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Je vous parle d'un auteur ? Théophile Gautier

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January

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Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 61 816 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

Bonjour tous toutes :) 

Vous connaissez Théophile Gautier ? Au moins son nom peut-être. Et puis peut-être une de ses oeuvres, la plus connue : Le Capitaine Fracasse.  C'est lui qui a écrit ce roman. Mais il a aussi écrit beaucoup d'autres choses. 

Approchons-nous plus près. 

 

Théophile Gautier, voit le jour le 30 août 1811 à Tarbes dans les Hautes-Pyrénées.

Il est né ici exactement, dans cette maison : 

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Il a trois ans lorsque sa famille s'installe à Paris. Il s'habitue mal à son nouvel environnement. Étonnamment précoce, il n'a que cinq ans quand il commence à lire. Ses premières grandes passions sont Robinson Crusoé ou Paul et Virginie, qui lui font une vive impression ; il rêve alors de devenir marin, avant de se passionner pour le théâtre, notamment pour la peinture des décors. Il a deux sœurs, nées à Paris. Émilie-Henriette-Adélaïde (1817-1880) et Zoé-Louise-Françoise (1820-1885).

 

 

En 1820, à l'âge de neuf ans, il fait un bref séjour comme demi-pensionnaire au lycée Louis-le-Grand. Ses parents doivent l'en retirer au bout d'un trimestre parce qu'il y dépérit. Plus heureux comme externe au collège Charlemagne, Gautier y rencontre le jeune Gérard Labrunie. ah, arrêtons-nous un instant parce-que ce Gérard, en tant que Labrunie vous ne le connaissez pas, mais si je vous dis Gérard de Nerval, ça vous parlera. 

Je fais une brève parenthèse sur cet auteur extraordinaire, Gérard de Nerval, figure majeure du romantisme français. Sombrant tôt dans une folie qui lui accorde néanmoins de longues périodes de lucidité, il finira par se suicider. Héritier direct des romantiques allemands qu'il contribue à faire découvrir en France, il aura une grande influence chez les symbolistes et même chez les surréalistes, par son intérêt pour l'intériorité psychique et notamment pour les rêves.

Un poème tout indiqué : 

Avril

Déjà les beaux jours, – la poussière,
Un ciel d’azur et de lumière,
Les murs enflammés, les longs soirs ; –
Et rien de vert : – à peine encore
Un reflet rougeâtre décore
Les grands arbres aux rameaux noirs !

Ce beau temps me pèse et m’ennuie.
– Ce n’est qu’après des jours de pluie
Que doit surgir, en un tableau,
Le printemps verdissant et rose,
Comme une nymphe fraîche éclose
Qui, souriante, sort de l’eau.

Gérard de Nerval, Odelettes

 

 

Mais revenons à Théophile Gautier.

Durant son enfance, Théophile Gautier séjourne de nombreuses fois dans la commune de Mauperthuis, plus particulièrement dans le château de Mauperthuis, où sa mère, Adelaïde Cocard, est intendante. Les nombreux paysages qu’il découvre dans ce petit village niché au cœur de la Brie inspireront certains de ses écrits comme Mademoiselle de Maupin ou encore Le Capitaine Fracasse. 

 

A suivre... 

 

 

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Membre, forumeuse acharnée, Posté(e)
querida13 Membre 47 958 messages
forumeuse acharnée,
Posté(e)

J'ai lu le roman de la momie, durant mon adolescence; je l'ai dévoré d'une seule traite en une après- midi...Il était captivant.

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Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 61 816 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

Je l'ai lu aussi  :) , il y a longtemps.

 

Deux archéologues déchiffrent un papyrus trouvé dans le sarcophage d'une belle Égyptienne : c'est le "Roman de la Momie" (1858) de Théophile Gautier (1811-1872). L'histoire de Tahoser, princesse éprise d'un Hébreu et aimée d'un pharaon... Dans cette fresque colorée et mystérieuse comme une pyramide de la Vallée des Rois, Théophile Gautier, entre histoire et légende, a reconstitué une fascinante histoire d'amour, et l'Égypte antique telle que l'imaginèrent les romantiques.

