Aller au contenu

Quel est votre poème préféré ?


Guillaume_des_CS

Messages recommandés

Membre, Posté(e)
Guillaume_des_CS Membre 1 420 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

Partagez-le nous! Et dites-nous pourquoi vous l'aimez tant...

Et merci d'avance !

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Annonces
Maintenant
  • Réponses 82
  • Créé
  • Dernière réponse
Invité riad**
Invités, Posté(e)
Invité riad**
Invité riad** Invités 0 message
Posté(e)

Bonjour, ma cousine.
Bonjour, mon cousin germain.
On m’a dit que vous m’aimiez,
Est-ce bien la vérité ?
Je n’m’en soucie guère.

Je n’m’en soucie guère.
Passez par ici et moi par là,
Au revoir cousine, et puis voilà !

Je l'aime parce que contrairement à l'auteur, moi j'ai épousé ma cousine, et j'étais pas obligé d'écrire un poème là-dessus.
 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Invité
Invités, Posté(e)
Invité
Invité Invités 0 message
Posté(e)

Une charogne

Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d'été si doux :
Au détour d'un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,

Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d'exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu'ensemble elle avait joint ;

Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s'épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l'herbe
Vous crûtes vous évanouir.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D'où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.

Tout cela descendait, montait comme une vague,
Ou s'élançait en pétillant ;
On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,
Vivait en se multipliant.

Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l'eau courante et le vent,
Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.

Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,
Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève
Seulement par le souvenir.

Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d'un oeil fâché,
Epiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu'elle avait lâché.

- Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,
Etoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion !

Oui ! telle vous serez, ô la reine des grâces,
Après les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j'ai gardé la forme et l'essence divine
De mes amours décomposés !
 
C.Baudelaire. 
 
pourquoi? Je ne sais pas.. 
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
Guillaume_des_CS Membre 1 420 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)
il y a 12 minutes, Izanami a dit :

Une charogne

Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d'été si doux :
Au détour d'un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,

Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d'exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu'ensemble elle avait joint ;

Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s'épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l'herbe
Vous crûtes vous évanouir.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D'où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.

Tout cela descendait, montait comme une vague,
Ou s'élançait en pétillant ;
On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,
Vivait en se multipliant.

Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l'eau courante et le vent,
Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.

Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,
Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève
Seulement par le souvenir.

Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d'un oeil fâché,
Epiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu'elle avait lâché.

- Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,
Etoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion !

Oui ! telle vous serez, ô la reine des grâces,
Après les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j'ai gardé la forme et l'essence divine
De mes amours décomposés !
 
C.Baudelaire. 
 
pourquoi? Je ne sais pas.. 

Oui...

Merci.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
Guillaume_des_CS Membre 1 420 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

Pour moi, c'est "La fin de Satan" de Victor Hugo.

Pourquoi? J'avais appris par cœur les mille premiers vers (il y en a 5700) quand j'étais "jeune cadre dynamique"... C'est comme ça que j'ai pu feindre d'y croire si longtemps... 

Je ne vous partage que la première strophe, libre à vous de...

 

Citation

Depuis quatre mille ans il tombait dans l’abîme.

Il n’avait pas encor pu saisir une cime,
Ni lever une fois son front démesuré.
Il s’enfonçait dans l’ombre et la brume, effaré,
Seul, et derrière lui, dans les nuits éternelles,
Tombaient plus lentement les plumes de ses ailes.
 
Il tombait foudroyé, morne silencieux,
Triste, la bouche ouverte et les pieds vers les cieux,
L’horreur du gouffre empreinte à sa face livide.

Il cria : — Mort ! — les poings tendus vers l’ombre vide.
Ce mot plus tard fut homme et s’appela Caïn.

