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versys

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versys Membre 15 769 messages
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"Pourquoi moi ?"... je me posais cette question le deux ou troisième jour, les premiers sentiments de stupeur, angoisse et colère passés.

Mais tout commença ce funeste mardi quinze juin 2021.

Je pratique depuis longtemps un peu de spéléo amateur. Je suis inscrit dans une assoc de ma ville grâce à laquelle j'ai acquis les rudiments de cette pratique et le respect des consignes de sécurité. Ce qui m'attire ? la part de mystère et l'espoir de découvertes possibles dans les profondeurs. C'est vrai que s'aventurer seul pour une sortie spéléo n'est pas recommandé. J'informais ma fille de ma destination précise... par texto... pour m'éviter ses reproches. Elle désapprouvait ce hobby... elle désapprouvait beaucoup de choses...

Il existe au fond des Baronnies, vallée encaissée des Pyrénées, tout un réseau de grottes qui ne prèsentent pas un intérêt particulier, mais certaines n'ont pas été visitées entièrement, ou alors leurs visiteurs n'ont pas signalé l'exploration de certaines failles. Dans l'une de ces grottes, j'avais repéré une goulotte de dimensions réduites dans laquelle on ne pouvait pénétrer qu'en rampant. Je n'avais pu l'explorer ce jour là, ne disposant plus d'assez d'énergie dans ma lampe torche. 

Mais ce mardi là, j'avais tout prévu. A l'entrée de chaque grotte, la commune avait affiché un panneau  informant que l'accés était autorisé "aux risques et périls" du visiteur. Je retrouvais au bout d'un moment l'entrée de cette goulotte et m'y engageait en rampant, mais au bout de quelques mètres, ses dimensions s'étrécissaient au point que ma progression fut impossible; de plus, en pointant ma torche à bout de bras, je vis qu'elle plongeait pratiquement à la verticale un peu plus loin. Je reculais. Sorti de la goulotte, je continuais la visite de la grotte sans rien déceler de nouveau. Je prélevais un peu de roche au niveau d'une veine plus foncée puis remontais à la surface. Mon séjour dans cette grotte n'avait duré qu'une heure et demie environ.

Il était seize heures trente cinq quand je retrouvais le soleil qui, d'ailleurs, n'allait pas tarder à passer derrière le mur de montagnes qui s'élevait à l'ouest, ce qui plongerait cette partie de la vallée dans l'ombre de fin de journée.

Je ne me rendis pas immédiatement compte dans un changement dans l'environnement proche et ce n'est qu'en redescendant vers le petit parking où m'attendait ma Jeep que je pris conscience de ce qui clochait... un silence total... en particulier plus le moindre pépiement d'oiseaux qui offrait en temps normal ici un fond sonore permanent; on ne les entendait ni ne les voyait. Je rangeais mon matos dans la voiture puis pris la route. En traversant le village proche, je ne vis personne et fus obligé de contourner un véhicule garé n'importe comment, obstruant la moitié de la rue.

Je continuais, et après avoir traversé les deux villages suivants, je pris conscience de n'avoir vu personne ni croisé le moindre véhicule, genre ambiance de jour de coupe du monde de foot quand tout le monde est scotché devant la télé... j'allumais la radio, silence ou friture sur toutes les stations. En traversant l'agglomération suivante, je sus qu'il se passait quelque chose d'anormal. Petite ville de vingt mille habitants, elle était complètement déserte.... Je m'arrêtais sur la place centrale et rentrais dans le bar le plus proche... personne, ni derrière le comptoir, ni dans la salle. J'appelais, pas de réponse; sur quelques tables et sur le bar trainaient des verres à moitié remplis, deux chaises étaient renversées, comme si l'endroit avait été quitté précipitamment. Je me dirigeais alors vers la supérette en face... même impression d'abandon avec des articles laissés sur les tapis de caisses et un panier renversè.

