle n'a pas à être hermétique, solipsiste ou psittaciste. La philosophie doit nous apprendre à vivre. Et à bien vivre. Elle doit viser l'édification et la construction de soi. Une fois que nous avons reconnu les égarements de la philosophie, pourquoi devrait-on respecter les erreurs qui lui sont congénitales ?

Il ne s'agit pas de renier ou de rejeter pêle-mêle toutes les philosophies, mais de se débarrasser au plus vite de toutes celles qui cèdent au platonisme, à l'idéalisme, à la métaphysique et aux délices de l'irrationalisme. Il y a tout un pan de la philosophie auquel on ne peut administrer aucun remède. La philosophie ne peut pas être remplacée par quelque chose, ou par plusieurs choses qui ressembleraient à la philosophie, mais par quelque chose ou par plusieurs choses qui prendront ou plutôt qui ont déjà pris et continueront de prendre d'autres formes, sous lesquelles il est impossible d'exiger a priori de reconnaître les caractéristiques de la forme ancienne. 

C'est pourquoi l'idée de remède est encore une idée académique, car elle implique la conservation, pour l'essentiel, de ce à quoi il s'agirait de remédier. Or, je ne tiens pas à remédier aux insuffisances de la philosophie de Hurssel ou de Heidegger. Je tiens au contraire à ce que ces philosophies disparaissent le plus vite possible ! En un mot, une critique constructive n'est pas une critique tempérée d'éloges. C'est une critique qui rend impossible pour tout esprit soucieux de connaissance le retour de certaines erreurs. Je ne vois pas pourquoi on devrait « proposer » quelque chose « à la place » de ces erreurs.

La réalité n'attend pas après la philosophie pour répondre aux questions devant lesquelles les hommes de tout temps sont sommés de répondre et de réagir. Si la philosophie cesse, on peut supposer que les femmes et les hommes d'aujourd'hui vont continuer à réfléchir, à doute et à s'interroger, comme ils l'ont toujours fait avec ou sans philosophie. 

Il ne s'agit donc pas de « sauver » la philosophie, ce qui supposerait que la philosophie puisse être « corrigée » ou « dépassée », mais peut-être de redonner la parole à d'autres philosophies, c'est-à-dire aux « parias » de la philosophie que la tradition (l'histoire de la philosophie) a niés en faisant le silence sur eux. Imaginons que les cinquante livres de Démocrite et les trois cents rouleaux d'Épicure aient été retrouvés ! Un effort véritable peut permettre de nous libérer de la tradition pour écrire aujourd'hui ces livres et ces rouleaux, à notre façon, bien sûr, qui est celle du 21e siècle ! 

Les Serviteurs de l'Idée, les Alchimistes du Verbe, les Structurologues et les Grammatologues, les Apôtres du Plis, de la Trace ou de la Différance, les Artisans du Je-ne-Sais-Quoi-et-du-Presque-Rien, ils sont en train d'organiser la faillite de la philosophie. 
Devant la troublante image de sa décrépitude, il serait temps que les Socrate fonctionnaires se réveillent …


.

Je n'ai pas tout lu, la moitié seulement, mais je plussoie.  

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Membre, 43ans Posté(e)
ashaku Membre 99 messages
Forumeur activiste‚ 43ans‚
Posté(e)

Est ce un essai ou un message ? Quel est le propos de fond en une phrase ?

Moi qui ne suis pas affilié aux clubs de philosophie, qui n'ai jamais ouvert un livre de philo pour apprendre comment voir le monde, je me fait un peu les mêmes réflexions (moins poussées te circonstanciées). Il suffit de fermer le livre et de lever les yeux pour regarder le monde et y réfléchir, c'est-à-dire faire de la philo. Contrairement à mémoriser le nom des morts, qui est de l'Histoire.

Les auteurs de ces livres sur lesquels jurent les gens avec qui j'ai parlé de philo, ils ne se sont pas contentés de lire, à un moment ils ont regardé et réfléchi par eux-même. Ensuite ils ont écrit pour transmettre, mais lesquels ont écrit "il faut fermer les livres et regarder le monde soi-même" ?

