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Le porc satisfait


épixès

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Membre, 51ans Posté(e)
épixès Membre 1 815 messages
Forumeur alchimiste ‚ 51ans‚
Posté(e)

John Stuart Mill défendait l'idée que plus un esprit est élevé, curieux, pénétrant, plus il est à même d'avoir de nombreuses sources de satisfaction mais que ce faisant, il se prive de la possibilité de toutes en jouir. A l'inverse, l'esprit d'aspirations moins élevées ayant moins de désirs à satisfaire à plus de chance des les contenter tous. Allant contre la tradition stoïcienne voulant que le désir s'oppose au bonheur en ceci qu'il est une souffrance, une privation de l'objet recherché, Mill considère qu'il faut distinguer satisfaction de bonheur et que ce dernier ne s'oppose justement pas à certaines insatisfactions, notamment celles naissant de la frustration de ne pas pouvoir jouir de toutes les sources de plaisir auxquelles un esprit supérieurement doté s'intéresse.

Voici un extrait du texte original et la conclusion qu'il en tire:

«Incontestablement, l’être dont les facultés de jouissance sont d’ordre inférieur, a les plus grandes chances de les voir pleinement satisfaites; tandis qu’un être d’aspirations élevées sentira toujours que le bonheur qu’il peut viser, quel qu’il soit, le monde étant fait comme il l’est, est un bonheur imparfait.  Mais il peut apprendre à supporter ce qu’il y a d’imperfections dans ce bonheur, pour peu que celles-ci soient supportables; et elles ne le rendront pas jaloux d’un être qui, à la vérité, ignore ces imperfections, mais ne les ignore que parce qu’il ne soupçonne aucunement le bien auquel ces imperfections sont attachées. Il vaut mieux être un homme insatisfait qu’un porc satisfait; il vaut mieux être Socrate insatisfait qu’un imbécile satisfait. Et si l’imbécile ou le porc sont d’un avis différent, c’est qu’ils ne connaissent qu’un côté de la question : le leur. L’autre partie, pour faire la comparaison, connaît les deux côtés. »

Il rejoint donc l'idée que Voltaire énonçait dans l'Histoire d'un bon bramin qui veut qu'aucun homme d'esprit n'échangerait sa place avec un imbécile mais là où Voltaire refusait cet échange malgré l'avantage qu'il reconnaissait à être un imbécile heureux plutôt qu'un savant malheureux, Mill y renonce en changeant les termes du problème, en distinguant satisfaction de bonheur.

On notera tout de même le point commun, celui que Mill énonce ainsi: « Peu de créatures humaines accepteraient d’être changées en animaux inférieurs sur la promesse de la plus large ration de plaisir de bêtes; aucun être humain intelligent ne consentirait à être un imbécile, aucun homme instruit à être un ignorant, aucun homme ayant du cœur et une conscience à être égoïste et vil»

Et cependant je ne peux m'empêcher de remarquer que tous deux font la même erreur, celle de n'envisager les choses que du point de vue de l'homme éclairé. En effet qu'importe à l'âme fruste de connaitre les deux côtés ? Elle n'a que faire de plaisirs trop sophistiqués car pour elle, ils ne seraient tout simplement pas des plaisirs. Peu lui importe également la répulsion inspirée à l'érudit par l'idée d'être réduit à l'état de brute satisfaite, elle n'y voit pas d'inconvénient car ne mesure pas la médiocrité relative de son état et n'en souffre aucunement puisque précisément on l'a supposée heureuse (ou satisfaite, c'est selon).

Voltaire et Mill déploient tous deux une habile rhétorique pour défendre ce qui est avant tout un jugement de valeur inspiré par le dégoût devant l'idée de s'imaginer diminué mais aucun des deux ne fait véritablement un pas pour expliquer ce qu'il y a de rationnel à refuser le bonheur au prix de son intellect, ils se contentent de se draper dans la soi-disant noblesse qu'il y aurait à être un homme éclairé ou à ratiociner sur l'usage des mots en se perdant dans des distinguos excessivement subtils.

