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Lettres à Samuel

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aliochaverkiev

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sagaidatch Membre 224 messages
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Lettre 57 - Introduction

11 mai 2019

Samuel,

XIV siècle.

Le quatorzième siècle fut un siècle funeste pour les populations européennes.

« De la famine, de la peste et de la guerre, délivre-nous Seigneur » telle est la prière des femmes et des hommes de ce siècle.

L’Occident connut une période de développement exceptionnel du X au XIII siècle grâce au défrichement de nouvelles terres et leur mise en exploitation. Grâce aussi au développement du commerce international favorisé par les croisades. Les Républiques italiennes de Gênes et de Venise notamment avaient participé à l’acheminement des hommes en Palestine par la mer et s’étaient ainsi emparé des réseaux de communication maritimes qu’elles utilisaient désormais pour faire commerce avec le Moyen-Orient. La population européenne s’était aussi sensiblement accrue.

Mais à la fin du treizième siècle des difficultés de subsistance apparurent. Les nouvelles terres défrichées étaient désormais de faible rendement. Des conditions climatiques défavorables entraînèrent des pénuries alimentaires bientôt suivies par des famines dès 1315. La population commença à décroître.

Des maladies mortelles apparurent, véhiculées par les mouvements des envahisseurs asiatiques, des Croisés et des commerciaux internationaux : la lèpre puis la peste.

La lèpre était une maladie endémique en Europe mais elle connut un essor considérable suite aux croisades qui la véhiculèrent. Elle atteignit un pic de développement à la fin du treizième siècle.

La bactérie responsable de la peste, Yersinia pestis sortit de son antre orientale au début du XIV siècle et se répandit en suivant les routes prises par les Mongols et les routes suivies par les marchands. La maladie toucha Marseille en 1347, l’ensemble du territoire français fut contaminé entre novembre 1347 et novembre 1348. Puis ce fut le tour de l’Angleterre puis celui de l’Europe toute entière. La maladie toucha aussi le Maghreb, l’Égypte et tous les pays du Moyen-Orient. La peste faucha entre un quart et un tiers de la population du continent.

En Europe les États-nations que nous connaissons aujourd’hui n’existaient pas encore. Le régime féodal ne reconnaissait que des propriétés royales et familiales. Pourtant lentement le sentiment d’identité nationale apparut et s’affirma progressivement dans la guerre.

En France par exemple le roi Philippe le Bel (1268-1314) va affirmer son autorité sur Lyon qui relevait jusque-là du Saint-Empire romain germanique (dont on a vu que ce dernier se disloqua après la mort de Frédéric II, voir lettre 56 première partie). Puis il tenta de reprendre à Édouard 1er roi d’Angleterre le duché d’Aquitaine (Guyenne et Gascogne) sans y parvenir. Il lutta ensuite contre le comte de Flandre à qui il arracha le comté mais il dut sans cesse envoyer des armées pour vaincre des révoltes récurrentes.

Philippe le Bel institua ainsi une guerre perpétuelle qui se poursuivit sous un autre roi par la guerre de Cent ans commencée en 1337, achevée en 1453, avec une accalmie en 1380. En 1328, à la mort de Charles IV, roi de France, deux héritiers vont se disputer le royaume : le prince Édouard, petit-fils de Philippe le Bel par sa mère, futur roi d’Angleterre sous le nom d’Édouard III, et Philippe VI de Valois, fils d’un frère de Philippe le Bel. Édouard aurait dû hériter mais il était anglais. Le sentiment naissant d’identité nationale poussa la noblesse à choisir Philippe VI de Valois. D’où une guerre de succession qui ravagea en grande partie la France sur le territoire de laquelle cette guerre se déroula.

Ainsi famines, maladies, guerres furent autant de fléaux qui affectèrent l’Europe occidentale.

Lisons Eustache Deschamps, poète français né vers 1340 (mort entre 1404 et 1405) :

« Temps de douleur et de tentation

Age de pleurs, d’envie et de tourment

Temps de langueur et de domination

Age mineur, près du définement »

(Définement : mort, fin, décroissance)

 

 

 

 

 

 

 

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sagaidatch Membre 224 messages
Baby Forumeur‚ 51ans‚
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Lettre 57 - Chapitre 1

12 mai 2019

Samuel,

En Europe les guerres entreprises par les rois engendrèrent d’importants besoins de financement. En 1290 Édouard Ier roi d’Angleterre expulsa les 10 000 Juifs du royaume pour s’emparer de leurs biens. Ils partirent en France mais là Philippe le Bel (1268-1314) les chassa le 21 juin 1306 pour saisir lui aussi leurs biens. Les Juifs s’éparpillèrent un peu partout sur le continent. Cependant les chrétiens qui les avaient remplacés pratiquaient de tels taux d’usure que la population n’en pouvait plus. Du coup, en 1315, Louis X le Hutin, le successeur de Philippe le Bel, les rappela.

Ils reprirent leurs activités financières mais la famine jeta sur les routes des paysans et des bergers affamés : commença la révolte des pastoureaux. Ceux-ci convergèrent vers Paris en 1330 pour demander au roi de les conduire en croisade. Dans leurs esprits échauffés par des prédicateurs illuminés, les maux qu’ils enduraient étaient la conséquence de la profanation (à leurs yeux) des lieux saints de Jérusalem par les musulmans, épaulés par les Juifs. Le roi refusa, les pastoureaux se dirigèrent alors vers Aigues-Mortes espérant y embarquer pour la Palestine. Ils progressèrent vers le sud en s’attaquant à toutes les communautés juives. Ils étaient accueillis par des villageois survoltés qui criaient : « A mort, à mort, qu’on tue tous les Juifs ».

Le Pape qui avait besoin d'eux pour la gestion de son Église à Rome, excommunia les pastoureaux puis les armées repoussèrent ces derniers ; ils se dispersèrent. Le nouveau roi Philippe V, qui espérait que les Juifs l’aideraient à reconstituer ses finances, les protégea.

Mais bientôt un nouveau fléau s’abattit sur le pays : la lèpre. La maladie s’intensifia, elle terrorisa. Les lépreux furent accusés d’empoisonner eux-mêmes les puits et les fontaines sous la direction des Juifs, qui, eux-mêmes, selon des prédicateurs en délire, prenaient leurs ordres près des musulmans de Grenade et de Babylone. Les Juifs furent à nouveau persécutés et Philippe V cessa de les défendre. Il ordonna le 24 juin 1322 leur expulsion.

Charles V, nouveau roi de France, les fit revenir en 1359, toujours pour trouver près d’eux une aide à la restauration des finances du pays. A peine furent-ils revenus que la peste noire s’abattit à son tour sur le pays. La population ne tarda pas à incriminer à nouveau les Juifs, les accusant à nouveau d’empoisonner les puits et les fontaines. Des massacres effroyables furent perpétrés, cette fois-ci dans toute l’Europe. Partout des pogroms furent organisés, suscités par des discours enflammés et des processions de flagellants, errant de ville en ville, exhortant la foule à la pénitence et à la mortification. Une ambiance de fin du monde régnait sur un continent exsangue, à l'agonie. Le Pape tenta de calmer les foules en exonérant dans ses prêches les Juifs de toute responsabilité, l’Empereur allemand intervint aussi en leur faveur mais rien n’y fit. La population décimée par la faim, la peste et la guerre s’en prit partout aux puissants et aux Juifs.

Ainsi à Strasbourg les habitants renversèrent le conseil municipal composé de patriciens et se dotèrent d’un nouveau conseil dominé par les bourgeois et des représentants du peuple. A peine réunis les conseillers procédèrent le 13 févier 1349 à l’arrestation des 2000 juifs de la ville ; ils les brûlèrent dans un cimetière. Des dizaines de communautés furent persécutées en Allemagne par une population anéantie par la peste.

Pourtant, après les massacres, les Juifs survivants, émigrés, furent encore rappelés, toujours pour reprendre leurs activités de crédit. A Cologne où ils furent massacrés dans la nuit de la Saint-Barthélemy en 1349, ils revinrent en 1372. Ils y restèrent jusqu’en 1424, date à laquelle ils furent définitivement chassés. Tant qu’ils restèrent ils furent obligés d’habiter dans un quartier séparé en plus de porter un vêtement distinctif : ainsi naquit le premier ghetto. En France les Juifs finirent par être définitivement expulsés en 1394.

Les Judéens trouvèrent un refuge temporaire en Italie. A partir de la fin du XIII siècle, jusque-là installés à Rome, ils essaimèrent dans les villes du Nord de l’Italie où des Juifs expulsés de France les rejoignirent. A Rome ils s’étaient rendus indispensables aux autorités ecclésiastiques en gérant leurs biens. C’est tout le paradoxe de la condition des Juifs en Italie. Le Pape faisait pression pour qu’ils se convertissent, sans succès, malgré des décisions qui tendaient à les stigmatiser, mais il les protégeait aussi car ils assuraient la prospérité des États pontificaux.

Un pays va alors ouvrir grand ses portes aux Juifs : la Pologne. Vaste et peu peuplée elle fut l’ultime refuge. Selon une légende juive le nom de Pologne en hébreu : Polin est dérivé de mots signifiant : « Ici repose-toi » enjoints par Dieu à un groupe de réfugiés venus d’Espagne. En latin la Pologne était appelée paradisus judaeorum : « paradis juif » pour son attitude tolérante et accueillante. La Pologne allait devenir le port d’attache de la plus grande communauté de la diaspora du monde.

Les premiers Juifs arrivèrent en Pologne vers l’an mille, puis l’immigration s’accéléra après la première croisade (1096) mais surtout à partir du XIII siècle avec l’arrivée des premiers ashkénazes venus de Rhénanie et de Bohème. En 1264 le duc Boleslav le Pieux accorda aux Juifs une charte leur garantissant liberté et protection contre leur établissement dans des territoires qui avaient été dévastés par les Tatars. Au lendemain de l’invasion mongole puis pendant la peste noire l’immigration juive connut de nouveaux pics, les Judéens fuyant les persécutions de l’ Europe occidentale.

Le roi Casimir le Grand (1310-1370) dont on dit que son épouse Esterika était juive confirma la charte de Boleslav et leur confia la ferme de ses mines de sel et de ses monnaies. Puis les Judéens s’investirent dans le développement urbain voulu par Casimir en devenant des agents commerciaux internationaux spécialisés dans le négoce d’épices, de soie, de fourrures, de produits orientaux, de textiles flamands et anglais, de vins hongrois. Ainsi en Pologne les Juifs se dégagèrent de l’activité financière dans laquelle les Occidentaux les avaient cantonnés pour se déployer dans l’affermage des biens nobles, dans le commerce et dans l’artisanat.

 

Les immigrés Juifs originaires d’Allemagne apportèrent avec eux leur idiome, la langue d’Ashkénaze (c’est à dire la langue d’Allemagne) appelée le yiddish. Le yiddish devint le vernaculaire de l’ensemble du judaïsme polonais puis de l’ensemble du judaïsme de l’Europe de l’Est. Le yiddish est une langue germanique dérivée du haut allemand avec un apport de vocabulaire hébreu et slave.

Langue vernaculaire ou le vernaculaire désigne une langue parlée seulement à l’intérieur d’une communauté (du latin vernaculus : indigène, du pays, propre au pays).

Pogrom : ce mot issu du russe погром signifie détruire, piller ; il désigne des actions de masse violentes exercées contre les Juifs.

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sagaidatch Membre 224 messages
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Lettre 57 – Chapitre 2

14 mai 2019

Samuel,

En Espagne les rumeurs hostiles aux Juifs apparues en Europe continentale commencèrent à diffuser. Des premières accusations de meurtres rituels furent lancées à Saragosse et à Barcelone (voir lettre 56-première partie-premier paragraphe – Europe). L’arrivée des Juifs expulsés de France fut vécue avec méfiance, puis des pastoureaux passés en Espagne s’en prirent aux communautés aragonaises avant d’être arrêtés par Jacques II, roi d’Aragon.

Puis surgit le fléau de la lèpre et, avec lui, la rumeur indiquant que les Juifs empoisonnaient les puits. Les autorités catalanes expulsèrent les lépreux, les Juifs venus de France, considérés comme fautifs, ainsi que tous les étrangers. L’irruption de la peste en 1348 aggrava la situation. A l’instigation de moines franciscains, de premiers massacres de Judéens furent perpétrés en Aragon et en Castille sans que les régnants réagissent. Seul Charles II de Navarre offrit sa protection en ouvrant ses frontières.

