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La vérité, c'est quoi ?

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Loufiat

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Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 155 messages
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Il y a 1 heure, Loufiat a dit :

Oui sur ce point je crois que vous avez raison. J'utilise l'exemple du dessin comme simplification d'un évènement qui se met en place sur des années, je dirais généralement jusqu'à l'adolescence. Cela dit, pour dissiper un possible malentendu : vous dîtes que l'adulte laisse entendre que ce serait un château, que l'enfant dessine. Mais dans mon exemple, ce n'est pas ce qu'il se passe. L'adulte demande, interroge. Et ça me semble important. Ce n'est pas lui qui vient dire : "voilà ce que tu dessines". Non. Ce que la question "que dessines-tu ?" suggère bien en revanche, c'est que les gribouillis de l'enfant puissent former un dessin, et que l'enfant soit capable de décider et de dire ce que son dessin sera. C'est là qu'est plantée la graine, dans cette suggestion impliquée par toute interrogation directe ou indirecte portée sur le sens d'un acte. Et le moment de bascule qui nous intéresse, c'est celui où l'enfant comprend la question, et tente d'y répondre en accordant effectivement ses actes avec sa réponse.

Je l'ai mal exprimé dans les réponses précédentes, alors je le dis autrement. Justement, cet exemple, je m'y accroche (et merci d'avoir précisé les choses) parce qu'il y a là un piège que je pressens depuis un moment: je crois qu'on mélange certaines choses. Ce n'est pas lorsque l'adulte interroge l'enfant sur ce que représente son dessin que commence l'initiation à la vérité, et c'est ici que je veux préciser. Quand l'adulte demande à l'enfant ce qu'il dessine, alors il laisse entendre qu'il y a forcément une volonté ou un vouloir derrière son acte, une intention. Ce qui se passe ici, c'est l'ouverture d'un espace où l'enfant est invité à participer et à poser un acte avec une intention préalable, être un auteur aux yeux de ses semblables. Si la réponse est suggérée par l'adulte ("tu dessines un château",) alors la proposition la plus réaliste et la plus probable lui est présentée comme étant celle qui est acceptable, celle qui est correcte. A aucun moment il n'y a de notion de vérité, car en fait l'adulte ne peut pas, à ce moment, préciser où est la vérité parce que justement il invite l'enfant à créer lui-même.

Vous avez raison: à un moment, l'enfant aura la maturité pour comprendre le sens de la question qui n'est pas dans chacun des mots prononcés, mais bien dans l'intention qui la porte, intention enrichie/alourdie par les codes de la relation sociale.

Mais effectivement, il y a une certaine initiation à ce critère de vérité, mais je crois qu'il se fait implicitement , et c'est là que je parle du "verbe". Dans la bible, le verbe est le moyen que Dieu utilise pour créer (Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne ; et Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres. Dieu appela la lumière jour, et il appela les ténèbres nuit. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le premier jour.) Il nomme ce qu'il va créer, et une fois que le verbe est incarné, il trouve cela bon, puis il l'ordonne et lui donne une place, un temps, il nomme chaque choses.

C'est un peu brouillon de ma part, mais je voulais vous montrer qu'avant l'intention personnelle, individuelle, le pouvoir de nommer est le premier pas de la vérité (même si je pense qu'il y a une intention autre qui précède le verbe, mais là je ne pourrai pas encore en parler ici). C'est lorsque l'adulte nomme les objets, raconte une histoire, utilise un vocabulaire et l'intègre à la vie de tous les jours, qu'il initie l'enfant à la notion de vérité. C'est en nommant qu'on se rapproche de la vérité. C'est pourquoi je disais que l'adulte crée entièrement la légende de l'enfant, car il passe son temps à nommer pour lui, à lui apprendre à nommer tel que lui nomme personnellement. Mais si nous avons dix mots pour décrire la neige et que l'Inuit en plus de cinquante, qui sera plus proche de la vérité? Ne serait-ce pas celui qui en connaîtra un plus grand rayon, celui qui a une meilleure relation avec elle, meilleure dans le sens de plus complète, plus fine et précise? L'adulte est, par défaut, celui qui initie l'enfant, mais à mes yeux il y a un "problème": en même temps qu'il lui permet de concevoir un monde sensé, il lui ferme de grandes possibilités de concevoir plusieurs sortes de mondes sensés. Il n'y a visiblement pas d'autres moyens de toute façon. Il revient alors à l'individu d'interroger ce que l'adulte ouvre pour lui en nommant, afin d'y apporter équilibre et précision. Parce que l'adulte ne peut que faciliter l'ouverture de cette conscience du sens, de l'intention et de création, en apprenant à l'enfant sa façon personnelle de percevoir le monde. Cette vision déforme celle de l'enfant qui, une fois qu'il aura la maturité pour intégrer qu'il peut être à l'origine de son propre monde, devra rétablir la vérité en lui. Mais cette volonté d'établir et épouser la vérité n'est visiblement pas à la portée de tout le monde.

J'ai en tête une situation dont j'ai été témoin:

"-Diriez-vous que cet homme vous a violé?

- Je sais qu'aux yeux de la loi de mon pays, cet homme est condamnable pour viol. Mais je sais qu'il n'avait pas cette intention, je sais qu'il ne pouvait tout simplement pas percevoir ce que moi je croyais être un refus suffisamment clair. Au nom de ma morale et de mon amour pour la vérité: non, cet homme ne m'a pas violée, même si son acte est à vos yeux un viol selon la loi."

Les lois ne défendent pas la vérité, les lois sont sensées défendre des victimes.

Encore une fois je m'arrête là pour vous laisser répondre avant de continuer la morale au milieu de tout ça, l'intention et la rationalisation, etc.).

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Membre, 34ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 566 messages
Mentor‚ 34ans‚
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il y a 24 minutes, Ambre Agorn a dit :

Encore une fois je m'arrête là pour vous laisser répondre avant de continuer la morale au milieu de tout ça, l'intention et la rationalisation, etc.).

Je vois que nous nous comprenons. Continuez si vous le désirez. 

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Membre, Agitateur Post Synaptique, 56ans Posté(e)
zenalpha Membre 22 137 messages
56ans‚ Agitateur Post Synaptique,
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Il y a 19 heures, Ambre Agorn a dit :

Je l'ai mal exprimé dans les réponses précédentes, alors je le dis autrement. Justement, cet exemple, je m'y accroche (et merci d'avoir précisé les choses) parce qu'il y a là un piège que je pressens depuis un moment: je crois qu'on mélange certaines choses. Ce n'est pas lorsque l'adulte interroge l'enfant sur ce que représente son dessin que commence l'initiation à la vérité, et c'est ici que je veux préciser. Quand l'adulte demande à l'enfant ce qu'il dessine, alors il laisse entendre qu'il y a forcément une volonté ou un vouloir derrière son acte, une intention. Ce qui se passe ici, c'est l'ouverture d'un espace où l'enfant est invité à participer et à poser un acte avec une intention préalable, être un auteur aux yeux de ses semblables. Si la réponse est suggérée par l'adulte ("tu dessines un château",) alors la proposition la plus réaliste et la plus probable lui est présentée comme étant celle qui est acceptable, celle qui est correcte. A aucun moment il n'y a de notion de vérité, car en fait l'adulte ne peut pas, à ce moment, préciser où est la vérité parce que justement il invite l'enfant à créer lui-même.

Vous avez raison: à un moment, l'enfant aura la maturité pour comprendre le sens de la question qui n'est pas dans chacun des mots prononcés, mais bien dans l'intention qui la porte, intention enrichie/alourdie par les codes de la relation sociale.

Mais effectivement, il y a une certaine initiation à ce critère de vérité, mais je crois qu'il se fait implicitement , et c'est là que je parle du "verbe". Dans la bible, le verbe est le moyen que Dieu utilise pour créer (Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne ; et Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres. Dieu appela la lumière jour, et il appela les ténèbres nuit. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le premier jour.) Il nomme ce qu'il va créer, et une fois que le verbe est incarné, il trouve cela bon, puis il l'ordonne et lui donne une place, un temps, il nomme chaque choses.

