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Membre, 33ans Posté(e)
Eevy Black Cat Membre 405 messages
Baby Forumeur‚ 33ans‚
Posté(e)

Bonjour à vous !

Depuis quelques années j'écris des nouvelles, poêmes et proses (j'ai même un polar en préparation depuis deux ans... qui traîne :D).

Les textes que je vais présenter ici sont des écrits jetés, souvent issus d'émotions fortes. Ce n'est pas très travaillé et sans prétention, mais j'avais envie de les partager.

J'espère que vous apprécierez :)

Une Histoire de Pirates

Si je regarde à la surface de ma bière, de très très près, je peux voir un minuscule -minuscule- bateau pirate.

Et si je regarde encore mieux, si je regarde d'encore plus près ; je peux voir son équipage. Tous ces pirates sont beaux.

Ils sont barbus, poilus, ils sentent le rhum et la crasse. Il retroussent le bas de leurs pantalons pour passer la brosse sur le pont.

Pour récurer les tâches de sang après un abordage. Alors si je regarde bien, de très très près la surface de ma bière après un abordage,lorsque les pirates passent la brosse sur le pont, le bas de leurs pantalons retroussé, je peux voir leurs chevilles.

J'aime bien les chevilles des pirates qui vivent dans ma bière.

Omnivore

Allongée dans mon lit. Se déversent sur moi des kilos de viande agglomérée.

Saucisses de Strasbourg bon marché, terrines pour chat, fricadelles, beignets de poulet, spam, pâté de foi(e).

Elle ne tombe pas vraiment sur moi, comme si j'étais protégée par une aura, ou plutôt comme si elle disparaissait avant d'atteindre mon corps.

Je ne peux pas l'arrêter ; j'attend que le flot se tarisse.

J'ai beau me laver, je sens toujours la viande sur moi. J'ai beau me laver, je suis toujours de la viande.

Et il y a cette fille dans le miroir qui pleure, j'aimerai la prendre dans mes bras. Mais elle a peur qu'on la touche.

Elle a trop honte d'avoir été elle aussi en conserve.

Je ne cesserai de tolérer cette fausse chair vomissant sur moi. Même si j'ai memento mori, os veines et tendons.

Car je suis toujours de la viande.

Réveil

Ô bonheur, ô beauté sporadique. Sous ton maquillage crasse se révèle ta substance, plus belle et douce encore que ton effronterie.

La vertu et le vice s'envolent et s'entrelacent. Ils me disent au revoir, ils me disent de me taire ; Le bonheur est tout pres quand on sait ne rien faire.

Ô vie, ô joyeuse grimace ; fais-moi pleurer encore, laisse moi presque mourir. Laisse moi toucher ton voile sans jamais le soulever.

Rapelle-moi sans cesse, chaque jour de ma vie : N'est pas de vérité pour celui qui la fuit. N'est pas de contentement pour celui qui le nie.

Ô chair, ô volupté impie. Ouvre-moi de nouveau, et je n'oublierai pas ; au nom de mes viscères, que la porte est en moi.

Carpe Cattleya

Ma truie, mon horreur, mon cauchemar. Chie sur ma tombe si je meurs ce soir. Tue cet ennemi dans le miroir.

Ouvre la bouche, accueille mes mots. Je serai ton confessionnal. Prend mon pardon comme un cadeau, je sais qu'il te fera du mal. J'en tirerai satisfaction.

Prend mon pardon. Prend mon pardon.

J'aimerais pouvoir crier "regarde !" mais je tâtonne et je suis seule. Le groin dans la poussière je crie "macabre !" ; la porte ouverte, la porte ouverte, ferme ma gueule.

J'ai brûlé le feuillage des roses au détriment de leurs épines. J'ai ouvert le passage et j'ose ne pas céder à la famine.

J'ai essayé, cauchemar. J'ai essayé ; de ne pas m'ouvrir, acide et dévastée. Ni Ysengrin ni prédateur, horreur, j'ai essayé.

Et cette rose, bonheur, cette rose, j'avais si peur. Terrorisée je l'ai prise au collet. L'oeil torve et les mains écorchées.

Toi le pouvoir de m'ôter au sommeil, ta porte à nulle autre pareille.