Une guerre civile éclata dans les années 1360 pour la succession au royaume de Castille. Les belligérants, pour la financer, s’en prirent aux Juifs pour faire main basse sur leurs biens. Le vainqueur Henri II de Trastamare accéda à la royauté en 1369. Il promulgua en 1371 une série de règlements contraignant les Judéens à vivre dans des quartiers séparés, à ne plus prendre des noms chrétiens, à arborer un signe distinctif sur la poitrine.

La communauté dut alors faire face à un nouveau danger inédit en Europe : la conversion en masse de Juifs au catholicisme. Ce phénomène toucha tous les milieux. Les conversos (les convertis) s’en prirent avec virulence à leurs anciens coreligionnaires exhortant les catholiques à les traiter durement et à les convertir de force.

Comme en Europe continentale l’Espagne décimée par la peste et la guerre, éperdue et sans repères, dévorée par l’angoisse de la mort, instruite par des prédicateurs fous et par des conversos fanatisés va se déchaîner contre la communauté.

Le 6 juin 1391, menée par l'archidiacre franciscain Ferrant Martinez, une foule incontrôlable se rua sur la juderia (juderia = quartier) sévillane. Aux cris de « Martinez arrive, les Juifs à la mort ou à l’eau bénite » 4000 juifs furent massacrés et les rescapés durent se convertir [L’eau bénite fait référence au rituel chrétien du baptême par lequel le baptisé entre dans la communauté catholique].

De Séville l’émeute gagna Cordoue, Tolède, Madrid, Cuenca, Ecija, Carmona et Burgos avec son lot de massacres et de conversions forcées. Après la Castille les troubles gagnèrent l’Aragon : les grandes communautés de Barcelone, Valence et Gérone furent agressées à leur tour, leurs membres tués ou contraints d’apostasier. Comme en Rhénanie en 1096 on vit alors des Juifs se suicider en groupes. Plusieurs centaines d’autres parvinrent à s’enfuir au Maghreb ou en Sardaigne.

Après une légère accalmie la vague antijudaïque reprit de plus belle en 1397 menée par un dominicain Vincent Ferrier. Parcourant la Castille et l’Aragon, enflammant les foules il est convaincu que l’antéchrist est déjà né et qu’il faut convertir les Juifs avant le jugement dernier. Des milliers de juifs abjurèrent spontanément ou de force. Des dizaines de juderias furent rayées de la carte de Castille et d’Aragon en quelques années.

En revanche dans le royaume de Grenade tenu par les Nasrides (voir lettre 56-première partie-Espagne) la domination musulmane fut moins dure pour les Juifs. Bien que soumis à des obligations vestimentaires et fiscales ils bénéficièrent de la protection du sultan. Lors du pogrom de 1391 de nombreux Juifs purent se réfugier dans le royaume. Il faut noter, entre 1333 et 1354, la construction de l’Alhambra (la Rouge) monument majeur de l’architecture islamique. C’est, avec la grande mosquée de Cordoue, le plus prestigieux témoin de la présence musulmane en Espagne.

 

Abjurer : renoncer solennellement à sa religion.

Apostasier : action de renoncer à ses principes.

Franciscain : les franciscains sont les membres de l’Ordre des frères mineurs, ordre religieux catholique créé en Italie en 1210.

 

En 1391, l’Aragon est une région qui longe la Méditerranée à l’est. Elle comprend la Catalogne et les grandes villes de Barcelone, Gérone, Saragosse, Tarragone, Valence, Alicante.

La Castille occupe le nord et le centre de l’Espagne ainsi qu’une partie sud. Villes principales : Tolède, Burgos, Léon, Cordoue, Séville, Valladolid, Madrid.

Le royaume de Grenade occupe une petite partie du territoire au sud avec façade sur la Méditerranée. L’Andalousie intégrée à la Castille borde le royaume de Grenade, au nord.

La Navarre fait suite au pays basque français, au nord.

 

L’antéchrist, pour les chrétiens, est l’ennemi du Christ (Jésus) qui viendra prêcher une religion hostile à celle de ce dernier. Il annonce la fin du monde, laquelle surviendra lorsque tous les Juifs seront convertis. Alors suivra le jugement dernier ou Dieu séparera les damnés des élus.

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sagaidatch Membre 224 messages
Baby Forumeur‚ 51ans‚
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Lettre 57 - Chapitre 3

15 mai 2019

Samuel,

 

En Égypte les Mamelouks durcirent leur mode de gouvernance. Aristocrates militaires d’origine servile, pour la plupart Turcs mais aussi chrétiens enlevés jeunes à leur famille dans les Balkans, ils se voulaient musulmans d’autant plus fervents qu’ils étaient étrangers et islamisés de fraîche date. Ils créèrent un État centralisé dont les cadres furent formés dans des madrassa (écoles religieuses islamiques). Ils se rapprochèrent des autorités religieuses musulmanes ce qui marginalisa les coptes (les chrétiens d’Égypte) et les Juifs.

En 1301 les Mamelouks décidèrent de distinguer les chrétiens par le port d’un turban bleu et les Juifs par le port d’un turban jaune. Puis les fonctionnaires dhimmi furent progressivement révoqués. L’activité marchande des Juifs fut étroitement surveillée par des fonctionnaires interventionnistes. A partir de 1321 il fut interdit aux dhimmi d’entrer dans un bain public sans porter une sonnette au cou. En 1354 ces bains furent interdits aux femmes dhimmi. Des églises et des synagogues furent détruites. Toutes ces mesures vexatoires avaient pour but d’inciter les chrétiens et les Juifs à se convertir.(Dhimma, dhimmi : voir lettre 47-2)

Dans l’État mamelouk le chef de la communauté juive était le naghid (gouverneur) qui avait autorité sur les communautés de Syrie, Palestine et Égypte, territoires sous dépendance mamelouk. Un sous-gouverneur représentait le naghid à Jérusalem. Malgré cette structure hiérarchique les communautés de Palestine s’autogéraient. L’immigration en provenance d’Occident s’accéléra du fait des persécutions et des expulsions. Les nouveaux venus prirent l’habitude de se débrouiller par eux-mêmes en créant de petites unités économiques communautaires. Dans la deuxième moitié du XIV siècle Jérusalem devint le point de rencontre entre les trois foyers de la culture juive de l’époque : ashkénaze, séfarade et oriental. Des érudits venus de Rhénanie fondèrent à Jérusalem une yeshiva. Les dizaines de manuscrits conservés de cette époque témoignent de l’intensité de la vie culturelle de Jérusalem où toute une variété de thèmes était abordée : halakha, kabbale espagnole, mystique ashkenaze, philosophie.

En Asie mineure, nous avons vu, lettre 56, que Michel Paléologue, un prince grec, réussit à reprendre Constantinople aux Croisés en 1261. Il devint empereur sous le nom de Michel VIII, créant une dynastie qui régna pendant deux siècles. Mais son territoire était désormais réduit : outre Constantinople, en Asie, l’Empire était limité à la seule façade de l’Anatolie sur la mer Egée, et en Europe aux territoires qui s’étendaient entre la Grèce et la Serbie. En outre les guerres avait ruiné l’Empire.

C’est à ce moment-là, que, fuyant devant les Mongols, des tribus turques quittèrent l’Asie centrale et arrivèrent en Anatolie créant de petites principautés autonomes : les beylicats. L’un des chefs de clan se distingua par sa bravoure : Osman, ou Othman. En 1299 il déclara l’indépendance de son petit royaume et fonda la dynastie des « Osmanlis » ce qui par déformation donna dans les langues européennes : Ottomans. Ainsi les Ottomans succédèrent aux Seldjoukides.

Les Byzantins auraient dû réagir mais l’Empire connut alors une grave crise politique et spirituelle. Lorsque Michel VIII mourut une guerre de succession éclata (en 1320) provoquant une guerre civile. Les belligérants passèrent des alliances avec des pays riverains et même avec les Ottomans. Ceux-ci en profitèrent pour agrandir leur territoire en Anatolie puis pour passer le détroit des Dardanelles en 1354 et prendre ainsi pied en Europe où ils dévastèrent la Thrace. (La Turquie est séparée de l’Europe par la mer de Marmara qui s’étrécit au nord dans le détroit du Bosphore et au sud dans le détroit des Dardanelles. Constantinople borde le détroit du Bosphore, Gallipoli borde le détroit des Dardanelles).

Quand enfin Jean V Paléologue s’imposa comme Empereur l’Empire était exsangue. Cette faiblesse du pouvoir temporel permit à l’Église orthodoxe d’imposer son autorité. Le Patriarche (celui qui dirige l’Église orthodoxe) développa un sentiment national anti-latin alors que l’ennemi qui menaçait était turc (le sac de Constantinople par les Croisés ne passait pas dans les esprits). Du coup les Ottomans, non inquiétés, poursuivirent leur conquête. Mourad 1er , sultan des Ottomans de 1361 à 1389, dota son armée de deux cartes maîtresses : les sipahi, cavalerie puissante et mobile et les janissaires, fantassins composés de jeunes chrétiens enlevés à leurs familles. Les Ottomans conquirent d’abord les beylicats situés à l’est, du côté de l'Asie mineure, puis, du côté européen, ils vainquirent les Serbes en 1389 lors de la bataille du Kosovo appelée aussi bataille des Merles. Au cours de cette bataille Mourad mourut. Il fut remplacé par son fils Bayezid, que l’Occident appela Bajazet, guerrier farouche et intrépide, surnommé Yildirim : la foudre.

En 1396 l’Occident prit la mesure du danger turc. Une coalition formée de Hongrois, de Croates, d’Allemands et de Français affronta Bajazet sur le Danube, à Nicopolis (aujourd’hui située en Bulgarie). Bajazet fut vainqueur. Il décida de prendre Constantinople désormais isolée. Il l’assiégea en 1397. Mais un autre conquérant va lui faire face : Tamerlan.

En 1259 après la mort de Mongke, petit-fils de Gengis Khan, l’Empire mongol éclata en une multitude de petits royaumes dont la Transoxiane (voir lettre 56, deuxième partie). Dans ce pays naquit le 8 avril 1336, à Kech, à 20 kilomètres de Samarcande, Timur (homme de fer) qui fut appelé Timur-i-lang, Timur le boiteux (en raison d’une blessure à la jambe lors d’un combat), puis Tamerlan. En 1361 il gouverna Kech puis il élimina le khan et devint le maître de la Transoxiane. Puis il se maria en 1397 avec une fille du khan renversé ce qui lui permit de se proclamer apparenté aux Mongols.

Il se lança à la conquête de l’ouest. Il soumit la Perse, puis la Mésopotamie en s’emparant de Bagdad en 1394, puis la Syrie, puis il fit irruption en Asie mineure sur les terres de Bajazet. Les deux hommes se firent face en 1402 à Ancyse (Ankara aujourd’hui). Tamerlan eut raison de Bajazet.

 

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Lettre 58-1

26 mai 2019

Samuel,


XV siècle chapitre I

Evolution générale en Europe

L’épidémie de peste disparut progressivement au cours du XIV siècle malgré quelques brèves réapparitions au début du XV siècle. La guerre de Cent ans s’acheva en 1453 avec la victoire de la France sur l’Angleterre, sur le continent.

Ces épreuves développèrent un fort sentiment d’appartenance nationale dans la plupart des pays européens. Partout les populations durent s’unir contre l’adversité. Ce développement identitaire ne fut pas favorable aux Juifs comme nous le verrons ci-après.

Ce sentiment national avait commencé à se développer au XIV siècle dans une révolte généralisée contre l’autorité du Pape. Philippe le Bel, roi de France, s’était opposé à l’autorité du Pape Boniface VIII (1294-1303). Philippe gagna ce combat, allant même jusqu’à faire nommer un Pape d’origine française, Clément V, qui vint siéger en Avignon (qui appartenait alors au roi de Naples). Les Papes résidèrent en Avignon de 1309 à 1376. Les Romains (furieux) appelèrent cette période : la Captivité d’Avignon. Puis les Papes revinrent à Rome en 1377. Un Pape romain fut nommé mais il déplut aussitôt aux cardinaux (ceux qui élisent le Pape) qui élurent un autre Pape (alors qu’il faut attendre la mort du Pape élu pour en nommer un autre). Du coup il y eut deux Papes ! L’un résidant à Rome, l’autre retournant résider en Avignon. Cette scission dura 39 ans et fut appelée le Grand Schisme.