Extrait

Cette vieille hideuse, s'accrochant de ses doigts osseux au rebord du char, à côté de ce Pharaon de stature colossale et semblable à un dieu, formait un étrange spectacle qui, heureusement, n'avait pour témoin que les étoiles scintillant dans le bleu noir du ciel ; placée ainsi, elle ressemblait à un de ces mauvais génies à configuration monstrueuse qui accompagnent les âmes coupables aux enfers. Les passions rapprochent ceux qui ne devraient jamais se rencontrer.

 

J'en profite pour préciser que les oeuvres de Théophile Gautier sont accessibles tout à fait gratuitement, puisque libres de droit, tombées dans le domaine public.

 

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Membre, forumeuse acharnée, Posté(e)
querida13 Membre 47 958 messages
forumeuse acharnée,
Posté(e)

Le capitaine Fracasse, sous la forme d'un roman historique de cape et d'épée se déroulant au XVIIeme siècle, pose le problème de l'inceste et de la consanguinité involontaires au sein des relations amoureuses.

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Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 61 816 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

Le jeune Théophile Gautier est tout d'abord intéressé par la peinture. Il est en première lorsqu'il commence à fréquenter l'atelier du peintre Louis-Édouard Rioult (1790-1855).

Ca ressemble à quoi, une toile de Louis-Edouard Rioult ? 

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Roger délivrant Angélique   

 

 

Puis il rencontre Victor Hugo, en 1829, qu'il reconnaît pour son maître. Il participe activement au mouvement romantique et prend parti dans la bataille d'Hernani, le 25 février 1830.

Un petit stop. La Bataille d'Hernani, qu'est ce que c'est ? 

La bataille d'Hernani est le nom donné à la polémique et aux chahuts qui entourèrent en 1830 les représentations de la pièce Hernani, drame romantique de Victor Hugo. Critique de Balzac :

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Plus pour ceux qui veulent:  https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_d'Hernani

 

 

 

Les premières poésies de Théophile Gautier, publiées en 1831-1832, passent inaperçues. Mais il se distingue de ses amis romantiques par ses préoccupations formalistes fustigeant les visions moralistes ou utilitaires de la littérature dans la célèbre préface à son roman épistolaire Mademoiselle de Maupin (1835). Il écrit aussi ses premières nouvelles.

Critique d'Art, de spectacle, rédacteur de presse, poète, auteur de théâtre, de romans, de nouvelles, biographe de Balzac, voyageur, Théophile Gautier s'intéresse aux musiciens, Berlioz, Gounod, Wagner, écrit le ballet de Giselle, et s'intéresse aux peintres, Eugène Delacroix, Édouard Manet, Gustave Doré, Théodore Chassériau. 

 

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Auguste de Châtillon, Portrait de Théophile Gautier (1839), Paris, musée Carnavalet.

 

Il meurt en 1872, laissant l'image d'un témoin de la vie littéraire et artistique de son temps dont les conceptions artistiques ont compté et dont l'œuvre diverse est toujours reconnue.

 

Nous allons voir tout ça  :happy:

 

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Membre, 0ans Posté(e)
Engardin Membre 1 306 messages
Forumeur vétéran‚ 0ans‚
Posté(e)

J'ai relu récemment :

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Surprenant ! Entre autres...

Pompéi :  Une histoire d'amour imaginaire, fantasmée, d'un jeune homme contemporain avec une belle romaine de Pompéi...

La mode était à l'archéologie en ce XIXe siècle...

Ou un "mage" ou prestidigitateur  qui fait passer l'esprit d'un amoureux dans le corps de l'époux officiel de la  Dame aimée...

(Je voyais Théophile Gautier surtout comme un poète d'école primaire , "premier sourire de printemps" que j'ai mis il y a quelques jours ("Mars qui rit parmi les averses...")  et je ne m'attendais pas à ça... Bouillonnant ! :) ainsi s'explique le premier ver : "Tandis que à leurs heures perverses les hommes courent haletant..." le poète connaissait la vie...:))

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Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 61 816 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

Le romantique 

Théophile Gautier mène « toutes les grandes campagnes romantiques » contre les chiens de garde du classicisme, « toutes ces larves du passé et de la routine, tous ces ennemis de l’art, de l’idéal, de la liberté et de la poésie, qui cherchent de leurs débiles mains tremblotantes à tenir fermée la porte de l’avenir ».    ('tain ah oui c'est imagé ce truc on dirait que ça parle de maintenant !) 