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Invité Lucy Van Pelt
Invités, Posté(e)
Invité Lucy Van Pelt
Invité Lucy Van Pelt Invités 0 message
Posté(e)

J'aime vraiment beaucoup! Beaucoup d'images se dégagent de tes textes, images fortes.Une atmosphère qui me plait grandement.

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Membre, 33ans Posté(e)
Eevy Black Cat Membre 405 messages
Baby Forumeur‚ 33ans‚
Posté(e)

Merci ! Ça me fait super plaisir d'avoir quelques avis :)

J'en mettrai d'autres plus tard, des plus vieux que j'assume pas haha.

Edit :

Un tout récent que j'avais oublié

Il fait encore nuit

Pas de chauffage dans les chaumières, ni bois pour le feu, ni Dieu pour les prières.

L'amour est la viande, L'eau est le vide, la joie est liquide, qu'on nous la rende.

Les orties blanches sont fleuries, ainsi je les reconnais.

Voir des bourgeons tendres là où ne naissent que les procès.

Pas de chaleur dans cette lumière, ni perfusion, ni corps dans la civière.

les voies sont mobiles, désir abandonné, ouverture facile, il est temps de payer.

Pas perdu les yeux, pas perdu les poignets.

Du pied je barre de nouveau les graviers.

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Membre, ♪ ♫ ♪ ♫, Posté(e)
Herman1 Membre 11 499 messages
♪ ♫ ♪ ♫,
Posté(e)

Salut,

j'ai bien aimé aussi (et encore plus les deux premier) bravo :bo: et merci

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Membre, Jedi pas oui, jedi pas no, 32ans Posté(e)
Jedino Membre 48 051 messages
32ans‚ Jedi pas oui, jedi pas no,
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J'aime bien, surtout le premier (en même temps, il y a le mot magique dedans :o° ).

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Membre, 33ans Posté(e)
Eevy Black Cat Membre 405 messages
Baby Forumeur‚ 33ans‚
Posté(e)

Merci pour vos lectures et vos commentaires :)

Ce soir je vous propose une de mes nouvelles, un peu plus longue. Jusqu'ici je ne l'ai jamais postée sur un forum, donc je n'ai eu que très peu de lectures d'inconnus (autant vous dire que j'ai un peu la pression, haha).

Je préviens au cas où les plus sensibles d'entre vous qu'y sont dépeintes des scènes de sexe, de violence et de perversités diverses. Je la met sous spoiler ci dessous. Bonne lecture ;)

Ah et puis quand je l'ai écrit j'écoutais ça (à partir de 8m6, seulement les gnossiennes) :

(Pour ceux qui voudraient se mettre dans l'ambiance :D)

Le Festin des Fous

Le portier, un homme grand et mince au teint vert-de-gris me présenta son bras. Je le saisis avec délicatesse en lui emboîtant le pas dans le long corridor du château. De lourdes tentures trop chatoyantes pour être d'époque ornaient les murs de pierre glacée avec inélégance.

Au rythme du claquement de nos semelles, mon regard bondissait d'un détail à un autre. De grotesques appliques murales éclairaient le couloir d'une terne lumière à laquelle un tube au néon n'aurait rien à envier. Les sujets des tableaux aux glacis craquelés m'observaient d'un œil torve. Les motifs géométriques des dalles s'arrêtèrent net.

Le portier soupira : "Beaucoup de gens vont mourir, ce soir." Puis, se tournant vers moi : "Je vous souhaite une agréable soirée." Il poussa la lourde porte en bois au moment où ma main quittait son bras comme une pomme blette sa branche. Je fis un pas en avant.

Le festin avait à peine débuté et déjà l'odeur était difficilement supportable. J'avançai encore. La porte claqua derrière moi avec fracas mais j'étais trop absorbée par le spectacle qui s'offrait à moi pour tressaillir. Dans la grande salle à manger du château ; on avait disposé les tables en arc de cercle.

Il devait y avoir pas moins de deux cent convives assis, et sans doute plus encore vautrés sur les tapis, suspendus aux rideaux ou debout sur les tables.

Je plongeai la main dans mon sac et saisis mon carnet ainsi qu'un stylo à bille.Je noterai tout. Personne jamais ne me croira mais je noterai tout.

J’enjambai le corps d'un homme étendu dans son vomi et senti que soudain ; j'étais sur scène. Sur la pellicule. Au centre de la page. Mon stylo s'agita.