C'est un peu brouillon de ma part, mais je voulais vous montrer qu'avant l'intention personnelle, individuelle, le pouvoir de nommer est le premier pas de la vérité (même si je pense qu'il y a une intention autre qui précède le verbe, mais là je ne pourrai pas encore en parler ici). C'est lorsque l'adulte nomme les objets, raconte une histoire, utilise un vocabulaire et l'intègre à la vie de tous les jours, qu'il initie l'enfant à la notion de vérité. C'est en nommant qu'on se rapproche de la vérité. C'est pourquoi je disais que l'adulte crée entièrement la légende de l'enfant, car il passe son temps à nommer pour lui, à lui apprendre à nommer tel que lui nomme personnellement. Mais si nous avons dix mots pour décrire la neige et que l'Inuit en plus de cinquante, qui sera plus proche de la vérité? Ne serait-ce pas celui qui en connaîtra un plus grand rayon, celui qui a une meilleure relation avec elle, meilleure dans le sens de plus complète, plus fine et précise? L'adulte est, par défaut, celui qui initie l'enfant, mais à mes yeux il y a un "problème": en même temps qu'il lui permet de concevoir un monde sensé, il lui ferme de grandes possibilités de concevoir plusieurs sortes de mondes sensés. Il n'y a visiblement pas d'autres moyens de toute façon. Il revient alors à l'individu d'interroger ce que l'adulte ouvre pour lui en nommant, afin d'y apporter équilibre et précision. Parce que l'adulte ne peut que faciliter l'ouverture de cette conscience du sens, de l'intention et de création, en apprenant à l'enfant sa façon personnelle de percevoir le monde. Cette vision déforme celle de l'enfant qui, une fois qu'il aura la maturité pour intégrer qu'il peut être à l'origine de son propre monde, devra rétablir la vérité en lui. Mais cette volonté d'établir et épouser la vérité n'est visiblement pas à la portée de tout le monde.

J'ai en tête une situation dont j'ai été témoin:

"-Diriez-vous que cet homme vous a violé?

- Je sais qu'aux yeux de la loi de mon pays, cet homme est condamnable pour viol. Mais je sais qu'il n'avait pas cette intention, je sais qu'il ne pouvait tout simplement pas percevoir ce que moi je croyais être un refus suffisamment clair. Au nom de ma morale et de mon amour pour la vérité: non, cet homme ne m'a pas violée, même si son acte est à vos yeux un viol selon la loi."

Les lois ne défendent pas la vérité, les lois sont sensées défendre des victimes.

Encore une fois je m'arrête là pour vous laisser répondre avant de continuer la morale au milieu de tout ça, l'intention et la rationalisation, etc.).

Je suis en désaccord sur pas mal de points...

La vérité est l'objet de très nombreuses définitions et une seule en vérité me semble toucher la vérité 

A savoir déjà qu'il n'y a pas une vérité en soi par soi, il n'y aurait pas une vérité de la théière pas plus qu'il n'y aurait une vérité de la Terre dans l'univers

On confond allégrement vérité et réalité définie comme la simple énumération de caractéristiques objectives voire observables

Il n'y a pas non plus une vérité de l'intention qui ferait finalement une vérité à géométrie variable selon les intentions des uns ou des autres

Il n'y a pas davantage un verbe qui serait anterieur à une réalité un peu comme si "et la lumière fût" créerait la réalité à l'image de notre intention, cette réalité devenant différente de l'un à l'autre selon l'intention de l'un ou de l'autre...

Non

Il y a en effet d'un côté un langage qu'il soit mathématique ou courant qui formule une proposition 

Et de l'autre une réalité physique ou conceptuelle qui est une réalité objective, démontrable ou observable

Et la vérité n'est que la formulation d'une expression cohérente, bien formée donc où chaque mot est défini, grammaticalement et logiquement bien formée de manière non contradictoire et cohérente en exposant un aspect de ladite réalité vérifiée dans ladite réalité (et toutes n'y sont pas verifiables du reste)

Certaines vérités sont inaccessibles aux démonstrations, d'autres pourront être démontrées

Pour reprendre ton exemple du viol...

Il y a énormément de vérités qu'on pourra formuler à propos de ce viol et de la scène du viol, de son contexte, des intentions, au travers de pièces à conviction qui pourront asseoir le récit des formulations de la plaignante et de l'accusé

Certaines vérités échapperont à la démonstration et à la preuve, à savoir que certaines formulations qu'on pourra faire pour qualifier la scène de ce viol pourront être démontré ou pas, pourront être importants ou accessoires, l'ensemble du tableau du viol ne pourra être ni dépeint par les pièces à conviction depuis le bruit de cet avion qui passait dans le ciel en passant par ce facteur qui a déposé un courrier sans s'apercevoir de rien.

Mais il y a une qualification du viol dans le droit précise et sur lequel la vérification par les témoignages, les pièces à conviction, les constats médicaux...doivent permettre de qualifier si il y a eu viol ou pas.

Ce n'est pas parce qu'un homme n'avait pas l'intention de commettre un viol qu'une femme n'a pas ressenti l'acte lui-même comme un viol et de là intervient dans le viol aujourd'hui des notions plus precises de violence, de menace, de surprise...

Et en effet ces éléments sont difficilement opposable parole contre parole

Le fait n'est pas qu'une femme puisse comprendre que, contrairement au droit sur le constat du viol, il n'y en a pas eu car tel n'était pas l'intention du violeur...

Pour la raison que cette intention est exigée du droit pour qualifier le viol lui-même 

S'il n'y a pas la conscience de commettre l'acte de viol donc de pratiquer sans le consentement de la femme, il n'y a pas viol...

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle des femmes se battent pour la preuve de ce consentement dans ce droit

Ce qui à mon sens est une ânerie 

Mais c'est un autre sujet

L'intention dans le droit est un élément déterminant pour la révélation de la vérité concernant la qualification d'un crime ou un délit en matière de responsabilité du prevenu

Mais la vérité n'a absolument pas besoin de l'intention dans ce qu'une proposition établie dans un langage donne soit conforme ou pas à la réalité qui y est décrite

Le théorème de Pythagore nous décrit une vérité immuable dans le cadre où il est formulé

Modifié par zenalpha
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Membre, 105ans Posté(e)
maddy Membre 7 738 messages
Maitre des forums‚ 105ans‚
Posté(e)

la vérité on s'arrange tous avec, selon la personne, le cas

on ne peut pas toujours dire la vérité, il y a l'empathie, ne pas vouloir blesser une personne

en théorie on devrait toujours la dire mais, en réalité on ne peut pas toujours le faire 

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Invité chekhina
Invités, Posté(e)
Invité chekhina
Invité chekhina Invités 0 message
Posté(e)
Il y a 18 heures, Loufiat a dit :

Je vois que nous nous comprenons. Continuez si vous le désirez. 

Ma première réaction, en vous lisant : vous êtes un manipulateur. Ma deuxième réaction est : ce manipulateur est bienveillant.

Il est possible que votre bienveillance, même si elle verse dans la manipulation, soit utile au développement cérébral de votre correspondante. 
 

Au total j’estime que vous êtes plutôt animé par la bienveillance. 

Il y a 19 heures, Ambre Agorn a dit :

Je l'ai mal exprimé dans les réponses précédentes, alors je le dis autrement. Justement, cet exemple, je m'y accroche (et merci d'avoir précisé les choses) parce qu'il y a là un piège que je pressens depuis un moment: je crois qu'on mélange certaines choses. Ce n'est pas lorsque l'adulte interroge l'enfant sur ce que représente son dessin que commence l'initiation à la vérité, et c'est ici que je veux préciser. Quand l'adulte demande à l'enfant ce qu'il dessine, alors il laisse entendre qu'il y a forcément une volonté ou un vouloir derrière son acte, une intention. Ce qui se passe ici, c'est l'ouverture d'un espace où l'enfant est invité à participer et à poser un acte avec une intention préalable, être un auteur aux yeux de ses semblables. Si la réponse est suggérée par l'adulte ("tu dessines un château",) alors la proposition la plus réaliste et la plus probable lui est présentée comme étant celle qui est acceptable, celle qui est correcte. A aucun moment il n'y a de notion de vérité, car en fait l'adulte ne peut pas, à ce moment, préciser où est la vérité parce que justement il invite l'enfant à créer lui-même.

Vous avez raison: à un moment, l'enfant aura la maturité pour comprendre le sens de la question qui n'est pas dans chacun des mots prononcés, mais bien dans l'intention qui la porte, intention enrichie/alourdie par les codes de la relation sociale.

Mais effectivement, il y a une certaine initiation à ce critère de vérité, mais je crois qu'il se fait implicitement , et c'est là que je parle du "verbe". Dans la bible, le verbe est le moyen que Dieu utilise pour créer (Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne ; et Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres. Dieu appela la lumière jour, et il appela les ténèbres nuit. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le premier jour.) Il nomme ce qu'il va créer, et une fois que le verbe est incarné, il trouve cela bon, puis il l'ordonne et lui donne une place, un temps, il nomme chaque choses.

