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Le don de la femme


Tamar Hanna

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Membre, 28ans Posté(e)
Zerethoustre Membre 330 messages
Forumeur balbutiant‚ 28ans‚
Posté(e)
il y a 34 minutes, Aruna a dit :

Comment le savoir puisqu'il est l'autre? Peut être qu'il peut arriver qu'il dicte la partition, mais ça ne signifie pas que je puisse savoir ce qu'il est ou qui il est.

Tout du haut de ma montagne je vois des choses, 

La rivière sinueuse, les arbres petits, et le souffle du vent j'entends, 

Le chant du loup, et le grondement lointain d'une cascade, 

Mais au creux de ma montagne l'on sait mieux que moi, 

La source de la rivière, le grondement de la terre, 

Les pas d'avant et ceux à venir... 

Parfois un lutin s'en vient de ces profondeurs, 

Et m'apporte l'eau de la nappe phréatique, 

Dans sa gourde. 

Ce qu'il voit n'est pas ce que je vois, 

Tout du haut de ma montagne je vois des choses que j'ignore. 

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Membre, 40ans Posté(e)
Tamar Hanna Membre 271 messages
Forumeur en herbe ‚ 40ans‚
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Il y a 7 heures, Aruna a dit :

Ce sont sans doute les mots de l'Autre.

Parlez-moi de cet Autre qui vous donne tant d'assurance pour ne point avoir de doute. Me peindrez-vous le son de cet Autre?

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Membre, 40ans Posté(e)
Tamar Hanna Membre 271 messages
Forumeur en herbe ‚ 40ans‚
Posté(e)
il y a une heure, Zerethoustre a dit :

Tout du haut de ma montagne je vois des choses, 

La rivière sinueuse, les arbres petits, et le souffle du vent j'entends, 

Le chant du loup, et le grondement lointain d'une cascade, 

Mais au creux de ma montagne l'on sait mieux que moi, 

La source de la rivière, le grondement de la terre, 

Les pas d'avant et ceux à venir... 

Parfois un lutin s'en vient de ces profondeurs, 

Et m'apporte l'eau de la nappe phréatique, 

Dans sa gourde. 

Ce qu'il voit n'est pas ce que je vois, 

Tout du haut de ma montagne je vois des choses que j'ignore. 

Descendez de votre montagne et coulez-vous dans la rivière. Laissez-vous aspirer par ces petits arbres qui sont des géants. Monter dans leurs rameaux souples et mettez-vous en alerte pour attraper le vent de passage. Le loup vous fera tourbillonner dans les remous de sa course, vous pourrez alors caresser tout le long de son flan, et vous sentirez les battements d'un cœur qui est l'écho de celui de la terre: la musique du monde.

Seul le creux de la montagne connaît le creux de la montagne. Seule l'eau se connais, seul le loup, le lutin. Vous seul connaîtrez vous seul.

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Membre, 52ans Posté(e)
Aruna Membre 527 messages
Forumeur balbutiant‚ 52ans‚
Posté(e)
Le 11/07/2020 à 22:26, Tamar Hanna a dit :

Parlez-moi de cet Autre qui vous donne tant d'assurance pour ne point avoir de doute. Me peindrez-vous le son de cet Autre?

Je ne parle pas en vertu d'une conviction mais en vertu d'une cohérence. Si ce n'est pas moi (ou toi ou lui) qui écrit, qui parle ou agit, c'est donc l'Autre.

Quant à le peindre... je ne vois de lui, dans le meilleur des cas, que les infimes traces d'un passage, un bruissement dans les feuilles, un parfum dans l'herbe mouillée, mais j'arrive invariablement trop en retard, il n'est déjà plus là. Je sens que quelque chose m'observe, tapi dans l'ombre.

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  • 4 semaines après...
Membre, 40ans Posté(e)
Tamar Hanna Membre 271 messages
Forumeur en herbe ‚ 40ans‚
Posté(e)

Je suis montée sur le haut de la montagne.

Ici les vents chuchotent. Ici les vent hurlent. Ici les vents chantent et pleurent.

J'ai mis ma plus belle tenue pour être présentable face à la compagne la plus fidèle.

Depuis hier, je jeûne. Mes lèvres se sont scellées pour que mes oreilles montent la garde. Les yeux que j'ai fermés ont montrés des signes à mon cœur.

Depuis hier, je sais que je vais mourir.

Je suis allée au centre de mon cercle, sur l'épaule du monde, face à lui, et j'ai écouté les vents.

Les vents me parlèrent ainsi:

- "Nous venons car tu nous as appelé."

Les signes ne m'avaient pas trompés. J'ai dansé chaque parcelle de mon corps. J'ai séduit chaque brin d'herbe, chacun des vents, chacun des corps célestes.

Mais toujours ma compagne se refusait.

Mes derniers gestes, mon ultime bataille.

Le dernier secret que je lui cachais.

Pourquoi?

Tous les "pourquoi?" de ma vie ont interrompus ma danse. Chacun d'eux revint à la charge, et je les abatis un à un. Et puis il en vint un qui naquis de mon cœur, tel un enfant souriant, avec les yeux encore brillants de larmes.

- "Pourquoi n'y a-t-il plus d'êtres humains? Tous ces hommes mourront s'ils n'y a plus d'être humain. Suis-je la dernière? Où sont tous ces enfants que j'ai éveillé?  Pas un qui ne soit à mes côtés pour vivre comme un être humain? Sans être humain, les hommes perdront le centre et retourneront brouillard parmi les vents."

Mes derniers gestes, mon ultime bataille.

J'ai écouté cet enfant babiller, pleurer, rire et me tendre les bras. Mais je l'ai déposé dans les bras de ma compagne, car ce n'était pas moi qu'elle venait chercher, mais cet enfant dont je n'étais pas la mère et qui ne m'appartenait pas.

Mes derniers gestes, mon ultime bataille, un pas de plus à ma danse.

Je suis redescendue de ma montagne. J'ai caressé chaque vent pour en sentir le parfum. J'ai frôlé chaque brin d'herbe pour les rendre à leur paix. J'ai emporté dans mon sillage tous les corps célestes. J'ai rassemblé chaque pas de danse pour que mon corps me porte de nouveau. J'ai veillé à ce que ma compagne me suive car mon dernier geste scellera l'offrande.

Je suis un être humain. Je suis la dernière, et chacun de mes gestes sont précieux pour rien, ni personne. Je suis la dernière et chacun de mes gestes change le monde.

Les signes ne m'avaient pas trompés, je suis morte car mes gestes ne servent plus aucune de mes causes. Ma vie ne pèse plus contre la mort, la mort contre moi.

Je suis le lien qui unit.

Je suis le monde.

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  • 3 mois après...
Membre, 40ans Posté(e)
Tamar Hanna Membre 271 messages
Forumeur en herbe ‚ 40ans‚
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Je suis partie si loin que je n'en reviendrai jamais totalement.

J'ai brisé le temps et ses éclats m'ont portés dans le passé.

J'ai marché sur des nuages, j'ai foulé un champ de bataille.