En sortant sur la place, je mis mes mains en porte voix et criais "Ohé, y a quelqu'un ?", ma voix résonna, aucune réponse. Je remontais dans ma voiture et repartis vers chez moi, troublé... sur la route, je croisais et dépassais des véhicules mal garés, dont une voiture avec la portière conducteur grande ouverte... aucun occupant dans ces véhicules et personne à proximité. Même spectacle sue le périph à l'entrée de ma ville et j'arrivais devant chez moi sans avoir rencontré âme qui vive. En rentrant chez moi, j'allumais immédiatement la télé, sur chaque chaîne "Pas de signal"; je tentais d'appeler ma fille sur son portable, messagerie direct...

Putain.... c'est quoi ce délire ??

Je partis en centre ville. L'agglomération compte environ soixante dix mille habitants. Il était plus de dix huit heures, en temps normal, à cette heure ci, le centre connaissait une bonne affluence, mais là, comme ailleurs, personne... Je partis chez ma fille qui habitait un gros bourg voisin. La porte d'entrée était ouverte et la maison vide, comme abandonnée de façon soudaine. La télé était allumée et le panneau "Pas de signal" clignotait.

Merde, il doit bien y avoir quelqu'un quelque part... Je repartis en centre ville, klaxonnant tout le long de la rue principale en roulant doucement. Arrivé au bout, je la refis dans l'autre sens, rien ne se manifestait. Je m'arrêtais devant un grand bar-brasserie, passais derrière le comptoir et me servis un demi pression à la tireuse, j'avais soif... incroyable, je n'avais même pas cherché ni appelé qui que ce soit, comme si je commençais à m'habituer à être seul ?

Ou alors j'étais mort et je ne le savais pas ? Mais est ce que les morts ont soif et ont la trouille ?

Les réseaux hertziens ne marchaient plus, mais l'électricité fonctionnait toujours. En revenant chez moi, je m'arrêtais toujours aux feux rouges.... bientôt, je ne les regarderais même plus. Je n'avais pas faim, je réfléchissais, pris par une angoisse obsédante. Pourquoi moi ? étais je le seul survivant d'un évènement qui aurait dépeuplé la région, le pays ? du seul fait que je me trouvais à quelques mètres sous terre à ce moment là ? mais dans ce cas, d'autres personnes se trouvant dans la même situation au même moment devaient bien se trouver quelque part... De retour chez moi, j'allumais Word sur mon ordi et commençais à écrire ce que je vivais, une page, que j'imprimais au cas où... La nuit tombée, je revins en centre ville. L'éclairage urbain fonctionnait, les vitrines des magasins, mais ce que je cherchais, c'était un éclairage visible par les fenêtres d'un logement, et je trouvais au bout d'un moment une lumière assez faible, mais bien caractéristique, par la baie vitrée d'un appartement au premier étage, au dessus d'un magasin de fringues. La porte de l'immeuble était ouverte, j'empruntais l'escalier jusqu'au premier et réussis à trouver le logement d'où venait cette lumière... porte entrouverte, encore, j'appelais le coeur battant... rien, je m'avançais et trouvais la source de lumière, un spot de lecture sur pied, dirigé vers l'assise d'un fauteuil sur laquelle était posé un livre pages ouvertes.

Je rentrais chez moi, après une douche rapide, je verrouillais la baraque et me couchais, si j'ai dormi deux heures cette nuit là, c'était un maximum.

Au matin, en ouvrant mes volets, même silence total, même ciel bleu sans le moindre sillage d'avion. Toutefois, je petit déjeunais de bon appétit, en étant resté sur le demi pression de la veille. Un tour rapide sur les médias, le net et le téléphone.... friture et écrans noirs à tous les étages...

Je ne parvenais pas à me résoudre à me retrouver seul, j'étais persuadé que quelqu'un allait se manifester, ce qui mettrait un terme à cette angoisse; cet espoir me remontait le moral, mais ce n'était pas en restant enfermé chez moi que ça risquait d'arriver. Il fallait donc que je continue à chercher, et peut-être aussi à manifester mon existence. En périphérie de la ville, existait un lotissement à flanc de colline qui surplombait l'agglomération. Cette colline était assez haute pour être vue de partout. Je m'y rendis. L'idée était, la nuit venue, d'incendier la maison la plus proche possible du sommet pour attirer l'attention à des kilomètres à la ronde. Je trouvais la maison qui ferait l'affaire. Elle était bien sûr aussi désertée, abandonnée en catastrophe que les autres.