C'est un peu brouillon de ma part, mais je voulais vous montrer qu'avant l'intention personnelle, individuelle, le pouvoir de nommer est le premier pas de la vérité (même si je pense qu'il y a une intention autre qui précède le verbe, mais là je ne pourrai pas encore en parler ici). C'est lorsque l'adulte nomme les objets, raconte une histoire, utilise un vocabulaire et l'intègre à la vie de tous les jours, qu'il initie l'enfant à la notion de vérité. C'est en nommant qu'on se rapproche de la vérité. C'est pourquoi je disais que l'adulte crée entièrement la légende de l'enfant, car il passe son temps à nommer pour lui, à lui apprendre à nommer tel que lui nomme personnellement. Mais si nous avons dix mots pour décrire la neige et que l'Inuit en plus de cinquante, qui sera plus proche de la vérité? Ne serait-ce pas celui qui en connaîtra un plus grand rayon, celui qui a une meilleure relation avec elle, meilleure dans le sens de plus complète, plus fine et précise? L'adulte est, par défaut, celui qui initie l'enfant, mais à mes yeux il y a un "problème": en même temps qu'il lui permet de concevoir un monde sensé, il lui ferme de grandes possibilités de concevoir plusieurs sortes de mondes sensés. Il n'y a visiblement pas d'autres moyens de toute façon. Il revient alors à l'individu d'interroger ce que l'adulte ouvre pour lui en nommant, afin d'y apporter équilibre et précision. Parce que l'adulte ne peut que faciliter l'ouverture de cette conscience du sens, de l'intention et de création, en apprenant à l'enfant sa façon personnelle de percevoir le monde. Cette vision déforme celle de l'enfant qui, une fois qu'il aura la maturité pour intégrer qu'il peut être à l'origine de son propre monde, devra rétablir la vérité en lui. Mais cette volonté d'établir et épouser la vérité n'est visiblement pas à la portée de tout le monde.

J'ai en tête une situation dont j'ai été témoin:

"-Diriez-vous que cet homme vous a violé?

- Je sais qu'aux yeux de la loi de mon pays, cet homme est condamnable pour viol. Mais je sais qu'il n'avait pas cette intention, je sais qu'il ne pouvait tout simplement pas percevoir ce que moi je croyais être un refus suffisamment clair. Au nom de ma morale et de mon amour pour la vérité: non, cet homme ne m'a pas violée, même si son acte est à vos yeux un viol selon la loi."

Les lois ne défendent pas la vérité, les lois sont sensées défendre des victimes.

Encore une fois je m'arrête là pour vous laisser répondre avant de continuer la morale au milieu de tout ça, l'intention et la rationalisation, etc.).

Il est dangereux de surmonter son chaos intérieur en utilisant les enfants. Se reconstruire en pensant construire ses enfants c’est prendre le risque de transférer sur eux notre chaos. 
Nommer et préciser c’est votre condition personnelle. L’enfant peut vivre au sein d’un monde indéterminé. C’est vous qui avez besoin de détermination pas l’enfant. L’enfant est encore dans la Vie, il a une puissance et une intelligence que vous ne soupçonnez pas. 

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Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 155 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)
Il y a 4 heures, zenalpha a dit :

Je suis en désaccord sur pas mal de points...

La vérité est l'objet de très nombreuses définitions et une seule en vérité me semble toucher la vérité 

A savoir déjà qu'il n'y a pas une vérité en soi par soi, il n'y aurait pas une vérité de la théière pas plus qu'il n'y aurait une vérité de la Terre dans l'univers

On confond allégrement vérité et réalité définie comme la simple énumération de caractéristiques objectives voire observables

Il n'y a pas non plus une vérité de l'intention qui ferait finalement une vérité à géométrie variable selon les intentions des uns ou des autres

Il n'y a pas davantage un verbe qui serait anterieur à une réalité un peu comme si "et la lumière fût" créerait la réalité à l'image de notre intention, cette réalité devenant différente de l'un à l'autre selon l'intention de l'un ou de l'autre...

Non

Il y a en effet d'un côté un langage qu'il soit mathématique ou courant qui formule une proposition 

Et de l'autre une réalité physique ou conceptuelle qui est une réalité objective, démontrable ou observable

Et la vérité n'est que la formulation d'une expression cohérente, bien formée donc où chaque mot est défini, grammaticalement et logiquement bien formée de manière non contradictoire et cohérente en exposant un aspect de ladite réalité vérifiée dans ladite réalité (et toutes n'y sont pas verifiables du reste)

Certaines vérités sont inaccessibles aux démonstrations, d'autres pourront être démontrées

Pour reprendre ton exemple du viol...

Il y a énormément de vérités qu'on pourra formuler à propos de ce viol et de la scène du viol, de son contexte, des intentions, au travers de pièces à conviction qui pourront asseoir le récit des formulations de la plaignante et de l'accusé

Certaines vérités échapperont à la démonstration et à la preuve, à savoir que certaines formulations qu'on pourra faire pour qualifier la scène de ce viol pourront être démontré ou pas, pourront être importants ou accessoires, l'ensemble du tableau du viol ne pourra être ni dépeint par les pièces à conviction depuis le bruit de cet avion qui passait dans le ciel en passant par ce facteur qui a déposé un courrier sans s'apercevoir de rien.

Mais il y a une qualification du viol dans le droit précise et sur lequel la vérification par les témoignages, les pièces à conviction, les constats médicaux...doivent permettre de qualifier si il y a eu viol ou pas.

Ce n'est pas parce qu'un homme n'avait pas l'intention de commettre un viol qu'une femme n'a pas ressenti l'acte lui-même comme un viol et de là intervient dans le viol aujourd'hui des notions plus precises de violence, de menace, de surprise...

Et en effet ces éléments sont difficilement opposable parole contre parole

Le fait n'est pas qu'une femme puisse comprendre que, contrairement au droit sur le constat du viol, il n'y en a pas eu car tel n'était pas l'intention du violeur...

Pour la raison que cette intention est exigée du droit pour qualifier le viol lui-même 

S'il n'y a pas la conscience de commettre l'acte de viol donc de pratiquer sans le consentement de la femme, il n'y a pas viol...

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle des femmes se battent pour la preuve de ce consentement dans ce droit

Ce qui à mon sens est une ânerie 

Mais c'est un autre sujet

L'intention dans le droit est un élément déterminant pour la révélation de la vérité concernant la qualification d'un crime ou un délit en matière de responsabilité du prevenu

Mais la vérité n'a absolument pas besoin de l'intention dans ce qu'une proposition établie dans un langage donne soit conforme ou pas à la réalité qui y est décrite

Le théorème de Pythagore nous décrit une vérité immuable dans le cadre où il est formulé

Bonjour Zenalpha

Je suis d'accord que vous soyez en désaccord! Je réfléchis tout haut (ou plutôt en écrivant) et je suis totalement inculte. Je sais très bien avant de publier que je peux être humilier en bonne et due forme par ceux qui verront gros comme une maison que je me suis mis le doigt dans l’œil. !je prends ce risque même si j'ai de plus en plus de mal.

Je suis d'accord qu'il n'y a pas une vérité en soi par soi, il n'y aurait pas une vérité de la théière pas plus qu'il n'y aurait une vérité de la Terre dans l'univers (je vous cite en italique: j'aime bien parfois l'italique!)

On confond bien souvent réalité et vérité, je vous l'accorde, d'ailleurs ça fait plusieurs fois que @Loufiat l'a précisé, il me semble, et que j'ai ceci en tête quand j'écris. Cependant, je ne suis pas à l’abri d'une erreur effectivement. Cependant j'ai bien intégré dans mon vocabulaire la différence entre réalité et vérité.

(Je vous cite encore:) "Il n'y a pas non plus une vérité de l'intention qui ferait finalement une vérité à géométrie variable selon les intentions des uns ou des autres" Ha oui, je suis encore d'accord avec vous! Mais je ne crois pas avoir dit ce genre de chose, non? Ou alors j'ai encore du soucis à me faire concernant mon expression! Je crois que j'ai juste souligné qu'on dit "dire la vérité", ou mentir, quand il y a volonté, ou non, de tromper sur l'intention. Je ne maîtrise pas du tout la géométrie variable, alors je n'en aurai pas parlé.

(Je vous cite) Il n'y a pas davantage un verbe qui serait anterieur à une réalité un peu comme si "et la lumière fût" créerait la réalité à l'image de notre intention, cette réalité devenant différente de l'un à l'autre selon l'intention de l'un ou de l'autre...  Il faudrait que je vous explique ce que j'ai voulu dire alors! J'ai remarqué que nommer quelque chose a tendance à lui donner plus d'importance à nos yeux. Comme si je voyais pour la première fois le tilleul devant ma porte parce que quelqu'un m'avait dit que c'était un tilleul et qu'on pouvait consommer son feuillage, que son bois était utilisé pour faire de la farine pendant la guerre, etc. Avant c'était un arbre pour moi. Un arbre qui sentait bon quand il fleurit. Et puis avec l'arrivée de ces particularités, cet arbre devenait un peu plus précis, mai sjuste un peu plus précis dans un certain contexte, dans un certain système. Car j'ai d'autres systèmes qui me font connaître l'arbre très précisément, peut-être même plus précisément encore. J'ai juste enrichi ma relation avec l'arbre avec l'arrivée d'un nouveau système. J eme trompe visiblement vu ce que vous en dites. J'avais juste exprimé ce qu'il m'avait semblé observer: les paysans ne nomment plus leurs animaux, parce que nommer donne un nouveau statut à la chose nommée. Je ne dis pas qu'elle est différente d'avant, mais elle est différente dans sa propre relation à la chose nommée. Apparemment @chekhina partage votre point de vue, je vais donc remballer cette idée: trop farfelue pour ici!