Mes pas foulaient une terre rougie par le sang coulé, mes narines sentaient mille parfums de sueur, d'haleine, d'herbe écrasé, de fleurs de cerisier et de sang. L'air que j’inspirai avait un goût de fer, d'acier et de plomb. Le bruit était sourd et lointain, certains mouvements lents et emprunts d'une grande majesté. Les couleurs étaient pâles, comme usées par des éclats de temps, floutées par un rideau de brume légère et virevoltante, se déchirant parfois pour graver plus profondément son impression sur le monde.

Je ne ressentais rien, je voulais comprendre et prendre parti, mais cela m'était impossible.

Qui sont les ennemis, quels sont les justes?

Où est écrit le sens?

Le sens se perd.

Les liens se délient.

Marcher et retrouver le sens, recréer des liens si violemment détruits, recueillir ces pétales que le vent porte sur ses ailes.

Une fois la surprise passée, j'ai marché comme dans un rêve trop vrai pour en être un, mais trop faux pour en être un, un rêve dont on ne s'échappe pas.

Je distinguais des êtres sombres et traversés de rayons fulgurant d'une blancheur aveuglante, d'une lourdeur telle qu'ils laissaient un sillon béant derrière leur passage. Et tellement de fantômes hurlants et grimaçants, des fantômes que je frôlais et qui s'évaporaient à mon contact. Je voyais des épées fendre l'air, des flèches traînant dans leur sillage un vortex de brume. L'une d'elle me frappa à l'épaule droite, me traversa et atteignit un fantôme qui s'écroula. Une ombre bienveillante s'approcha d'elle, lui murmura un son d'une telle douceur que le fantôme s'épaissit et prit l'aspect d'un humain comme je n'en avais encore jamais vu. Il me regarda, et son regard était d'une telle beauté que je reçu un choc qui dessina des cercles dans mon lac au fond de moi. Il enlaça l'ombre dans une étreinte libératrice et s'évapora dans la brume.

Ainsi je voyais des fantômes devenir des humains au contact de cette ombre douce et accueillante, bienveillante et libératrice.

Il y avait, au-dessus de certains fantômes une lumière vacillante, brillante ou brûlante. Elle diminuait si l'un d'eux s'embrumait, et disparaissait dans la terre quand le dernier étreignait l'ombre.

Il y avait aussi des animaux majestueux et beaux. J'ai vu des tigres, des singes, des lapins, des éléphants, des panthères blanches, des hyènes, des ours, et tellement d'autres. Un halo lumineux les enveloppait. Touchés mortellement, il léchaient leurs blessures protégés par l'ombre bienveillante, se couchaient et courbaient la tête jusqu'au sol. L'ombre leur posait un manteau d'herbe et ils disparaissaient dans la terre.

La tristesse m'envahissait. Je la laissait venir, je lui ouvrais en grand mon âme, je me vidais de tout pour l'accueillir pleinement. Elle s'incrusta tel un vent inquisiteur, ne laissant aucune parcelle de mon être au repos.

Et ma vision changea.

Je vis un tissage serré maintenir chaque ombre, chaque fantôme, chaque animal à la place où ils se trouvaient. Un tissage lumineux fait de son et de bulles d'éther doré, comme autant de vibrations lâchées d'une corde de violon. Un grand nombre d'entre elles se dirigeaient vers moi et firent tressaillir la tristesse que je portais. Alors je leur ai rendu cette peine qui ne m'appartenait pas. Je leur ai rendu cette tristesse qui distribuera les larmes aux mères et aux femmes, aux enfant et aux vieillards.

Seule et vide, je m'emplissais de haine, de haine pour tout ce gâchis, de haine pour cette force incontrôlable qui les poussait les uns contre les autres. Aveuglée par tant de douleur, je m'élançais pour protéger ce lion de la griffure et des grimaces de ce fantôme, et je m'interposais face à ce fantôme pour qu'il ne frappe pas son reflet. Je ne voulais plus voir ces regards disparaître dans la brume, je ne voulais plus aider cette ombre à couvrir d'un linceul vert ces beaux animaux rendus à la terre, je ne voulais plus entendre la peine de ces êtres arrachés et déchirés. Je criais pitié pour tous. Je voulais avoir dix milles vies pour prendre la place de chacun d'eux. De haine et de rage, d'impuissance et d'incompréhension.

Mais rien en dure pour celui qui sait mourir à chaque souffle, comme les pétales d'un cerisier en fleur que le vent disperse à son gré.

Et puis, je l'ai vu, elle. Pourquoi était-elle là, perdue au milieu d'un tel désordre, s'agenouillant auprès de chaque être qu'elle rencontrait? Pendant quelques instants, j'observais la précision de ses gestes, la clarté des notes qu'elle chantait et la beauté qu'elle incarnait.

Nos regards se croisèrent et je sus instantanément tout ce qu'elle pouvait être: l'entièreté de ce quelle était trouvait en moi sa parfaite résonance.

Elle ne dit qu'une chose: "Ainsi le monde avait besoin d'une autre magicienne!"

J'avais trouvé le sens, renoué le lien brisé.

Je suis partie si loin pour trouver sa racine.

Ce lien rêvé grandira et touchera le monde qui vient à ma rencontre.

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  • 2 semaines après...
Membre, 40ans Posté(e)
Tamar Hanna Membre 271 messages
Forumeur en herbe ‚ 40ans‚
Posté(e)

De l’un à l’autre, je regardais ces visages cueillir leur dernier trait de lumière, apaiser tous les remous qui les torturaient, et lâcher l’emprise si crispée de leurs poings sur un monde doré et imaginaire. Je recueillais chaque bulle qui emportait la somme de leur énergie, et l’offrais aux quatre vents.

Je n’éprouvais rien. J’étais comme suspendue, stoppée, et spectatrice de mes gestes. Je me voyais m’agenouiller auprès de chaque fantôme, être témoin de leur transformation en recevant chacun de leur regard pur, et en assistant à leur dernière étreinte. Je pouvais voir ces énormes bêtes majestueuses se battre avec tant de vigueur et de cruauté, impitoyablement ; cet aigle criant, arrachant les yeux creux des fantômes, perçant le cuir de ces outres pleines que sont leur ventre, ployant et succombant sous l’assaut des flèches enflammées ; ces flammes dansant au-dessus de ces êtres francs et denses, forces de la nature, disparaissant au contact de cette traînée grise qui se répandait petit à petit sur toute la surface du champ de bataille. Un brouillard de haine et de souffrances inutiles, d’incompréhension et de désolation.

Je cherchais les responsables, je cherchais les coupables, je cherchais à rétablir l’équilibre.

Mon cœur ne pouvait supporter tant de déséquilibres et tout me poussait à prendre part aux côtés de l’un ou de l’autre. Défendre celui qui allait succomber, puis protéger son meurtrier contre un autre. Avec toute la rage que je sais pouvoir loger dans mes gestes, ne pourrai-je donc pas faire cesser toutes ces barbaries ? Avec tout le pouvoir qui naît de mes entrailles, ne pourrai-je donc pas briser les sortilèges qui agissent sur eux tous ? Serai-je l’immense déesse qui frappera le sol avec la force de l’éclair et le bruit assourdissant du tonnerre pour que cesse aussitôt tout envie de velléité au fond de ces cœurs ignorants ? Ou serai-je l’implacable exécutrice de la révolte engendrée ?