Il tombait. Tout à coup un roc heurta sa main ;
Il l’étreignit, ainsi qu’un mort étreint sa tombe,
Et s’arrêta. Quelqu’un, d’en haut, lui cria : — Tombe !
Les soleils s’éteindront autour de toi, maudit ! —
Et la voix dans l’horreur immense se perdit.
Et, pâle, il regarda vers l’éternelle aurore.
Les soleils étaient loin, mais ils brillaient encore.
Satan dressa la tête et dit, levant ses bras :
— Tu mens ! — Ce mot plus tard fut l’âme de Judas.
 
Pareil aux dieux d’airain debout sur leurs pilastres,
Il attendit mille ans, l’œil fixé sur les astres.
Les soleils étaient loin, mais ils brillaient toujours.
La foudre alors gronda dans les cieux froids et sourds.
Satan rit, et cracha du côté du tonnerre.
L’immensité, qu’emplit l’ombre visionnaire,
Frissonna. Ce crachat fut plus tard Barabbas.

Un souffle qui passait le fit tomber plus bas.

...

 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Un oiseau la tête en bas !, Posté(e)
Sittelle Membre 11 301 messages
Un oiseau la tête en bas !,
Posté(e)

Nuit rhénane

 

  • Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme
    Écoutez la chanson lente d'un batelier
    Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
    Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds

    Debout chantez plus haut en dansant une ronde
    Que je n'entende plus le chant du batelier
    Et mettez près de moi toutes les filles blondes
    Au regard immobile aux nattes repliées

    Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent
    Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter
    La voix chante toujours à en râle-mourir
    Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'été

    Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire

    Guillaume Apollinaire (1880 - 1918 )

Je ne sais pourquoi .. il m'entraîne dans un rêve aux éffluves fiévreuses .. j'en ressens l'ivresse ..

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
Guillaume_des_CS Membre 1 420 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)
il y a 4 minutes, Sittelle a dit :

Nuit rhénane

 

  • Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme
    Écoutez la chanson lente d'un batelier
    Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
    Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds

    Debout chantez plus haut en dansant une ronde
    Que je n'entende plus le chant du batelier
    Et mettez près de moi toutes les filles blondes
    Au regard immobile aux nattes repliées

    Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent
    Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter
    La voix chante toujours à en râle-mourir
    Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'été

    Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire

    Guillaume Apollinaire (1880 - 1918 )

Je ne sais pourquoi .. il m'entraîne dans un rêve aux éffluves fiévreuses .. j'en ressens l'ivresse ..

Whaoo...

Merci du partage. Je ne le connaissais pas...

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Sérial Banneur, `, Posté(e)
Tequila Moor Sérial Banneur 14 756 messages
`,
Posté(e)

Je m'offre à chacun comme sa récompense ;
Je vous la donne même avant que vous l'ayez méritée.

Il y a quelque chose en moi,
Au fond de moi, au centre de moi,
Quelque chose d'infiniment aride
Comme le sommet des plus hautes montagnes ;

Quelque chose de comparable au point mort de la rétine, 
Et sans écho,
Et qui pourtant voit et entend ; 

Un être ayant une vie propre, et qui, cependant, 
Vit toute ma vie, et écoute, impassible, 
Tous les bavardages de ma conscience ;

Un être fait de néant, si c'est possible,
Insensible à mes souffrances physiques,
Qui ne pleure pas quand je pleure,
Qui ne rit pas quand je ris,
Qui ne rougit pas quand je commets une action honteuse, 
Et qui ne gémit pas quand mon cœur est blessé ;

Qui se tient immobile et ne donne pas de conseils, 
Mais semble dire éternellement :

« Je suis là, indifférent à tout. »

C'est peut-être du vide comme est le vide,
Mais si grand que le Bien et le Mal ensemble
Ne le remplissent pas.

La haine y meurt d'asphyxie,
Et le plus grand amour n'y pénètre jamais.

Prenez donc tout de moi : le sens de ces poèmes, 
Non ce qu'on lit, mais ce qui paraît au travers malgré moi.
Prenez, prenez, vous n'avez rien.

Et où que j'aille, dans l'univers entier. 
Je rencontre toujours, 
Hors de moi comme en moi, 

L'irremplissable Vide,

L'inconquérable Rien.
 