(Je vous cite) Et la vérité n'est que la formulation d'une expression cohérente, bien formée donc où chaque mot est défini, grammaticalement et logiquement bien formée de manière non contradictoire et cohérente en exposant un aspect de ladite réalité vérifiée dans ladite réalité (et toutes n'y sont pas verifiables du reste) C'est bien dit. Et je suis d'accord! Et tout ceci n'est possible que pour celui qui est doué de parole, non? Enfin, c'est ce qui a été admis depuis le début de ce fil. par contre ce qui me fait peur, c'est que j'aurai peut-etre exprimé une chose contraire à ceci?

(Je vous cite) Il y a énormément de vérités qu'on pourra formuler à propos de ce viol et de la scène du viol, de son contexte, des intentions, au travers de pièces à conviction qui pourront asseoir le récit des formulations de la plaignante et de l'accusé... Ben en fait non: s'il n'y a pas de victime, il n'y a pas de jugement. La vérité importe à personne dans ce cas-là. La justice défend normalement des victimes, elle ne court pas après la vérité à tout prix. Si celle-là ne veut pas être victime, la justice n'a aucun intérêt pour la vérité de ce qui a pu se passer. Mais là on sort du sujet.

(Je vous cite) Le théorème de Pythagore nous décrit une vérité immuable dans le cadre où il est formulé  J'aime bien cette phrase pour la précision: dans le cadre où il est formulé. Au début de ce fil, je ne voulais pas me cantonner au cadre où le sujet était formulé, parce que je ne voulais pas réduire la vérité à ce qu'on pouvait en dire. Cependant, j'ai voulu essayer de comprendre ce que l'auteur disait, alors je suis rentré dans le jeu, je suis rentré dans le cadre pour tenter de vois ce qu'il y voyait. A partir de cette contrainte, je me suis interrogée. Je n'ai fait qu'écrire mon travail intellectuel: oui bon, c'est pas bien bon visiblement! :fille:

:bienvenue:

Bonjour chekhina!

Il y a 5 heures, chekhina a dit :

Il est dangereux de surmonter son chaos intérieur en utilisant les enfants. Se reconstruire en pensant construire ses enfants c’est prendre le risque de transférer sur eux notre chaos. 

N'est-ce pas!

Il y a 5 heures, chekhina a dit :

Nommer et préciser c’est votre condition personnelle. L’enfant peut vivre au sein d’un monde indéterminé. C’est vous qui avez besoin de détermination pas l’enfant. L’enfant est encore dans la Vie, il a une puissance et une intelligence que vous ne soupçonnez pas. 

Heu...j'avais l'impression qu'on apprenait la langue qu'on parle dès l'enfance (langue maternelle) parce que les gens autour de nous parlaient cette langue. Je ne savais pas que ça m'était personnel!

C'est ironique bien sûr, mais vous n'aviez vraiment pas compris ça quand je disais que l'adulte nommais les choses pour l'enfant, qu'il racontait des histoires, etc? A moins que ce soit aussi ironique de votre part, alors on se comprend, ...je crois!

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Membre, Posté(e)
le merle Membre 21 605 messages
Maitre des forums‚
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Bonjour

La vérité peut être relative à la sensibilité de chacun .mais les faits , s'ils sont interprétés de la même sensibilité , peuvent se travestir d'une vérité appelé : commune .

Bonne soirée 

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Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 155 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)
Il y a 23 heures, Loufiat a dit :

Je vois que nous nous comprenons. Continuez si vous le désirez. 

Je n'ai plus autant de verve tout d'un coup!

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Loufiat Membre 2 566 messages
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Le 07/05/2024 à 15:46, Ambre Agorn a dit :

Je n'ai plus autant de verve tout d'un coup!

Je vous donne un coup de pouce :)

Le 06/05/2024 à 15:28, Ambre Agorn a dit :

je voulais vous montrer qu'avant l'intention personnelle, individuelle, le pouvoir de nommer est le premier pas de la vérité (même si je pense qu'il y a une intention autre qui précède le verbe, mais là je ne pourrai pas encore en parler ici). C'est lorsque l'adulte nomme les objets, raconte une histoire, utilise un vocabulaire et l'intègre à la vie de tous les jours, qu'il initie l'enfant à la notion de vérité. C'est en nommant qu'on se rapproche de la vérité. C'est pourquoi je disais que l'adulte crée entièrement la légende de l'enfant, car il passe son temps à nommer pour lui, à lui apprendre à nommer tel que lui nomme personnellement. Mais si nous avons dix mots pour décrire la neige et que l'Inuit en plus de cinquante, qui sera plus proche de la vérité? Ne serait-ce pas celui qui en connaîtra un plus grand rayon, celui qui a une meilleure relation avec elle, meilleure dans le sens de plus complète, plus fine et précise? L'adulte est, par défaut, celui qui initie l'enfant, mais à mes yeux il y a un "problème": en même temps qu'il lui permet de concevoir un monde sensé, il lui ferme de grandes possibilités de concevoir plusieurs sortes de mondes sensés. Il n'y a visiblement pas d'autres moyens de toute façon. Il revient alors à l'individu d'interroger ce que l'adulte ouvre pour lui en nommant, afin d'y apporter équilibre et précision. Parce que l'adulte ne peut que faciliter l'ouverture de cette conscience du sens, de l'intention et de création, en apprenant à l'enfant sa façon personnelle de percevoir le monde. Cette vision déforme celle de l'enfant qui, une fois qu'il aura la maturité pour intégrer qu'il peut être à l'origine de son propre monde, devra rétablir la vérité en lui. Mais cette volonté d'établir et épouser la vérité n'est visiblement pas à la portée de tout le monde.

Pour vous relancer, je réagis seulement sur la fin parce qu'après avoir concédé qu'il n'y a pas d'autre moyen que d'initier l'enfant au monde, vous dîtes que la vision inculquée par l'adulte déforme celle de l'enfant. Puis, que l'enfant peut être à l'origine de son propre monde et sur ces deux points, j'hésite à vous suivre. 

Je me dis qu'en réalité, les visions du monde portées par les adultes (et autres) ne déforment pas celles des enfants, elles les forment. Sauf à vivre en vase clôt, les "visions du monde" des adultes sont elles-mêmes en mouvement et mettent l'enfant face à quelque-chose qui reste à la fois réel et problématique, connu et inconnu, la langue n'ayant pas pour chaque chose un nom et sous ce nom une définition univoque, pas plus qu'il n'y a pour chaque acte ou geste ou fait un sens toujours bien précis.

Bref, l'enfant peut très bien décider de dessiner un château caché par une forêt : l'imaginer, le dire et le faire. Mais l'enfant ne peut pas être à l'origine de son propre monde ni de la vérité, je ne crois pas. Il n'a pas décidé qu'un château est un château et une forêt, une forêt. Ni le monde ni la vérité ne lui appartiennent, et quoi qu'il décide d'établir en lui-même pour lui-même, c'est toujours dans le monde qui constitue la limite extérieure sans cesse élargie de ce que, tous, nous pourrons jamais connaître, décider, dire, imaginer...

Le 06/05/2024 à 15:28, Ambre Agorn a dit :

J'ai en tête une situation dont j'ai été témoin:

"-Diriez-vous que cet homme vous a violé?

- Je sais qu'aux yeux de la loi de mon pays, cet homme est condamnable pour viol. Mais je sais qu'il n'avait pas cette intention, je sais qu'il ne pouvait tout simplement pas percevoir ce que moi je croyais être un refus suffisamment clair. Au nom de ma morale et de mon amour pour la vérité: non, cet homme ne m'a pas violée, même si son acte est à vos yeux un viol selon la loi."

Les lois ne défendent pas la vérité, les lois sont sensées défendre des victimes.

Je ne crois pas avoir écris que les lois défendraient la vérité. Mais reprenons votre situation et admettons qu'au nom de la vérité et de votre morale, vous devriez au contraire admettre que tel rapport était un viol, non consenti, condamnable. Admettons que vous portiez finalement plainte après n'avoir d'abord rien dit, et que votre but, votre décision vise la reconnaissance et la condamnation du viol. Le problème de la vérité ne se posera plus seulement pour vous.

 

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Ambre Agorn Membre 2 155 messages
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@Loufiat

Je vous remercie d'avoir pris du temps pour répondre. Je me suis aperçue trop tard que ce que je vous avais répondu portait à confusion. En effet ce n'est pas votre intervention qui m'a coupé l'herbe sous le pied, mais celles d'autres. Qu'importe. Vous avez laissé entendre que j'avais à peu près cerné la veine de ce que vous disiez, c'était ce que je recherchais: juste vous comprendre.