Je redescendis vers le centre-auto le plus proche, ma procurais quatre jerricans plastique de vingt litres que je remplis ras bord d'essence à la station attenante. Mais rien ne pressait pour l'instant, nous étions en milieu de journée et le soleil de ce début d'été tapait dur. Le centre-auto faisait partie d'une grande zone commerciale avec un hyper marché et sa galerie marchande où je trouvais une grande boulangerie. Je me servis deux sandwichs charcuterie crudités et une canette de soda. Bizarrement, le pain et les garnitures des sandwichs étaient frais, comme préparés quelques minutes avant... super... Après avoir avalé mes sandwichs, je réussis à me confectionner un expresso machine, toujours chez le même "généreux" commerçant... Puis je musardais dans la galerie marchande, embarquant au passage deux t shirts  et deux bermudas de marque... pas plus chers que les sandwichs...

Je retournais dans la maison au sommet de la colline. Apparemment, elle avait été occupée par un couple de retraités, et le papy possédait un matériel de pèche impressionnant, pèche à la truite, principalement, au toc et à la mouche, avec, dans un coin un petit établi avec étau sur lequel il fabriquait ses propres mouches, activité très prisée des spécialistes, pratiquant essentiellement le no kill. Le couple possédait aussi un petit potager bien entretenu dans lequel je dégottais quelques tomates coeur de boeuf au rouge prometteur. J'en pris deux, bien grosses, que je ramenais à la cuisine pour une salade ce soir. Je trainais un peu, à pied, dans le lotissement, puis revins à la maison. Le soleil commençait à descendre, je me préparais ma salade de tomates découpées en tranches fines, une petite vinaigrette... un régal...

Il ne restait plus qu'à attendre la tombée de la nuit. La maison comportait un étage mansardé; je montais un bidon d'essence que je disposais au centre de la pièce. J'ouvris la fenêtre de la lucarne et un Velux et redescendis en laissant la porte du haut de l'escalier ouverte. Au rez de chaussée, je disposais deux bidons de façon centrale dans deux pièces principales et ouvris toutes les portes et les fenêtres. Quand la nuit fut tombée, je répandis l'essence du bidon restant sur le sol, pris un torchon que je trempais dans la flaque, sortis, y mis le feu et le lançais par une fenêtre ouverte puis m'éloignais rapidement.

En quelques minutes, la maison se transforma en torche, les flammes, boostées par les portes et fenêtres ouvertes et les bombes de vingt litres que j'avais installé s'élevèrent bientôt à trente mètres de haut. Aucune brume ce soir là, ce qui fait que l'incendie devait se voir de très loin depuis la plaine. Je me tenais à bonne distance, près de ma voiture, observant à la fois le spectacle assez hallucinant et la plaine sur laquelle j'espérais voir se passer quelque chose, en particulier l'apparition de phares d'un véhicule de curieux qui s'approcherait.

Mais rien... à part le clignotement inutile des feux tricolores en ville, rien ne bougeait.

L'incendie diminua progressivement, se limitant bientôt à un gros tas de braises rougeoyantes. Je décidais de rester sur place toute la nuit, mais comme ça commençait à fraichir, je montais dans ma voiture depuis laquelle je continuais à surveiller, laissant les veilleuses allumées. Au bout d'un moment, je m'endormais. Au matin, la maison n'était qu'un tas difforme de cendres et j'étais toujours tout seul... Je descendis au centre commercial dans lequel je pris un ptit dèj consistant, grand crème et viennoiseries au beurre, aussi fraiches et croustillantes que si elles avaient été cuites peu de temps avant.... Puis je me fis un expresso, après lequel me reprit, comme parfois, une bonne vieille envie de fumer.... j'avais arrêté depuis quelques années, grâce à un gros effort de volonté, mais sans jamais être totalement débarrassé de l'envie qui pointait son nez de temps en temps... comme là, aprés un repas et un café, et surtout dans un contexte de stress et là, côté stress, j'étais servi !! En sortant de la boulangerie-cafèt, je tapotais amicalement l'écran de la caisse à qui je devais bien ça... Un bureau de tabac, un peu plus loin, me délivra tout aussi gracieusement deux cartouches de blondes, quelques boites de cigares et une poignée de briquets jetables. Je passais devant le présentoir des programmes télé en souriant.