Bien peu j'en ai peur. Il en résulte ces débats où on triture la définition d'un mot au lieu de saisir ensemble le sens de la vie qu'on expérimente aujourd'hui.

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Membre, 49ans Posté(e)
Barbe Rousse Membre 165 messages
Forumeur survitaminé‚ 49ans‚
Posté(e)
Il y a 5 heures, ashaku a dit :

Ensuite ils ont écrit pour transmettre, mais lesquels ont écrit "il faut fermer les livres et regarder le monde soi-même" ?

Bien peu j'en ai peur. Il en résulte ces débats où on triture la définition d'un mot au lieu de saisir ensemble le sens de la vie qu'on expérimente aujourd'hui.

Bonjour.

De quelle manière faut-il regarder le monde?

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Membre, 43ans Posté(e)
ashaku Membre 99 messages
Forumeur activiste‚ 43ans‚
Posté(e)
il y a 19 minutes, Barbe Rousse a dit :

Bonjour.

De quelle manière faut-il regarder le monde?

Bonjour :)

Je suis tes interventions ici et là et je pense que tu devrais changer de pseudo pour "Socrate", tu appliques merveilleusement sa méthode.

Le vocabulaire que j'ai employé est simple : "regarder", "monde". Des mots courants qui peuvent en fait receler tellement de choses ! Même si les combiner ensemble permet de réduire les possibles, il existe surement autant de façon de regarder le monde qu'il y a de gens sur notre planète.

Mais je pense que toutes ces façons ont un point commun : une personne qui ouvre ses yeux pour recevoir de l'information du monde, et qui ouvre son esprit pour traiter cette information.

Ma remarque d'origine dit simplement de fermer les livres une fois qu'on en a tiré le B.A.BA qu'ils peuvent nous transmettre et de se tourner vers la réalité et son observation afin de raffiner le savoir basique transmissible par texte.

Mais ta question porte spécifiquement sur la manière de procéder. Que dire ? Je crois que je ne me suis pas posé la question moi-même (et du coup, merci de le faire) et que je me suis contenté du pilote automatique de ma tête. J'aime rester assis à regarder un arbre par exemple, la pensée vagabonde, on en tire parfois des petites perles de savoir, qu'on aurait pas acquises en ne faisant que des choses constructives ou utilitaristes.

Je crois que la méthode doit être personnelle. Mais plus encore que la volonté doit être personnelle. Pendant longtemps, j'ai accepté le savoir livresque et puis un jour, j'ai décidé de regarder les choses par moi-même pour décider de ce qu'elles sont. Je trouve que "le monde" ou l'univers ou la réalité est un objet fantastique qui change en fonction de celui qui le regarde. Je me suis disputé avec mon père un jour, un homme bon et rationnel dont j'espère avoir hérité le comportement, et je me suis demandé après coup comment il était possible que nous ayons de telles divergences idéologiques alors que nous avons la même culture, la même nourriture, le même vécu. J'ai réalisé que "le monde est simultanément beau et laid, l'intention au moment de regarder influe sur le résultat".

Regarder le monde, c'est une activité sérieuse. La principale activité du philosophe selon moi. Et au fur et à mesure que le savoir d'une personne grandit, son regard change. Et sous ce regard changé, le monde a changé.

Modifié par ashaku
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Membre, 49ans Posté(e)
Barbe Rousse Membre 165 messages
Forumeur survitaminé‚ 49ans‚
Posté(e)
il y a une heure, ashaku a dit :

Bonjour :)

Je suis tes interventions ici et là et je pense que tu devrais changer de pseudo pour "Socrate", tu appliques merveilleusement sa méthode.

 

C'est un beau compliment. Comme Socrate je ne sais rien et je cherche à apprendre.

Quand tu contemples un arbre, tu vois l'arbre en lui-même, une représentation ou bien l'idée de l'arbre? Quels éléments cognitifs entre en jeu?