Je vous remercie encore et vous souhaite une bonne journée

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Loufiat Membre 2 566 messages
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Il y a 2 heures, Ambre Agorn a dit :

Je vous remercie encore et vous souhaite une bonne journée

Dommage, j'aurais aimé vous lire sur les rapports entre vérité et morale. 

C'est moi qui vous remercie pour ces échanges qui m'aident à explorer mon intuition.  

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  • 3 semaines après...
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Loufiat Membre 2 566 messages
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Une correspondance semble se dessiner entre ce qu'il se passe dans l'infiniment petit au niveau physique et la décision chez l'être humain, lorsqu'on tente de resserrer l'observation au plus proche de l'émission d'une décision.

Situation simple : je serre et desserre successivement le poing. Si je m'observe agir, si je m'observe décider d'ouvrir et fermer la main, et que je suspends le mouvement en retenant le moment de la décision, en accentuant mon attention sur ce moment, je me trouve dans un état surprenant où, par exemple, il devient impossible de déterminer si je suis en train de décider de garder la main ouverte ou si je n'ai pas encore pris la décision de fermer le poing.

Un chercheur et psychiatre génial des années 50, Milton Erickson, avait découvert qu'avec ce genre d'exercice, on peut induire des états de conscience modifiés. Il faisait faire un mouvement simple aux sujets : saisir une orange sur une table, et la porter à leur bouche. Puis il leur demandait de reposer l'orange et de répéter l'opération en décomposant toujours plus le mouvement. Comme la décomposition du mouvement en micro-mouvements (micro-décisions) successifs n'a pas de terme, les sujets, parvenus au point de suspension totale du mouvement et de la volonté (alors que leur attention est à son maximal), entraient dans un état proche de la transe qu'Erickson allait approfondir par des suggestions orales.

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  • 9 mois après...
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Ambre Agorn Membre 2 155 messages
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Le 14/01/2023 à 03:56, Loufiat a dit :

Y en a marre des grands discours sur la vérité et son inaccessibilité. 

Je voudrais connaître la vérité que je peux connaître. Alors j'ai pensé restreindre drastiquement le domaine de la vérité pour la contenir à un niveau que nous saisissons tous. 

La vérité c'est ce qui s'oppose au mensonge. La vérité n'est donc pas l'exactitude, la précision, etc., qui s'opposent à l'erreur, quand, par exemple, on cherche à décrire une chose, ou à résoudre un problème logique. Non, il n'y a pas de vérité de la théière, de l'arbre ou de la rivière. 

La vérité est ce critère de la parole qui s'oppose au mensonge. Ça nous place immédiatement les grands termes du drame. Ça suppose des sujets, des acteurs énonçant des intentions ou évoquant des actes passés. Ça nous situé forcément dans une histoire. Dire la vérité c'est simplement dire ce qu'on a fait, ce qu'on fait, ce qu'on veut faire. Il y a donc forcément des individus en train de se parler, de vouloir et d'agir les uns en fonction des autres ; c'est uniquement dans ce cadre que le critère de la vérité peut s'appliquer. Au-delà, c'est métaphorique. 

Oui, non ?

 

Je recommence sciemment du départ, parce que j'y repense.

Si l'on oppose vérité à mensonge, je crois qu'il est nécessaire d'apporter une précision. La vérité ici est employé dans un cadre restrictif de la parole, c'est à dire qu'il serait plus exact de dire "dire la vérité s'oppose au mensonge". La vérité dans son ensemble ne peut pas être contenue uniquement dans le raisonnement, dans le mental, elle est perceptible autrement que par la parole, même si je suis tout à fait d'accord pour dire qu'elle se raconte par la parole, ou plus exactement qu'on ne rend compte, qu'on en témoigne dans la relation qui se construit aussi par la parole.

Pour illustrer un peu mon propos, je dirai ceci:

"La vérité est ce critère de la parole qui s'oppose au mensonge" (ce que vous écrivez)

Pour moi, la vérité ne peut pas être contenue dans un cadre aussi restreint. D'ailleurs elle se rapporte beaucoup à la pensée, et donc dans un cadre beaucoup plus large que simplement la parole.

"Dire la vérité c'est simplement dire ce qu'on a fait, ce qu'on fait, ce qu'on veut faire. Il y a donc forcément des individus en train de se parler, de vouloir et d'agir les uns en fonction des autres"

Et là, je suis tout à fait d'accord. D'ailleurs vous avez automatiquement ajouter "dire" la vérité.

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Loufiat Membre 2 566 messages
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il y a 42 minutes, Ambre Agorn a dit :

Je recommence sciemment du départ, parce que j'y repense.

Si l'on oppose vérité à mensonge, je crois qu'il est nécessaire d'apporter une précision. La vérité ici est employé dans un cadre restrictif de la parole, c'est à dire qu'il serait plus exact de dire "dire la vérité s'oppose au mensonge". La vérité dans son ensemble ne peut pas être contenue uniquement dans le raisonnement, dans le mental, elle est perceptible autrement que par la parole, même si je suis tout à fait d'accord pour dire qu'elle se raconte par la parole, ou plus exactement qu'on ne rend compte, qu'on en témoigne dans la relation qui se construit aussi par la parole.

Pour illustrer un peu mon propos, je dirai ceci:

"La vérité est ce critère de la parole qui s'oppose au mensonge" (ce que vous écrivez)

Pour moi, la vérité ne peut pas être contenue dans un cadre aussi restreint. D'ailleurs elle se rapporte beaucoup à la pensée, et donc dans un cadre beaucoup plus large que simplement la parole.

"Dire la vérité c'est simplement dire ce qu'on a fait, ce qu'on fait, ce qu'on veut faire. Il y a donc forcément des individus en train de se parler, de vouloir et d'agir les uns en fonction des autres"

Et là, je suis tout à fait d'accord. D'ailleurs vous avez automatiquement ajouter "dire" la vérité.

Bonjour Ambre, 

C'est drôle que vous reveniez à ce sujet auquel je continue de réfléchir quotidiennement. 

Je ne peux que maintenir ma position, et voir jusqu'où vous pourrez défendre la vôtre. Prenons ça comme un jeu. 

Pour moi je gagne une immense clarté en conservant cette approche de la vérité comme un critère de la parole - au-dela, on en parle metaphoriquement, ou alors on se trompe à son sujet et on idéalise quelque chose qui n'existe pas. 

Il m'importe justement de la contenir à ce niveau dans un premier temps pour ensuite pouvoir élargir ma réflexion, mais en revenant toujours à ce centre solide où je sais de quoi je parle.  Quand je dis que la vérité est un critère de la parole je sais de quoi je parle. C'est quelque chose que j'observe à longueur de temps. Nous faisons tous les différence entre vérité et mensonge. Ces alternatives se présentent souvent. Il y a des faits que ça recouvre. Des faits observables et des paroles entendables par tous. Au cours d'un procès par exemple. Dans la vie familiale, conjugale, professionnelle, politique..  c'est une réalité quotidienne pour tous. Cest une réalité dont les textes les plus anciens et les plus éloignés témoignent tous : la vérité comme critère de la parole opposé au mensonge est connu partout et de tous temps. Elle est donc sans doute liée à des déterminants largement partagés de la vie humaine, à la facon que les etres humains ont d'être les uns avec les autres et dans le monde.  

J'observe que ce critère est introduit dans la vie humaine au cours de l'enfance, quand l'enfant se trouve devant le problème de produire de la vérité, de comprendre ce que ça veut dire et d'entrer dans ce jeu. Dans son développement le plus complet, le jeu de la vérité doit conduire à la responsabilité, c'est à dire à enchaîner des actes suivant un projet énoncé au départ. Par exemple dire qu'on va dessiner un château et le faire. 

Je pense que c'est ainsi que se constitue l'individu psychologique. Par l'acquisition de cette faculté de produire des actes et d'en répondre. De se projeter en avant, et de revenir sur ce qu'on a fait, dit, etc. Ceci étant donc constamment solidaire des autres avec lesquels nous parlons. Je pense que c'est alors vraiment comme une nouvelle réalité qui se constitue, à la fois interne, la psyché, et le monde composé auquel elle fait face, composé d'autres psychés mais aussi de la nature. 

Mais cette nouvelle réalité ne se suffit pas à elle-même car l'action et la parole dans leur recherche de fondements, origine, sens butent finalement sur une nature indifférente. Alors qu'est ce qui peut fonder le pouvoir, l'ordre des choses, telle justice, telle morale, telles valeurs ? La vérité dans son travail cherche constamment au-delà ses appuis. 