Quelle horreur ces paquets de cigarettes "neutres", quelle couleur de merde... j'en ouvris un sur lequel était marqué Camel en petit... les premières bouffées avaient un drôle de goût et me donnèrent un peu le tournis mais je terminais la clope avec délice. Pfffff... j'étais bien reparti pour deux paquets par jour... Je repartis chez moi, une douche, j'enfilais un t shirt et un bermuda tout neufs. 

Je trainais en roulant doucement sur le périph... en passant devant la concession BMW, j'eus une idée. Je me garais sur le parking et entrais dans le hall d'exposition, je m'installais au volant de quelques modèles présentés... pas mal... au fond, je tombais sur une X6 M Compétition noire magnifique... le petit panneau posé à côté, annonçait, outre une foultitude d'équipements et de fonctions, une puissance de six cent vingt cinq chevaux et un prix à six chiffres.... irrésistible... j'appelais un vendeur en rigolant, puis me dirigeais vers le bureau du "Chef des ventes" dans le quel je trouvais les clefs de la voiture sur un tableau. Je réussis à ouvrir les grandes portes coulissantes du hall, je réussis aussi à démarrer la bête et sortis de la concession. Les premiers tours de roue ne posaient pas de problème et je sortis du garage à petite vitesse, mais une fois sur le périph, j'appuyais un peu. La X6 est un gros gabarit mais là, toute impression de lourdeur était oubliée, à chaque sollicitation du pied droit on se trouvait collé au siège tout en conservant une bonne sensation de sécurité... pour faire court, une bombe bourgeoise, high tech, et aux détails de finition raffinés. En comparaison, ma Jeep s'apparentait à un véritable tracteur.... Après un petit tour ultra rapide et la négociation rassurante de quelques rond points, je décidais.... de la garder... et voila, je venais de faire l'acquisition d'une tire à cent cinquante mille balles, tous dossiers de crédit, formulaires de LOA, carte grise et assurance validés d'un claquement de doigts... trop facile... Je revins à la concession et transférais mes affaires essentielles de la Jeep vers la BM.

Mais je n'en avais pas fini avec les essais.... dans le temps, j'étais motard et je conservais une nostalgie lancinante pour ces machines. Je visitais donc les quatre motocistes japonais, j'essayais trois modèles récents, deux sportives et un trail sans surprise particulière, sauf que les guidons étaient encombrés d'une quantité de boutons et commutateurs donnant accès à tout un tas de fonctions et réglages. Puis je fis un tour chez KTM, la concession ne payait pas de mine, rien à voir avec le clinquant des marques japonaises, mais trônait au centre du petit hall un superbe 1290 Super Adventure S orange et noir; la bête était impressionnante, l'allure agressive et surtout la hauteur de selle. L'occasion était trop belle, j'ouvrais la double porte et la sortais dans la cour. Je trouvais la clef de contact et un casque et entrepris l'escalade de l'engin... pas simple car mes un mètre soixante quinze sont limite pour ce genre de machines et seules mes pointes de pied touchaient le sol une fois installé sur la selle. Contact, légère pression sur le bouton start et le moteur se met à parler, un grondement sourd, un peu saccadé, et les vibrations qui vont avec. Je passe la première, j'accélère légèrement, j'embraye doucement et.... je cale.... ben ouais... j'étais habitué à la souplesse facile des quatre cylindres japonaises, là je compris que le gros bicylindre autrichien ne se laissait pas tutoyer comme ça et exigeait une prise en main patiente... je réussis toutefois à faire mes premiers tours de roue dans la douleur, je passais la seconde, la moindre impulsion un peu trop appuyée sur la poignée droite propulsait la moto de façon impressionnante et brutale, la proximité du prochain virage à gauche appelait à de la mesure. Malgré son poids et son gabarit, la moto ne me donna pas de problème en virage. En troisième, nouveau coup de pied aux fesses ... je ne passais la quatrième que sur la ligne droite qui ramenait au garage, j'essorais un peu, pas longtemps, sans quoi j'aller passer devant sans pouvoir m'arrêter... Cette moto est trop exclusive, trop brutale pour un usage courant avec ce moteur sans compromis... pas étonnant que ce soient les reines du Dakar. Dans la cour du garage, j'entrepris la descente de l'engin par la face nord... en tremblant, au point que j'eus du mal à m'allumer une clope...