Cet affaiblissement de la papauté engendra des hérésies dont les plus connues furent celles de Wyclif (1330-1384) en Angleterre et celle de Jean Huss (1369/1373-1415) en Bohème (ou vivaient les Tchèques, qui sont des Slaves). Wyclif comme Jean Huss voulurent affirmer la prépondérance de l‘identité nationale contre l’autorité religieuse de Rome (Jean Huss voulait aussi s’opposer à l’influence allemande sur son pays). Les hérétiques perdirent leur combat mais ils renforcèrent le sentiment national de leurs pays respectifs.

D’une manière générale ce sentiment national, démarré au XIV siècle, continué au sortir des épreuves de ce même siècle, se développa dans tous les pays d’Europe, sentiment symbolisé par l’unité des peuples derrière l’autorité d’un seul homme: le roi. C’en était donc aussi fini de la féodalité.

Épidémies et guerres portèrent un coup très rude à l’ensemble de la population européenne qui dut diminuer d’au moins un tiers sinon plus. Conséquences : abandon des terres, ruine des exploitations seigneuriales. La disparition de ces fléaux engendra un puissant désir de renaissance dans les esprits. L’agriculture reprit, l’industrie et le commerce aussi. Cette vitalité économique provoqua un développement marqué des sciences : géométrie, physique, sciences naturelles, astronomie. En raison du manque de bras engendré par la mortalité, les salaires augmentèrent sensiblement, les richesses produites furent ainsi mieux partagées et la démographie prit un nouvel essor.

Dans le cadre de ce nouveau sentiment national l’Italie qui avait moins souffert de la peste que les autres pays se tourna vers son passé glorieux en se réintéressant aux œuvres de l’antiquité romaine, ainsi qu’à celles de l’antiquité grecque grâce à l’apport culturel de nombreux byzantins, de culture et de langue grecques, qui fuyaient devant l’avancée des Turcs.

L’invention de l’imprimerie par l’allemand Gutenberg vers 1450 fut l’un des événements les plus importants de toute l’Histoire : il était désormais possible de diffuser dans toute la population les œuvres des grandes figures de la Grèce ancienne.

Des intellectuels italiens se mirent à traduire toutes ces œuvres et à les transmettre. Ils furent appelés : les humanistes (l’humanisme à l’époque désignait le goût passionné pour les œuvres de la littérature grecque et latine, humanus signifiant : instruit, cultivé). Les premiers humanistes furent Pétrarque (1304-1374) et Boccace (1313-1375).

Les artistes italiens s’enthousiasmèrent pour l’art gréco-romain. En quelques années ils réinventèrent l’architecture, la sculpture et la peinture. De toutes les villes d’Italie ce fut Florence, la Florence des Médicis qui fut au quinzième siècle le centre le plus brillant de ce mouvement artistique que nous appelons : la Renaissance.

Notons les grands noms de ce mouvement. Pour l’architecture : Brunelleschi (1377-1446), pour la peinture : Fra Angelico (1400-1455) Botticelli (1445-1510), pour la sculpture : Donatello (1386-1466) et Verrochio (1435-1488).

 

Je t’embrasse

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Lettre 58-2

28 mai 2019

Samuel,

XV siècle chapitre 2

En Espagne les Juifs furent de plus en plus discriminés : obligation de vivre dans des quartiers isolés et fermés, de porter un signe distinctif ; interdiction d’exercer une fonction d’autorité, de soigner des chrétiens ou de leur vendre des produits alimentaires ; interdiction d’employer du personnel chrétien, interdiction de faire des prêts d’argent.

Les conversos intégrèrent l’élite dirigeante, certains devenant même évêques (hauts ecclésiastiques de l’Église catholique). Ceux-là argumentèrent et démontrèrent à leurs anciens coreligionnaires que Jésus était bien d’essence divine et humaine et qu’il était bien le Messie attendu. Le catholicisme à leurs yeux venait donc réaliser l’attente messianique du judaïsme, dépassant cette religion. Les conversions continuèrent. A la fin du XV siècle il y avait autant de « nouveaux chrétiens » (de convertis) que de Juifs (entre 150 000 et 200 000 personnes).

Économiquement appauvris du fait des interdictions précitées la plupart des Juifs étaient désormais de condition modeste : artisans, petits commerçants, maçons, forgerons… bien que certains parvinrent grâce à leurs compétences à rester médecins des rois ou encore trésoriers de leurs finances.

Certains conversos continuèrent d’observer dans l’intimité de leur famille les prescriptions du judaïsme tout en s’affichant catholiques à l’extérieur, parvenant ainsi à pratiquer les professions désormais interdites aux Juifs. Les catholiques finirent par s’en rendre compte, ce qui engendra une forte animosité contre ces conversos. Les catholiques les appelèrent : les marranes (en espagnol marranos signifie : porcs).

Le 17 janvier 1449, à Tolède, des émeutes dirigées contre les marranes éclatèrent. Le 5 juin le conseil de Tolède adopta un statut établissant qu’aucun converso d’origine juive ne pourrait obtenir ou conserver aucune fonction dans la ville. Le 24 septembre le Pape condamna ce statut arguant que tous les baptisés, y compris les conversos, formaient un même corps. Ce statut fut ensuite condamné par un avis royal estimant que les mariages mixtes entre membres de l’aristocratie et familles conversos étaient si nombreux qu’il était illusoire de prétendre écarter les lignages d’origine juive au risque de remettre en cause l’ensemble des élites.

Mais ce furent les ecclésiastiques extrémistes qui eurent le dernier mot. Le franciscain Alfonso de Espina publia en 1460 un ouvrage dénonçant les marranes. Il en conclut que si l’Espagne chrétienne voulait rester espagnole et catholique elle n’avait pas d’autre choix que celui d’expulser les Juifs et de sévir contre leurs frères « camouflés ».

En 1474 Isabelle régna sur la Castille puis en 1479 Ferdinand régna sur l’Aragon. Grâce à leur mariage en 1469 les deux régnants réunirent ainsi les deux plus grandes provinces d’Espagne. Pour affermir leur nouvelle puissance et réaliser l’unité du royaume, ils mirent au pas la noblesse, assainirent les finances et décidèrent d’assurer l’homogénéité religieuse du pays, ce qui impliquait la disparition du royaume de Grenade, dernier bastion musulman de la péninsule, et la mise au pas des Juifs et des marranes.

En 1478 le Pape Sixte IV établit à la demande des Rois catholiques l’Inquisition qui disposa d’un pouvoir absolu sur les « hérétiques ». En 1482 la Pape ratifia la nomination de sept inquisiteurs, tous dominicains, parmi lesquels Thomas de Torquemada qui présida le Conseil (dit Conseil suprême du Saint-Office).

L’Inquisition s’attaqua aux marranes. Des tribunaux furent créés dans les grandes villes d’Espagne. Si les marranes se dénonçaient eux-mêmes la conséquence en était la confiscation de leurs biens et ils évitaient le bûcher. Les non-repentis, s’ils étaient démasqués, risquaient le bûcher. A Séville 700 « nouveaux chrétiens » furent brûlés vifs et 5000 autres furent « réconciliés » c’est-à-dire condamnés à des peines diverses. A Tolède 200 marranes furent brûlés et 7000 autres « réconciliés ».

Les Inquisiteurs finirent par estimer qu’ils ne pourraient jamais vraiment extirper l’hérésie juive des « nouveaux chrétiens » si les Juifs continuaient de vivre en Espagne. En effet ces derniers, selon eux, ne cesseraient d’influencer les « nouveaux chrétiens » et de les aider à pratiquer le judaïsme en cachette.

Les Inquisiteurs fabriquèrent un procès pour convaincre les Rois. A la fin de 1490 six Juifs et cinq conversos furent accusés du meurtre rituel d’un enfant disparu dont personne n’avait jamais retrouvé le corps. Torturés les prévenus durent avouer avoir arraché le cœur de l’enfant et l’avoir mélangé avec une hostie consacrée pour en fabriquer un poison destiné à détruire la chrétienté et assurer la victoire du judaïsme. [Une hostie consacrée, chez les catholiques, consiste en une pastille de pain sans levain censé incarner le corps du Christ]. Condamnés au bûcher ils furent exécutés le 16 novembre 1491. Ce procès public et retentissant convainquit les Rois d’ordonner l’expulsion des Juifs.

Le 2 janvier 1492 les Rois catholiques prirent Grenade et y firent une entrée solennelle : c’en était fini de la présence musulmane en Espagne. Le 31 mars Isabelle et Ferdinand signèrent dans le palais de l’Alhambra l’édit d’expulsion des Juifs. Divulgué le 1 mai 1492 cet édit donnait quatre mois aux Juifs pour liquider leurs affaires et prendre le chemin de l’exil. Par le hasard des dates, ce fut la même année que Christophe Colomb, pour le compte des Rois catholiques, croyant accoster aux Indes, débarqua le 14 octobre 1492 sur une petite île de l’archipel des Bahamas (au sud-est de la Floride) qui fut baptisée San Salvador ( le Saint Sauveur, par référence au Christ).

Au cours de l’été 1492, 150 000 à 200 000 Juifs durent quitter l’Espagne. Quelques-uns allèrent en Navarre, 50 000 à 80 000 allèrent au Portugal, 20 000 à 40 000 au Maghreb, 20 000 en Italie, 40 000 à 60 000 dans l’empire ottoman. Beaucoup moururent sur la route de l’exil.

« En quelques mois raconte le chroniqueur Andrès Bernaldez les Juifs vendirent tout ce qu’ils purent ; ils donnaient une maison pour un âne, une vigne pour une pièce de tissu...Ensuite ils se mirent en route, les uns tombant, les autres se relevant, les uns mourant, les autres naissant, d’autres encore tombant malades et il n’ y eut pas de chrétiens qui les plaignit »

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Lettre 58-3

1 juin 2019,

Samuel,

XV siècle chapitre 3

En Europe occidentale une succession d’évictions, d’autodafés et d’incarcérations collectives fut menée contre les Juifs après la fin de la période de la Peste noire. De 1450 à 1520 quelques quatre-vingt-dix villes allemandes procédèrent à des expulsions en chaîne. En Suisse les Juifs durent quitter Zurich en 1436 puis Genève et Lausanne en 1490. Lorsque la Provence fut rattachée au royaume de France en 1481 les Juifs provençaux furent à leur tour expulsés. D’une manière générale, en Europe occidentale, ils furent tous progressivement bannis ou cantonnés dans des ghettos.

Seule l’Italie les accueillit avec bienveillance. Bien intégrés, ils participèrent activement à la Renaissance et celle-ci influença à son tour les études juives. Quelques noms de la communauté juive se distinguèrent. Dans le domaine de la musique : Salomone de Rossi, dans celui de l’histoire : Azaria de Rossi, dans celui de la philosophie : Elyio Delmedigo et Jean Alemanno qui fut le professeur d’hébreu de Pic de la Mirandole (1463-1494), chrétien hébraïsant, kabbaliste et philosophe majeur de la culture européenne. Mais l’Italie finit par être rattrapée par la vague hostile aux Juifs. Dans le pays même une propagande anti-juive initiée par les franciscains se développa dans la seconde moitié du XV siècle. En 1475, à Trente, une première accusation de meurtre rituel fut portée contre la communauté. Cette date indiqua le début de l’enfermement et de l’expulsion des Juifs d’Italie. Cette hostilité s’accrut encore quand les rois d’Espagne, qui possédaient alors la Sicile et la Sardaigne, décidèrent d’expulser les juifs d’Espagne, y compris donc ceux de ces deux régions. Seules Rome, Ancône, Ferrare et Venise conservèrent une population juive notable, pourtant formée de « nouveaux chrétiens », mais acceptés en raison de leurs capacités à établir des relations commerciales avec l’empire ottoman.

Dans le même temps l’Europe ne s’ intéressa jamais autant aux Juifs quant à leur histoire, à leur langue et à leurs textes sacrés. Un nombre croissant d’humanistes et de savants chrétiens s’adonnèrent à l’étude de l’hébreu et de l’Ancien Testament, l’hébreu étant considéré comme la clé de compréhension des textes juifs, textes censés, aux yeux des chrétiens, conserver les secrets de l’Univers, les preuves de la divinité du Christ et le mystère de l’attachement des Juifs à leur religion.