L'enfant auquel on demande ce qu'il dessine, ne dessinait peut être rien, mais là question l'interpellant sur le sens de ce qu'il fait, le voilà qui s'interroge, se consulte et finalement se décide pour ceci ou cela. Choisit. La vérité ouvre donc sur la volonté d'un côté. Et de l'autre côté, sur la nature. Mais je soupçonne que la volonté même soit le résultat de l'interrogation au départ. Que la question qu'on a posée à l'enfant à été le premier déclencheur qui l'a poussé à se déterminer "de l'intérieur" et à se percevoir lui même, en même temps qu'à se constituer, comme "centre de décision", capacité de décision. Et de la va se précipiter toute la morale. 

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Ambre Agorn Membre 2 155 messages
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Bonsoir Loufiat

Un jeu, pourquoi pas? Vous proposez quelque chose, et je veux bien vous suivre. Pourquoi? Parce que je suis curieuse? Non, c'est parce que vous proposez une relation, vous proposez une danse. Je dirai que l'histoire de la vérité est ainsi: une proposition de relation que l'on accepte ou non, une relation qui démarre, ou qui semble démarrer ainsi.

Tout ce que vous dites sur la vérité ne me semble pas faux et à mon sens, cela ne peux s'arrêter ici, au niveau de la parole. Il a fallu une initiation, et vous la décrivez bien, mais je ne crois pas que ce soit une initiation à la vérité, je dirai que c'est une initiation à la relation.

La vérité est aussi un critère qui entre dans la relation. "Que dessines-tu?" n'est pas une invitation à dire la vérité, c'est une invitation à danser un duo. "Je dessine le château que j'habiterai" ne constituera pas les mêmes ingrédients relationnels que "je dessine l'air qui s'accroche à l'écume des vagues" ou " je dessine mon chagrin". D'ailleurs l'enfant qui répond (potentiellement au hasard la première fois, ou bien sciemment si au préalable il a imprimé un sens à son dessin) va surtout observer la réaction de celui qui reçoit sa réponse, et classera ce qui va lui parvenir: "bon pour moi" si la réaction lui agrée, "mauvais pour moi" si quelque chose lui parvient de désagréable. Les enfants sont de grands scientifiques parce qu'ils expérimentent en continue, retiennent des quantités d'informations impressionnantes qui dépassent très largement la parole, et cela bien avant d'intégrer la parole dans leur panel d'outils. Ils vont établir des modèles et vont s'y conformer. Ils retiendront aussi les mots, les codes, les choses qui se répètent dans les situations similaires et apprendront à les préférer, à les rechercher.

Je pense aussi que la parole est un maître outil - qui d'ailleurs peut aussi bien tuer que sauver. Peut-être que cet outil sert à initier à la notion de vérité. Mais je n'arrive pas à cantonner la vérité entièrement dans la parole, même si elle prend aussi forme dans la parole. J'englobe la vérité dans la relation.

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Loufiat Membre 2 566 messages
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Il y a 3 heures, Ambre Agorn a dit :

Bonsoir Loufiat

Un jeu, pourquoi pas? Vous proposez quelque chose, et je veux bien vous suivre. Pourquoi? Parce que je suis curieuse? Non, c'est parce que vous proposez une relation, vous proposez une danse. Je dirai que l'histoire de la vérité est ainsi: une proposition de relation que l'on accepte ou non, une relation qui démarre, ou qui semble démarrer ainsi.

Tout ce que vous dites sur la vérité ne me semble pas faux et à mon sens, cela ne peux s'arrêter ici, au niveau de la parole. Il a fallu une initiation, et vous la décrivez bien, mais je ne crois pas que ce soit une initiation à la vérité, je dirai que c'est une initiation à la relation.

La vérité est aussi un critère qui entre dans la relation. "Que dessines-tu?" n'est pas une invitation à dire la vérité, c'est une invitation à danser un duo. "Je dessine le château que j'habiterai" ne constituera pas les mêmes ingrédients relationnels que "je dessine l'air qui s'accroche à l'écume des vagues" ou " je dessine mon chagrin". D'ailleurs l'enfant qui répond (potentiellement au hasard la première fois, ou bien sciemment si au préalable il a imprimé un sens à son dessin) va surtout observer la réaction de celui qui reçoit sa réponse, et classera ce qui va lui parvenir: "bon pour moi" si la réaction lui agrée, "mauvais pour moi" si quelque chose lui parvient de désagréable. Les enfants sont de grands scientifiques parce qu'ils expérimentent en continue, retiennent des quantités d'informations impressionnantes qui dépassent très largement la parole, et cela bien avant d'intégrer la parole dans leur panel d'outils. Ils vont établir des modèles et vont s'y conformer. Ils retiendront aussi les mots, les codes, les choses qui se répètent dans les situations similaires et apprendront à les préférer, à les rechercher.

Je pense aussi que la parole est un maître outil - qui d'ailleurs peut aussi bien tuer que sauver. Peut-être que cet outil sert à initier à la notion de vérité. Mais je n'arrive pas à cantonner la vérité entièrement dans la parole, même si elle prend aussi forme dans la parole. J'englobe la vérité dans la relation.

Bonsoir Ambre,

Vous avez raison de donner à la relation cette importance. Je crois que la position que j'occupe y conduit aussi. Puisque la parole implique la relation. La parole intervient au sein d'une relation, et la poursuit, la porte et la redéfinit sans cesse plus loin - et peut la rompre, mais alors ce sera la fin de la parole du même coup. Pourquoi continuons-nous de parler à nos morts ? Nous poursuivons une relation. Non seulement ça, mais en elle-même la parole est relation, relation entre des sons, mots, idées, sensations, êtres, images...

Relation donc, et histoire. La parole, c'est du temps passé ensemble au sein d'une même durée ; c'est une relation qui s' "endure". La fin de la phrase rejaillit sur son commencement et en éclaire tout le sens, comme la fin de l'histoire rejaillit sur son commencement et en éclaire le sens. Nous vivons dans des histoires ; nous vivons des histoires. Le renard que je croise à l'improviste de temps en temps au crépuscule, nous nous retrouvons, quand nous tombons l'un sur l'autre, au sein d'un même instant où nous pouvons nous reconnaître. Mais s'il devait arriver qu'il s'assoit un moment et me raconte sa vie de renard, nous entrerions dans quelque-chose d'autre encore, qui tiendrait aussitôt d'une histoire. 

La relation et l'histoire ont lieu dans quelque-chose de plus vaste qu'elles, sans doute, qui fournit leur occasion, leur matière et leur fond. Il y a autour de nous toute la vie, et en chacun, sa propre histoire et toute l'histoire du monde. Mais la parole établit un "temps propre", un certain champ qui ne se réduit pas à son environnent immédiat mais y constitue une réalité singulière, nouvelle, dont la nature tient donc de la relation et de l'histoire. C'est un fil ténu que nous suivons ici, mais dont nous voyons, en le tirant, qu'il transforme de l'intérieur, qualitativement, et rejaillit sur l'entièreté du monde, qui devient objet et espace de projection pour la parole et avec elle à nouveau, pour l'être que nous sommes. Mémoire et imaginaire entrent dans une nouvelle dimension avec la parole. Je peux me souvenir en moi-même de tel instant, mais sitôt que je dis "tu te souviens quand..." je suis dans autre chose, je fais entrer ce souvenir dans autre chose. La parole tient d'un acte et d'une mise en commun, d'une "remise" à l'autre. La parole est toujours une invitation à répondre. A répondre, à reprendre, etc.

En prenant comme départ : la vérité est un critère de la parole, on voit que son champ est à la fois précisé, restreint, mais reste très large. La parole n'est pas l'alpha et l'omega de la vie. C'est une chose minuscule dans l'océan des choses. C'est infime, quasiment rien, un souffle aussitôt évaporé, sans effet possible. Et en même temps, c'est beaucoup. C'est comme d'invisibles fils qui viennent lier ensemble et fondre une image du monde, mouvante, en constante redéfinition. Prenez de la hauteur, imaginez tous ces êtres humains qui parlent en ce moment, ces milliards d'êtres qui constituent une gigantesque toile symphonique où tout le bouillonnement du monde a sa part. Aussi bien le berger qui chante à la lune sa course froide et solitaire que les traders qui dealent à New York avant de commander de la coke et des escortes. 

C'est là qu'intervient notre critère "vérité". C'est là son lieu. Au-delà il ne s'applique plus, il n'a pas de place.

Mais dans ce monde marqué, travaillé par la parole (et par mille autres choses encore), nous voyons que la vérité existe bien, qu'elle a sa consistance propre - elle n'est pas rien. Et je pense que, de ce point de vue, nous devons la considérer comme une puissance. Parce que, sans être changée en elle-même, son principe restant fixe du moment que les conditions fondamentales auxquelles elle tient ne changent pas, alors elle agit, elle détermine des contenus, attitudes, comportements, des histoires et même des institutions. Il est vrai que "ce matin j'ai mangé une orange". Dans un procès équitable, on s'interroge effectivement sur la vérité de tel ou tel témoignage, et selon qu'il est établi ou non qu'il soit vrai ou faux, les conséquences seront autres, réellement. Bien sûr il peut en aller tout autrement, et le procès être faussé, ou ne pas tenir compte de la question de la vérité.