De retour dans le confort feutré de la BM, je revins à la maison de la colline que j'avais "allumée" la veille, personne aux alentours.

J'eus alors envie de rejoindre la côte basque sur laquelle j'étais propriétaire d'un mobilhome.

Mais j'avais aussi envie, au passage, de faire un peu de "tourisme" dans le Béarn et les Landes pour voir si la situation était identique à la campagne. Mais pour faire du tourisme, il me fallait un véhicule de tourisme. J'allais donc à Pau, chez un des plus gros vendeurs de camping-car du coin. Mon choix se porta sur un Mercedes Laïka M Edition de taille moyenne, super bien équipé. Je transvasais une fois de plus mes affaires de la BM au camping car et partis.

Une chose me taraudait de plus en plus, je ne me sentais pas en sécurité, menacé par je ne sais quoi, et on le serait à moins dans un tel contexte. Je décidais donc de me procurer une arme. Je connaissais, à Pau, une armurerie qui faisait aussi articles de pèche. Je garais mon camping-car en double file, c'est à dire en plein milieu de la rue, devant ce magasin. Le choix d'armes était énorme. J'y passais un bon moment, choisissant les armes pour lesquelles je trouvais les munitions correspondantes: deux fusils, un Taurus ST 12 à pompe et un WBP Jack 7.62 avec chargeurs dix coups, un revolver Cobra 357 Magnum et un pistolet Glock 19, le tout avec un bon stock de munitions, je pris aussi un superbe couteau de chasse bien tranchant. Je chargeais le tout dans le camping car et me sentis un peu plus rassuré. Je m'arrêtais sur une place un peu plus loin et m'entrainais au chargement et tir de chaque arme sur quelques vitrines et véhicules, ce qui déclencha pas mal d'alarmes, mais malgré le boucan d'enfer, personne n'apparut aux fenêtres pour voir ce qui se passait. J'avalais un sandwich et quelques pâtisseries dans une boulangerie de la place, pris deux bouteilles d'eau et décidais de passer la nuit là. Je verrouillais le Mercedes depuis l'intérieur... la literie était confortable.

Je me réveillais de bonne heure, la plaque chauffante de la kitchenette fonctionnait, mais je n'avais rien pour me faire un café et je retournais dans la boulangerie qui disposait d'une machine à expresso. Les viennoiseries étaient toujours de première fraicheur, ce qui était très surprenant, car elles dataient maintenant d'au moins quatre jours. Je quittais la place et m'arrêtais dans une supérette pour me procurer du café soluble, du sucre, du lait concentré, du chocolat, du pain de mie et deux packs d'eau. Je pris aussi deux casseroles, des assiettes, verres et couverts.