"Le don de soi-même", Valéry Larbaud

 

Parce qu'il exprime, mieux que de nombreux philosophes, l'idée que ce qui est nous-même n'est pas nôtre, que ce que nous croyons être notre identité ou notre conscience n'est qu'un leurre, qu'il se cache quelque chose derrière.

Mais ce quelque chose, malheureusement, est un inconnaissable, il ne nous sera jamais permis de le connaître. Et ce quelque chose, heureusement, est un vide, bien moins encombrant qu'une âme, nous pouvons nous permettre de le voir comme un rien. Puis ce quelque chose, enfin, est nôtre mais tout autant vôtre : il ne peut que se donner s'il ne nous appartient pas...

Larbaud laisse même de la place au lecteur pour se faire son interprétation, ce qui le paradoxe le plus approprié quand on veut parler de ce qui est propre à chacun tout en étant à tous commun.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
Guillaume_des_CS Membre 1 420 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)
il y a 4 minutes, Tequila Moor a dit :

Je m'offre à chacun comme sa récompense ;
Je vous la donne même avant que vous l'ayez méritée.

Il y a quelque chose en moi,
Au fond de moi, au centre de moi,
Quelque chose d'infiniment aride
Comme le sommet des plus hautes montagnes ;

Quelque chose de comparable au point mort de la rétine, 
Et sans écho,
Et qui pourtant voit et entend ; 

Un être ayant une vie propre, et qui, cependant, 
Vit toute ma vie, et écoute, impassible, 
Tous les bavardages de ma conscience ;

Un être fait de néant, si c'est possible,
Insensible à mes souffrances physiques,
Qui ne pleure pas quand je pleure,
Qui ne rit pas quand je ris,
Qui ne rougit pas quand je commets une action honteuse, 
Et qui ne gémit pas quand mon cœur est blessé ;

Qui se tient immobile et ne donne pas de conseils, 
Mais semble dire éternellement :

« Je suis là, indifférent à tout. »

C'est peut-être du vide comme est le vide,
Mais si grand que le Bien et le Mal ensemble
Ne le remplissent pas.

La haine y meurt d'asphyxie,
Et le plus grand amour n'y pénètre jamais.

Prenez donc tout de moi : le sens de ces poèmes, 
Non ce qu'on lit, mais ce qui paraît au travers malgré moi.
Prenez, prenez, vous n'avez rien.

Et où que j'aille, dans l'univers entier. 
Je rencontre toujours, 
Hors de moi comme en moi, 

L'irremplissable Vide,

L'inconquérable Rien.
 

"Le don de soi-même", Valéry Larbaud

 

Parce qu'il exprime, mieux que de nombreux philosophes, l'idée que ce qui est nous-même n'est pas nôtre, que ce que nous croyons être notre identité ou notre conscience n'est qu'un leurre, qu'il se cache quelque chose derrière.

Mais ce quelque chose, malheureusement, est un inconnaissable, il ne nous sera jamais permis de le connaître. Et ce quelque chose, heureusement, est un vide, bien moins encombrant qu'une âme, nous pouvons nous permettre de le voir comme un rien. Puis ce quelque chose, enfin, est nôtre mais tout autant vôtre : il ne peut que se donner s'il ne nous appartient pas...

Larbaud laisse même de la place au lecteur pour se faire son interprétation, ce qui le paradoxe le plus approprié quand on veut parler de ce qui est propre à chacun tout en étant à tous commun.

C'est magnifique. Merci du partage.
Vous me suggérez une réflexion: "Chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même." (Attribuée à Proust)

Il me semble que "le" poème qui nous a marqué le plus, nous le portions en nous... (?)

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Invité
Invités, Posté(e)
Invité
Invité Invités 0 message
Posté(e)

J’y ai réfléchi pendant la nuit (oui ça m’arrive :D mais je ne garanti pas le résultat). 
Ce qui me plaît dans ce poème c’est surtout la fin, quand il dit à sa "compagne" qu’elle finira comme cette charogne.
Ça remet les choses en place, qui que tu sois, tu finiras poussière.. 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 857 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
Posté(e)

Mon poème préféré, non, mais celui que j'admire le plus peut-être.