Dans le même temps, il écrit un premier recueil de vers, dont son père finance la publication chez Mary. L'œuvre sort en 1830 et passe totalement inaperçue. Ces premières poésies montrent pourtant un jeune poète fort habile, ayant déjà acquis la manière de ses illustres prédécesseurs. Gautier y fait cependant preuve d'une originalité réelle par un sens inné de la forme et une expression nette et précise.

Ces premiers vers seront réimprimés dans un nouveau recueil, Albertus.

 

C'est deux ans plus tard  qu'il publie  Mademoiselle de Maupin (1835), qui fait un véritable scandale (voir la critique de Balzac plus haut). 

Dans le roman, Gautier raconte la vie de Madeleine de Maupin qui, avant de succomber aux avances des hommes, désire se travestir afin de surprendre leurs secrets. Elle parcourt donc le monde, sous le nom de Théodore, en quête d’aventures galantes. D’Albert, le héros de la première partie du livre, qui soupçonne la vérité, tombe amoureux de Madeleine. Rosette, la précédente conquête de D’Albert, est trompée par le déguisement et elle est amoureuse de Théodore/Madeleine qui doit par ailleurs se battre en duel pour avoir refusé d’épouser une jeune fille.

 

Un joyeux bazar hein ?  Je ne peux rien vous en dire personnellement, je ne l'ai jamais lu :mouai:

 

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Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 61 816 messages
108ans‚ ©,
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Bon, Théophile Gautier, je l'ai découvert avec une personne qui m'a marquée quand j'étais jeune adulte, une personne que j'ai croisée à peine 15 minutes, mais c'est une autre histoire.

Pas du tout versée dans la poésie, que ce soit vers ou prose, j'ai lu alors certains poèmes avec une émotion telle qu'encore maintenant, quelques phrases me restent.

 

 

Extrait de L'oiseau captif - premier recueil, Albertus

Tous les deux cependant nous avons même sort,
Mon âme est comme toi : de sa cage mortelle
Elle s’ennuie, hélas ! et souffre, et bat de l’aile ;
Elle voudrait planer dans l’océan du ciel,
Ange elle-même, suivre un ange Ithuriel,
S’enivrer d’infini, d’amour et de lumière,
Et remonter enfin à la cause première.
Mais, grand Dieu ! quelle main ouvrira sa prison,
Quelle main à son vol livrera l’horizon ?

 

Extrait de Point de Vue - premier recueil, Albertus

Au premier plan, — un orme au tronc couvert de mousse,
Dans la brume hochant sa tête chauve et rousse ;
— Une mare d’eau sale, où plongent les canards
Assourdissant l’écho de leurs cris nasillards ;
— Quelques rares buissons où pendent des fruits aigres,
Comme un pauvre la main, tendant leurs branches maigres ;
— Une vieille maison, dont les murs mal fardés
Bâillent de toutes parts, largement lézardés.
Au second, — des moulins dressant leurs longues ailes,
Et découpant en noir leurs linéaments frêles
Comme un fil d’araignée à l’horizon brumeux ;
Puis, — tout au fond, Paris, Paris sombre et fumeux,
Où déjà, points brillants au front des maisons ternes,
Luisent comme des yeux des milliers de lanternes,
Paris avec ses toits déchiquetés, ses tours
Qui ressemblent de loin à des cous de vautours,
Et ses clochers aigus à flèche dentelée
Comme un peigne mordant la nue échevelée.

 

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Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 61 816 messages
108ans‚ ©,
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Quittant le domicile familial, place des Vosges, Théophile Gautier s'installe impasse du Doyenné, à côté de l'emplacement de l'actuelle place du Carrousel, dans un hôtel particulier en ruine, où il côtoie Camille Rogier, Arsène Houssaye, et Nerval. Il partage un appartement avec Eugène Piot.