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Membre, 72ans Posté(e)
Frank_N Membre 5 488 messages
Maitre des forums‚ 72ans‚
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Et comme dit ma concierge, un porc satisfait c'est un porc tout gai. :mef:

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Membre, 51ans Posté(e)
épixès Membre 1 815 messages
Forumeur alchimiste ‚ 51ans‚
Posté(e)
il y a 30 minutes, Frank_N a dit :

Et comme dit ma concierge, un porc satisfait c'est un porc tout gai. :mef:

Et en second degré, cette remarque illustre tellement bien mon propos que je me demande si ce n'est pas du génie !

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Invité Groenland
Invités, Posté(e)
Invité Groenland
Invité Groenland Invités 0 message
Posté(e)
Il y a 3 heures, épixès a dit :

John Stuart Mill défendait l'idée que plus un esprit est élevé, curieux, pénétrant, plus il est à même d'avoir de nombreuses sources de satisfaction mais que ce faisant, il se prive de la possibilité de toutes en jouir. A l'inverse, l'esprit d'aspirations moins élevées ayant moins de désirs à satisfaire à plus de chance des les contenter tous. Allant contre la tradition stoïcienne voulant que le désir s'oppose au bonheur en ceci qu'il est une souffrance, une privation de l'objet recherché, Mill considère qu'il faut distinguer satisfaction de bonheur et que ce dernier ne s'oppose justement pas à certaines insatisfactions, notamment celles naissant de la frustration de ne pas pouvoir jouir de toutes les sources de plaisir auxquelles un esprit supérieurement doté s'intéresse.

Voici un extrait du texte original et la conclusion qu'il en tire:

«Incontestablement, l’être dont les facultés de jouissance sont d’ordre inférieur, a les plus grandes chances de les voir pleinement satisfaites; tandis qu’un être d’aspirations élevées sentira toujours que le bonheur qu’il peut viser, quel qu’il soit, le monde étant fait comme il l’est, est un bonheur imparfait.  Mais il peut apprendre à supporter ce qu’il y a d’imperfections dans ce bonheur, pour peu que celles-ci soient supportables; et elles ne le rendront pas jaloux d’un être qui, à la vérité, ignore ces imperfections, mais ne les ignore que parce qu’il ne soupçonne aucunement le bien auquel ces imperfections sont attachées. Il vaut mieux être un homme insatisfait qu’un porc satisfait; il vaut mieux être Socrate insatisfait qu’un imbécile satisfait. Et si l’imbécile ou le porc sont d’un avis différent, c’est qu’ils ne connaissent qu’un côté de la question : le leur. L’autre partie, pour faire la comparaison, connaît les deux côtés. »

Il rejoint donc l'idée que Voltaire énonçait dans l'Histoire d'un bon bramin qui veut qu'aucun homme d'esprit n'échangerait sa place avec un imbécile mais là où Voltaire refusait cet échange malgré l'avantage qu'il reconnaissait à être un imbécile heureux plutôt qu'un savant malheureux, Mill y renonce en changeant les termes du problème, en distinguant satisfaction de bonheur.

On notera tout de même le point commun, celui que Mill énonce ainsi: « Peu de créatures humaines accepteraient d’être changées en animaux inférieurs sur la promesse de la plus large ration de plaisir de bêtes; aucun être humain intelligent ne consentirait à être un imbécile, aucun homme instruit à être un ignorant, aucun homme ayant du cœur et une conscience à être égoïste et vil»

Et cependant je ne peux m'empêcher de remarquer que tous deux font la même erreur, celle de n'envisager les choses que du point de vue de l'homme éclairé. En effet qu'importe à l'âme fruste de connaitre les deux côtés ? Elle n'a que faire de plaisirs trop sophistiqués car pour elle, ils ne seraient tout simplement pas des plaisirs. Peu lui importe également la répulsion inspirée à l'érudit par l'idée d'être réduit à l'état de brute satisfaite, elle n'y voit pas d'inconvénient car ne mesure pas la médiocrité relative de son état et n'en souffre aucunement puisque précisément on l'a supposée heureuse (ou satisfaite, c'est selon).

Voltaire et Mill déploient tous deux une habile rhétorique pour défendre ce qui est avant tout un jugement de valeur inspiré par le dégoût devant l'idée de s'imaginer diminué mais aucun des deux ne fait véritablement un pas pour expliquer ce qu'il y a de rationnel à refuser le bonheur au prix de son intellect, ils se contentent de se draper dans la soi-disant noblesse qu'il y aurait à être un homme éclairé ou à ratiociner sur l'usage des mots en se perdant dans des distinguos excessivement subtils.