Puis je m'enfonçais dans le Béarn, traversant toujours les mêmes villages déserts, les mêmes champs et près sans troupeaux. Je passais devant quelques grosses fermes pourvues de grands bâtiments neufs et de matèriels agricoles modernes. Mais je stoppais mon camping car dans la cour d'une ferme modeste, à l'ancienne, "authentique" comme aurait dit Pagnol... plus de volailles dans le poulailler, plus de lapins dans les clapiers, ni de porcs, ni de vaches, etc... On rentrait directement dans la cuisine. De gros saucissons, jambons et ventrèches étaient pendus au plafond, ce qui éveilla illico mon appétit. Je décrochais une ventrèche, en coupais trois tranches. Sur un plan de travail, prés de la cuisinière à gaz, un saladier avec une bonne douzaine d'oeufs... je n'avais besoin de rien d'autre. Sur l'égouttoir, une grosse poèle attendait, je trouvais l'huile, le sel et le poivre. J'allumais un feu de la cuisinière, posais la poèle, un filet d'huile, mis les trois tranches de ventrèche, y cassais trois oeufs et pendant que tout ça cuisait, mis une assiette, des couverts et un verre sur la table en bois. Dans le frigo, je trouvais une bouteille de vin rouge entamée sans étiquette. Je n'avais mis que du poivre sur les oeufs, heureusement car la ventrèche était un peu trop salée... un régal tout de même. Je fis glisser avec deux verres de vin de terroir. Un morceau de fromage vache-brebis pour finir, puis une Senseo m'offrit un bon café... Je fumais un cigarillo Havane dans la cour puis repris la route.

Vers le sud, c'était la montagne, je pris donc vers le nord et les Landes, je roulais une bonne partie de l'aprés midi me retrouvant en Chalosse du côté de Dax, même campagne désertée. Plus à l'ouest, je rentrais dans la forêt de pins, je stoppais et descendis repirer cette bonne odeur de résine caractéristique; un vent léger faisait bruisser les branches, au moins on entendait quelque chose...

Je pris alors l'A63 Bordeaux-Biriatou, direction sud. Mon badge télépéage Vinci fonctionnait toujours et m'ouvrait les barrières. Sur l'autoroute aussi, une quantité de voitures et camions étaient stoppés sur les bandes d'arrêt d'urgence, certains empiétant sur les voies, d'autres portières ouvertes.

Arrivé à Hendaye, je pris la direction du camping et me garais près de mon mobilhome. Je l'avais quitté quinze jours plus tôt et ne comptais pas y revenir durant les vacances d'été, je le prètais alors à ma fille qui en profitait avec mes petits enfants, ainsi que quelques amis et parents. Je trouvais dans le placard une boite de sardines piquantes espagnoles qui ferait l'affaire pour le repas du soir avec du pain de mie, et je me préparais pour passer la nuit là. Le lendemain matin, après un petit déjeuner rapide et ma première cigarette de la journée, je partis faire une tournée chez mes amis à Ascain, Urrugne et St Jean de Luz.... qu'est ce que j'espérais ??

A Socoa, je m'arrêtais pour regarder le spectacle des vagues qui se fracassaient en gerbes énormes contre les digues à marée haute, et qu'il y avait de la mer, comme aujourd'hui. En tournant la tête, je regardais les hauteurs, la colline qui surplombait la baie? Quelques superbes villas étaient bâties là, un emplacement exceptionnel... l'idée d'en "acquérir" une m'effleura... au point que je montais et tournais un peu dans ce lotissement, jusqu'à découvrir celle qui me convenait le mieux, une villa de plain pied, deux cent cinquante mètres carrés au bas mot, avec piscine et parc arboré. Une architecture mooderne, la façade ouest, qui bénéficiait d'une vue imprenable sur la baie, St Jean de Luz à droite, les digues et le fort de Socoa à gauche, était constituée d'une enfilade de baies vitrées coulissantes, du sol au plafond. Le portail de la maison était ouvert ainsi que la porte d'entée. Quelques sacs de vêtements et un porte documents renversé trainaient par terre au niveau de l'entrée révélant qu'ici aussi, les occupants avaient fui précipitamment.