 

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Victor Hugo en condottiere du mouvement Romantique 

Reproduction d'un dessin de Benjamin Roubaud, 1842. Le Grand Chemin de la postérité  : monté sur le Pégase romantique, Victor Hugo , « roi des Hugolâtres, armé de sa bonne lame de Tolède et portant la bannière de Notre-Dame de Paris », emmène en croupe Théophile Gautier (sic), Cassagnac , Francis Wey et Paul Fouché. Eugène Sue fait effort pour se siffler à leur niveau et Alexandre Dumas presse le pas, tandis qu'Alphonse de Lamartine , dans les nuages, se «livre à ses méditations politiques, poétiques et religieuses». Suivent Honoré de Balzac et Alfred de Vigny .

 

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Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 61 816 messages
108ans‚ ©,
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Honoré de Balzac, qui apprécie ces jeunes talents, envoie Jules Sandeau leur proposer de contribuer au journal La Chronique de Paris en 1836. « Balzac, qui daignait me trouver du talent et le dire, m'envoya chercher par Jules Sandeau ». Gautier y publie des nouvelles comme La Morte amoureuse et La Chaîne d'or et des critiques d'art. Il sera fort impressionné par le « maître » et plus tard, il contribuera à sa légende avec des portraits biographiques d'Honoré de Balzac.

Théophile Gautier  :  « J'ai travaillé à La Presse, au Figaro, à La Caricature, au Musée des Familles, à la Revue de Paris, à la Revue des Deux Mondes, partout où l'on écrivait alors. » 

Souvent pesante, cette besogne quotidienne ne l'empêche pas de faire du sport (de la boxe et du canotage) et de continuer à créer des œuvres poétiques et dramatiques. Ainsi en 1838 paraît La Comédie de la Mort, un recueil de poèmes assez différent des précédents où, sous l'influence de Shakespeare, Goethe et Dante, Gautier sculpte avec vigueur le spectre de la Mort.

 

[...]

Mes vers sont les tombeaux tout brodés de sculptures,

Ils cachent un cadavre, et sous leurs fioritures

Ils pleurent bien souvent en paraissant chanter.

Chacun est le cercueil d'une illusion morte ;

J'enterre là les corps que la houle m’apporte

Quand un de mes vaisseaux a sombré dans la mer ;

Beaux rêves avortés, ambitions déçues,

Souterraines ardeurs, passions sans issues,

Tout ce que l'existence a d'intime et d’amer.

L'océan tous les jours me dévore un navire ;

Un récif, près du bord, de sa pointe déchire

Leurs flancs doublés de cuivre et leur quille de fer.

Combien j’en ai lancé plein d’ivresse et de joie,

Si beaux et si coquets sous leurs flammes de soie,

Que jamais dans le port mes yeux ne reverront !

Quels passagers charmants, têtes fraiches et rondes,

Désirs aux seins gonflés, espoirs, chimères blondes,

Que d’enfants de mon cœur  entassés sur le pont !

Le flot a tout couvert de son linceul verdâtre,

Et les rougeurs de rose, et les pâleurs d’albâtre,

Et l’étoile et la fleur éclose à chaque front.

Le flux jette à la côte entre le corps du foc,

Et les débris de mâts que la vague entre-choque,

Mes rêves naufragés tout gonflés et tout verts ;

Pour ces chercheurs d'un monde étrange et magnifique,

Colombs qui n'ont pas su trouver leur Amérique,

En funèbres caveaux creusez-vous, ô mes vers ! 

 

 

En 1839, Gautier cède à la tentation du théâtre qu'il admire depuis toujours et écrit Une larme du diable puis Le Tricorne Enchanté et Pierrot Posthume. Ce sont des fantaisies, des pastorales féeriques, un théâtre lyrique, impossible et imaginaire qu'il fait vivre encore dans les livrets de plusieurs ballets, dont le plus célèbre est celui de Giselle, dansé le jour de ses 22 ans par la ballerine Carlotta Grisi à l'Opéra le 28 juin 1841, avec un succès prodigieux.