Donc, encore une fois, je pense que si on veut y voir un peu plus clair, il faut revenir sans cesse à ce que j'appellerais le foyer de la vérité. Et ce foyer c'est la vie familiale où, chez l'enfant, ce critère intervient d'abord sous sa forme de l'opposition entre vérité et mensonge, qui implique un sujet agissant rendant compte d'actes. Sujet d'intentions. Qui est une création de la parole. En particulier par l'intermédiaire de la question. "Que fais-tu". Mais même : "qu'as-tu fait". J'ai cassé le vase. Sans intention, peut-être, mais voilà qu'on m'interroge et que je dois porter la responsabilité de cet acte dont peut-être je n'avais pas même conscience qu'il constituerait un acte. Mais tel évènement, par la parole, par l'autre et au sein de notre relation, en vient à constituer un acte dont on m'attribue, en tant que personne, la responsabilité et dont je suis amené à rendre compte. Je dois m'inventer. 

La vérité produit une création et une recherche. En m'inventant sans cesse plus loin, j'en viens à interroger ce que je suis, pourquoi j'agis ainsi, ce que je fais. J'apprends à enchaîner des actes en vertu d'une réponse, d'un projet, d'un énoncé. Etc etc. Et dans cette "folie explicative", plus je m'enchaîne au critère de la vérité, plus je dois embrasser de données, psychologiques, en moi-même (je vais me lancer dans une psychanalyse par exemple) et à l'extérieur, quant au monde. Je voudrais que la nature soit intentionnelle et personnelle, car alors il y aurait une vérité ultime à laquelle me raccrocher. Je pourrais lui demander 'que dessines-tu' et elle me répondre 'un chateau'.

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Ambre Agorn Membre 2 155 messages
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Il y a 21 heures, Loufiat a dit :

Bonsoir Ambre,

Vous avez raison de donner à la relation cette importance. Je crois que la position que j'occupe y conduit aussi. Puisque la parole implique la relation. La parole intervient au sein d'une relation, et la poursuit, la porte et la redéfinit sans cesse plus loin - et peut la rompre, mais alors ce sera la fin de la parole du même coup. Pourquoi continuons-nous de parler à nos morts ? Nous poursuivons une relation. Non seulement ça, mais en elle-même la parole est relation, relation entre des sons, mots, idées, sensations, êtres, images...

Relation donc, et histoire. La parole, c'est du temps passé ensemble au sein d'une même durée ; c'est une relation qui s' "endure". La fin de la phrase rejaillit sur son commencement et en éclaire tout le sens, comme la fin de l'histoire rejaillit sur son commencement et en éclaire le sens. Nous vivons dans des histoires ; nous vivons des histoires. Le renard que je croise à l'improviste de temps en temps au crépuscule, nous nous retrouvons, quand nous tombons l'un sur l'autre, au sein d'un même instant où nous pouvons nous reconnaître. Mais s'il devait arriver qu'il s'assoit un moment et me raconte sa vie de renard, nous entrerions dans quelque-chose d'autre encore, qui tiendrait aussitôt d'une histoire. 

La relation et l'histoire ont lieu dans quelque-chose de plus vaste qu'elles, sans doute, qui fournit leur occasion, leur matière et leur fond. Il y a autour de nous toute la vie, et en chacun, sa propre histoire et toute l'histoire du monde. Mais la parole établit un "temps propre", un certain champ qui ne se réduit pas à son environnent immédiat mais y constitue une réalité singulière, nouvelle, dont la nature tient donc de la relation et de l'histoire. C'est un fil ténu que nous suivons ici, mais dont nous voyons, en le tirant, qu'il transforme de l'intérieur, qualitativement, et rejaillit sur l'entièreté du monde, qui devient objet et espace de projection pour la parole et avec elle à nouveau, pour l'être que nous sommes. Mémoire et imaginaire entrent dans une nouvelle dimension avec la parole. Je peux me souvenir en moi-même de tel instant, mais sitôt que je dis "tu te souviens quand..." je suis dans autre chose, je fais entrer ce souvenir dans autre chose. La parole tient d'un acte et d'une mise en commun, d'une "remise" à l'autre. La parole est toujours une invitation à répondre. A répondre, à reprendre, etc.

En prenant comme départ : la vérité est un critère de la parole, on voit que son champ est à la fois précisé, restreint, mais reste très large. La parole n'est pas l'alpha et l'omega de la vie. C'est une chose minuscule dans l'océan des choses. C'est infime, quasiment rien, un souffle aussitôt évaporé, sans effet possible. Et en même temps, c'est beaucoup. C'est comme d'invisibles fils qui viennent lier ensemble et fondre une image du monde, mouvante, en constante redéfinition. Prenez de la hauteur, imaginez tous ces êtres humains qui parlent en ce moment, ces milliards d'êtres qui constituent une gigantesque toile symphonique où tout le bouillonnement du monde a sa part. Aussi bien le berger qui chante à la lune sa course froide et solitaire que les traders qui dealent à New York avant de commander de la coke et des escortes. 

C'est là qu'intervient notre critère "vérité". C'est là son lieu. Au-delà il ne s'applique plus, il n'a pas de place.

Mais dans ce monde marqué, travaillé par la parole (et par mille autres choses encore), nous voyons que la vérité existe bien, qu'elle a sa consistance propre - elle n'est pas rien. Et je pense que, de ce point de vue, nous devons la considérer comme une puissance. Parce que, sans être changée en elle-même, son principe restant fixe du moment que les conditions fondamentales auxquelles elle tient ne changent pas, alors elle agit, elle détermine des contenus, attitudes, comportements, des histoires et même des institutions. Il est vrai que "ce matin j'ai mangé une orange". Dans un procès équitable, on s'interroge effectivement sur la vérité de tel ou tel témoignage, et selon qu'il est établi ou non qu'il soit vrai ou faux, les conséquences seront autres, réellement. Bien sûr il peut en aller tout autrement, et le procès être faussé, ou ne pas tenir compte de la question de la vérité.

Donc, encore une fois, je pense que si on veut y voir un peu plus clair, il faut revenir sans cesse à ce que j'appellerais le foyer de la vérité. Et ce foyer c'est la vie familiale où, chez l'enfant, ce critère intervient d'abord sous sa forme de l'opposition entre vérité et mensonge, qui implique un sujet agissant rendant compte d'actes. Sujet d'intentions. Qui est une création de la parole. En particulier par l'intermédiaire de la question. "Que fais-tu". Mais même : "qu'as-tu fait". J'ai cassé le vase. Sans intention, peut-être, mais voilà qu'on m'interroge et que je dois porter la responsabilité de cet acte dont peut-être je n'avais pas même conscience qu'il constituerait un acte. Mais tel évènement, par la parole, par l'autre et au sein de notre relation, en vient à constituer un acte dont on m'attribue, en tant que personne, la responsabilité et dont je suis amené à rendre compte. Je dois m'inventer. 

La vérité produit une création et une recherche. En m'inventant sans cesse plus loin, j'en viens à interroger ce que je suis, pourquoi j'agis ainsi, ce que je fais. J'apprends à enchaîner des actes en vertu d'une réponse, d'un projet, d'un énoncé. Etc etc. Et dans cette "folie explicative", plus je m'enchaîne au critère de la vérité, plus je dois embrasser de données, psychologiques, en moi-même (je vais me lancer dans une psychanalyse par exemple) et à l'extérieur, quant au monde. Je voudrais que la nature soit intentionnelle et personnelle, car alors il y aurait une vérité ultime à laquelle me raccrocher. Je pourrais lui demander 'que dessines-tu' et elle me répondre 'un chateau'.

Bonjour Loufiat

Je suis ignorante de comment se développe le concept de vérité (même si je suis amplement capable de former des hypothèses), de comment il est initié dans le petit d'homme, comment il agit ou est agit, comment cela construit ou participe à la construction de sa psychologie, de son histoire, etc. Quand je vous lis, je ne peux qu'accepter ce que vous dites parce que je n'en sais rien, ou alors que cela ne me semble pas choquant ou dénué de sens. Mais je n'ai pas la capacité à y accorder crédit, parce que je n'ai pas les moyens de mesurer leur pertinence, alors cela me fait l'effet d'hypothèse. Sans doute est-ce ainsi que vous soyez vous aussi les choses, je me trompe?

Je peux saisir la limitation de la vérité en la parole, parce que je suppose que cela s'appuie sur le fait que pour dire quelque chose de vrai il faut un gosier pour en faire sortir les mots, et que l'initiation à dire des mots ne se fait que par l'intervention d'un autre.