Un très grand séjour, trois chambres avec salles de bains et toilettes individuelles. La maison était meublée et décorée avec goût, sans clinquant, le séjour dans les tons de blanc et gris occupé par trois grands canapés en cuir disposés en fer à cheval autour d'une belle table basse en merisier. Plus loin une longue table ouvragée en châtaigner au piètement original était entourée de douze chaises... les proprios aimaient recevoir. Une grande cuisine américaine super équipée et, à l'autre extrémité du séjour un bar impressionnant. Je le contournais, une sélection de scotchs, bourbons et autres Southern Confort occupait trois mètres carrés sur des rayonnages en verre. La seule marque que je connaissais était un Jack Daniels. D'autres bouteilles d'alcools divers et d'apéros reposaient sur d'autres étagères. Le bar comprenait aussi une tireuse à bière pression, une pondeuse à glaçons digne d'un bar à cocktails et, dans des frigos en partie basse, tous les sodas possibles... et puisqu'on me le proposait si gentiment, je me servis un gin tonic bien tassé avec une poignée de glaçons...

J'avais résolu mon problème d'immobilier sur la côte basque... "c'est bien, ici" comme disait la pub... mon pauvre mobilhome faisait pas le poids et aux prix astronomiques qu'atteignait l'immobilier ici, cette chaumière devait largement dépasser les trois millions d'euros. En fouinant un peu, je sus que les propriétaires étaient landais, patrons d'une entreprise de fabrication et installation de tunnels d'élevage et gavage de canards gras, activité en pleine expansion dans le sud ouest. A l'évidence, ils exploitaient le créneau à fond et étaient bons gestionnaires. Dans un des deux garages, restait un Range Rover crotté avec, dans le coffre un beau fusil de casse superposé, une veste à cartouchiére et un stock de cartouches espagnoles. Le bonhomme était chasseur, une visite de la réserve attenante à le cuisine me le confirma, sur plusieurs étagères, s'alignaient une quantité de conserves maison : palombes confites et en salmis, daubes de sanglier, civets de chevreuil... mais aussi cèpes, confits de magrets, de cuisses et de manchons de canards, foies gras de canards et d'oies.... j'étais tombé sur un filon...  Sa cave était à la hauteur, du Tursan, bien sûr, mais surtout des Bourgognes Gevrey Chambertin et Nuits St Georges et des Bordeaux Margaux, Petrus et Mouton Rothschild plus quelques caisse de Champagne et de prossecco .

Comme il était plus que l'heure de déjeuner, j'optais pour des cuisses confites et je trouvais dans le congélateur des frites surgelées; un Tursan accompagnait bien. Après le café, je revins vers le bar et dégottais une sève d'Armagnac rare et à peine entamée... Superbe... un cigarillo pour finir, puis une petite sieste...

Pour me réveiller, une heure plus tard, je fis un tour dans la piscine, sans maillot de bain, bien sûr. L'eau n'était pas vraiment chaude, mais sous le soleil qui tapait bien c'était plus qu'agréable. Je me fis sécher et dorer sur un transat. 

C'est à ce moment là que je réalisais que les femmes allaient me manquer, j'adorais me faire sucer, et, seul, pour cet exercice, je manquais de souplesse...

Dans la soirée, je m'approchais de la belle platine CD Bang & Olufsen posée sur une tablette, quelques disques CD étaient empilés à côté, assez hétéroclytes, de la variété, du rock, les Stones, les Who.... l'album bleu de Dire Straits.... pas mal.... je le glissais dans le lecteur, calais sur "Brothers in arms", quand le morceau démarra, je m'assis sur un canapé et allumais une cigarette. Je fue tout d'abord surpris par la qualité du son, les enceintes étaient disposées de telle façon que la musiques emblait provenir de plusieurs endroits du séjour en même temps. Pour moi, ce morceau est le meilleur de l'album, avec ce dialogue voix-guitare troublant, la guitare surtout, fluide, profonde et sensuelle.... ce toucher de cordes unique de Knopfler, souvent imité, jamais égalé. Mark Knopfler n'est pas du genre modeste, je me souvenais dune interview avec un journaliste de MTV à qui il disait " Je n'ai pas une voix terrible, j'ai su très vite que, pour réussir, je devrais apprendre à jouer de la guitare à la perfection, et à force de travail, j'y suis parvenu"

Cela faisait à peu prés quatre mois que je vivais ainsi, l'été indien jouait les prolongations sur la côte basque. Je me baignais nu sur la plage d'Hendaye, l'écume des vagues caressait voluptueusement mes testicules quand, brusquement, les vagues disparurent et la mer se retira rapidement, découvrant le fond beaucoup plus loin que lors des grandes marées d'équinoxe... je restais figé...