 

 

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Membre, 54ans Posté(e)
Valance Membre 252 messages
Forumeur forcené ‚ 54ans‚
Posté(e)

Ami, poète, esprit, tu fuis notre nuit noire.
Tu sors de nos rumeurs pour entrer dans la gloire;
Et désormais ton nom rayonne aux purs sommets.
Moi qui t’ai connu jeune et beau, moi qui t’aimais,
Moi qui, plus d’une fois, dans nos altiers coups d’aile,
Éperdu, m’appuyais sur ton âme fidèle,
Moi, blanchi par les jours sur ma tête neigeant,
Je me souviens des temps écoulés, et songeant
A ce jeune passé qui vit nos deux aurores,
A la lutte, à l’orage, aux arènes sonores,
A l’art nouveau qui s’offre, au peuple criant oui,
J’écoute ce grand vent sublime évanoui.

Fils de la Grèce antique et de la jeune France,
Ton fier respect des morts fut rempli d’espérance;
Jamais tu ne fermas les yeux à l’avenir.
Mage à Thèbes, druide au pied du noir menhir,
Flamine aux bords du Tibre et brahme aux bords du Gange,
Mettant sur l’arc du dieu la flèche de l’archange,
D’Achille et de Roland hantant les deux chevets,
Forgeur mystérieux et puissant, tu savais
Tordre tous les rayons dans une seule flamme;
Le couchant rencontrait l’aurore dans ton âme;
Hier croisait demain dans ton fécond cerveau;
Tu sacrais le vieil art aïeul de l’art nouveau;
Tu comprenais qu’il faut, lorsqu’une âme inconnue
Parle au peuple, envolée en éclairs dans la nue,
L’écouter, l’accepter; l’aimer, ouvrir les coeurs;
Calme, tu dédaignais l’effort vil des moqueurs
Écumant sur Eschyle et bavant sur Shakspeare;
Tu savais que ce siècle a son air qu’il respire,
Et que, l’art ne marchant qu’en se transfigurant,
C’est embellir le beau que d’y joindre le grand.
Et l’on t’a vu pousser d’illustres cris de joie
Quand le Drame a saisi Paris comme une proie,
Quand l’antique hiver fut chassé par Floréal,
Quand l’astre inattendu du moderne idéal
Est venu tout à coup, dans le ciel qui s’embrase
Luire, et quand l’Hippogriffe a relayé Pégase!

Je te salue au seuil sévère du tombeau.
Va chercher le vrai, toi qui sus trouver le beau.
Monte l’âpre escalier. Du haut des sombres marches,
Du noir pont de l’abîme on entrevoit les arches;
Va! meurs! la dernière heure est le dernier degré.
Pars, aigle, tu vas voir des gouffres à ton gré;
Tu vas voir l’absolu, le réel, le sublime.
Tu vas sentir le vent sinistre de la cime
Et l’éblouissement du prodige éternel.
Ton olympe, tu vas le voir du haut du ciel,
Tu vas du haut du vrai voir l’humaine chimère,
Même celle de Job, même celle d’Homère,
Ame, et du haut de Dieu tu vas voir Jéhovah.
Monte, esprit! Grandis, plane, ouvre tes ailes, va!

Lorsqu’un vivant nous quitte, ému, je le contemple;
Car entrer dans la mort, c’est entrer dans le temple
Et quand un homme meurt, je vois distinctement
Dans son ascension mon propre avènement.
Ami, je sens du sort la sombre plénitude;
J’ai commencé la mort par de la solitude,
Je vois mon profond soir vaguement s’étoiler;
Voici l’heure où je vais, aussi moi, m’en aller.
Mon fil trop long frissonne et touche presque au glaive;
Le vent qui t’emporta doucement me soulève,
Et je vais suivre ceux qui m’aimaient, moi, banni.
Leur oeil fixe m’attire au fond de l’infini.
J’y cours. Ne fermez pas la porte funéraire.