En Pologne où de nombreux Juifs avaient trouvé refuge (voir lettre 57-chapitre 1) la vague anti-juive eut des effets limités. L’héritière du trône du pays se maria en 1386 avec le grand-duc Jagellon de Lituanie (vaste région située à cette époque entre la Pologne et la Russie) ce qui ouvrit le duché à l’immigration juive : en effet, en 1388, des droits économiques identiques à ceux acquis par les Judéens de Pologne leur y fut accordés. D’une manière générale les Juifs durent faire face à l’offensive des autorités catholiques menée par l’archevêque de Cracovie ce qui leur valut de subir quelques persécutions mais ils bénéficièrent de la protection des Jagellons ce qui leur permit de rester dans le pays.

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Lettre 58-4

2 juin 2019

Samuel,

XV siècle chapitre 4

En Égypte l’ostracisme anti-dhimmi atteignit son paroxysme sous le sultan mamelouk Jaqmaq qui, en 1448, alla jusqu’à interdire aux médecins juifs et chrétiens de soigner des musulmans. Mais les mamelouks ne tombèrent pas dans l’extrémisme chrétien d’Occident, ils n’expulsèrent pas les Juifs de leur territoire.

En Palestine, appelée Eretz-Israël par les Judéens, sous domination mamelouk, la communauté juive vécut sans être notablement inquiétée. Les rapports avec les communautés chrétiennes et musulmanes restèrent toutefois difficiles. En 1428 les Judéens tentèrent de s’emparer d’un site du mont Sion (une colline qui domine Jérusalem) connu pour être le tombeau du roi David mais les Franciscains (catholiques) qui tenaient le site résistèrent. En 1474 les musulmans détruisirent la synagogue de Jérusalem mais le sultan mamelouk ordonna aussitôt sa reconstruction.

Tout au long du XV siècle un courant d’immigration élitiste, composé de juifs persécutés en Occident, enrichit les communautés juives locales. En 1456 le dirigeant de la communauté de Jérusalem invita les Juifs persécutés de la diaspora à monter en Palestine. Après l’édit d’expulsion signé par les Rois catholiques d’Espagne en 1492 cette immigration fut essentiellement de source espagnole, ce qui marqua le judaïsme palestinien qui resta, jusqu’au XIX siècle, de nature essentiellement séfarade.

En Asie mineure, Tamerlan, dit « le Cruel » (il fit ériger des minarets composés de crânes humains), après sa victoire sur Bajazet, le fit enfermer dans une cage dans laquelle ce dernier expira. Tamerlan au lieu d’entrer en Europe attaqua la Russie ainsi que l’Inde. Mais il mourut en 1405 et ses héritiers laissèrent tomber en ruine son empire, se contentant de créer des dynasties en Perse, en Transoxiane et en Afghanistan.

Une guerre de succession éclata entre les fils de Bajazet ce qui stoppa temporairement les menées conquérantes des Ottomans. Les Empereurs byzantins profitèrent de cette accalmie pour tenter de nouer des alliances. L’Anatolie et une partie des Balkans étaient déjà sous la domination des Ottomans, l’empire byzantin n’était donc plus que l’ombre de lui-même. Manuel II Paléologue qui régna sur Constantinople de 1391 à 1425 demanda l’aide des Occidentaux. En vain. Les Turcs se regroupèrent sous la poigne d’un nouveau chef Murad II. Celui-ci reprit les conquêtes. Les ports de la mer Noire (au nord de l’Anatolie) puis Thessalonique (port de le mer Égée) tombèrent sous sa domination. Le successeur de Manuel, Jean VIII Paléologue, partit en Italie en 1437 pour demander assistance au Pape. Il accepta d’acter la réunification de la chrétienté latine et de la chrétienté grecque en 1439. Mais cet accord ne servit à rien. D’abord il fut rejeté par la population byzantine qui n’avait pas oublié comment les Croisés de la quatrième croisade avait saccagé leur capitale (voir lettre 56, deuxième partie) ensuite parce que, sous l’impulsion du Pape, l’armée qu’envoya l’Occident pour contrer les Turcs ne fit pas le poids. Conduite par un Jagellon (voir ci-dessus le chapitre sur la Pologne) roi de Pologne et de Hongrie, cette armée franchit le Danube en 1443, prit Sofia (Bulgarie) mais fut anéantie par Murad en 1444, à Varna (Bulgarie). Constantinople fut abandonnée à elle-même. En 1453 le successeur de Murad, Mehmed II mit le siège devant la ville. Le 29 mai les troupes ottomanes pénétrèrent dans la ville, tuèrent l’empereur Constantin XI Draganes, le successeur de Jean VIII, et soumirent la ville au pillage. Puis Mehmed II entra dans la ville et en fit sa capitale.

En 1456 le duché d’Athènes se soumit, en 1460 la Morée (Péloponnèse) tomba à son tour : ainsi la Grèce devint ottomane. Puis la Bosnie fut conquise entre 1462 et 1466, ainsi que l’Herzégovine en 1481. Au final les contours de l’empire ottoman épousèrent les contours de l’ancien empire byzantin.

Mehmed II apporta la stabilité dans ce nouvel empire, créant un État fort et centralisé, ce qui favorisa la mise en culture de nouvelles terres et développa le commerce. Cet essor de l’ économie impériale mais aussi la tolérance du sultan turc qui laissa tous ses sujets libres de pratiquer leur religion et de parler leur langue, explique la faible émigration balkanique. Seule une partie des élites partit et alla alimenter la renaissance italienne grâce à l’apport de leur culture grecque. L’autre versant de l’ancienne culture byzantine, la religion orthodoxe, fut revendiquée par la Russie qui estima, après la chute de Constantinople, qu’elle était la seule héritière de l’empire romain d’Orient.

L’empire ottoman fut le pays d’accueil par excellence des réfugiés juifs d’Espagne qui affluèrent dès la prise de Constantinople. Ils se posèrent en concurrents des sujets ottomans de confession chrétienne apportant avec eux des savoir-faire précieux. Un chroniqueur écrit : « [les Juifs] ont des ouvriers en tous arts et manufactures excellents, spécialement des marranes, il n’ y a pas longtemps bannis d’Espagne, lesquels au grand détriment et dommage de la chrétienté, ont appris aux Turcs plusieurs inventions, artifices et machines de guerre, comme à faire artillerie, arquebuses, poudres à canon, boulets et autres armes. Semblablement ils y ont dressé une imprimerie, jamais auparavant vue en ces régions ».

Installés en premier lieu à Constantinople, les réfugiés ibériques arrivèrent encore plus nombreux à partir de 1492. Ils trouvèrent dans la ville une communauté de Romaniotes d’origine byzantine (les Juifs de Grèce) nouvellement implantée là par les Turcs à la suite de déplacements de population organisés par ces derniers afin que ces Romaniotes concourent au développement de leur nouvelle capitale. Ainsi les Juifs furent associés, dès l’origine, au renom naissant de l’empire turc.

[Les Romaniotes désignent d’une manière générale des Juifs de culture grecque installés autour de la Méditerranée orientale et autour de la mer Noire].

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Lettre 59-1

8 juin 2019

Samuel,


XVI siècle

Evolution générale en Europe (partie 1)

Les peuples européens continuèrent de s’affirmer en tant que nations, développant le sentiment d’appartenir à des communautés fondées sur une histoire et une mémoire communes, et sur des traits culturels communs : modes de vie, langue, territoire, religion, système politique construit autour de la royauté.

A la fin du XV siècle l’empire mamelouk musulman détenait la clé des routes commerciales avec l’Orient. Les Européens voulaient trouver des routes alternatives afin de se libérer de l’influence musulmane. La voie terrestre paraissait impraticable vu l’émergence de l’empire ottoman. Restait la route maritime.

Leur recherche était motivée aussi par l’espoir de trouver de nouvelles terres riches en gisements d’or et d’argent. Le développement économique européen avait provoqué une pénurie d’espèces monétaires à l’époque composées de métaux précieux (on ne connaissait pas encore la monnaie papier).

Les Européens pensaient qu’un même océan entourait la terre et qu’en outre celle-ci était une sphère de faible rayon. Il suffisait donc de tenter de contourner l’Afrique par la mer ou encore de voguer vers l’ouest pour attendre aisément l’Inde et la Chine.

Ce furent d’abord les Portugais qui mirent en acte cette idée. Sous l’impulsion de l’Infant Henri le navigateur (1394-1460) ils commencèrent par explorer la côte occidentale africaine et à y installer des comptoirs (des relais commerciaux). Puis en 1488 le portugais Barthélemy Diaz doubla la pointe extrême de l’Afrique du sud qu’il appela cap des Tempêtes avant que son souverain le rebaptise cap de Bonne Espérance. En 1497 le portugais Vasco de Gama doubla à son tour le cap de Bon Espérance, remonta la côte orientale africaine et finit par accoster en Inde à Calicut le 21 mai 1498 guidé par un pilote arabe : la route des Indes était ouverte.

Ce fut ensuite le génois Christophe Colomb qui, pour le compte des rois d’Espagne, partit à la recherche d’une voie maritime passant par l’ouest. Nous avons vu comment il accosta sur la côte de San Salvador le 12 octobre 1492 (voir lettre 58-2) pensant avoir trouvé l’Inde. D’où le nom d’Indes occidentales donné aux Antilles et le nom d’Indiens donné aux habitants de l’Amérique.

Après Christophe Colomb les explorations de Cabot, de Cabral et d’Amerigo Vespucci à la fin du XV siècle et au début du XVI siècle convainquirent les Européens qu’ils avaient trouvé un nouveau continent situé entre l’Europe et l’Orient. En l’honneur d’Amerigo Vespucci un géographe appela l’Amérique du sud « America », nom qui fut ensuite donné au nouveau monde.

Entre 1519 et 1522 le portugais Magellan, pour le compte de l’Espagne, longea les côtes d’Amérique du sud, s’engagea dans le détroit qui porte aujourd’hui son nom et déboucha dans l’Océan pacifique (il lui donna ce qualificatif car il le découvrit par temps calme). Il fut tué aux Philippines mais l’un de ses bateaux regagna l’Espagne après avoir traversé l’océan Indien et doublé le cap de Bon Espérance. Il était désormais possible d’atteindre l’Inde et la Chine par des voies maritimes hors contrôle de l’empire égyptien.

Les Portugais établirent sur la côte occidentale de l’Inde des comptoirs dont le plus important fut Goa. Dans le même temps ils exploitèrent les richesses de la côte occidentale africaine. Ils en rapportèrent de l’or ( jusque là acheminé par caravanes jusqu’aux ports algériens de la méditerranée), des esclaves et des épices (le poivre de Guinée). En Amérique du sud ils colonisèrent le Brésil après que l’un des leurs, Cabral, l’eut découvert en 1500. Ainsi se construisit vers 1550 le premier empire colonial qu’ait possédé un État européen.

En 15 ans, entre 1520 et 1533 les conquistadors espagnols, Cortés au Mexique et Pizarro au Pérou contrôlèrent l’Amérique centrale et une partie de l’Amérique du sud construisant eux aussi un empire colonial. Cette conquête rapide, au détriment de deux empires pourtant bien organisés et civilisés, fut la conséquence de la crédulité des Amérindiens. Les Aztèques comme les Incas prirent les Espagnols pour des Dieux ce qui permit à ces derniers de profiter de leur naïveté et de les massacrer. De plus les Espagnols amenèrent avec eux des maladies qui décimèrent les populations locales. Ils détruisirent ainsi deux civilisations millénaires, puis ils asservirent leurs populations. Les Indiens furent astreints à travailler sur leurs terres confisquées et à exploiter les mines d’or et d’argent pour le compte de leurs oppresseurs. Ils furent cruellement traités et beaucoup moururent. Pour remplacer les Indiens les Espagnols firent venir d’Afrique des esclaves noirs plus robustes. Ce commerce des esclaves, appelé traite, poussa les roitelets africains à se faire entre eux des guerres pour se procurer des prisonniers et les livrer comme esclaves aux négriers blancs.

Un dominicain Fra Bartolomé de Las Casas, tenta de prendre la défense des Indiens. Dans la controverse de Valladolid il soutint que les Indiens étaient des êtres raisonnables, qu’ils avaient donc une âme et qu’ils devaient être respectés. Face à lui les défenseurs des colons estimaient que les Indiens étaient des êtres inférieurs qui n’avaient donc pas le droit d’être traités avec humanité. Las Casas n’arriva pas à s’imposer et les Indiens continuèrent d’être exterminés.