Mon cœur est trop assoiffé de pouvoir : pouvoir miroitant de la paix par la peur, pouvoir grisant de la force de volonté, pouvoir de faire plier le monde, pouvoir aveuglant de ne plus avoir aucun doute. Une telle soif, un tel feu dévorant s’apaise avec le chant clair et sans peur du veilleur. Fermer les yeux pour qu’ils ne lancent plus aucun éclair de volonté propre ; absorber et rediriger l’énergie du feu brûlant, pour qu’il ne brûle pas mes ailes déployées lentement et sans peur au-dessus du chaos apparent.

Levant la tête, je vis mon double sourire :

« Peux-tu tout oublier et continuer sans peur, sans l’ombre d’un doute, sans utiliser ton pouvoir, et vieillir sans te ménager ? »

« Pour cela, je partirai de part le monde, et partout je poserai un regard sans haine. Sans peur, j’affronterai de mon regard la violence. Avec patience, je l’absorberai pour lui rendre un équilibre brillant et la rendrai au monde tel un enfant sauvage. Je perdrai mes forces pour polir chaque élément brut, j’userai mes mains en caresses pour que les éclats perçants et coupants deviennent des galets lisses. J’userai ma patience pour qu’elle n’ai plus aucune limite. J’userai ma langue et ma voix à force de répondre en question aux uns et aux autres. J’oublierai tout, même le silence et le repos, pour ne plus pouvoir poser qu’un seul regard sans haine sur chaque parcelle de ce monde. »

J’ai 10 000 ans, et je porte tant de vie que parfois le poids me fait courber la tête pour chercher un rocher où la poser. Mais, jamais un tel rocher ne se présentera car je les ai tous balayé dans mes rêves.

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  • 8 mois après...
Membre, 40ans Posté(e)
Tamar Hanna Membre 271 messages
Forumeur en herbe ‚ 40ans‚
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Lettre à celui qui j’ai rencontré dans l’un de mes rêves.

 

Je ne sais plus si c’était une réalité, une illusion ou juste un scénario que mon esprit dérangé produit pour ma plus grande édification. Je ne cherche plus d’explication et je tente de me tenir en équilibre à chaque nouveau pas et m’émerveille.

Chaque nouvelle rencontre n’est qu’une illusion, car je ne fais que me rencontrer à l’infini et je découvre tout les aspects que je ne connaissais pas. Ainsi tu m’as fait découvrir une parcelle de vie qui s’est éveillée en moi et que je tente de faire la vivre, car nous avons maintenant un monde commun.

Mais l’illusion n’est-elle pas un rêve que nous partageons ? L’illusion n’est-elle pas aussi réelle que la réalité ? Qui pourra quantifier et qualifier l’éveil qui nous permet de définir la réalité et l’illusion ? La vie n’est qu’un immense éveil et jamais nous n’arrivons au bout car nous ne pouvons concevoir réellement la mort.

J’ai bu un nectar des dieux quand je t’ai rencontré, mais je n’étais pas encore un dieu, et depuis je bois la rosée pour tenter de digérer et comprendre. Le prix à payer est parfois très lourd, mais tout vaut la peine d’être vécu et le regret ne fait définitivement pas parti de mon monde. Je prends tout et désire tout. Je ne suis encore qu’un enfant et je voudrai rencontrer un adulte qui me montrera la beauté de grandir, mais des fantômes arpentent la réalité et les rêves, des fantômes d’enfants abandonnés à leur sort faute de pouvoir devenir des adultes, faute d’avoir pu rencontrer des adultes pour les initier.

L’énergie me fascine ; la fascination, tel est le lot de l’enfant. Parfois il y reste hypnotisé et rejoue en boucle ce qui l’a émerveillé et se laisse distraire par le reflet de sa propre image floue et incomplète. Il se prend à aimer ce compagnon lumineux et lui voue toute confiance, l’emporte au fond de la prunelle de ses yeux et ne voit plus qu’à travers ce filtre. Mais l’image est bloquée et ne grandit plus, et l’enfant reste un enfant qui attend une rencontre pour grandir. Il est curieux de tout et s’émerveille d’une bulle enfermant un arc-en-ciel, d’une musique de pluie battant la surface de la flaque et de la feuille d’arbre, d’une bouche qui embrasse ses larmes, d’un sourire de fleur sous la caresse du soleil, d’un saut de chevreuil qui lui a fait croire à l’incroyable, d’une myriade de papillons sur un buddleia couleur lilas… Tel est l’ouverture qui permet la rencontre, tel est l’enfant qui, petit à petit, émousse sa curiosité et perd la capacité à s’émerveiller, pour devenir aussi flou que sa propre image et déambuler avec ses semblables tels des fantômes silencieux et gris.

On ne rencontre pas des fantômes, ils nous traversent pour tenter de nous entraîner dans leur bal inexorable. J’ai vu des larmes couler sur leurs joues creuses, j’ai tenté d’essuyer ces larmes qui sont faites de douleurs et de désespoir, mais on n’efface pas la misère avec un mouchoir. J’ai pleuré avec eux et je me suis déguisée et marché comme eux. Mais ils ne voulaient pas de moi, et je n’arrivais pas à éteindre la lumière qui brille dans mon ventre. Parfois le vent souffle trop fort et je suis folle, c’est le seul pont qui me permet d’aller d’une rive à l’autre. Je me perds dans un monde vociférant et aussi fou que moi, parfois on me fait des piqûres et les fantômes prennent de la texture et de la couleurs, ils sont gentils avec moi comme des mères poules, je suis bercée dans un doux cocon et je me sens comme un enfant qu’on tente de distraire ou d’endormir. J’adore ces moments tant qu’ils durent, pour les détester d’autant plus quand je repars en voyage. Je n’arrive pas à atteindre ces yeux mouillés, à sécher ces torrents salés, à fixer ces flammes qui, parfois, dansent sous leurs paupières et s’éteignent faute de quelqu’un pour les cueillir et souffler dessus. Je suis impuissante et mon impuissance me désespère.

Je croyais ne plus pouvoir voir autre chose que ma propre misère quand j’ai vu un autre enfant traverser le pont. Je n’étais plus seule. Je ne pouvais que l’observer, peut-être en a-t-il fait autant. Il cherchait quelque chose, peut-être en ai-je fait autant. Que cherchons-nous ?

J’ai cru en un rôle, j’ai cru en mon rôle, j’ai cru jouer mon rôle, ce n’était que chimère, uniquement costume chatoyant.

Je me suis enflammée, j’ai chanté des merveilles au nom de cette chimère, j’ai accompli des gestes inédits, j’ai frappé sur des tambours de peau, j’ai donné des coups de pied dans tout les obstacles que mes pas rencontraient, j’ai créé des animaux fabuleux et établi un monde merveilleux qui ne se nourrissait uniquement que de mon costume de lumière. Un feu de paille, j’ai brillé le temps d’un éclair, mais l’échafaudage s’est évanoui quand je me suis éveillée : je dormais ; je m’éveille, et je m’éveille continuellement, des mondes se créent et s’évanouissent à chacun de mes rêves.