Passons; car c’est la loi; nul ne peut s’y soustraire;
Tout penche; et ce grand siècle avec tous ses rayons
Entre en cette ombre immense où pâles nous fuyons.
Oh! quel farouche bruit font dans le crépuscule
Les chênes qu’on abat pour le bûcher d’Hercule!
Les chevaux de la mort se mettent à hennir,
Et sont joyeux, car l’âge éclatant va finir;
Ce siècle altier qui sut dompter le vent contraire,
Expire ô Gautier! toi, leur égal et leur frère,
Tu pars après Dumas, Lamartine et Musset.
L’onde antique est tarie où l’on rajeunissait;
Comme il n’est plus de Styx il n’est plus de Jouvence.
Le dur faucheur avec sa large lame avance
Pensif et pas à pas vers le reste du blé;
C’est mon tour; et la nuit emplit mon oeil troublé
Qui, devinant, hélas, l’avenir des colombes,
Pleure sur des berceaux et sourit à des tombes.

À Théophile Gautier 

VICTOR HUGO 

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Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 61 816 messages
108ans‚ ©,
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Voyages voyages 

En juillet 1836, Gautier et Nerval effectuent un voyage en Belgique et en Hollande. Trois ans après, Gautier propose un feuilleton au journal La Presse : La Toison d'Or, une belle histoire d'amour romantique. Un récit paraîtra également dans le volume de 1865 : Loin de Paris.

 

Loin de Paris, La Traversée, extrait : 

Les poètes ont débité beaucoup de tirades et les prosateurs beurré beaucoup de tartines sur l’immensité de la mer, cette image de l’infini : la mer n’est pas grande ou du moins ne paraît pas telle ; quand vous avez perdu de vue toute terre et que vous êtes, comme on dit, entre le ciel et l’eau, il se fait autour de vous un horizon de six à sept lieues en tout sens qui se déplace à mesure que vous avancez ; vous marchez emprisonné dans un cercle qui vous suit. Les vagues, même lorsqu’elles sont hautes, se déroulent avec lenteur et régularité dans une espèce de rythme monotone, et ne ressemblent nullement aux vagues échevelées de la plupart des peintres de marine. Quelles que soient la force du vent et l’agitation du flot, le bord du ciel se termine toujours par un ourlet d’indigo sans la moindre dentelure.

 

L'espagne, l'Algérie, l'Italie, la Grèce, la Turquie, la Russie et l'Egypte

 Chacun de ces voyages donne lieu à des publications : Espana, Italia, Constantinople, mais surtout ils nourrissent ses œuvres littéraires, romans, nouvelles ou poésies. S’il n’est plus guère lu de nos jours, Constantinople connut un grand succès à sa publication.

 

Pour illustrer (ça fait beaucoup de lecture !)  Turner, évidemment : 

turner caernarvon-castle

 

 

 

Très intéressé par le récent média de la photographie, il devient membre en 1851 de la Société héliographique.

Non mais vous avez déjà vu plus curieux que Théophile Gautier ?  Moi j'dis c'est un super défaut ! 

 

Dans la revue L'Artiste du 8 mars 1857, Théophile Gautier, tout en donnant un aperçu de l’exposition photographique de Paris, expose ses idées sur cette récente découverte. D’après lui, elle ne fera pas concurrence à la peinture :

« On a prétendu que la photographie nuisait à l’art et en abaisserait le niveau. Jamais allégation ne fut plus dénuée de fondement. La photographie est au contraire la très humble servante, l’esclave dévouée de l’art ; elle lui prend des notes, elle lui fait des études d’après nature ; pour lui, elle se charge de toutes les besognes ennuyeuses et pénibles ; sa boîte sur le dos, elle parcourt la vallée et la montagne, le désert et la cité, le vieux monde et le nouveau monde, encapuchonnant sa tête du voile de lustrine noire à chaque beau site, à chaque édifice curieux, à chaque ruine racontant les secrets du passé ; au paysagiste, elle rapporte des groupes d’arbres, des entassements de roches bizarres, des lacs aux eaux diaphanes, des étangs endormis sous le manteau des plantes aquatiques, des chalets dans la montagne, des vagues déferlant sur la grève, et jusqu’à des archipels de nuages fixés avec leurs jeux de lumière ; à l’architecte et au décorateur, elle fournit des coupes, des élévations et des perspectives de monuments que ne saurait jamais égaler le lavis le plus habile et le plus poussé, des temples d’Égypte et de Grèce, des cathédrales romanes et gothiques… à l’érudit, elle apporte des panneaux hiéroglyphes copiés sans erreurs, des inscriptions d’une authenticité indiscutable ; car elle déchiffre tout couramment, cette photographie, accusée d’être stupide… pour le savant, elle représente, démesurément grossi et traversé de lumière électrique, l’infini de la petitesse que le microscope révèle comme le télescope l’infini de l’énorme… »

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Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 61 816 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

Et alors y a pas d'souris dans sa vie à Théophile ? 