Beaucoup de plantes d’Amérique : maïs, tabac, haricot, tomate, cacao, vanille, quinquina, manioc, ananas furent introduites en Europe. Les métaux précieux affluèrent ce qui contribua à l’essor économique du continent grâce à l’abondance de monnaie propre à faciliter les échanges.

 

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Membre, SaXo, 103ans Posté(e)
saxopap Membre 7 391 messages
103ans‚ SaXo,
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Encore et encore des pages d'histoire dont intention n'échappèrent à personne.

tes textes sont formidables   @aliochaverkiev

Pourtant, avec tout ton art littéraire, tes connaissances historiques, écoute moi s'il te plait lorsque je te dis de ne pas mêler  le peuple juif à ce passé. 

J'aurais lu avec passion un exposé historique clairement orienté sur ce peuple. 

Mais je trouve maladroit de le noyer subtilement dans l'enchevêtrement et la complexité de l'histoire des hommes. . Tu dois comprendre que les non juifs vous défendrons toujours envers et contre tout, la solidarité sans faille des nations civilisées. 

Mais quel européen n'a pas conscience qu'il ne pourra jamais faire parti de ton peuple..se marier, adopter vos coutumes et que sais je,  Anisi ton peuple possède un statut tres particulier dans le coeur des hommes.

J'étais tres fier il y a quelques mois de savoir écrit: " je n'en ai rien à taper du peuple juif'   Je t'assure sur mon honneur que c'était un compliment, une manière de dire que je vous accorde absolument les mêmes valeurs que tous les autres peuples. 

Ne pas avoir de sentiment fort pour le peuple juif signifie lui attribuer tout son soutient, s'engager auprès de lui si besoin etc....n'avoir et surtout REFUSER D'AVOIR le moindre apriori sur ton peuple si particulier 

bien amicalement

peut etre laisseras tu un petit like ou pas like, je m'en tape car maigres tes anciennes erreurs, critiques et meseinterpretations  de ta part à mon sujet, je garde pour toi le meme respect simple et honnête. 

Le reste, c'est entre toi et toi, et peut etre ton Dieu, si par chance il existe ? lol 

bonne soirée 

( footes pas relu  désolé

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Lettre 59-2

9 juin 2019

Samuel,


XVI siècle

Evolution générale en Europe (partie 2)

L’Italie, foyer de l’humanisme et de la Renaissance (voir lettre 58-1), fascinait l’Europe par son rayonnement culturel et sa richesse financière (qu’elle devait à ses républiques tournées vers le commerce maritime). Ses grands maîtres, Léonard de Vinci (1452-1519), Raphaël (1483-1520), Michel Ange (1475-1564) et Titien (1477-1576) enchantaient le public européen.

Elle était divisée en sept États principaux qui se faisaient occasionnellement la guerre : le duché de Savoie-Piémont (Turin), la république de Gênes, le duché de Milan, la république de Venise, la république de Florence, les États de l’Église et le royaume de Naples. Les rois de France, pays alors le plus peuplé et le plus puissant, rêvaient de fédérer ces États sous leur autorité, de se poser en monarques dominants de l’Europe ainsi qu’en défenseurs de la chrétienté. Ils projetaient de faire de l’Italie une base de départ pour aller reprendre les Lieux Saints de Jérusalem aux Mamelouks avant d’aller combattre les Turcs.

Les esprits étaient alors enfiévrés, pas seulement en Europe, mais aussi dans les pays musulmans qui pensaient que le fait de fêter le dixième anniversaire de l’Hégire (voir lettre 47-1) précédait l’arrivée d’un mujaddid (revificateur) qui viendrait restaurer l’islam dans sa pureté originelle.

Les rois français, Charles VIII (1483-1498), Louis XII (1498-1515) et enfin François Ier (1515-1547) passèrent à l’acte et envahirent l’Italie. Mais ces guerres tournèrent court et les rois durent se replier en France. Jules Michelet (1798-1874), historien français, écrivit : « La découverte de l’Italie eut plus d’effet sur le XVI siècle que celle de l’Amérique. Cette barbarie [les Français étaient réputés se conduire en barbares] étourdiment heurte un matin cette haute civilisation [l’Italie] ; c’est le choc de deux mondes, mais bien plus de deux âges qui semblaient si loin l’un de l’autre ; le choc et l’étincelle ; et de cette étincelle, la colonne de feu qu’on appelle Renaissance ». Michelet fait allusion à l’émergence de la Renaissance française grâce aux guerres d’Italie au cours desquelles les Français s’imprégnèrent de l’esprit de l’humanisme et de la Renaissance italiennes.

Les humanistes européens créèrent une culture nouvelle qui fut diffusée par les livres et par de nombreux échanges entre nationaux de tous pays. Malgré les routes peu praticables et peu sûres, étudiants, pèlerins, marchands, lettrés et artistes ne cessaient de sillonner l’Europe pour se rencontrer. Leur état d’esprit, appelé esprit critique ou encore esprit de libre examen, les portait à ne rien croire sur parole, à tout examiner et à ne rien accepter pour vrai qu’ils ne puissent prouver.

Les humanistes continuaient de s’inspirer du christianisme mais ils estimaient qu’il fallait découvrir la religion dans la lecture des textes et non dans le respect des traditions, des dogmes ou des rites. Cela les conduisit à étudier les langues anciennes, à les enseigner, à traduire les livres religieux et à diffuser leurs traductions grace à l’imprimerie. Ils s’inspirèrent aussi des écrits de l’Antiquité dans l’élaboration de leur pensée. De telles études firent d’eux des érudits et des savants dans toutes les disciplines. Sous l’ influence des œuvres antiques ils célébrèrent la vie, la beauté, la gloire alors que les prélats catholiques professaient le dédain du corps, l’humilité et l’obéissance. D’une manière générale les humanistes s’insurgeaient contre les injustices de leur époque et contre les comportements des ecclésiastiques qui profitaient de leur autorité morale pour s’enrichir et s’adonner à toutes sorte de plaisirs. Les humanistes favorisèrent ainsi l’émergence du renouveau chrétien appelé : la Réforme (voir lettre suivante).

Parmi les humanistes les plus connus citons Érasme et Thomas More. Érasme naquit à Rotterdam en 1467, il fut ordonné prêtre en 1492. Il édita : « l’Éloge de la folie » en 1511. Il estimait que la piété ne se jugeait pas à partir de rôles et de signes extérieurs mais à partir de la foi intérieure. Il critiqua les ecclésiastiques qui selon lui trahissaient le message évangélique. Il désirait établir une société fraternelle centrée sur le message d’amour de Jésus. Il mourut à Bâle en 1536.

L’Anglais Thomas More (1478-1535) écrivit :« l’Utopie ». Il dénonça lui aussi les désordres moraux des responsables de son époque. Il imagina dans l’Utopie une société idéale : égalité totale, abolition de l’argent, les richesses sont propriété de l’État qui les distribue, six heures de travail seulement par jour, gouvernement dirigé par un prince soumis au peuple (démocratie), la famille est la cellule de base, les filles se marient à 18 ans, les garçons à 22 ans, ils s’épousent par inclination, droit au divorce, tâches partagées entre les époux, un Utopien victime d’une maladie incurable peut abréger ses jours par suicide (le suicide était expressément condamné par l’Église).

Signalons dans le domaine des sciences l’étude « De revolutionibus orbium coelestium libri VI » que Copernic (1473-1543), polonais, ne dévoila que quelques jours avant sa mort en 1543. Il suggéra que la Terre tournait autour du soleil en un mouvement circulaire et uniforme. Il eut la prudence de présenter son travail comme une simple hypothèse (pour l’Église la Terre était le centre de l’Univers, affirmer le contraire n’était pas alors toléré).

 

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  • 1 mois après...
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satinvelours Membre 3 006 messages
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Lettre 59-3

11 juillet 2019

Samuel,

 

XVI siècle

Evolution générale en Europe (partie 3) : la Réforme

La Réforme est un mouvement religieux initié par Martin Luther (1483-1546) puis développé par d’autres prédicateurs, notamment Jean Calvin (1509-1564). Il s’ensuivit la création d’Églises réformées (luthéranisme, calvinisme, anglicanisme, etc.) l’ensemble des ces Églises formant le protestantisme, branche du christianisme concurrente du catholicisme et de l’Église orthodoxe.

Les chefs de l’Église catholique se distinguaient par leur immoralité : corruption, débauches, incestes, assassinats, oisiveté, étalement de richesses… Face à ces comportements dévoyés le peuple mais aussi les classes dominantes vivaient dans l’angoisse. Le contrecoup du cataclysme de la peste, les guerres, la nouvelle menace turque, les changements économiques, tout cela engendrait peur, angoisse et même terreur tant le sentiment de la mort et du châtiment à venir hantaient les esprits.

L’Église catholique enseignait qu’après la mort les hommes seraient, après le jugement dernier, aiguillés vers le Paradis ou le Purgatoire (lieu de transition douloureux en attendant d’accéder au Paradis) ou l’Enfer lieu de souffrances éternelles selon leurs bonnes ou mauvaises actions accomplies dans ce monde. Or chacun se pensait pécheur et donc promis à l’Enfer. Le péché seul pouvait expliquer les cataclysmes vécus, le péché avait séparé l’homme de Dieu conduisant celui-ci à l’ abandonner. Dans ces conditions comment trouver le Salut ?

Les Papes imaginèrent le système des Indulgences. Contre des dons en argent faits pour financer les œuvres ecclésiales les chrétiens pourraient être remis de leur péchés par l’autorité papale. Il devenait donc possible d’acheter la rémission de ses fautes et d’éviter le châtiment éternel. Les Papes activèrent sérieusement ce système quand il leur prit l’idée de construire une nouvelle basilique à Rome qui fût de proportions phénoménales et d’une beauté inégalée. Prêtres et envoyés de Rome sillonnèrent alors les terres européennes pour lever de l’argent.

Martin Luther naquit en 1483 à Eisleben en Allemagne orientale. Il rentra chez l’ordre des ermites augustins d’Erfurt puis fut sacré prêtre en 1507. C’était un esprit inquiet et tourmenté. Il pensait que toutes ses prières ne suffiraient pas à lui assurer le salut.

En 1513, réfugié dans une tour d’un couvent il comprit que le salut ne pouvait pas venir du repentir mais de la foi. L’homme est de toute façon déchu, en raison du péché originel, mais le Christ est venu le sauver. C’est la foi en Jésus, fils de Dieu, seul apte à faire la jonction entre les hommes et Dieu, qui, seule, peut sauver le pécheur. La religion doit devenir personnelle et intérieure, il faut rejeter les dogmes, la tradition et la théologie telle qu’ils sont enseignés et en revenir à la lecture directe des Livres saints, sans plus s’abandonner à l’autorité et à l’exégèse des prélats.

Luther alla encore plus loin. Alors que l’Église romaine enseignait que l’homme pouvait contribuer à son salut en faisant de bonnes œuvres (dont notamment celle de faire des dons à l’Église) Luther affirma le contraire. Les bonnes œuvres ne pouvaient aucunement assurer le salut. C’est la foi qui assure le salut. Qu’est ce que la foi pour Luther ? C’est ce sentiment éprouvé par le pécheur quand il sent l’irruption en lui de Dieu venu de sa propre initiative le sauver. C’est Dieu qui décide de sauver le chrétien en se révélant, par l’intermédiaire de Jésus, révélation qui s’accompagne de ce sentiment, éprouvé par l’élu : « J’ai la foi ». Alors seulement le croyant réalise des bonnes œuvres, celles-ci étant une conséquence naturelle de la foi. Ainsi s’explique la formule que Luther affectionnait et qu’il avait emprunté à Paul : « Le salut par la foi, indépendamment des œuvres ».

Quand en 1517 un marchand d’indulgences vint se présenter à Wittenberg, en Allemagne, résidence de Luther, ce dernier s’emporta et placarda sur la porte de l’église quatre-vingt-quinze thèses qui dénonçaient le marchandage des indulgences. Cette protestation connut un succès foudroyant dans toute l’Allemagne grâce au relais de l’imprimerie. La condamnation des indulgences suscita d’âpres querelles, renforçant Luther dans ses prises de position radicales. « En dehors de la foi tout le reste est superflu affirmait-il, y compris l’Église et ses prêtres. Chacun doit devenir son propre prêtre, nul ne doit plus se fier aux dogmes de l’Église. C’est dans la Bible que chacun doit rechercher les intentions de Dieu et dans la Bible seule »

Ces affirmations conduisirent le Pape Léon X à l’excommunier en1520. L’empereur d’Allemagne, Charles V dit Charles Quint mit Luther au ban de l’Empire en 1521 ce qui signifiait qu’il était désormais hors la loi, que nul ne devait l’assister, que chacun pouvait même le tuer. Le prince de Wittenberg, le duc de Saxe, surnommé Nathan le Sage vint à son secours et le cacha dans son château, la Wartbourg. Là Luther traduisit la Bible dans une nouvelle langue, synthèse des différents dialectes germaniques de l’époque, donnant ainsi naissance à une nouvelle langue : l’allemand.