A mes pieds s'étendait un imposant tapis circulaire étonnamment immaculé, au centre duquel un homme nu aux poignets et chevilles entravées gisait sur le dos. Une demi-douzaine de convives, hommes et femmes, l'encerclaient. Ils se passaient à tour de rôle un petit coffret de bois dans lequel ils saisissaient précautionneusement quelque chose à l'aide de pinces de philatéliste. Je m'approchai pour mieux voir. Une femme tendit sa pince en direction du corps blanc de l'homme qui commençait à se contorsionner. Je compris alors que cette torture consistait à piquer le supplicié avec un frelon vivant, l'abdomen enserré dans l'effilé instrument. Le dernier convive à prendre part à ce jeu reposa la boîte et imita ses compagnons en approchant le menaçant aiguillon de la bouche déjà meurtrie de la victime. Ce dernier se tordait comme un lombric à l'agonie. Chaque joueur avait sa préférence. Certains semblaient apprécier taquiner ses globes oculaires tandis que d'autres étaient plutôt portés sur la plante des pieds. Les femmes s'amusaient d'avantage que les hommes à malmener ses parties génitales. Plus le corps du supplicié se boursouflait, plus la salive moussait à ses lèvres, et plus le cercle de ses bourreaux hilares se refermait autour de lui. Figée, j'observais la scène. L'un des pieds nu de l'homme apparaissait entre les jambes d'une femme littéralement avachie sur lui. Ses orteils cessèrent de se tordre ; je décidai de me rendre auprès des tables.

A l'une des extrémités de la tablée, un homme ventripotent en costume d'évêque -probablement un déguisement- plongeait ses mains et son visage dans un large saladier. Il rongeait de petits os avec voracité. Sa face maculée de sauce brune se tourna vers moi. Je m'installai à ses côtés pour m'entretenir avec lui. Je n'eût même pas le temps d'ouvrir la bouche. "Tu en veux ?" Dit-il en me tendant un os recouvert de viande bouillie. "J'adore partager mes repas. Encore plus avec de belles et jeunes créatures telles que toi. En fait, j'aime manger en compagnie de ceux que j'aimerais manger." Il éclata d'un rire gras en lâchant le cuissot qu'il me présentait. Ce dernier tomba sur la table dans un bruit flasque et je pus constater qu'à son extrémité était encore attaché un petit pied. Pendant que l'avide évêque essuyait ses doigts poisseux sur ses décorations, je me penchai sur le saladier et observai qu'une main, une tête, un bassin ainsi que d'autres morceaux de viande d'enfant accompagnaient le mollet rongé qui gisait désormais sur le bois nu de la table. Le tout était accompagné de ronds de carottes et de navets entiers.

En face de nous, une jeune femme se masturbait en se frottant contre une bouteille de mauvais mousseux. Elle grimpa sur la table avec difficulté et s'accroupit, le collant tendu entre les chevilles. Elle dénuda le bouchon du mousseux avec les dents avant de s'introduire le goulot entre les cuisses. S'agitant frénétiquement, elle se mordait la langue avec une expression de dément. Après quelques instants elle s'écroula dans un hurlement auquel s'ajouta le gloussement rauque de l'évêque qui semblait apprécier ce divertissement. Se forma sous elle une flaque de vin et de mousse mêlé à un sang clair. Je me levai et passai derrière son large fessier haut levé. Le bouchon de liège fut expulsé lentement et chut à mes pieds dans un triste "ploc".

Plus loin un petit groupe d'hommes se disputaient le cadavre rôti d'une grosse femme étendu en travers de la table sur un grand plat d'argent. Ils tiraient férocement sur ses membres, l'écartelant dans un atroce bruit de dislocation. Puis reprenant leur calme, se mirent à déguster la viande rose et grillée dans un silence religieux.

Derrière moi, une très belle femme d'une quarantaine d'années était installée dans un majestueux fauteuil d'osier. Cela lui donnait l'air d'un gigantesque paon faisant la roue. A genoux devant elle se tenait un jeune garçon à peine pubère, le visage lové entre ses belles cuisses brunes. Elle l'observait avec dans le regard, une fascination mitigée. Une expression impassible. Pourtant le jeune homme lui dévorait les nymphes. De grosses larmes de sang roulaient de sa bouche jusque dans son cou.