Si.. Il y a Carlotta. Pourtant tiède dans ses premières critiques, il dira d'elle ensuite : « Elle rase le sol sans le toucher. On dirait une feuille de rose que la brise promène » ; il s’extasie sur ses pieds qui « feraient le désespoir d’une maja andalouse ».

Il tombe amoureux, elle devient sa muse et il lui vouera toute sa vie une admiration et une fidélité sentimentale sans faille. Tout le séduit chez elle ; outre son talent, il vante ses autres qualités : « son teint est d'une fraîcheur si pure, qu'elle n'a jamais mis d'autre fard que son émotion ».

 

Et alors attention mais ça, ça claque quand même 

Février grelottait blanc de neige et de givre […]
Tes yeux bleus sont encor les seules violettes,
Et le printemps ne rit que sur ta joue en fleur !

(A une jeune italienne, c'était pour Carlotta Grisi)

 

Bon sang jamais personne ne m'a écrit des trucs pareils ! Pourquoi ??   Bon, j'ai les yeux verts, d'accord :sleep:

 

 

Ce sentiment passionné de Gautier à l'égard de sa « chère âme » ne sera jamais démenti tout au long de sa vie et ce, jusqu'à sa mort, à travers des lettres qu'il signe souvent « votre esclave dévoué » : « quoique je ne puisse pas vous exprimer mes sentiments vous sentez que je vous aime, que je n’ai pas d’autre pensée que la vôtre, que vous êtes ma vie, mon âme, mon éternel désir, mon adoration que rien ne lasse et ne rebute et que vous tenez entre vos mains mon malheur et mon bonheur ». 

En 1861 Gautier voyage en Russie. À son retour, leur amitié se ravive et s'entretient par le biais d'une relation épistolaire nourrie et d'un long séjour annuel donnant lieu à des rassemblements d'admirateurs de Gautier dans la villa de Saint-Jean où Gautier se plaint de n'avoir pas assez de temps en tête-à-tête avec elle. Il lui rappelle les images du passé où elle triomphait sur scène « Fraîche comme une fleur, légère comme un papillon, gaie comme la jeunesse, lumineuse comme la gloire… ». Il lui écrira jusqu'à ses derniers jours en 1872, elle âgée de 53 ans et lui de 61 ans, toujours avec passion et admiration, quémandant encore un regard, un baiser.

 

Carlotta Grisi, 1ère danseuse à l'Opéra : [photographie, tirage de  démonstration] / [Atelier Nadar] | Gallica

 

 

 

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Membre, Forumeur confit, Posté(e)
Enchantant Membre 17 310 messages
Forumeur confit,
Posté(e)
il y a 16 minutes, January a dit :

Bon sang jamais personne ne m'a écrit des trucs pareils ! Pourquoi ??   Bon, j'ai les yeux verts, d'accord

:D

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Membre, 0ans Posté(e)
Engardin Membre 1 306 messages
Forumeur vétéran‚ 0ans‚
Posté(e)
il y a 26 minutes, January a dit :

Et alors y a pas d'souris dans sa vie à Théophile ? 

Si.. Il y a Carlotta. Pourtant tiède dans ses premières critiques, il dira d'elle ensuite : « Elle rase le sol sans le toucher. On dirait une feuille de rose que la brise promène » ; il s’extasie sur ses pieds qui « feraient le désespoir d’une maja andalouse ».

Il tombe amoureux, elle devient sa muse et il lui vouera toute sa vie une admiration et une fidélité sentimentale sans faille. Tout le séduit chez elle ; outre son talent, il vante ses autres qualités : « son teint est d'une fraîcheur si pure, qu'elle n'a jamais mis d'autre fard que son émotion ».