Le sommet de la haine ! C'est trop !

 

Camille

 

Rome, l'unique objet de mon ressentiment !
Rome, à qui vient ton bras d'immoler mon amant !
Rome qui t'a vu naître et que ton cœur adore !
Rome enfin que je hais, parce qu'elle t'honore !
Puissent tous ses voisins, ensemble conjurés,
Saper ses fondements encor mal assurés !
Et si ce n'est assez de toute l'Italie,
Que l'Orient, contre elle, à l'Occident s'allie !
Que cent peuples unis des bouts de l'univers
Passent pour la détruire et les monts et les mers !
Qu'elle-même sur soi renverse ses murailles,
Et de ses propres mains déchire ses entrailles !
Que le courroux du ciel allumé par mes vœux,
Fasse tomber sur elle un déluge de feux !
Puissé-je de mes yeux y voir tomber ce foudre,
Voir ses maisons en cendres, et tes lauriers en poudre !
Voir le dernier Romain à son dernier soupir,
Moi seule en être cause, et mourir de plaisir.

   

CORNEILLE, Horace, Acte IV, scène 5

 

Chaque fois que le le lis, je suis fasciné !

Les deux derniers vers :

"Voir le dernier Romain à son dernier soupir,
Moi seule en être cause, et mourir de plaisir."

Ouch !

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Voyageur, 69ans Posté(e)
Plouj Membre 106 490 messages
69ans‚ Voyageur,
Posté(e)

Il est sur mon profil

Petit poème africain

 

Une fermière du Rwanda,

Qui était Hutu de surcroît,

 

Quitte sa case et sa smala

Pour le marché de Kampala.

 

Elle veut honorer sa tribu

D'un beau chapon gras et dodu.

 

Mais elle était peu fortunée,

Et le marchand Tutsi, rusé,

 

Refusa de baisser le prix

Du chapon par elle choisi.

 

Me le donnerais-tu,

Dit la cliente Hutu,

 

Contre une gâterie

Sur ton beau bengali ?

 

A voir, dit le vendeur,

De cette gâterie quelle serait la valeur ?

 

Vaudrait-elle un chapon ?

Il m'en faudrait la preuve pour de bon.

 

Aussitôt la bougresse s'enfouit sous le boubou,

Et vite, fait jaillir la sève du bambou.

 

J'ai gagné le chapon, s'exclame l'innocente,

La bouche encore pleine du produit de la vente.

 

Que nenni, lui répond le volailler acerbe

Tout comme la face, le chapon tu as perdus

 

Car, comme le dit notre si beau proverbe :

Turlute Hutu, Chapon point eu.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
Guillaume_des_CS Membre 1 420 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)
Il y a 4 heures, Blaquière a dit :

Mon poème préféré, non, mais celui que j'admire le plus peut-être.

Le sommet de la haine ! C'est trop !

 

Camille

 

Rome, l'unique objet de mon ressentiment !
Rome, à qui vient ton bras d'immoler mon amant !
Rome qui t'a vu naître et que ton cœur adore !
Rome enfin que je hais, parce qu'elle t'honore !
Puissent tous ses voisins, ensemble conjurés,
Saper ses fondements encor mal assurés !
Et si ce n'est assez de toute l'Italie,
Que l'Orient, contre elle, à l'Occident s'allie !
Que cent peuples unis des bouts de l'univers
Passent pour la détruire et les monts et les mers !
Qu'elle-même sur soi renverse ses murailles,
Et de ses propres mains déchire ses entrailles !
Que le courroux du ciel allumé par mes vœux,
Fasse tomber sur elle un déluge de feux !
Puissé-je de mes yeux y voir tomber ce foudre,
Voir ses maisons en cendres, et tes lauriers en poudre !
Voir le dernier Romain à son dernier soupir,
Moi seule en être cause, et mourir de plaisir.