Comme j'ai encore des doutes quant aux limites que vous mettez dans "la parole", je garde des réserves et éprouve encore le besoin de préciser les choses. Par exemple je suppose que la gestuelle du sourd ou muet rentre aussi dans ce que vous nommez parole, pour autant est-ce que la gestuelle, le langage corporel entre dedans? Qu'en est-il aussi de la relation de soi à soi (le discourt intérieur), de la relation entretenue avec l'environnement? On ne peut plus vraiment entrer ces relations en la parole. En fait, lorsque j'ai parlé de relation, c'est que son champ me paraissait bien plus ample que seulement celui de la parole qui ne peut englober que les relations d'humain à humain. Or, rien que la pensée me semble bien plus vaste que le champ de la parole, et que le critère de vérité, même s'il on accepte qu'il est initié par la parole vu que nous sommes humain et donc doué de parole, entre aussi dans ce vaste champ et dépasse donc celui de la parole. Et que dire du champ ouvert quant aux relations que nous entretenons avec notre environnement, nos bagages génétiques? Voyez-vous ce que je veux dire?

En fait, je reste sur ma faim quand j'ai fini de vous lire. J'ai envie de dire: "Ok, mais ça mène où? Qu'est-ce que cela implique?". Votre interrogation était-elle de simplifier et concrétiser un concept qui vous semblait bien trop vaporeux, flou, complexe, de repartir de son "origine"? Un concept, s'il fonctionne bien dans son domaine, on peut être tenté de l'appliquer à d'autres domaines. Pourquoi en serait-il différemment pour ce concept de vérité? De son domaine concret de "dire vrai", pourquoi ne tenterait-on pas de l'exporter dans un domaine plus abstrait et voir ce qu'il en sort? Dire vrai et penser vrai, ce n'est tout de même pas la même chose, si?

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Loufiat Membre 2 566 messages
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Le 15/03/2025 à 11:05, Ambre Agorn a dit :

Quand je vous lis, je ne peux qu'accepter ce que vous dites parce que je n'en sais rien, ou alors que cela ne me semble pas choquant ou dénué de sens. Mais je n'ai pas la capacité à y accorder crédit, parce que je n'ai pas les moyens de mesurer leur pertinence, alors cela me fait l'effet d'hypothèse. Sans doute est-ce ainsi que vous soyez vous aussi les choses, je me trompe?

Bonjour Ambre,

Je pense que ce que j'essaie d'exprimer tient d'abord davantage d'une prise de conscience que d'une hypothèse, en ce qui me concerne. Cette prise de conscience, première, conduit ensuite à me demander "mais alors au final c'est quoi la vérité ?"

En somme si je dois conserver cette notion, considérer qu'elle n'est pas totalement invalide, alors quel est son champ d'application ? En quoi réside sa validité, quelle est sa valeur ?

Et je constate, ou crois constater que cette valeur est d'abord essentiellement sociale. Ce qui ne comporte aucun jugement, ce n'en est pas une invalidation. 

Je pense simplement que le foyer de la vérité est cette opposition entre vérité et mensonge qui apparaît pour commencer au cours des litiges au sein de la vie familiale et communautaire. 

Qui dit la vérité, qui ment : ce critère s'active, devient déterminant quand il y a trouble et incertitude, quand il faut trancher, établir des faits et des responsabilités, admettre une interprétation commune - quand il faut punir ou, du moins, dépasser une situation d'affrontements, de violences, de divergences, vengeances, etc., bref de fautes ou plus simplement d'incertitude dangereuse (oracles, promesses, etc.).

La vérité se rattache ainsi à toute la vie passionnelle et pulsionnelle des êtres humains, à ce qu'ils désirent et ambitionnent, pourquoi ils mentent et se trompent les uns les autres, et aux problèmes de justice, d'ordre et d'interprétation des évènements et du monde qui se posent partout de tous temps. 

Ceci étant dit, la vérité joue une sorte de double jeu parce qu'elle est aussi constitutive dans la construction d'un individu qui se perçoit lui-même et est perçu par les autres comme opérateur de décisions, de choix, un sujet d'intentions, moral et agissant, relativement autonome donc. Capable en tout cas de produire des interprétations, des actes et d'en répondre devant ceux qui sont également engagés par ces actes et interprétations.

C'est le cas dans toute promesse que l'on fait et que l'on tient. Faire une promesse, c'est se trouver dans une situation d'incertitude d'abord parce que, s'il n'y avait pas incertitude, il n'y aurait pas lieu de promettre, et puis parce qu'une promesse ce ne sont que des mots. Mais promettre permet à ceux qui s'engagent, de se projeter et d'organiser une action sur un certain temps malgré l'incertitude. Ça implique mémoire, continuité, une certaine "consistance" malgré la fragilité et le chaos environnant.

J'ai donc l'impression qu'à la fois, la vérité se rattache à l'ordre social, est l'une des "puissances" lui permettant de se développer avec une certaine consistance, suivant une certaine logique - on se marie devant témoins, on s'engage par des promesses, on admet un jugement, on reconnaît telle loi, tel pouvoir, une dette, une alliance, une filiation, etc. - et, dans le même temps, cette puissance en se développant, permet ou même favorise un certain développement autonome de chaque individu, avec sa propre histoire, sa "singularité" comme capacité de jugement et d'action.

Alors, vous demandez à quoi ça sert, de comprendre ça et en admettant que ce ne soit pas totalement faux ou oisif. 

Je pense que si ces questions se posent à moi de cette façon, c'est parce que les fondements de la notion de vérité sont ébranlés. J'ai l'impression qu'il est temps à nouveau de nous demander ce qu'il faut retenir, ce qui vaut la peine que l'on en retienne parce que cette notion telle qu'elle existait est en train de sombrer ou connait une crise profonde, parce que les conditions de la vie humaine sont en train de changer radicalement. Et à chaque fois que les sociétés traversent une crise et une transformation profonde, on voit que la vérité se transforme également.

Son fondement était religieux. En Occident jusqu'au 16ème siècle la bataille de la vérité se joue sur un terrain religieux. C'est Dieu qui en définitive est garant du vrai, et il s'agit d'interpréter sa parole. Puis, très schématiquement, vient le règne de la Raison auquel doit correspondre la venue d'un homme nouveau, l'individu au sens des deux derniers siècles.

Mais aujourd'hui à nouveau cette conception est minée dans ses fondements. On s'aperçoit de sa fragilité. Ses lacunes apparaissent au grand jour. Tout indique, avec la plus grande force, que l'individu tel que nous le concevons n'existe pas. C'est un mirage, un produit de l'imagination, une forme verbale qui fait encore effet dans nos institutions mais qui est vouée à disparaître, en tout ou partie. 

Cette évolution m'inquiète, pour être honnête.

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Membre, 34ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 566 messages
Mentor‚ 34ans‚
Posté(e)

Il est étonnant que les conceptions de la vérité puissent s'opposer au sein d'un même individu. 

Nous connaissons tous en pratique la différence entre vérité et mensonge. Dans cette opposition avec le mensonge, la vérité apparaît comme l'adéquation de la parole avec les actes. Dire ce que l'on fait, a fait, va faire, ce que l'on sait ou ignore, etc.

Alors que reste-t-il de la vérité en sciences, et qu'est-ce que la science nous dit du sujet, d'autre part ? 

On peut dire que la science ambitionne de faire parler le réel. C'est-à-dire qu'on élabore une expérience visant à apporter une réponse à une question que l'on se pose. 

Bien sûr cette remarque semblera très éloignée du travail même de la recherche. Mais qu'est-ce qui est critique pour la science ? Ce sont des expériences où, devant des alternatives restées jusque-là indécidables, un dispositif est inventé qui rende une réponse décidable. Ces expériences créent un avant et un après : on ne peut plus revenir en arrière. Tout le champ scientifique doit se réorienter à partir d'elles. 

Ce travail me semble encore très proche du foyer de la vérité, de sa forme commune. 

C'est davantage dans la conception du sujet que la science tend à produire, actuellement ou durablement je l'ignore, que les fondements de la vérité me semblent attaqués.

Modifié par Loufiat
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Membre, Posté(e)
Neopilina Membre 3 263 messages
Maitre des forums‚
Posté(e)
Le 14/03/2025 à 12:40, Loufiat a dit :

Je dois m'inventer. 

J'ai bien aimer. Et donc point crucial, faire les bons choix, pour s'inventer.

Le 14/03/2025 à 12:40, Loufiat a dit :

Je voudrais que la nature soit intentionnelle et personnelle, car alors il y aurait une vérité ultime à laquelle me raccrocher. Je pourrais lui demander 'que dessines-tu' et elle me répondre 'un chateau'.

La nature ne dessine rien (i.e. pas de Finalisme), c'est le Sujet qui dessine un " truc ", projette un dessein, se constitue un robuste barda, à lui de voir.   ;))

  • Merci 1
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