Il serait temps que j’apprenne à vivre dans mes rêves, que j’apprenne à diriger mes pas et visiter les lieux qui me sont interdits. Personne pour garder les portes, personne d’autre que moi pour m’interdire de franchir ces limites, personne pour m’apprendre à voler, personne pour pousser plus loin le noir qui entoure mes décors, alors j’y vais, je me lance, je tombe, mon cœur hoquette et chavire, mais je finis par voler.

Le temps passe dites-vous ? Mais qui parle ? Le temps se perd et se gagne ? Quelle est cette blague : tout le monde n’est-il pas voyageur et passager du temps ? Quelles est donc cette nouvelle richesse qui se monnaie ?

Ho ! La flamme dans mes yeux ne chavire plus, une attention la fait vivre : quel est ce pouvoir ? D’où vient cette force que le vent ne peut faire dévier ? Pourquoi mes yeux ne perçoivent rien ? Je veux perdre ces yeux qui m’empêchent de voir sans filtre, je veux entendre les bruits du silence. Je sens déjà des forces qui me tiraillent, me poussent et me tirent, je sens des viscosités effrayantes et cauchemardesques, je touche des bulles que je libère, j’essuie des larmes que je ne parvenais pas à atteindre, je tiens des mains froides que je réchauffe, , je sens continuellement l’urgence qui m’étouffe.

Depuis, je m’égare et me retrouve, je vole et m’écrase, je titube et joue l’équilibriste sur des cordes lumineuses ou grinçantes, je jongle avec des contraires de plus en plus extrêmes, je respire de l’eau et de l’air, j’écris dans le vent des mots et des phrases, je confie des pensées aux dauphins nuageux et j’explore toujours plus loin, je croise des routes pour les relier et je me place aux carrefours pour inviter tout ceux qui pourront entendre cette urgence.

C’est là que je vous ai rencontré, c’est là que je t’ai rencontré. Nous n’avons ni l’un ni l’autre voulu par nous même, mais nous avons créé une volonté qui existe depuis des temps immémoriaux, nous sommes les appelés et les appelants, le passé et le futur en même temps que le présent car le temps est explosé et nous marchons sur un pont sans rive qu’est le navire que nous formons. Un seul navire, une seule direction.

Des regrets ? Je ne suis qu’apprenti et parfois je regrette les douces promenades d’une rive à l’autre, j’ai la nostalgie des piqûres et de la douce insouciance des rêves bleus que je faisais alors, je rêve de balancements doux et infantilisants, je pleure encore comme un enfant. Mais plus rien ne sera comme avant, et je ne peux qu’avancer, pour toi, pour vous, pour tous, pour moi. Ce qui semble être des contre-temps, des contrariétés n’est que le reflet de notre immaturité et non pas un échec ou une impossibilité. Le temps est explosé et nous devons gravir chaque marche pour prétendre avancer quelque part. La lenteur me qualifie, et bien que je l’ai maudite bien trop souvent, elle est aujourd’hui mon meilleur atout et sera un gage de force. Nous ne créons pas pour nous, mais nous sommes engagés pour les générations passés et futures, engagés par le dieu qui sommeil en nous.

Ce monde est horrible et cruel, mais nous voulons relever le défi de ne pas prendre part à l’horreur et toujours répondre par ce qu’il y a de meilleur en nous. Plus ce monde sera cruel plus il nous permettra de réveiller le meilleur en nous.

Je ne cherche pas le meilleur à l’extérieur de moi, seuls mes yeux appelleront ce que je pourrai créer d’harmonieux, seuls mes oreilles pourront se caler sur des ondes nouvelles qui prendront naissance dans ma matrice.

Nous avons été marqués. Comme tu le disais : nous sommes des chercheurs, et même si nos yeux ne se voient plus, nous avons toujours la même direction et cherchons les mêmes choses.

J’ai ta flamme et celles des autres dans mon attention, prenez la mienne si vous le devez, je sais qu’elle est au meilleur endroit dans votre attention.

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Membre, Posté(e)
versys Membre 18 349 messages
Maitre des forums‚
Posté(e)
Le 24/02/2020 à 01:17, Tamar Hanna a dit :

Dès que j'apparue ainsi, éblouissante de joie, de lumière, de puissance et de certitude, des millions d'hommes m'attaquèrent, me lapidèrent, me déchirèrent, me saccagèrent, m'enfermèrent et me mirent en pièce. 

De tous temps, et surtout aujourd'hui, exprimer ses certitudes expose aux pires tourments et controverses.

Ne vaut il pas mieux les garder précieusement pour soi, les cultiver pour en tirer le meilleur et en extraire un terreau fertile de sérénité ??

Ceci dit sans aucune certitude, bien sûr......... :)

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  • 2 semaines après...
Membre, 40ans Posté(e)
Tamar Hanna Membre 271 messages
Forumeur en herbe ‚ 40ans‚
Posté(e)
Le 07/08/2021 à 06:34, versys a dit :

De tous temps, et surtout aujourd'hui, exprimer ses certitudes expose aux pires tourments et controverses.

Ne vaut il pas mieux les garder précieusement pour soi, les cultiver pour en tirer le meilleur et en extraire un terreau fertile de sérénité ??

Ceci dit sans aucune certitude, bien sûr......... :)

Bonjour

Ce n'est pas tellement exprimer des certitudes qui expose, mais y rester accrocher sans souplesse, autrement dit y croire et se l'approprier sans remise en perspective, vouloir les faire reconnaître, voire les faire adopter, par les autres qui attire et atise les pires tourments. Croire que les certitudes rajoutent ou enlèvent de la valeur à l'humain, c'est ça qui expose, car celui qui énonce s'expose lui-même au  lieu d'exposer uniquement un mot, une vérité, un fait, une observation, une idée, une découverte...

La vérité est histoire de croyance, ainsi croire cultiver ses certitudes pour en retirer le meilleur pour croître avec sérénité prendra un air de vérité pour celui qui est prêt à servir cette vérité: la vérité se fera chair et sang. Si tel est votre cas, alors votre vérité est belle car elle porte en elle votre propre sacrifice; si vous trichez, elle biaisera le monde et ajoutera à la confusion.

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Membre, Posté(e)
versys Membre 18 349 messages
Maitre des forums‚
Posté(e)
Il y a 2 heures, Tamar Hanna a dit :

Bonjour

Ce n'est pas tellement exprimer des certitudes qui expose, mais y rester accrocher sans souplesse, autrement dit y croire et se l'approprier sans remise en perspective, vouloir les faire reconnaître, voire les faire adopter, par les autres qui attire et atise les pires tourments. Croire que les certitudes rajoutent ou enlèvent de la valeur à l'humain, c'est ça qui expose, car celui qui énonce s'expose lui-même au  lieu d'exposer uniquement un mot, une vérité, un fait, une observation, une idée, une découverte...

La vérité est histoire de croyance, ainsi croire cultiver ses certitudes pour en retirer le meilleur pour croître avec sérénité prendra un air de vérité pour celui qui est prêt à servir cette vérité: la vérité se fera chair et sang. Si tel est votre cas, alors votre vérité est belle car elle porte en elle votre propre sacrifice; si vous trichez, elle biaisera le monde et ajoutera à la confusion.

Peut on se mentir à soi même ?? Je ne le pense pas.