   

CORNEILLE, Horace, Acte IV, scène 5

 

Chaque fois que le le lis, je suis fasciné !

Les deux derniers vers :

"Voir le dernier Romain à son dernier soupir,
Moi seule en être cause, et mourir de plaisir."

Ouch !

Génial. Merci.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
Guillaume_des_CS Membre 1 420 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)
Il y a 4 heures, Plouj a dit :

Il est sur mon profil

Petit poème africain

 

 

 

Une fermière du Rwanda,

 

Qui était Hutu de surcroît,

 

 

 

Quitte sa case et sa smala

 

Pour le marché de Kampala.

 

 

 

Elle veut honorer sa tribu

 

D'un beau chapon gras et dodu.

 

 

 

Mais elle était peu fortunée,

 

Et le marchand Tutsi, rusé,

 

 

 

Refusa de baisser le prix

 

Du chapon par elle choisi.

 

 

 

Me le donnerais-tu,

 

Dit la cliente Hutu,

 

 

 

Contre une gâterie

 

Sur ton beau bengali ?

 

 

 

A voir, dit le vendeur,

 

De cette gâterie quelle serait la valeur ?

 

 

 

Vaudrait-elle un chapon ?

 

Il m'en faudrait la preuve pour de bon.

 

 

 

Aussitôt la bougresse s'enfouit sous le boubou,

 

Et vite, fait jaillir la sève du bambou.

 

 

 

J'ai gagné le chapon, s'exclame l'innocente,

 

La bouche encore pleine du produit de la vente.

 

 

 

Que nenni, lui répond le volailler acerbe

 

Tout comme la face, le chapon tu as perdus

 

 

 

Car, comme le dit notre si beau proverbe :

 

Turlute Hutu, Chapon point eu.

 

J'avais d'abord cliqué sur "j'aime", puis j'ai réfléchi... J'aimais l'idée je crois, de mettre en poésie un problème si profond (euphémisme?)... Mais l'intention de l'auteur-e n'est pas très explicite... Il m'a finalement semblé dangereux d'aimer... (sans juger, bien sûr, de cette intention trop peu claire...)

Merci en tout cas de votre participation.

 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 64ans Posté(e)
pila Membre 18 571 messages
Baby Forumeur‚ 64ans‚
Posté(e)

"Barbara" de Prévert.

Parce qu'il a été chanté par de vrais artistes : Mouloudji, Les Frères Jacques, Montand...

Parce que ça parle de la ville où je suis né, avant et après-guerre. Parce que Jacques Prévert y a écrit : "Quelle connerie la Guerre".

"...Tout simplement des nuages

Qui crèvent comme des chiens

Des chiens qui disparaissent

Au fil de l’eau sur Brest

Et vont pourrir au loin

Au loin très loin de Brest

Dont il ne reste rien."

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Invité Barbara lebol
Invités, Posté(e)
Invité Barbara lebol
Invité Barbara lebol Invités 0 message
Posté(e)

Il est archi-célèbre c'est " Le bateau ivre" :

Le bateau ivre

Arthur Rimbaud

Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J’étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m’ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l’autre hiver, plus sourd que les cerveaux d’enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N’ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu’un bouchon j’ai dansé sur les flots
Qu’on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l’oeil niais des falots !

Plus douce qu’aux enfants la chair des pommes sûres,
L’eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d’astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;

Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rhythmes lents sous les rutilements du jour,

Plus fortes que l’alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l’amour !

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : je sais le soir,
L’Aube exaltée ainsi qu’un peuple de colombes,
Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir !

J’ai vu le soleil bas, taché d’horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !

J’ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes,
Et l’éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

’ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries
Hystériques, la houle à l’assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !

J’ai heurté, savez-vous, d’incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux
D’hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l’horizon des mers, à de glauques troupeaux !

J’ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulements d’eaux au milieu des bonaces,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !

Glaciers, soleils d’argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés des punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !

J’aurais voulu montrer aux enfants ces dorades

Du flot bleu, ces poissons d’or, ces poissons chantants.
– Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d’ineffables vents m’ont ailé par instants.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d’ombre aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu’une femme à genoux…

Presque île, ballottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d’oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.
Et je voguais, lorsqu’à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir, à reculons !

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l’ouragan dans l’éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses

N’auraient pas repêché la carcasse ivre d’eau ;

Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d’azur ;

Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l’Europe aux anciens parapets !

J’ai vu des archipels sidéraux ! et des îles

Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
– Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t’exiles,
Million d’oiseaux d’or, ô future Vigueur ?

Mais, vrai, j’ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L’âcre amour m’a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j’aille à la mer !

Si je désire une eau d’Europe, c’est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l’orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

Arthur Rimbaud

 

Pourquoi c'est mon préféré ? Parce-qu'il me rappelle mon adolescence tourmentée et mes hésitations au carrefour des chemins  qui engagent l'avenir.

 

 

 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
Guillaume_des_CS Membre 1 420 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)
à l’instant, Barbara lebol a dit :

Il est archi-célèbre c'est " Le bateau ivre" :

Le bateau ivre

Arthur Rimbaud

Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J’étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m’ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l’autre hiver, plus sourd que les cerveaux d’enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N’ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu’un bouchon j’ai dansé sur les flots
Qu’on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l’oeil niais des falots !

Plus douce qu’aux enfants la chair des pommes sûres,
L’eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d’astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;

Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rhythmes lents sous les rutilements du jour,

Plus fortes que l’alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l’amour !

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : je sais le soir,
L’Aube exaltée ainsi qu’un peuple de colombes,
Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir !

J’ai vu le soleil bas, taché d’horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !

J’ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes,
Et l’éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

’ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries
Hystériques, la houle à l’assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !

J’ai heurté, savez-vous, d’incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux
D’hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l’horizon des mers, à de glauques troupeaux !

J’ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulements d’eaux au milieu des bonaces,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !

Glaciers, soleils d’argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés des punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !

J’aurais voulu montrer aux enfants ces dorades

Du flot bleu, ces poissons d’or, ces poissons chantants.
– Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d’ineffables vents m’ont ailé par instants.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d’ombre aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu’une femme à genoux…

Presque île, ballottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d’oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.
Et je voguais, lorsqu’à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir, à reculons !

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l’ouragan dans l’éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses

N’auraient pas repêché la carcasse ivre d’eau ;

Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d’azur ;

Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l’Europe aux anciens parapets !

J’ai vu des archipels sidéraux ! et des îles

Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
– Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t’exiles,
Million d’oiseaux d’or, ô future Vigueur ?

Mais, vrai, j’ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L’âcre amour m’a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j’aille à la mer !

Si je désire une eau d’Europe, c’est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l’orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

Arthur Rimbaud

 

Pourquoi c'est mon préféré ? Parce-qu'il me rappelle mon adolescence tourmentée et mes hésitations au carrefour des chemins  qui engagent l'avenir.

 

 

 

 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 50ans Posté(e)
Aruna Membre 526 messages
Forumeur balbutiant‚ 50ans‚
Posté(e)

Va t'en pas  de Richard Desjardins

Ce sont les paroles d'une chanson. Lorsque j'écoute cette chanson, je me sens étreint par une intensité. Je sens la mort proche et la vie qui palpite. Et l'amour aussi. Voici la chanson interprétée par Desjardins, pour ceux qui ne connaissent pas et qui veulent tenter l'expérience.