Pendant ce temps les idées de Luther, rassemblés sous le nom de luthéranisme se répandaient dans l’Empire. Les paysans interprétèrent ses idées comme une invitation à ne plus obéir qu’à sa conscience et à rejeter tout maître. Ils se révoltèrent contre les propriétaires terriens provoquant de grands troubles sociaux. Nombre de princes quant à eux se convertirent au luthéranisme voyant ainsi un moyen de s’affranchir de la tutelle religieuse du Pape et surtout un moyen de s’approprier les biens fonciers de l’Église.

Luther put sortir libre de sa cachette en 1522. Il condamna les révoltes paysannes et prit parti pour les princes rebelles. Les paysans rentrèrent dans le rang. Il organisa le culte propre à sa nouvelle religion (il autorisa notamment le mariage des pasteurs, diffuseurs de sa doctrine) et il plaça son Église sous la dépendance des princes convertis à sa doctrine. Ainsi rompit-il définitivement avec la Papauté et avec le catholicisme.

Charles Quint tenta d’étouffer le luthéranisme mais les princes convertis protestèrent (d’où le nom de protestants donné aux partisans de la Réforme). En définitive, malgré l’emploi de la force, Charles Quint ne parvint pas à éradiquer la nouvelle religion. De guerre lasse, il laissa son frère Ferdinand signer en 1555, avec les princes allemands, le compromis connu sous le nom de paix d’Augsbourg. Les princes se firent reconnaître le droit d’être à leur gré catholiques ou luthériens. Il y eut désormais deux Allemagnes, l’une catholique, l’autre luthérienne. Au milieu du siècle le luthéranisme finit par remplacer le catholicisme dans la moitié de l’Empire, en Prusse et dans les pays scandinaves. La nouvelle religion augmenta le pouvoir des princes convertis mais elle détruisit aussi l’unité de l’Allemagne déjà affaiblie politiquement par le morcellement politique de son territoire.

En France les idées de Luther commencèrent à diffuser à partir de 1520. Jean Cauvin, qui prit le nom de Jean Calvin, né en 1509 à Noyon, mort à Genève en 1564 modifia quelques points de théologie de Luther et fonda sa propre Église appelé Calvinisme ou Religion réformée, variante chrétienne du luthéranisme. Des Églises calvinistes furent fondées non seulement en France mais aussi aux Pays Bas, en Hongrie, en Allemagne occidentale, en Suisse et en Écosse.

Les rois catholiques, restés fidèles au Pape entreprirent de contrer ces nouvelles religions. Il s’ensuivit ce que nous appelons : les guerres de Religion. Nous en parlerons dans la prochaine lettre.

En Angleterre la réforme fut introduite par les souverains. Cette rupture avec Rome eut des causes privées. Le roi Henri VIII (1491-1547), d’abord catholique et hostile au luthéranisme, voulut divorcer de sa femme et épouser sa belle-sœur. Ce qu’il fit alors que ce type de mariage endogamique (ainsi que le divorce) était interdit par la papauté, sauf à demander une dérogation. Ensuite il voulut à nouveau divorcer et se marier avec une demoiselle d’honneur, Anne Boleyn. Pour régulariser sa situation il demanda au Pape d’annuler ses précédents mariages. Mais le Pape n’en fit rien. Ce qui excéda le roi qui décida de s’affranchir de l’autorité de Rome. Il contraignit le clergé anglais à rejeter l’autorité du Pape et à accepter le roi comme chef religieux (puis il épousa Anne Boleyn).

C’est ainsi que naquit l’anglicanisme, religion assez proche du catholicisme mais influencée aussi par le luthéranisme, gouvernée désormais non par le Pape mais par les rois. Cette naissance fut officialisée par l’Acte de Suprématie (1534) acte qui stipulait que le Pape était interdit d’exercer une autorité en Angleterre et que Henri VIII devenait l’unique et suprême chef de l’Église d’Angleterre.

L’ anglicanisme, sous l’influence des calvinistes, enfanta un autre mouvement : le puritanisme. Ce mouvement rejetait toutes les influences catholiques subsistant encore dans l’anglicanisme (ils voulaient purifier l’Église d’Angleterre de ce qui subsistait « d’idolâtrie papale »). Ils rejetaient l’Acte de Suprématie car cet acte soumettait la nouvelle religion aux rois, alors qu’ils étaient partisans d’une élection des chefs religieux par les fidèles. Le conflit entre les puritains et les anglicans dressa nombre de gentilshommes anglais contre le roi, conflit qui joua un rôle capital dans l’histoire de l’Angleterre au XVII siècle.

 

Passe de belles vacances,

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  • 1 mois après...
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satinvelours Membre 3 006 messages
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Lettre 59-4

16 août 2019

Samuel,

XVI siècle

Evolution générale en Europe (partie 4) : la contre-réforme et les guerres de religion

Face à l’essor du protestantisme l’Église catholique entreprit sa propre réforme appelée la contre-réforme. Ignace de Loyola (1491-1556) initia ce renouveau catholique.

Au cours du siège de Pampelune, en Espagne, en 1521, opposant François 1er, roi de France à Charles Quint, l’empereur d’Allemagne (qui était aussi roi d’Espagne sous le nom de Charles 1er) Ignace de Loyola, jeune noble espagnol, fut blessé. Immobilisé il décida de changer de vie. De combattant sur le terrain militaire il devint combattant au profit de son Église, l’Église catholique.

Retiré à Manresa, près de Monserrat, en Espagne, il s’astreignit à une ascèse sévère, renonçant à tous les désirs terrestres pour ne plus obéir qu’à la volonté du Christ et à la promotion du catholicisme.

Selon la légende lui et six de ses compagnons, le 15 août 1534, dans l’église Saint-Pierre de Montmartre, à Paris, firent vœu de pauvreté, de chasteté et d’obéissance à Dieu, au Christ, au Pape. Ainsi naquit la Compagnie de Jésus : les Jésuites. La Compagnie se mit à la disposition du pape en 1540 qui s’en servit comme bras armé (spirituellement) de la reconquête catholique.

Le Pape Paul III, élu en 1534, face à la progression des idées luthériennes en Italie, créa la Congrégation de la suprême Inquisition qui devint ensuite le Saint-Office : six cardinaux dont l’impitoyable Carafa furent nommés inquisiteurs généraux et organisèrent une répression féroce contre les luthériens italiens. En 1543 le Pape décida la création de l’Index : les livres jugés dangereux pour la foi catholique furent interdits de lecture et des mesures sévères frappèrent les libraires et les imprimeurs qui les éditaient.

La Papauté, sous l’influence des Jésuites, réaffirma les dogmes catholiques que les protestants avaient rejetés : réaffirmation de la tradition fixée par les Papes et non pas seule référence aux écritures, réaffirmation de l’autorité de la Vierge et des Saints, rejet de la traduction luthérienne de la Bible, vénération des reliques et des images, possibilité de trouver le salut non seulement dans la foi mais aussi dans les œuvres (voir à ce sujet la position de Luther : lettre 59-3), reconduction du célibat des prêtres et du latin dans la pratique du culte (Luther avait remplacé le latin par l’Allemand). En même temps la Papauté pourchassa tous les abus dans son propre clergé, extirpant la corruption, combattant les mœurs licencieuses, organisant la formation des prêtres dans des séminaires sous la direction des Jésuites.

Puis la Papauté exigea d’exercer sur toute l’Église catholique de l’Occident son autorité spirituelle, les rois ne devant pas, selon elle, s’occuper des affaires religieuses, et le Pape devant détenir la décision quant à la gestion de tous les clergés catholiques. Cette exigence est appelée l’Ultramontanisme. Elle s’oppose au Gallicanisme position politique française qui veut organiser l'Église catholique de façon autonome par rapport au pape.

En 1560 l’Église catholique s’est redressée. Contre la réforme scindée en plusieurs Églises rivales (luthériens, calvinistes, anglicans…) l’Église catholique opposait désormais un front uni, un seul dogme, un seul chef, un bras armé et militant : les Jésuites. Confortés par la nouvelle légitimité morale de leur Église, pour les catholiques, la lutte contre les protestants pouvait commencer. C’est en France, pays à dominante catholique, dirigé par des rois catholiques, que cette guerre des religions s’engagea. Les belligérants furent aussi appelés, pour les catholiques : papistes (servants du Pape) et pour les protestants : huguenots, mot apparu en 1552, altération sans doute du mot allemand eidgenossen, c’est-à-dire : unis par serment.

En France, à François Ier qui régna de 1515 à 1547 succéda en 1547 son fils Henri II. Il tenta de contenir la progression du calvinisme, en vain. Il mourut en 1559. Ses trois fils lui succédèrent : François II, roi à quinze ans, qui régna de 1559 à 1560, Charles IX, roi à dix ans ce qui nécessita la régence de sa mère Catherine de Médicis, il régna de 1560 à 1574, et enfin Henri III qui régna de 1574 à 1589. Ils révélèrent une faiblesse de caractère telle que ce furent les nobles et leurs factions qui imposèrent leur autorité. Mais comme les uns étaient protestants et les autres catholiques, comme en plus chaque faction visait aussi le pouvoir politique cela dégénéra en guerres civiles.

Les historiens distinguent huit guerres de religion entre 1562 et 1593. Le conflit atteignit son paroxysme avec le massacre de la Saint-Barthélémy ordonné par Charles IX sous l’influence de sa mère Catherine de Médicis. Le massacre commença à l’aube du dimanche 24 août 1572 (jour de la Saint-Barthélemy) à Paris. Sur l’ordre du Roi il s’étendit à toutes les grandes villes du royaume. Les tueries déchirèrent le pays, les protestants résistèrent. L’anarchie se généralisa. Charles IX mourut en 1574.

Son successeur Henri III apaisa les tensions en désavouant le massacre de la Saint -Barthélemy, en accordant aux huguenots le droit de célébrer leur culte dans toute la France sauf à Paris.

Ces dispositions déplurent aux catholiques. Ils formèrent une Ligue dirigée par le duc Henri de Guise, dit le Balafré (à la suite d’une blessure infligée par un protestant lors d’une bataille). La Ligue prônait l’union de la France avec la Papauté et avec l’Espagne (pays fermement catholique) alors dirigée par le roi Philippe II.

Le Balafré aspirait à remplacer Henri III pour barrer la route à Henri de Navarre, le successeur légitime de Henri III, mais de confession protestante. Il s’entendit avec Philippe II pour faire pression sur Henri III afin qu’il interdise aux protestants d’ exercer leur culte et qu’il les oblige à abjurer leur religion sous peine d’exil. Il s’entendit avec le Pape afin que celui-ci déchut Henri de Navarre de tous ses droits à la couronne. Alors la guerre reprit.

Le peuple était derrière le Balafré. Le Balafré vint défier le Roi à Paris, le Roi mobilisa ses troupes. Le peuple se souleva : ce fut la Journée des Barricades (mai 1588). Le Roi recula, il nomma le Balafré à un poste administratif de prestige mais en sous-main il organisa son assassinat. Le duc de Guise mourut percé d’une trentaine de coups d’épées et de dagues au château de Blois le 23 décembre 1588.

Le lendemain le peuple de Paris se révolta. Des délégués des seize quartiers de la ville, le Conseil des Seize, prononça la déchéance d’Henri III. Henri III décida de reprendre Paris. Il s’allia avec Henri de Navarre, tous deux firent le siège de la capitale. Henri III fut assassiné par un moine catholique, Jacques Clément (en août 1589). Avant de mourir il désigna Henri de Navarre comme son successeur légitime. Ce dernier s’empara de la royauté sous le nom d’Henri IV. Mais il ne put prendre Paris, il se replia en Normandie.

Il repartit à l’assaut de la capitale. Il remporta quelques victoires mais à nouveau il échoua à prendre la ville. Philippe II envoya son général Alexandre Farnèse défendre Paris. Henri IV dut lever le siège en 1590, une garnison espagnole s’installa dans Paris.