Tout autour de moi ce n'était que jeux cruels, tortures, fornication. Par ici certains s'amusaient à étouffer leurs compagnons avec des poulpes vivants avant de copuler avec ces moribonds pris de soubresauts. Par là d'autres faisaient flamber des fœtus et leurs placentas au Grand Marnier puis pissaient dessus pour les éteindre avant de les engloutir avec délice. Je décrivais cette bacchanale dans mon carnet, en tentant de refouler toute subjectivité. Je finis par me laisser entraîner par la frénésie ambiante et notais tout ce que j'observais au même rythme que s’enchaînaient les égorgements, les jeux de cordes, les écorchés arrosés d'alcool et les régals de chair humaine.

Plus le temps avançait, et plus la lumière se réchauffait. L'impression que les murs de pierre étaient recouverts d'une pellicule d'or se fit sentir. La pièce entière était en mouvement. Le jaune et le rouge dominaient l'atmosphère. Le reflet de la foule dans les grandes glaces vibrait. Autant de lumière sur aussi peu de pudeur, c'en était presque insupportable. On entendait parfois une porte claquer. Quelques regards se tournaient alors, curieux de découvrir qui revenait de l'étage, avec quel cadavre sur le dos, ou qui remontait de la cave, et recouvert de quelle substance ? Car bien que la fête se déroulât dans la salle à manger, on avait laissé l'accès à quelques chambres à l'étage, ainsi qu'aux caves afin que chacun puisse laisser libre cours à ses vices dans le lieu qu'il souhaitait. Pour ma part, je préférais rester au banquet, sur la grande scène du théâtre des débauches.

Je marchais à reculons, le nez entre les pages. Les yeux essoufflés d'allers-retours entre les horreurs qui m'entouraient et celles que j'écrivais. J'enjambais les corps dénudés recouverts de sauces diverses, de fluides corporels et de vin sucré. Il m'arrivait parfois de croiser le regard d'un convive. Souvent, ils semblaient m'observer sans me voir.

Dans un coin de la pièce, un jeune homme très mince vêtu d'un simple pantalon en toile de Nîmes était assis sur une chaise paillée. Les avant-bras sur les genoux, le visage tourné vers le sol, je ne pouvais voir son faciès dissimulé derrière une longue crinière de cheveux très bruns. Je pouvais cependant constater que son nez était suffisamment long pour que j'en aperçusse l'extrémité entre ses mèches sombres. Une jeune fille se tenait derrière lui, une paire de ciseaux à la main. Elle lui saisit l'épaule et le tira vers elle d'un coup sec. Balançant sa tête en arrière, ses yeux noirs se posèrent instantanément sur moi. Intriguée, je m'approchai. La jeune fille aux ciseaux pleurait à chaudes larmes. Ses paupières étaient rouges et gonflées et ses joues irritées. Elle sanglotait en saisissant les cheveux de son compagnon ; en découpait de longues mèches qui retombaient sur les pieds nus du jeune homme. Ce dernier se laissait faire sans dire un mot. Il m'observait toujours. Plus je m'approchais de lui, et plus son crane se déplumait. La pleureuse était en train de raser les derniers crins lorsque je fus juste devant eux.

En reniflant bruyamment, elle lâcha ses outils. Le garçon passa sa main sur son crâne lisse, puis pencha à nouveau sa tête en avant ; sans doute pour détendre son cou endolori. J'aperçu alors qu'il était tatoué derrière le chef. Entre ses deux oreilles on pouvait lire en lettres incises :

HEDONISTE

PAS

EGOISTE

Il se leva, s'étira brièvement et se tourna vers sa condisciple. Lui pressant l'épaule, il lui adressa quelques mots. Je pus lire sur ses lèvres "Attend moi, je reviens". Essuyant sa morve d'un revers de manche, elle acquiesça avant de s'éloigner. Le jeune homme, quant à lui, vint se planter juste devant moi.

"Tu veux que je te fasse visiter les caves ? C'est l'endroit que je préfère."

Je consentis d'un hochement de tête, et le saisis par le bras. Il sembla être surpris, mais ne me repoussa pas.

Les escaliers qui menaient aux caves étaient glissants. Je manquai plusieurs fois de tomber, ce qui fit sourire mon camarade chaque fois qu'il me rattrapait de justesse.