Par contre, remettre ses certitudes en question, les revisiter en fonction d'évolutions et développements divers est souvent nécessaire et participe à l'entretien du cadre de sérénité personnelle auquel on aspire.

Je vous rejoins donc dans le concept de "remise en perspective" occasionnel  de nos certitudes que vous évoquez en début de propos.

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  • 1 mois après...
Membre, 40ans Posté(e)
Tamar Hanna Membre 271 messages
Forumeur en herbe ‚ 40ans‚
Posté(e)

Je nous déteste tous

Je les déteste tous.

Ce n'est pas elle, ni lui, ni elle encore, mais bien tous ensemble que je les hais.

Ce ne sont pas tant eux que je déteste, mais plutôt ce qu'il ne sont pas, parce qu'aucune nécessité ne les a choisi.

Nous croyons former des choix, mais ne serait-ce pas plutôt les choix qui nous forment? Tel choix doit être fait? Alors suscitons, incarnons ceux qui auront la gravité, le poids, la noblesse nécessaire pour porter ce choix.

C'est bien par ce que je l'aime elle, que je l'aime lui, ou elle encore, que je les déteste tous. C'est justement parce que je les aime que je veux créer la nécessité qui les unira et les ennoblira dans un tel choix. N'y a-t-il aucun choix qui puisse les élire et les former, tel l'architecte ou l'artiste faisant d'un tas de pierre un dôme majestueux? Je ne veux pas les aimer ignorants, ignorants du choix qui les attend, ignorants de leur propre pouvoir. Alors je choisi de les détester. Je veux faire naître ce choix: aimer celle qui les déteste, alors je me sacrifierai pour que naisse un choix qui les ennoblisse. Je veux les sauver pour qu'à mon tour ils me sauvent. Je veux donner vie et flamme à chacune de leur pierre pour qu'ils ne soient plus de la boue informe, mais qu'ils fondent ensemble un dôme majestueux où ce n'est plus elle ou lui ou elle encore, mais eux, eux ensemble que j'aimerai. Parce que nous seront beaux là où chacun séparé n'était que boue puante et informe.

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  • 2 mois après...
Membre, 40ans Posté(e)
Tamar Hanna Membre 271 messages
Forumeur en herbe ‚ 40ans‚
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Ca y est je suis sur une limite.

Je vais quitter quelque chose, je vais en embrasser une autre.

Je voulais retrouver le tronc d'arbre où je m'entraîne, avec sur le dos mon matériel et mon tambour

Je sortis de chez moi et le premier pas que je fis sur la terre ferme eut un impact différent. L'air que je respirais n'avait pas le même goût, l'écho que mes oreilles captaient n'avait pas le même son, je reçus sur les épaule un fardeau plus léger que l'air et pourtant je ployai l'instant d'un cillement d'yeux. Je crus entendre la neige arriver, mais ce n'était pas ça et j'eus la certitude que la neige tombait depuis des années, une neige de cendre, une neige glaciale et mortelle, une neige dont le pouvoir bloquant et uniformisant étendait son ombre sournoise et invisible.

Il y a eu des signes, je les accumule sans plus les compter. Une accélération se fit sentir peut-être, ou un espace dans le temps se développa et me montra une différence de rythme.

Je franchis le pont et je vis mon compagnon sur le pas de son abris, humant et interrogeant les alentours. J'assistais à son premier pas dehors, hésitant comme s'il apprenait à marcher. Il a l'air surpris ou interrogateur, je ne l'ai uniquement connu qu'avec cet air. Il arriva il y a cinq jours. Il avait besoin d'un endroit pour dormir: il était sur la route de la Grèce pour aller étudier l'anthropologie. Depuis, sans savoir pourquoi, il n'arrivait pas à quitter les lieux et poursuivre son chemin. Il passa son temps à interroger gens et bêtes, végétaux et minéraux. Il est une bibliothèque ambulante et semble tout savoir sur tout, et pourtant il interroge continuellement ce qui l'entoure et ce qu'il sait pour répertorier ou rectifier, simplifier ou développer, corriger ou enrichir. Il est gai et léger, charmant et précis. Il a cet air interrogateur sûrement parce qu'il ne peut expliquer pourquoi il est ancré ici, pourquoi il attend quelque chose de moi, pourquoi il a sentit qu'aujourd'hui était un jour différent.

Je cueillis son œil interrogateur. Sans parler, il comprit qu'il fallait partir et, prenant son sac, il m'accompagna.

Je sentais que je ne reviendrais plus jamais dans ce lieu, il fallait donc que je le quitte de façon définitive, sans rien laisser derrière moi. Avec mon compagnon, nous montâmes sur le rocher qui se dresse en haut du champ surplombant le cercle de terre accueillant qui fut notre point de chute. Là, nous surplombions la totalité de cet endroit et la vue englobait habitations, champs et bêtes. Je sentis une chaleur intense dans mon ventre, une chaleur qui s'éveillait au fur et à mesure que tout le paysage se mettait à scintiller. Je ressentis un fourmillement dans les jambes et un léger pas de danse est né du tressaillement des pieds. Une courbure simple et sophistiquée me propulsa en l'air pour rebondir sur les mains, avant de me redresser tout en douceur et en défiant toutes les règles de la pesanteur et de l'élasticité de mon corps. Une capacité inconnue jusqu'alors me permit de sortir un son doux et puissant qui n'en finissait plus de se libérer de ma gorge. Et puis tout se calma, et je tournai le dos à ce spectacle avec, au fond des yeux, gravé, l'image de ce refuge.

J'allais chercher ce bûcheron natif du cru, une force de la nature, taciturne et laborieux. Il fut un temps où je le croyais amoureux de moi, un temps où l'effervescence de la vie me faisait papillonner comme une mouche sans tête. Il passerait facilement pour un muet, un simple d'esprit, mais il est d'une implacable rationalité, il a le verbe incisif et rare. Il est tout le temps en train de faire quelque chose et rien ne semble pouvoir l'arrêter, l'user ou le diminuer. Pourtant il ne recherche pas la compagnie et parfois il s'arrête et se contente de passer du temps à me regarder m'entraîner, sans mot, sans bruit, il repart comme il est venu, sans mot, sans bruit. Parfois il vient avec son assiette et s'assied à côté de moi et il m'écoute, puis il me laisse et repart sans autre forme de procès. Il est d'une force incroyable tant physique que mentale, et quand il est là, je sens ma propre force décupler. Un jour je me suis ouverte à lui, je l'ai interrogé de façon directe, je lui ai proposé de vivre avec moi. Après un temps de silence, il m'a dit: "Pas comme ça. Je veux garder ta force, mais pas t'en priver. Sinon, je meurt. Je n'ai pas besoin de toi comme femme dans mon lit, j'ai besoin de toi comme composant du corps que nous formons ensemble."

Je le trouvai au bord du chemin, un sac sur le dos et une femme à ses côtés. J'eus sans doute l'air surprise car un léger sourire se dessina sur ses lèvres. Je compris qu'il venait de me faire une bonne blague, lui le taciturne, lui la force de la nature se trouvait à m'attendre avec une femme fine, souple et très bien habillée. J'eus même l'intuition que l'homme portait dans son sac des affaires à elle. Je n'eus pas besoin de l'interroger, car Luan, avec son air charmant et avenant, vint directement souhaiter la bienvenue à la jeune femme répondant au nom d'Adana.