Le Roi d’Espagne songea alors mettre sur le trône de France sa fille Isabelle. Il déclara son intention à la Ligue et au peuple de Paris. Celui-ci vacilla dans ses convictions. L’amour de la Patrie le disputa à l’attachement au catholicisme. Là-dessus Henri IV abjura sa religion, il se convertit au catholicisme. Alors le peuple se retourna et défendit son Roi.

Henri IV fut sacré roi le 27 février 1594 en la cathédrale de Chartres. [Sacre : cérémonie bénie par l’Église catholique représentée par ses évêques ; le sacre lui-même consista en l’onction d’une huile sainte sur le corps du roi ; selon la légende cette huile, conservée dans une abbaye, avait été jadis apportée par des anges sur terre pour soigner les blessures d’un saint, Saint Martin]. Puis il rentra sans combattre dans Paris. Les Espagnols furent chassés de France après d’âpres combats.

Après de longues et délicates négociations Henri IV dit «le Grand» parvint à faire signer aux belligérants, papistes et huguenots, un compromis qui mit fin aux guerres de religion en France : l’Édit de Nantes, signé le 30 avril 1598. L’Édit accordait aux protestants le droit de célébrer publiquement leur culte, il leur accordait aussi l’égalité avec les catholiques devant la loi et l’accès à tous les emplois.

 

J’espère que tu t’acclimates bien à ta nouvelle vie en Russie. La Place rouge est la plus belle des places, elle rayonne sous la mémoire d’une histoire séculaire, la grande histoire de Russie.

Je pense à toi, je suis tes pas chaque jour là-bas,

 

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saxopap Membre 7 391 messages
103ans‚ SaXo,
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Le 11/07/2019 à 16:02, satinvelours a dit :

C’est Dieu qui décide de sauver le chrétien en se révélant, par l’intermédiaire de Jésus, révélation qui s’accompagne de ce sentiment, éprouvé par l’élu : « J’ai la foi ». Alors seulement le croyant réalise des bonnes œuvres, celles-ci étant une conséquence naturelle de la foi. Ainsi

Ce passage me plaît, m’intéresse, m’interpelle.

La prédestination des élus m’avait été enseignée sans plus d’explications. Inutile de vous dire comme j’y fut opposé durant de longues années. 

Je découvre ici une subtilité qui me réconforte: la croyance avant l’offrande. Pourtant l’élu est à nouveau cité. Le maladroit offrant par gentillesse ou respect ne serait il pas élu au motif qu’il est incertain de sa croyance?   Dieu est amour, il pardonne et ouvre nos bras.   

Enfin, cet enfant reçoit tant de messages et un amour louable. Pourriez vous conclure par : «  tous les enfants du monde, je vous aime? »

Pardonnez mon indécente suggestion, cela ne devrait pas me regarder..    et pourtant. ... 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Lettre 59-5

 

23 août 2019

 

Samuel,

 

XVI siècle

 

Evolution générale en Europe (partie 5) : les visées hégémoniques de l’Espagne

 

Charles de Habsbourg, fils de Philippe le Beau et de Jeanne la Folle, prince de la maison de Habsbourg, naquit en 1500 à Gand dans les Pays-Bas des Habsbourg (aujourd’hui en Belgique). Il faisait partie de la maison des Habsbourg ou maison d'Autriche, importante famille souveraine d'Europe ayant fourni tous les Empereurs du Saint-Empire romain germanique entre 1452 et 1740. 

Grâce à sa filiation il hérita, entre 1506 et 1519, des royaumes aragonais et castillan, soit l’Espagne ( il était le petit-fils de Ferdinand d’Aragon et d’Isabelle de Castille par sa mère) et des royaumes d’Autriche et de Bourgogne (il était le petit-fils de Maximilien 1erEmpereur d’Autriche, un Habsbourg, et de Marie de Bourgogne par son père). 

A la tête d’un territoire aux dimensions inédites qui comprenait l’Autriche, les Pays Bas, la Flandre, l’Artois, la Franche Comté, l’Aragon, la Castille, la Sardaigne, la Sicile, Naples, il fut élu en outre, en 1519, au trône du Saint-Empire romain germanique. Rappelons que ce titre était devenu honorifique, l’Empereur représentant seulement formellement l’ensemble des pays allemands et leurs extensions, pays qui avaient fini par se désolidariser les uns des autres après le règne de Frédéric II de Hohenstaufen (voir lettre 56, première partie).

En tant que roi d’Espagne, Charles de Habsbourg régna sous le nom de Charles 1er, en tant qu’Empereur du Saint-Empire il régna sous le nom de Charles Quint (Quint = cinq).

A la tête d’un trop grand territoire Charles Quint s’abîma dans des guerres incessantes. De plus il dut faire face à l’avancée des Ottomans qui vinrent assiéger Vienne (la montée de la puissance ottomane sera traitée dans la prochaine lettre). Enfin il dut régler les problèmes posés par la montée du luthéranisme en Allemagne (voir lettre 59-3). 

Épuisé et malade, en 1555, il abdiqua ses droits sur les Pays-Bas en faveur de son fils Philippe, duc de Milan et roi de Naples. Il lui céda ensuite ses droits sur l'Espagne et sur le comté de Bourgogne en 1556. La même année il céda à son frère Ferdinand ses droits sur le Saint-Empire. Celui-ci (1503-1564) régna sous le nom de Ferdinand 1er. Charles-Quint mourut deux ans plus tard, en 1558.

Le fils de Charles Quint (1527-1598) régna sous le nom de Philippe II, à partir de 1556, sur un territoire qui comprenait : l’Espagne et ses colonies, les possessions espagnoles en Italie (le Milanais, Naples, la Sardaigne, la Sicile) et la Bourgogne (l’Artois, la Flandre, les Pays-Bas, la Franche Comté). Au contraire de son père, esprit inquiet et détaché, il géra son Empire d’une main de fer. Ses contemporains, impressionnés par sa puissance, disaient : « Quand l’Espagne bouge, la terre tremble »

Catholique convaincu, extrêmement pieux, il pensait que Dieu l’avait placé sur le trône pour assurer le triomphe de l’Église catholique. Dès qu’il fut arrivé au pouvoir il mobilisa l’Inquisition qui pourchassa les rares luthériens qui vivaient en Espagne, appelés « les Illuminés » (alumbrados). Puis il s’attaqua aux Morisques, les descendants des anciens musulmans du royaume de Grenade. Contraints de se convertir au catholicisme en 1492 ils avaient tout de même gardé leurs pratiques musulmanes. Philippe II les somma d’y renoncer comme il les somma de renoncer à parler arabe. Les Morisques se révoltèrent. Ils furent massacrés, les survivants furent dispersés dans le royaume. [Le roi Philippe III d'Espagne, successeur de Philippe II prononça l’expulsion des Morisques du territoire même de l’Espagne en septembre 1609 ; les arabes musulmans subirent ainsi le même sort que les Juifs, près d’un siècle plus tard].

En Méditerranée sévissaient les Barbaresques, musulmans d’Afrique du Nord qui ne cessaient pas d’attaquer les navires espagnols, chargés de blé, qui faisaient la navette entre l’Italie et l’Espagne. Philippe II parvint à les contenir mais non à les vaincre. En Méditerranée toujours, les Ottomans poursuivaient leur conquête de l’Occident. En 1570 ils s’emparèrent de Chypre possession de Venise. Alliée à la marine vénitienne, la marine espagnole vainquit la flotte turque à Lépante en 1571, dans la mer ionienne, à l’entrée du golfe de Corinthe (ce golfe sépare le Péloponnèse de la Grèce continentale). L’ avancée turque fut ainsi stoppée mais le sultan garda Chypre.

Le Portugal n’était pas assez puissant pour faire face à l’expansion coloniale espagnole. Concurrencé sur les mers il perdait progressivement le contrôle des échanges, puis il dut se résoudre à perdre le contrôle du Brésil faute de moyens, la contrée finissant par être exploitée par des colons livrés à eux-mêmes. 

Le roi du Portugal Sébastien Ier, qui régna de 1557 à 1578, voulut relancer l’aventure africaine de son prédécesseur Henri le Navigateur (voir lettre 59-1). Il rêva de conquérir le Maroc. Le 7 juillet 1578 il débarqua à Tanger avec son armée. Le 4 juillet il affronta le chérif maure Abd el-Malek à Alcaçar-Quivir. L’armée portugaise fut écrasée. Le roi disparut dans la tuerie. Vingt mille chrétiens furent faits prisonniers. Le Portugal était exsangue. La mort du roi ouvrit une guerre de succession. Devant la vacance du pouvoir, Philippe II mobilisa ses troupes et réclama la couronne du Portugal. Philippe II n’eut pas à combattre, nul n’osa lui résister. Il devint roi du Portugal en février 1580. Il ajouta à son royaume les possessions coloniales du Portugal en Amérique latine et en Inde. Ainsi put-on dire que, dans le royaume d’Espagne, jamais le soleil ne se couchait.

En France nous avons vu (lettre 59-4) que Philippe II tenta d’installer sa fille sur le trône royal. Henri IV déjoua ses plans.

En Angleterre après la mort (en 1547) de Henri VIII qui avait rompu avec Rome en instaurant l’anglicanisme (voir lettre 59-3), Marie Tudor, la fille de sa première femme dont il avait voulu divorcer pour épouser Anne Boleyn, lui succéda et restaura le catholicisme. Philippe II l’épousa, alors commença les persécutions contre les anglicans ce qui valut à la reine le surnom de Marie la Sanglante. En 1558 Marie mourut, Elizabeth I sa demi-sœur, fille de Henri VIII et de Anne Boleyn lui succéda. Elle restaura l’anglicanisme. L’Acte de Suprématie fut réactivé (lettre 59-3). Elle s’opposa à la reine catholique d’Écosse, Marie Stuart et la fit exécuter.

Du coup Philippe II, qui se considérait comme l’héritier légitime du trône d’Angleterre, du fait de son mariage avec Marie Tudor, heurté par cette exécution d’une reine catholique, décida de conquérir le royaume d’Angleterre. Il réunit une flotte considérable et la baptisa lui-même l’invincible Armada (la Flotte invincible). 

Le 20 mai 1588, 10 300 marins et 19 000 soldats embarqués dans 130 bâtiments quittèrent le port de Lisbonne. Le 8 août 1588, devant le port de Gravelines, les Anglais engagèrent la bataille et mirent en déroute les Espagnols. La conquête de l’Angleterre fut un fiasco.

Quand Philippe II prit le pouvoir en 1556, les 17 provinces des Pays-Bas ne toléraient plus les impôts précédemment levés par son père Charles Quint ni la répression religieuse contre les protestants que ce dernier avait organisée. Philippe II envoya sa sœur Marguerite de Parme gérer le pays.

Les nobles élurent parmi eux un Allemand, Guillaume de Nassau, prince d’Orange surnommé le Taciturne pour présenter, en 1566, leurs doléances à la régente : appel à la tolérance et allègements des impôts. 

Mais les 17 provinces elles-mêmes n’arrivaient plus à s’entendre. Elles étaient partagées entre les 10 provinces du sud (Belgique et Luxembourg actuels), catholiques, et les 7 provinces septentrionales (Zélande et Hollande), calvinistes. Des combats meurtriers éclatèrent entre les deux communautés. 

Philippe II remplaça sa sœur par son meilleur général, le duc d’Albe avec mission de rétablir l’ordre. Le duc gouverna en tyran et fit exécuter près de deux mille personnes en quelques mois. Il greva en outre la population de nouvelles taxes. Les provinces septentrionales, les plus réprimées du fait de leur religion, sous la conduite du Taciturne, tentèrent de résister. Mais les provinces du sud, catholiques, ne se joignirent pas à la résistance. 

En 1576 les troupes espagnoles se mutinèrent, n’étant plus payées depuis des mois. Elles pillèrent la ville d’Anvers (située dans les provinces catholiques du sud) où elles massacrèrent 7000 personnes. Alors les 17 provinces s’unirent dans une révolte commune. Elles proclamèrent la Pacification de Gand en 1576, s’engageant à s’entraider pour expulser les Espagnols. 