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Membre, 58ans Posté(e)
lysiev Membre 9 577 messages
Maitre des forums‚ 58ans‚
Posté(e)

Je trouve que la philosophie fait dire tout et n'importe quoi :D

C'est celui ou celle qui va faire le texte le plus long ou quoi?:laugh:

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Membre, 43ans Posté(e)
ashaku Membre 99 messages
Forumeur activiste‚ 43ans‚
Posté(e)
Il y a 3 heures, Barbe Rousse a dit :

C'est un beau compliment. Comme Socrate je ne sais rien et je cherche à apprendre.

Quand tu contemples un arbre, tu vois l'arbre en lui-même, une représentation ou bien l'idée de l'arbre? Quels éléments cognitifs entre en jeu?

Nous utilisons chacun notre matière grise d'une façon parmi d'autres. Il n'y en a pas une meilleure mais une avec laquelle on a des affinités. Tu as essayé le test MBTI ? Il te donnerait des réponses.

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Membre, 49ans Posté(e)
Barbe Rousse Membre 165 messages
Forumeur survitaminé‚ 49ans‚
Posté(e)
Il y a 8 heures, ashaku a dit :

Nous utilisons chacun notre matière grise d'une façon parmi d'autres. Il n'y en a pas une meilleure mais une avec laquelle on a des affinités.

Tu veux qu'il y en a qui voient autre chose qu'un arbre?

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Membre, 43ans Posté(e)
ashaku Membre 99 messages
Forumeur activiste‚ 43ans‚
Posté(e)
Il y a 3 heures, Barbe Rousse a dit :

Tu veux qu'il y en a qui voient autre chose qu'un arbre?

Ce serait étrange, non ? Enfin je ne sais pas, il faudrait demander à plein de gens pour savoir.

Moi, je parle plutôt de pensée qui vagabonde. Certains regardent un arbre et voient des branches et des feuilles. D'autres pensent aux racines qui boivent de l'eau. D'autres se disent "ça ferait 2 stères et demi de bois de chauffage" quand d'autres encore se disent "c'est la maison d'un écureuil".

On peut analyser le schéma des branches et voir comment l'arbre cherche la lumière du soleil. On peut se demander pourquoi il ne s'est pas implanté 1 mètre plus à gauche et s'il y a une nappe phréatique ou du compost à cet endroit. On peut se demander quelle espèce d'oiseau niche ici et en quelle saison, ...

Observer un arbre, c'est tendre vers la méditation sans en faire officiellement. On est en général au calme, sans agenda, détendu et on autorise l'esprit à suivre un cours que l'on ne contrôle plus. C'est agréable je trouve, ça compense le productivisme caractéristique de l'occident.

J’espère que tu ne vas pas me demander si les ouvriers d'un chantier bruyant ont le droit de regarder les arbres ou si les branches de l'arbre ont toujours des feuilles ou si les écureuils ne peuvent pas s'abriter ailleurs que dans un arbre ... Tu pousses le Socratisme un peu loin parfois. Je vais me prémunir ici : OK je suis ignorant mais j'ai choisi de communiquer avec des gens même si je ne sais pas tout sur tout, c'est en communiquant qu'on apprend. N'hésites surtout pas à fournir des faits toi aussi, pour partager.

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Membre, 8ans Posté(e)
bouddean Membre 11 467 messages
Maitre des forums‚ 8ans‚
Posté(e)
Il y a 19 heures, ashaku a dit :

Le vocabulaire que j'ai employé est simple : "regarder", "monde". Des mots courants qui peuvent en fait receler tellement de choses ! Même si les combiner ensemble permet de réduire les possibles, il existe surement autant de façon de regarder le monde qu'il y a de gens sur notre planète.

Quand on me dis : " Les mots ont un sens ! " je me dis , faut voir 

 

Il y a 19 heures, Barbe Rousse a dit :

Bonjour.

De quelle manière faut-il regarder le monde?