Le bûcheron prit la décision de bouger et entraîna dans son sillage la troupe que nous formions. Luan parlait à Adana avec son habituelle verve. Elle restait discrète et semblait quelque peu inaccessible et pourtant d'une présence pleine et solide. Elle était attirante, magnétique et intimidante. Quelque chose en elle m'obligeait à rester sur mes gardes. Non pas que je me méfiais d'elle, mais elle semblait être en alerte et j'avais l'impression qu'elle pouvait percevoir des choses qui m'échappaient. Je rejoignis Azim à l'avant:

- Où alliez-vous?

- Je ne sais pas. Il fallait partir. Tu le sais, toi aussi, n'est-ce pas?

On arrivait en vue de sa maison, et pour toute réponse, il me montra, posées sur une table, ses cordes et la flûte qu'il avait taillée et sculptée lui-même. Je l'avais déjà entendu souffler dedans, il en tirait parfois quelques notes timides et fluettes. Visiblement il n'emporterait que ça, et la hache qu'il portait toujours accrochée à sa ceinture.

Adana récupéra une peau de cerf  blanc qu'elle avait savamment trouée et lacée de sorte que les pattes arrière servent de ceinture, un laçage de cuir enserrait son buste et les pattes avant, repliées sur elles-même, formaient une encolure souple. Sur le côté pendait un fourionreau de couteau. Se plaçant à côté d'Azim, je compris qu'elle nous accompagnerait donc; j'en fus ravie et reconnaissante. Luan avait perdu son air interrogateur et semblait songeur. Je sentais qu'il menait une bataille intérieure. Azim hésita puis rentra à l'intérieur de la maison. Il en ressortit avec un couteau ancien très ouvragé et une loupe faisant paire avec le couteau. Il tendit le tout à Luan qui, après un moment de surprise éberluée, rit de bon cœur et prit le présent qu'il fourra aussitôt dans son sac. Le nœud était dénoué et je pense qu'il décida de rester encore quelques temps avec nous.

Alors, tous se tournèrent vers moi comme s'ils attendaient quelque chose. Après les avoir examinés l'un après l'autre, je m'éloignai de quelques pas, m'assis sur le sol au pied du grand tilleul. Je voulais ressentir, je voulais frapper à la porte de l'infini, je voulais sonder le monde, je voulais trouver le chemin. Les yeux fermés, le buste légèrement penché, je sentis un tressaillement grandissant que je n'arrivais pas à maîtriser et qui m'emporta. Je perçus un mouvement de Luan qu'Azim maîtrisa immédiatement. J'étais seule à ce moment à pouvoir faire face à ce qui allait me rencontrer. A une vitesse terrifiante je vis arriver sur moi un long trait bleu nuit que je reçus en pleine poitrine. J'eus tout juste le temps de placer mes mains en bouclier et faire dévier quelque peu le coup sur le côté. Tout était noir mais pas sombre, comme si la lumière était noire et le ruban bleu accaparait l'ombre. Il fallait que je passe au travers, quelque chose m'attendait derrière son ombre. Mentalement je me déplaçais vers mon point de recentrement et je me sentis grandir démesurément. Mais tout s'éloigna et je retombai en sueur au pied du tilleul. Mes compagnons s'étaient rapprochés et l'inquiétude se lisait sur les visages. Azim alla me chercher de l'eau, Luan me donna un brin de menthe à mâchonner, Adana m'observait.

J'étais déboussolée. J'étais déjà allée à la porte de l'infini, et aujourd'hui elle s'était dérobée et quelque chose m'attaquait. Je ne savais pas où aller. Je ne savais comment répondre à cet appel que nous avions tous entendu et accepté.

-Azim, il ne faut pas rester ici, connais-tu un endroit en forêt qui pourrait nous convenir? dis-je en prenant le verre d'eau.

Il semblait indécis et hésitant, puis finit par me fixer:

-Tu peux bouger?

Je me levai pour acquiescer, et nous partîmes en direction des bois.

La marche me fit du bien et bientôt mon malaise se dissipait. Nous étions silencieux, marchant les uns derrière les autres. Je fermais la marche, Adana suivait Azim et Luan, me surveillant du coin de l'œil, me laissait un peu de distance. Une légère détresse restait au fond de moi et j'eus du mal à l'identifier. Quelque chose commençait à se déliter en moi et je pressentais que ça avait un lien avec Adana. Une fois identifié, je compris instantanément ce qui se passait. Adana doutait de moi, et remettait en question le lien qui pouvait éventuellement nous unir.

Je n'avais pas fait attention que tout ce qui se passait était d'une extrême fragilité. Je côtoie des limites et j'ai trouvé naturel d'accepter l'incompréhensible réalité de tout ce qui venait de se passer. Azim avait l'habitude de m'observer et de partager une partie de mon temps, mais il n'en était pas de même pour Luan et Adana. Ils attendaient visiblement quelque chose de moi, et il était important pour eux que je prouve qu'ils avaient raison de me suivre d'une façon aussi insensée en apparence. Il fallait que je donne un sens qui vaille le sacrifice de leur personne. Ils attendaient de moi que j'éclaire leur ciel sans doute extrêmement noir et bouché. Ils étaient sans doute prêts à me suivre n'importe où, pourvu que je leur redonne l'envie de vivre. Ils étaient sans doute suspendus et attentifs à mes signes. Comment leur faire comprendre ce qui se passait? Comment leur expliquer que nous étions tous en train de tester un lien qui ferait de nous une entité qui nous dépassait individuellement? Comment leur faire comprendre qu'eux seuls pouvait accepter ce lien et en éprouver la validité? Je ne peux rien pour eux, eux seuls sont apte à décider de ce qu'ils feront. Je ne suis pas une chef ou une meneuse, je ne suis qu'une servante de l'infini.

Je n'ai rien prouvé, je n'ai rien décidé pour eux, et pourtant ils sont là. Ils sont là, et sont attirés par moi autant que moi par eux. Nous sommes liés, car nous avons tous en nous le désir de cette quête de l'infini. Une quête que nous ne pourront faire qu'ensemble, uniquement si les liens sont solides, uniquement si nous parvenons à réaliser l'individualité de notre être et que nous la sacrifions pour disparaître au service de cette quête.

C'est pour cela que je ne peux plus parvenir seule à la porte de l'infini: il faudra que nous y allions tous ensemble, et alors seulement nous aurons peut-être accès à l'infini.

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
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Le 26/02/2020 à 09:13, Tamar Hanna a dit :

Ce qu'il y a d'inimaginable, c'est que ma volonté a créé un besoin d'écrire. Ma volonté a été de chercher des réponses à une question particulière, et je l'ai trouvée dans l'enseignement de la Torah. Mon imagination a créé une histoire pour rapprocher deux enseignements qui m'ont permi de trouver une réponse. Mais tout cela est totalement illusoire et magique. Le monde, à travers mes actes s'est manifesté. Il a agit sur moi avec une réponse, me forçant à chercher une question pour pouvoir comprendre cette réponse. Mais il a aussi agit sur tout ce qui se passait autour, dont vous qui voyez tout à fait autre chose que moi: d'abord le phœnix, puis ces "noyaux abstraits". Même si je ne comprends pas ce que vous voyez, je suis joyeuse d'avoir été utilisée pour et par le monde.