Mais l’Union ne dura pas les catholiques du sud préférant rester sujets de Philippe II plutôt que de risquer d’être dominés par les calvinistes du nord. Les guerres de religion reprirent. En 1581 les 10 provinces du Nord, menées par le Taciturne, proclamèrent leur indépendance sous le nom de République des Provinces-Unies. Philippe II déclara Guillaume ennemi du genre humain et mit sa tête à prix. Le Taciturne fut assassiné par un catholique en 1584. Le nouveau général nommé par Philippe II, Alexandre Farnese ne put venir à bout de la nouvelle république. Quand Philippe II mourut en 1598 son successeur Philippe III conclut avec les Provinces Unies une trêve de douze ans. Cette trêve valut en fait reconnaissance de cette nouvelle république européenne destinée à devenir l’une des plus grandes puissances du continent au cours du XVII ème siècle.Seules restèrent dans le patrimoine de l’Espagne les 10 provinces du sud.

Philippe II mourut dans le palais de l’Escurial qu’il fit construire de 1563 à 1584. [Ce palais se trouve sur le territoire de la commune de San Lorenzo de El Escorial située à 45 kilomètres au nord-ouest de Madrid]. « Cité de Dieu rayonnante, rempart de la foi contre l’hérésie » selon ses dires, le monument, immense, est un palais, une nécropole(Charles Quint et Philippe II y sont enterrés), un couvent et un collège. Philippe y venait méditer dans la solitude qu’il jugeait nécessaire à l’accomplissement de sa tâche.Toutl’édifice est centré autour de son église. Cellini (sculpteur), Titien (peintre), et le Tintoret (peintre) collaborèrent aux travaux et y envoyèrent leurs œuvres. Jérôme Bosch (peintre) aussi y exposa ses œuvres. L’austérité de l’Escurial est déconcertante, elle s’accorde avec l’esprit secret de ce roi resté énigmatique pour ses contemporains.

Son règne fut contrasté. L’agriculture du pays tomba en pleine déshérencenotammenten raison de l’expulsion des Morisques qui étaient de bons agriculteurs mais aussi en raison du développement de l’élevage des moutons transhumants (industrie de la laine) qui envahit les terres et chassa les paysans vers les villes. Les industries de la soie, du cuir et des armes étaient soutenues mais elles étaient écrasées par les impôts levéspour soutenir l’effort de guerre. 

Toutefois le commerce entre l’Espagne et l’Amérique ne fut jamais aussi actif. Ce commerce permit à l’Espagne de disposer de grandes quantités d’or extrait des mines d’outre-atlantique. La monnaie mondiale étant à l’époque une monnaie métallique, dont la plus recherchée était en or, cet afflux permit au roi de financer et son armée engagée aux Pays-Bas ou en Méditerranée et les garnisons stationnées en Italie.

Cette accumulation de métaux précieux permit à la noblesse et aux bourgeois qui s’en emparèrent, de vivre richement sans rien faire. La riche Espagne préférait importer les biens plutôt que de les fabriquer puisqu’elle pouvait payer sans faire d’effort de production. Pendant que quelques-uns ainsi s’enrichissaient, le plus grand nombre s’appauvrissait, faute d’une production locale de biens et de denrées. La criminalitéaugmenta. Puis l’or se fit plus rare, une crise inflationniste finit par éclater (trop de monnaie face à une rareté de produits provoque une augmentation des prix) et le volume de la production agricole baissa. A partir du XVII siècle l’Espagne s’appauvrit et sa puissance déclina. 

Le règne de Philippe II fut marqué par un puissant mouvement religieux, artistique et littéraire. Sainte Thérèse d’Avila, saint Jean de la Croix, le dominicain Louis de Grenade écrivirent de grandes œuvres littéraires mystiques. Le peintre le Gréco, ainsi appelé parcqu’il était d’origine grecque, exprima dans ses tableaux religieux la foi profonde des Espagnols. Enfin un ancien soldat de la bataille de Lépante, Cervantès commença à écrire son célèbre roman médiéval : Don Quichotte, publié en deux parties, en 1605 et en 1615.

Je suis heureux que tu puisses exercer ton art musical en public, dans ce restaurant moscovite. J’imagine que viendra un jour ou tu te produiras sur la Place rouge. Bravo tu t’intègres vite, mais c’est normal, tu as l’âme russe.

 

Je t’embrasse, 

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Lettre 59-6

14 septembre 2019

Samuel,

XVI siècle

Le moment ottoman

Rappel

En 1453 (voir lettre 58-4), le 29 mai, l’ottoman Mehmet II s’empara de Constantinople. Le basileus (mot grec qui désignait les empereurs romains d’Orient) Constantin XI mourut les armes à la main : il était le 92ème empereur à régner après Constantin le Grand, le fondateur de la ville. Son vainqueur prit ce jour-là le nom de Mehmet Fatih, « Mehmet le Conquérant ». Le soir même ce dernier pénétra à cheval dans l’église Sainte-Sophie, perle de la chrétienté, construite neuf siècles auparavant par l’empereur Justinien, il y fit réciter une prière musulmane. Sur le toit de l’édifice le Croissant fut hissé, en remplacement de la Croix.

[Le Croissant est un symbole dont l’apparition précéda l’avènement de l’Islam. Il est lui-même d’origine byzantine et grecque. Les Turcs l’adoptèrent, puis ce symbole, du fait des conquêtes ottomanes, finit par devenir un symbole musulman. La Croix est le symbole des chrétiens]

Les Ottomans (voir lettre 57) après avoir conquis l’Anatolie, franchirent le détroit des Dardanelles en 1354, prenant ainsi pied en Europe. Ils dévastèrent la Thrace puis ils s’emparèrent de la Serbie lors de la bataille du Kosovo (dite encore bataille des Merles) en 1389. Cette bataille resta jusqu’à nos jours dans la mémoire serbe comme la fin de leur indépendance et le début de la « nuit ottomane ».

Après la Serbie les Ottomans conquirent la Bosnie entre 1462 et 1466, puis l’Herzégovine en 1481. Entre-temps ils soumirent le duché d’Athènes en 1456 puis la Morée (Péloponnèse) en 1460.

Sélim Ier (règne : 1512-1520)

Sélim Ier, dit le Terrible ou le Cruel, prit le pouvoir en 1512, poussant son père Mehmet II à l’abdication, tuant tous ses concurrents, frères et neveux. En 1516 il attaqua les Mamelouks qui détenaient la Syrie et l’Égypte. En 1517 le dernier sultan mamelouk est exécuté, l’Égypte devint ottomane ainsi que la Syrie. La Mecque et Médine, hauts lieux saints musulmans, passèrent sous administration ottomane.

Soliman le Magnifique (règne : 1520-1566)

Soliman, le fils de Sélim Ier fit de l’Empire ottoman l’une des plus grandes puissances de l’Europe orientale. Selon la tradition il descendait de Genghis Khan par sa mère (la fille du khan de Crimée).

En 1521 il s’empara de Belgrade, puis en 1522 de l’île de Rhodes. Il soumit la majeure partie de la Hongrie après la victoire de Mohacs en 1526. En 1529 il assiégea Vienne. Mais il fut repoussé par Ferdinand, le frère de Charles Quint.

Il se redéploya du côté de l’Orient conquérant l’Anatolie orientale, l’Azerbaïdjan, puis il lança plusieurs attaques contre la Perse. En 1554 un traité de paix mit fin aux campagnes de Soliman dans cette région. Les Perses conservèrent la majeure partie de leur territoire mais ils durent céder à Soliman Bagdad, la Mésopotamie et les embouchures du Tigre et de l’Euphrate sur le golfe persique.

Enfin il étendit son influence à l’ouest de l’Égypte. En 1541 la Tripolitaine (Libye), la Tunisie et l’Algérie étaient devenues des provinces de l’Empire.

Sélim II (règne : 1566-1574)

Le fils de Soliman et de Roxelane (d’origine russe, dite la Joyeuse, qui sut séduire Soliman en lui chantant des airs slaves) s’empara de Chypre en 1570 mais il fut vaincu peu après lors de la bataille de Lépante en 1571 (voir lettre 59-5). Cette défaite est considérée comme la fin de l’expansion territoriale ottomane.

Mourad III (règne : 1574-1595), Mehmet III (règne : 1595-1603)

A partir du règne du fils de Sélim II, Mourad III, les mères du sultan et les femmes du harem commencèrent à exercer le pouvoir, le sultan s’adonnant de plus en plus aux plaisirs de la gestion du harem. Ce comportement initia le lent déclin de la puissance ottomane.

L’Empire

Au sommet de l’Empire régnait le sultan. Il se pensait élu de Dieu, « l’ombre de Dieu sur terre », destiné à régner sur le monde, successeur et héritier de l’empire byzantin. Tout et tous (200 millions de sujets) lui appartenaient. Quiconque travaillait un lopin de terre n’en avait que l’usufruit. Il possédait droit de vie et de mort sur chacun. Dans son esprit il avait la charge de protéger et de conduire ses millions de sujets quelles que soient leur nationalité (on compta jusqu’à 73 nationalités) et leur religion. Si l’islam était reconnu comme la seule religion vraie que tous devaient respecter, chacun pouvait néanmoins exercer le culte de son choix, à condition, s’il n’était pas musulman, d’être discret, d’accepter certaines marques de sujétion (l’habit notamment), de payer un impôt spécifique (nous retrouvons là le statut du dhimmi).

Le sultan vivait dans son immense palais de Topkapi à Constantinople dominant la Corne d’Or, la mer de Marmara et le Bosphore. Il y demeurait avec ses milliers de serviteurs, ses épouses et ses centaines de concubines gardées par les eunuques dans le harem.

Il gouvernait grâce à son conseil appelé le divan, ce mot perse signifiant : bureau. Il envoyait aux quatre coins de l’Empire ses décrets royaux appelés firmans. Il était secondé par le grand Vizir.

Les fonctionnaires chargés de gérer l’Empire formaient un corps spécifique : les askers, « esclaves du sultan ». Tous les 6 ou 8 ans les soldats du sultan se rendaient en terre chrétienne conquise (essentiellement les Balkans) pour enlever des garçons de 8 à 14 ans. Ces derniers étaient ensuite circoncis, convertis, placés et éduqués dans des familles turques. Les plus physiques entraient dans l’armée et devenaient des janissaires (soldats de l’armée ottomane). Les autres entraient dans l’administration. Certains devinrent vizirs.

Hormis les askers, tous les autres sujets de l’empire, le reaya (le troupeau), étaient soumis à l’impôt.

L’Empire était divisé en provinces, chacune dirigée par un gouverneur, le beylerbey. La plupart d’entre elles gardèrent leurs pratiques, leurs lois et leur religion. Les provinces les plus éloignées réussirent à garder leur autonomie comme la Crimée ou encore la Valachie et la Moldavie (deux provinces qui formèrent plus tard la Roumanie). A partir du 17ème siècle les janissaires d’Alger obtinrent le droit d’élire leur propre chef : le dey. A partir du 18ème siècle le bey (placé sous l’autorité d’un belerbey) de Tunis fonda sa propre dynastie. Dans de tels cas le rattachement à l’Empire ne tenait plus qu’au paiement d’un tribut.

Fort de sa diversité humaine et de son rayonnement commercial l’Empire produisit une civilisation brillante. Le grand architecte de Soliman, Sinian (1489-1588) construisit les plus belles mosquées du monde dont la Süleymaniye (érigée en l’honneur de Soliman). L’un de ses élèves construisit la célèbre Mosquée bleue. Près de la charia, la loi de l’islam, Mehmet II puis Soliman fondèrent un remarquable ensemble de lois séculières adaptées aux populations de l’Empire, le kanun, ce qui valut à Soliman cet autre qualificatif : le Législateur.

De grands poètes laissèrent des œuvres notables tels Fuzuli (1483-1556) ou Baki (1526-1600). Un certain art de vivre aristocratique se dégagea lentement. L’élite s’adonna à la culture des fleurs, dont spécialement les tulipes, ou encore elle mit en vogue le breuvage du café (venu du Yémen) breuvage qui devait conquérir le monde entier. Fin du fin l’attitude la plus élégante consistait à savoir contempler le lever ou le coucher du soleil, dans la paix et l’inaction...Cet art de vivre s’appelait : le keyf.

 

J’espère que tu t’acclimates bien à Moscou. Je vois que les moscovites sont déjà devenus curieux de ton art de jouer de la trompette en venant t’écouter le samedi soir.

Je t’aime,

Je pense toujours à toi,

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Membre, Agitateur Post Synaptique, 55ans Posté(e)
zenalpha Membre 19 060 messages
55ans‚ Agitateur Post Synaptique,
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On ne dit pas contrepètrie mais que trompette rie.

Ah ah.

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