Avec un microscope 

Il y a 16 heures, Barbe Rousse a dit :

:)

:rolle:

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Membre, 49ans Posté(e)
Barbe Rousse Membre 165 messages
Forumeur survitaminé‚ 49ans‚
Posté(e)
Il y a 2 heures, ashaku a dit :

 

Observer un arbre, c'est tendre vers la méditation sans en faire officiellement. On est en général au calme, sans agenda, détendu et on autorise l'esprit à suivre un cours que l'on ne contrôle plus. C'est agréable je trouve, ça compense le productivisme caractéristique de l'occident.

 

Quand on regarde plusieurs arbres, à chaque fois c'est un arbre. Comment ça se fait?

Modifié par Barbe Rousse
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Membre, 34ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 566 messages
Mentor‚ 34ans‚
Posté(e)
Le 19/03/2025 à 23:44, mary.shostakov a dit :

Devant la troublante image de sa décrépitude, il serait temps que les Socrate fonctionnaires se réveillent …

Bonjour,

Excellent texte. Qui semble traduire une connaissance intime, sinon une appartenance (passée peut-être ?) au corps des Socrate fonctionnaires.

Alors finalement ce que vous proposez fonctionne-t-il réellement ? Avez-vous opéré vous-même une conversion de grand Prêtre de la Parole à l'artisan, plus humble, du bien commun et est-ce suffisant ?

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Membre, 43ans Posté(e)
ashaku Membre 99 messages
Forumeur activiste‚ 43ans‚
Posté(e)
il y a 23 minutes, Barbe Rousse a dit :

Quand on regarde plusieurs arbres, à chaque fois c'est un arbre. Comment ça se fait?

La question est un peu crue, il faudrait développer l'angle sous lequel ce phénomène t’intéresse.

En l'état, j'ai envie de répondre que "arbre" est le nom qu'on a donné à certains végétaux. Donc, quand tu en croise un, de ton point de vue c'est un arbre, comme la dernière fois que tu en as vu un.

C'est parce que "arbre" est un mot vernaculaire, comme "animal". Un naturaliste saura qu'il a vu un frêne et que maintenant il voit un bouleau.

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Membre, 49ans Posté(e)
Barbe Rousse Membre 165 messages
Forumeur survitaminé‚ 49ans‚
Posté(e)
il y a 1 minute, ashaku a dit :

La question est un peu crue, il faudrait développer l'angle sous lequel ce phénomène t’intéresse.

En l'état, j'ai envie de répondre que "arbre" est le nom qu'on a donné à certains végétaux. Donc, quand tu en croise un, de ton point de vue c'est un arbre, comme la dernière fois que tu en as vu un.

C'est parce que "arbre" est un mot vernaculaire, comme "animal". Un naturaliste saura qu'il a vu un frêne et que maintenant il voit un bouleau.

On peut dire que c'est l'idée de l'arbre qu'on voit à chaque fois?

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Membre, 43ans Posté(e)
ashaku Membre 99 messages
Forumeur activiste‚ 43ans‚
Posté(e)
il y a 2 minutes, Barbe Rousse a dit :

On peut dire que c'est l'idée de l'arbre qu'on voit à chaque fois?

Non.

Bien que ce que nous comprenons, ce que nous manipulons soit l'idée de l'arbre, ce qui correspond au verbe "voir" n'est pas une idée mais un objet. "Voir", sans plus de définition et donc dans son sens commun, fait référence à un phénomène physique : la lumière émise par un objet frappe les yeux.

Il faut que tu exprimes des questions moins naïves si tu ne veux pas noyer ton interlocuteur dans un flot de considérations sur le langage (à moins que ce ne soit ton but ?) Le monologue n'étant pas une forme optimale de discussion, n'hésites pas à apporter ta pierre à l'édifice de la conversation.

Plus tu apportes de contenu, plus la conversation est enrichissante et plus la réponse sera adéquate à ton questionnement plutôt qu'une approximation qui ne fait avancer personne.

Par exemple : quel moment de ta vie personnelle t'a amené à penser que ce que tu vois, c'est une idée d'arbre ? Quel raisonnement as-tu suivi pour en arriver à cette conclusion ?

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