La cave était toute en longueur, plutôt basse de plafond. Séparée en plusieurs compartiments par des grilles et barrières de fortune, elle ressemblait à une écurie ou un wagon de train de nuit. Malgré les murs de pierre il y régnait une chaleur suffocante. La seule source de lumière était une ampoule nue suspendue au plafond que je dus éviter en me baissant. Le jeune homme qui m'accompagnait nota que je griffonnais ces détails dans mon carnet. Il sourit de nouveau mais ne fit aucune remarque.

Chaque "boxe" offrait à mon regard une scène macabre. Dans une grande cage de fer s'entassaient des cadavres en décomposition sur lesquels un homme nu était assis en tailleur, un lourd volume relié de cuir entre les mains. Un peu plus loin, de toutes jeunes filles torturaient un homme attaché et bâillonné. Le sol recouvert de paille était jonché d'excréments, d'intestins et de diverses entrailles d'un rose tout à fait charmant. J'observais ces saynètes cruelles non pas avec dégoût, mais avec mépris. Tous les participants de cette petite sauterie se délectaient de leur propre ignominie. Plus je m'immergeais et plus je les détestais. Tous fiers, orgueilleux, s'adonnant à ce spectacle médiocre sans la moindre sincérité. De colère, je crachai violemment sur le sol. Mon guide abaissa son regard sur son pied ; je fis de même. Mon crachat s'insinuait entre ses orteils. Ses doigts de pied jouaient lentement avec le blanc visqueux de ma salive. Je tressaillit et levai mon visage vers le sien, je voulais m'excuser. Il souriait toujours, le regard doux. La peur qui m'avait mordu le ventre s'évanouit soudain et il éclata d'un rire franc.

"Viens" me dit-il. Je le suivit jusqu'au fond de la salle, là où la lumière ne pouvait se faufiler. Il me saisit par la taille et m'allongea sur le sol. Mes mains identifièrent un tapis de macramé tressé. Je senti ses genoux se poser de part et d'autre de mes hanches ; je su que nous ferions l'amour. Dans ma tête se dessinait ce que mes mains distinguaient. Sa bouche souriait sans cesse, même lorsqu'elle rencontrait la mienne. Il tremblait. J'étais émue de cette sincérité, de la simplicité de l'instant. J'oubliais même l'horreur dans laquelle je me trouvais. Au bout de quelques minutes, quelques heures peut-être, il se releva non sans garder ma main dans la sienne. Nous revînmes sur nos pas. Il m'embrassa une dernière fois avant de dire : "Je suis amoureux de toi. Peut-être pour la vie, peut-être moins." Il marqua une courte pause et reprit : "Je dois remonter. Retrouve-moi en haut."

Il tourna les talons et s'engouffra dans l'escalier de pierre. Je m'effondrai à genoux, souillant mes collants du mélange immonde qui recouvrait le sol. Je ne pouvais plus penser et je n'avais plus le courage de noter quoi que ce soit ; quand bien même l'aurais-je voulu, j'en aurait été incapable. Je l'ignorais encore mais j'avais laissé mon calepin au fond de la cave, là où aucune lumière n'aurait pu le révéler.

Me relevant non sans difficultés, je décidai de retourner dans la grande salle. En montant les escaliers, je me voyait retrouver mon amant, le prendre par la main et m'enfuir avec lui. Le sauver de ce pandémonium, lui donner tout ce qu'il voudra, pour toujours. Soudain nerveuse, je traversai la salle à manger à grands pas, balayant la pièce de mon regard. J'étais prête à le retrouver, l'enlever, et partir. Le retrouver, l'enlever, et partir. Le retrouver. La jeune coiffeuse larmoyante ne pleurait plus du tout. Au centre de la table, à la place du régent, elle plantait une ravissante fourchette à dessert dans le cerveau nu de mon soupirant décapité. Les yeux mi-clos, le visage inexpressif, je reconnaissais bien le faciès de celui dont les baisers brûlaient encore ma bouche. La pleurnicharde désormais hilare s'envoya une longue goulée de calva dans la partie haute du crâne aimé. Je pus lire : HEDONISTE. Le même pas nerveux qui m'avait conduite auprès de mon amour mort me mena vers la sortie. Le portier m'ouvrit.

"Avez-vous pris du plaisir ce soir, mademoiselle ?"

Je lui adressai un rictus fatigué.

"Oui, monsieur. Je vous remercie."

Du festin des fous ne reste aujourd'hui, sans doute moisi et abîmé, qu'un médiocre écrit gisant sur le macramé.

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