Alors j'entendis ce chant qu'il me semblait connaitre, un beau gospel américain "Down to the river to pray"... une voix cristalline au début, rejointe par une deuxième puis, progressivement par des dizaines.... le chant remplissait maintenant tout l'espace, résonnant comme sous les voutes d'une cathédrale.... 

Au loin, une vague de cent mètres arrivait, majestueuse et scintillante... 

Je me sentis libéré de toute angoisse, toutes les réponses étaient là, depuis toujours.

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Membre, Un oiseau la tête en bas !, Posté(e)
Sittelle Membre 10 801 messages
Un oiseau la tête en bas !,
Posté(e)

La gorge sèche en avalant ma salive .

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Membre, forumeuse acharnée, Posté(e)
querida13 Membre 42 596 messages
forumeuse acharnée,
Posté(e)

Waouh, encore un tsunami que je n'avais pas prévu?

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Membre, 23ans Posté(e)
Ohissa Membre 3 465 messages
Maitre des forums‚ 23ans‚
Posté(e)

Bonjour Monsieur Versys,

La longueur du texte de prime abord me destabilisa, mais quel plaisir, de retrouver mes lectures d'antan, apres quelques lignes parcourues. Continu....

Bonne fin de journée L écrivain

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Membre, 80ans Posté(e)
L'ornithorynque Membre 1 640 messages
Forumeur expérimenté‚ 80ans‚
Posté(e)

Au bout de la goulotte la roche était friable une pierre s'est détachée au dessus de toi, te mettant dans le coltar. Mais le passage était dégagé et tu es tombé dans le gouffre. La chute fut longue, laissant le rêve exprimer tes envies

Et tu as ouvert les yeux en tombant dans la rivière souterraine

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Membre, 66ans Posté(e)
pic et repic Membre 12 264 messages
Maitre des forums‚ 66ans‚
Posté(e)
Il y a 18 heures, versys a dit :

Au loin, une vague de cent mètres arrivait, majestueuse et scintillante... 

bonjour,

et là, je me suis dit : il serait peut être temps que j'apprenne à nager....il y a des fois où cela peut servir !

bonne journée.

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  • 2 semaines après...
Membre, 75ans Posté(e)
Blaquière Membre 17 325 messages
Maitre des forums‚ 75ans‚
Posté(e)

En te lisant, j'ai pensé : il réalise tous ses rêves. Une super bagnole, une moto,  des flingues,et même un camping car (ça c'est le sommet !) mais quel con !

Alors je me suis dit : toi, tu viserais plus haut : tu irais piquer une super guitare à 4 ou 5 chiffres ! Une piano à queue de concert, Je m'imprimerais mes livres... Je ferais une super exposition...

Mais mince, il faudrait encore que je les écrive mes livres !

Et que j'apprenne à jouer de cette putain de guitare et de ce piano !

Et s'il n'y a plus personne, personne ne viendrait voir mon expo...

Bref je ne serais pas plus avancé !

C'est donc toi qui as raison : une belle bagnole, t'as qu'à appuyer sur le champignon et...

BROUOUOUOUOUM !

Dernière volonté : Plaisir immédiat !

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  • 2 semaines après...
Membre, à crocs? accroc?, Posté(e)
Elfière Membre 490 messages
Forumeur accro‚ à crocs? accroc?,
Posté(e)
Le 14/02/2021 à 13:48, versys a dit :

.../...

Au loin, une vague de cent mètres arrivait, majestueuse et scintillante... 

Je me sentis libéré de toute angoisse, toutes les réponses étaient là, depuis toujours.

Ah bah quand-même!!!

J'ai eu peur un moment que tu lui dégottes vite fait un magnifique abri souterrain étanche avec autant de commodités qu'à la surface et des écrans pour suivre l'évolution là-haut en sirotant un single malt en écoutant Satie...

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