Dommage que la Thora existe déjà !

En te   lisant j'ai pensé : il y a là de quoi démarrer une nouvelle religion ! :wink:

Je reviens après qq minutes : Peut-être que toutes les religions sont équivalentes alors ? Comme une soif d'un ailleurs...

Je dis ça, je dis rien.

La soif de ce qui n'est pas... le rejet du réel... On t'accompagne !...

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Membre, 40ans Posté(e)
Tamar Hanna Membre 271 messages
Forumeur en herbe ‚ 40ans‚
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Le 03/12/2021 à 10:22, Blaquière a dit :

Dommage que la Thora existe déjà !

En te lisant j'ai pensé : il y a là de quoi démarrer une nouvelle religion ! :wink:

Je reviens après qq minutes : Peut-être que toutes les religions sont équivalentes alors ? Comme une soif d'un ailleurs...

Je dis ça, je dis rien.

La soif de ce qui n'est pas... le rejet du réel... On t'accompagne !...

Bonsoir Blaquière

Qu'aviez-vous en tête (même furtivement)? Quels sont, pour vous, les ingrédients de cette nouvelle religion dans ce que j'écris?

Parfois je pleure et crois que ce réel n'est que pour moi, et j'envoie des échos de hurlement aux quatre orients pour qu'un vent se lève et porte sur la lame de son dos ces êtres humains. Un vent s'est levé...

Une chimère plus brillante que les autres? Et voilà un troupeau qui la suit. Du vent. Du bruit. De la frénésie. Mais tout n'est-il pas que vent, bruit et frénésie? Pourquoi pas ce vent s'il grandit l'humain dans mon cœur?

Je bois des litres de désillusion et de désespoir, et pourtant j'ai toujours de la tendresse pour l'humain, pour l'homme qui me maltraita, pour la femme qui m'enchaîna, pour la douce idiote et folle que je suis, de la tendresse à cause de ce qu'ils permettent de pousser dans mon cœur. C'est au milieu des ronces que les arbres poussent dans le silence et l'ombre.

Même le plus noir nuage a toujours sa frange d'or.

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  • 3 semaines après...
Membre, 40ans Posté(e)
Tamar Hanna Membre 271 messages
Forumeur en herbe ‚ 40ans‚
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Un monde se meurt.

Il se meurt en silence et calmement. Il sait depuis longtemps qu'il se meurt, mais, comme un arbre, il tiendra jusqu'au bout, jusqu'au bout de sa mission. Il ne sait pas quelle est-elle mais il est droit dans sa dignité et sa grandeur, il remplit entièrement l'espace, il donne tout ce qui est lui, il sert tout ce qui est lui et ce qui le forme.

L'aigle, silencieux, ne vole plus. Il n'est plus qu'une statue érigée en haut d'un tronc mort, pétrifié dans son geste d'envol. Il regarde au-delà d'un horizon qui ne nous est pas accessible. L'artiste qui captura son envol sut lui rendre hommage dans l'extinction silencieuse dont il est la victime, le libérant de l'oubli éternel et l'emprisonnant dans une boucle de mélancolie.

La rivière ne coule plus son eau vive et cristalline, elle charrie la noirceur des larmes de ceux qui ont été muselés et oubliés. Elle a lavé tant de tourments, rendu purs tellement d'êtres malodorants et humbles, porté tellement de dépouilles ou de coques sécurisantes, nourri tellement de siècle de vie, caressé tellement de peaux rougie et brûlées par le soleil, tant de fois miroité au soleil et brillé doucement au clair de lune, elle a tellement fait qu'elle est un trait d'union qui se meurt à cause de l'oubli.

Le renard n'est plus que l'ombre de lui-même. Pour lui plus de chapardage dangereux auprès des huttes de peau, plus de courses après les rongeurs imprudents, plus de courses infatigables sous les rayons d'une lune rousse et pleine comme le ventre de la femelle qui lui donna le jour. Il n'y a plus que la poussière giclée par un vent meurtri, lui battant les flans creux. Plus rien pour semer le renouveau du renard. Pourtant il continue à chercher, il continue à se battre dans une bataille perdue d'avance, qu'il n'abandonnerait pour rien au monde. Tant qu'il est en vie, il continuera car il ne peut rien faire d'autre, n'a pas le choix d'abandonner et disparaîtra avec la dignité de ceux qui meurent en silence en ayant combattu jusqu'aux dernières limites contre l'oubli. Mais son monde disparaît en silence, il se meurt calmement comme il arpente les limites d'une réalité qui bascule.

Le vent s'est blotti contre la peau de l'éclaireur. Comme une douce caresse il joue avec le costume de ce guerrier. Seuls représentants désormais et seuls témoins de ce monde qui s'éclipse. Ils dansent ensemble au sommet de la colline et chantent leur amour pour celle qui les porta, qui porta les pas de tout ceux qui donnèrent vie et forme à ce guerrier. Il est le témoin et ne peut faillir, il devra survivre à cette lente agonie, il conservera le temps dans le creux de son oreille, il tiendra bon et gardera le souvenir de ce monde qui s'éteint. Le vent est son compagnon dans les temps.

C'est ainsi que j'ai reçu ce témoignage.

Il me tourne le dos et danse avec son tambour, mais aucun bruit ne m'arrive. Son tambour rythme et accompagne les pas silencieux de ce danseur du souvenir. Il est un chamane des anciens temps, il est le sorcier que l'ancien monde a engendré. Il est l'âme et le témoin de ce monde qui s'est éteint. Je perçois l'ondulation du vent qui le soutient dans son hommage. Il tourne la tête et je vois son image se flouter, perçois la lumière dans ses yeux. Ce sont eux, ces yeux, qui m'ont appelés, qui m'ont guidés dans mon voyage jusqu'à lui. Ce sont d'eux que je reçois la lumière baissante d'un jour chaud, long et riche de la tranquillité d'un monde qui s'achève.

Et tout s'anime. Je perçois le battement sourd de la peau de nos tambours qui sonnent ensemble. Le vent chuchote et flâne dans les plis des drapés de nos vêtements. Une odeur chaude et pleine d'essences de plantes et de roches me parvient au-delà des distances et des temps. Je me vois fouler un sable rouge foncé, et le moindre de mes pas soulève une gerbe de poussière dorée. Les rayons longs et couleur rouille du soleil couchant découpent la silhouette de l'aigle qui prend vie comme un esprit sur le sol, et, lentement, prend son envol au fur et à mesure que le soleil décline derrière l'horizon.

