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Drucker


Kégéruniku 8

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J'ai vu le jour à Paris, ville de lumière. Dans un monde où la place des opposants est à l'ombre.

Où l'appel aux français résistants est à Londres.

Où un rideau de fer se dresse sur l'Europe tandis qu'un tapis de bombes s'abat au Vietnam.

Durant la guerre froide, la chaleur humaine se cachait dans le napalm.

Où Gandhi, Mandela et Martin luttèrent 

Tandis que Matzneff et Polanski prennent toute la lumière.

À la grande époque du VIH et des VHS,

Quand Mitterrand nous apprenait comment rompre ses promesses.

Pendant que mon grand-père se meurt, sur ses deux oreilles, durant la révolution angolaise,

Le Pen, quant à lui, ne dort que d'un oeil dans l'Algérie française.

Un Cuba sans missile porte son regard sur les hauts séants

Quand Monika Levinski devient la maîtresse de tout l'Occident.

Tiger Woods, bien trop jeune, voit passer la première guerre du golf

Et Disney affûte l'arsenal de son power soft.

Un 7 avril, une prise d'otages en Israël provoque déjà la guerre.

Je suis né dans un monde où il y avait déjà Drucker.

 

J'ai grandi près de Versailles et du roi soleil. Dans un monde déréglé par le réchauffement climatique.

Dans une économie régulée par Madoff et sa clique.

Où les neiges éternelles laissent la place à des feux incessants 

Et quand la maison brûle, Chirac fait partie des plus décents.

Où Koffi anone ses protestations contre la guerre en Irak.

Imagine le désespoir d'un monde où la figure de l'opposant, c'est encore Chirac.

À la grande époque des CD et du sang contaminé,

Quand LGBT se prononçait, encore, sale pédé.

On est passé de Kit au bug de l'an 2000

Et la révolution informatique fait progresser les réseaux pédophiles.

Dans un monde bouleversé par l'effrondrement des tours jumelles,

Moi, je découvre la gravité lorsque je perds mon paternel.

Où l'on se rend compte pour la première fois de l'histoire 

Qu'une planète bleu marine peut se perdre en marées noires.

Génération black, blanc, beur n'est pas encore devenu génération identitaire.

Et tout ça, toujours sous les yeux du même Drucker.

 

Je tue mon temps à Melun, capitale mondiale de la mélancolie. Dans un monde où tout doit disparaitre sur l'autel du divertissement.

Où crimes de guerre et génocides deviennent des prétextes à slogans.

Où le traumatisme de la fusillade de Colombine n'est plus qu'un simple fait divers

Et les milliers de noyés de la Méditerranée font moins couler d'encre que le sous-marin de quatres milliardaires.

Quand Umberto se fait l'écho de la disparition des experts au profit des stars de Twitter 

Et le point d'orgue d'un mandat présidentiel, c'est une virée extra conjugale en scooter.

À la grande époque du Wi-Fi et du COVID-19,

Où l'on ferme toujours plus de lits d'hôpitaux pour recruter toujours plus de keufs.

Où l'on offre, généreux, des repas sans gluten aux réfugiés du Darfour.

Dans ce monde, Apple pourrait sponsoriser les camps de concentration des Ouïghours.

Un 7 octobre malheureux permet de justifier crimes de guerre et éradication.

Et soutenir la Palestine serait, dans le meilleur des cas, une provocation.

La plupart des animaux sont en voie d'extinction, et moi-même je ne me sens pas très bien.

Comme à l'époque d'Hugo Boss, le fachisme revient à la mode par le pouvoir des scrutins.

Forcément, au milieu de tout ça, j'ai peur des lendemains qui ressemblent beaucoup trop à hier,

Et je me demande vraiment quel monde je vais laisser à Michel Drucker.

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