 

Et alors attention mais ça, ça claque quand même 

Février grelottait blanc de neige et de givre […]
Tes yeux bleus sont encor les seules violettes,
Et le printemps ne rit que sur ta joue en fleur !

(A une jeune italienne, c'était pour Carlotta Grisi)

 

Bon sang jamais personne ne m'a écrit des trucs pareils ! Pourquoi ??   Bon, j'ai les yeux verts, d'accord :sleep:

 

 

Ce sentiment passionné de Gautier à l'égard de sa « chère âme » ne sera jamais démenti tout au long de sa vie et ce, jusqu'à sa mort, à travers des lettres qu'il signe souvent « votre esclave dévoué » : « quoique je ne puisse pas vous exprimer mes sentiments vous sentez que je vous aime, que je n’ai pas d’autre pensée que la vôtre, que vous êtes ma vie, mon âme, mon éternel désir, mon adoration que rien ne lasse et ne rebute et que vous tenez entre vos mains mon malheur et mon bonheur ». 

En 1861 Gautier voyage en Russie. À son retour, leur amitié se ravive et s'entretient par le biais d'une relation épistolaire nourrie et d'un long séjour annuel donnant lieu à des rassemblements d'admirateurs de Gautier dans la villa de Saint-Jean où Gautier se plaint de n'avoir pas assez de temps en tête-à-tête avec elle. Il lui rappelle les images du passé où elle triomphait sur scène « Fraîche comme une fleur, légère comme un papillon, gaie comme la jeunesse, lumineuse comme la gloire… ». Il lui écrira jusqu'à ses derniers jours en 1872, elle âgée de 53 ans et lui de 61 ans, toujours avec passion et admiration, quémandant encore un regard, un baiser.

 

Carlotta Grisi, 1ère danseuse à l'Opéra : [photographie, tirage de  démonstration] / [Atelier Nadar] | Gallica

 

 

 

Oh putain ! 

UNE FEUILLE DE ROSE !

:wub:

:witch:

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Membre, 0ans Posté(e)
Engardin Membre 1 306 messages
Forumeur vétéran‚ 0ans‚
Posté(e)
il y a 49 minutes, January a dit :

Bon sang jamais personne ne m'a écrit des trucs pareils ! Pourquoi ??   Bon, j'ai les yeux verts, d'accord :sleep:

 

Javier est blanc et gris et no couleur y rode

Mais Jeanne hua, puis rit et ses yeux d' émeraude

On coloré mon ciel qui s'ennuyait de trop

Depuis je danse et caracole au petit trot !

 

 

Modifié par Engardin
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Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 61 816 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

L’Impassible

La Satiété dort au fond de vos grands yeux ;
En eux, plus de désirs, plus d’amour, plus d’envie ;
Ils ont bu la lumière, ils ont tari la vie,
Comme une mer profonde où s’absorbent les cieux.

Sous leur bleu sombre on lit le vaste ennui des Dieux,
Pour qui toute chimère est d’avance assouvie,
Et qui, sachant l’effet dont la cause est suivie,
Mélangent au présent l’avenir déjà vieux.

L’infini s’est fondu dans vos larges prunelles,
Et devant ce miroir qui ne réfléchit rien
L’Amour découragé s’assoit, fermant ses ailes.

Vous, cependant, avec un calme olympien,
Comme la Mnémosyne à son socle accoudée,
Vous poursuivez, rêveuse, une impossible idée.

 

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Membre, 44ans Posté(e)
Arkadis Membre 305 messages
Forumeur accro‚ 44ans‚
Posté(e)
Il y a 4 heures, January a dit :

 

j'ai les yeux verts

 

 

 

Silencieuse, songeuse,

Vaste autant que la Terre,

Jan reçoit, tranquille selon ses vœux,

Le discours inquiet du marcheur solitaire, là-bas dans la vallée.

Ses yeux aux iris jade 

Reflètent, quand vient la nuit,

La passion pour elle des dieux enflammés,

Aurores boréales

Danses le long de ses hanches

Etoffe émeraude

Verticales déroulées 

Dans la contemplation desquelles

Le voyageur veut s'abîmer.

 

 

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