Il a stoppé sa danse, pose un genou à terre à côté de son bâton et, doucement, pose son tambour au sol, devant lui. Il se relève. Ses gestes sont emprunt d'une telle majesté et d'une telle magnificence que le moindre détail de chacun de ses gestes se grave dans ma mémoire, dans mes yeux, dans ma peau, dans mon être entier. Il ôte sa coiffe qu'il dépose au sol sur le tambour, sa cape de rubans et de plumes de corbeau accrochée à son bâton, enlève ses bottes de peau de bison. Torse nu, il salut le soleil en ouvrant grand les deux bras et s'offrant tout entier aux dernières lueurs. Basculant à quatre pattes, il se transforme soudain en un énorme loup noir qui se déplace souplement, et vient s'asseoir devant moi. Seuls ses yeux n'ont pas perdu l'éclat du guerrier-témoin.

J'ai compris. Un monde s'est effacé. Ce monde ne doit plus revenir, seul le témoignage survivra. Ce monde en lien étroit et intime avec la terre et ses enfants, ses symboles, ses esprits et ses guerriers du silence. Ce monde s'éteint car un autre paraît. La mort et la vie ne sont plus ici, le témoignage garde de l'oubli et du changement. Là, il n'y a plus de mort qui engendre la vie, plus de vie qui engendre la mort, la mort et la vie ne sont plus les faces cachées l'une de l'autre. Là, il n'y a plus de mort pour que la vie continue. Ce monde s'efface car il est le représentant de cette dualité inacceptable pour celui qui est un. Seul le souvenir est conservé, car la mort et la vie ne sont plus.

Je continue doucement à marcher vers le son de mon tambour en emportant le témoignage sorti de l'oubli, et le loup noir à mes côtés. Mes yeux voient à travers les siens et je sais qu'il sautera avec moi pour retourner au pied du grand tilleul.

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
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Le 24/12/2021 à 19:33, Tamar Hanna a dit :

 (...) Seul le souvenir est conservé (...)

 

Si c'était vrai quel soulagement...

Tous ces instants de vie, ces souffrances, ces bonheurs, ces courages, ces dignités, où restent-ils inscrits ?

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Membre, 40ans Posté(e)
Tamar Hanna Membre 271 messages
Forumeur en herbe ‚ 40ans‚
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Le 25/12/2021 à 09:30, Blaquière a dit :

Si c'était vrai quel soulagement...

Tous ces instants de vie, ces souffrances, ces bonheurs, ces courages, ces dignités, où restent-ils inscrits ?

L'endroit où ils sont inscrits et la manière dont ils sont conservés n'est pas vraiment un problème. Ce sont les chemins pour y accéder qui sont méconnus et qu'il faut défricher et entretenir.

Rien n'est jamais vraiment mort ou perdu, tout est autour de nous, il suffit de savoir voir. Même si en apparence des choses se perdent, en réalité rien n'est perdu et le souvenir refera surface quand ce sera nécessaire, ou un explorateur aura la capacité de retrouver le chemin en friche.

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  • 2 mois après...
Membre, 40ans Posté(e)
Tamar Hanna Membre 271 messages
Forumeur en herbe ‚ 40ans‚
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Conversation

- Je ne veux pas que vous partiez. Que vais-je devenir sans vous? Comment ferais-je pour continuer alors que vous n'avez même pas fini de me former?

- Ce que tu veux et ce qui se passe sont une seule et même chose. Si tu penses qu'elles sont opposées ou différentes, c'est que tu les regardes avec t tête et que ton cœur n'y est pas.

- Mais je veux rester avec vous. J'ai quitté tellement de choses pour vous suivre, que me reste-t-il si vous n'êtes plus là pour moi?

- Parce que tu crois que je suis là pour toi? Tu crois être là pour moi? Quitter quelqu'un ou quelque chose pour s'accrocher à une autre n'est qu'un tour de passe-passe, un troc sans importance. Qui es-tu, est la seule question qui demande des réponses et qui ne doit jamais avec une seule réponse fixe et fixée. Crois-tu que tu es celui qui s'est accroché à moi, ou celui qui pleure mon départ? Pourquoi veux-tu devenir quelqu'un ou quelque chose? Sois ce que tu es. Ecris des lettres de lumière dans les temps et les nuages, puis souffle dessus pour qu’elles se dissipent et se perdent. Alors tu seras toi et moi, ainsi que le monde qui nous porte.

- Vos mots, votre sagesse, votre force vont me manquer.

- Tu croyais pouvoir posséder, alors la perte t'attriste. Avant même que nous nous rencontrions, notre séparation était écrite, mais, comme la mort, nous la repoussons pour ne jamais l'affronter. La mort et la séparation sont à explorer car il est bien souvent trop tard quand elle nous embarque, ignorants et inachevés, tristes et désemparés.

- J'aimerai tellement savoir si nous nous rencontrerons de nouveau. Je suis bien incapable d'un détachement tel que vous le décrivez. Que vais-je faire de ce que j'ai retenu de vos enseignements? Comment être sûr que je ne trahirai pas vos mots en parlant de vous à d'autres? Qui pourra comprendre si je ne sais pas tout, si vous n'avez pas fini de me former?

- Je ne t'ai jamais rien enseigné. Tu as vu ce que tu pouvais voir. Ce que tu crois avoir sont comme des pierres rapportées d'un monde que nous avons explorés ensemble. Elles ne m'appartiennent pas. Tant que tu les garderas, elles seront inertes, orphelines. Elles ne trouveront place et vie que dans un monde qui ne sera ni le tien, ni le mien, ni celui d'aucun humain ou animal. Le monde, qui fera d'elles des joyaux, sera celui que tu construiras avec d'autres dans un même élan de cœur. Un monde qui demandera tout de toi, de chacun de vous, et qui ne servira aucun de vous. Un monde où on ne peut que s'immoler.

- Mais comment trouverai-je ce monde ? Où le chercher ? Comment ferai-je si je ne trouve personne qui veuille construire ce monde ?

- Ce monde est en toi. Il est en chacun de nous, mais il doit être découvert. Ne t’inquiète pas outre mesure : tu trouveras toujours ce dont tu auras vraiment besoin.

- Je suis triste, et je ressens votre indifférence comme une blessure, je suis meurtri.

- Tu confonds indifférence et détachement. L’indifférence c’est ne rien ressentir, ne pas être engagé. Le détachement est une discipline. C’est vouloir tout ressentir sans frontière et pourtant ne jamais vouloir posséder ce qui nous traverse, que ce soit une émotion, un sentiment ou une rencontre. Ne pas se protéger, accepter tout ce qui vient à soi, et pourtant ne pas laisser d’emprise au regret.

- Alors vous êtes triste vous aussi ?

- Bien sûr ! La tristesse me traverse de part en part. Son ouragan ravage les plaines de mon cœur, lève des vagues au crêtes mousseuses sur le lac de mon esprit, et pourtant elle reste intègre, et moi aussi.

- Pourquoi alors devons-nous nous quitter ?

- Ce morceau de terre sous nos pieds ne veut plus de nous. Mon devoir m’appelle ailleurs, je dois aller à sa rencontre. N’as-tu pas ressenti un fourmillement dans le bas de ton ventre ainsi que dans tes jambes ? Je l’ai vu, et tu as su immédiatement qu’il te faudrait partir. Pourquoi retarder l’inévitable ? Va où ton chemin te mène, et ne t’épargne pas. Je ferai de même. Qu’on se revoit ou non n’est pas une décision qui nous appartient. Ouvre ton cœur au monde, il est celui que tu sers et celui qui te sert.

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