IQuand j’étais sur la terre
Sous-locataire
D’un kilo de futur
Des monsieurs incomplets-veston m’ont invité
À une grande déception

Maintenant je ne pleure plus
Je ramasse des vies
Pour le jour J
Et dans mon cœur-bunker

Je frappe monnaie à ton effigie

Va-t’en pas
Dehors les chemins sont coulants
Les serments de rosée

Va-t’en pas
Dehors y a des silences bondés
D’autobus tombés
Sur le dos

Et vaniteux qu’ils sont
Aux bouquets de clés
Aux bijoux de panique
Ils vont t’asseoir dans un bureau
Pendant qu’ici

Il fait beau

Ils perceront l’écran
Pour t’offrir une carrière
Où noyer ton enfant

«Ils briseront les lois
Les cadenas
Et les os»

Va-t’en pas
Dehors y a des orgies
Jusqu’au fond des batteries

Va-t’en pas
Dehors j’ai vu un ciel si dur
Que tombaient les oiseaux

Tu sais que je lis
Sous les robes du temps
Et dans les lignes du ciment
Toi tu as des yeux
Qui trahissent le sort
Tu mérites l’amour

Maintenant que tu vois
Ce qui n’existe pas
Et si tu veux venir
Neptune me guide

Où j’ai semé des larmes
Mes armes sont en fleurs

Va-t’en pas
Moi j’ai tant d’amis
Je peux pas les compter

Va-t’en pas
J’ai autant d’amis
Que mille Mexico

Va-t’en pas

 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 50ans Posté(e)
Aruna Membre 526 messages
Forumeur balbutiant‚ 50ans‚
Posté(e)
Il y a 22 heures, Tequila Moor a dit :

Je m'offre à chacun comme sa récompense ;
Je vous la donne même avant que vous l'ayez méritée.

Il y a quelque chose en moi,
Au fond de moi, au centre de moi,
Quelque chose d'infiniment aride
Comme le sommet des plus hautes montagnes ;

Quelque chose de comparable au point mort de la rétine, 
Et sans écho,
Et qui pourtant voit et entend ; 

Un être ayant une vie propre, et qui, cependant, 
Vit toute ma vie, et écoute, impassible, 
Tous les bavardages de ma conscience ;

Un être fait de néant, si c'est possible,
Insensible à mes souffrances physiques,
Qui ne pleure pas quand je pleure,
Qui ne rit pas quand je ris,
Qui ne rougit pas quand je commets une action honteuse, 
Et qui ne gémit pas quand mon cœur est blessé ;

Qui se tient immobile et ne donne pas de conseils, 
Mais semble dire éternellement :

« Je suis là, indifférent à tout. »

C'est peut-être du vide comme est le vide,
Mais si grand que le Bien et le Mal ensemble
Ne le remplissent pas.

La haine y meurt d'asphyxie,
Et le plus grand amour n'y pénètre jamais.

Prenez donc tout de moi : le sens de ces poèmes, 
Non ce qu'on lit, mais ce qui paraît au travers malgré moi.
Prenez, prenez, vous n'avez rien.

Et où que j'aille, dans l'univers entier. 
Je rencontre toujours, 
Hors de moi comme en moi, 

L'irremplissable Vide,

L'inconquérable Rien.
 

"Le don de soi-même", Valéry Larbaud

 

Parce qu'il exprime, mieux que de nombreux philosophes, l'idée que ce qui est nous-même n'est pas nôtre, que ce que nous croyons être notre identité ou notre conscience n'est qu'un leurre, qu'il se cache quelque chose derrière.

Mais ce quelque chose, malheureusement, est un inconnaissable, il ne nous sera jamais permis de le connaître. Et ce quelque chose, heureusement, est un vide, bien moins encombrant qu'une âme, nous pouvons nous permettre de le voir comme un rien. Puis ce quelque chose, enfin, est nôtre mais tout autant vôtre : il ne peut que se donner s'il ne nous appartient pas...

Larbaud laisse même de la place au lecteur pour se faire son interprétation, ce qui le paradoxe le plus approprié quand on veut parler de ce qui est propre à chacun tout en étant à tous commun.

Je ne connaissais pas cet auteur, mais on sent qu'il effleure du doigt l'inconnaissable. Merci.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Annonces
Maintenant

Archivé

Ce sujet est désormais archivé et ne peut plus recevoir de nouvelles réponses.


×