Je ne suis pas d'accord avec toi. Entre le marshmallow et le caviar il faut toujours choisir le caviar, même si celui qui ne connaît que le marshmallow choisira toujours le marshmallow.

Caviar ou marshmallow, telle est la question ! 

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Membre, forumeuse acharnée, Posté(e)
querida13 Membre 48 399 messages
forumeuse acharnée,
Posté(e)

Et pourquoi donc Socrate serait-il forcément malheureux? Toute cette philosophie-là, ne lui a t-elle donc pas enseigné à se passer de tout (philosophie des cyniques), à se contenter de ce que l'on a, à jouïr de tout avec modération (philosophie épicurienne),à trouver le bonheur dans l'instant (philosophie orientale), à se détacher des biens de ce monde (religions diverses)...?

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Membre, forumeuse acharnée, Posté(e)
querida13 Membre 48 399 messages
forumeuse acharnée,
Posté(e)

La philosphie de Miller est une  philosophie très consumériste en fait, très bien décrite par Zola dans  au bonheur des dames où l'on voit les femmes user leur énergie corporelle et nerveuse à acquérir des colifichets dans les magasins afin de faire fonctionner leur pompe à dopamine...

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Membre, 51ans Posté(e)
épixès Membre 1 815 messages
Forumeur alchimiste ‚ 51ans‚
Posté(e)
Il y a 4 heures, Groenland a dit :

Je ne suis pas d'accord avec toi. Entre le marshmallow et le caviar il faut toujours choisir le caviar, même si celui qui ne connaît que le marshmallow choisira toujours le marshmallow.

Caviar ou marshmallow, telle est la question ! 

J'entends bien mais s'il s'agit de dire que vous préférez être intelligent et malheureux plutôt qu'idiot et heureux, Voltaire et Mill l'ont déjà fait de façon très élégante. Ils y ont d'ailleurs tellement mis les formes qu'on ne s'aperçoit pas au premier regard que leur argumentation, aussi bien exprimée qu'elle le soit, ne fait qu'extérioriser un sentiment sous une rationalisation d'apparat.

Et c'est bien là tout le nœud du problème pour moi car je partage leur sentiment: moi aussi j'éprouve de l'aversion à l'idée d'acheter le bonheur à ce prix là mais j'estime qu'en philosophie on se doit d'aller un peu plus loin que simplement dire: "cette idée ne me plait pas" et lorsqu'on y regarde bien, c'est malheureusement tout ce qu'ils ont fait. Si la philosophie devait se résumer à donner de l'allure à nos préférences sans considération pour la rationalité, ce serait je crois l'aveu de son échec.

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Invité riad**
Invités, Posté(e)
Invité riad**
Invité riad** Invités 0 message
Posté(e)
Il y a 9 heures, épixès a dit :

Et si l’imbécile ou le porc sont d’un avis différent, c’est qu’ils ne connaissent qu’un côté de la question : le leur. L’autre partie, pour faire la comparaison, connaît les deux côtés. »

 

Il y a 9 heures, épixès a dit :

Mill énonce ainsi: « Peu de créatures humaines accepteraient d’être changées en animaux inférieurs sur la promesse de la plus large ration de plaisir de bêtes;

John Stuart est un esprit brillant, sans aucun doute, mais là je suis un peu confus react_confused.png, John Stuart a déjà été changé en animal "inférieur" et donc connaît les deux côtés de la question ou même les esprits brillants peuvent parfois dire des conneries ? :hum:

Il y a 9 heures, épixès a dit :

Voltaire et Mill déploient tous deux une habile rhétorique pour défendre ce qui est avant tout un jugement de valeur inspiré par le dégoût devant l'idée de s'imaginer diminué mais aucun des deux ne fait véritablement un pas pour expliquer ce qu'il y a de rationnel à refuser le bonheur au prix de son intellect, ils se contentent de se draper dans la soi-disant noblesse qu'il y aurait à être un homme éclairé ou à ratiociner sur l'usage des mots en se perdant dans des distinguos excessivement subtils.

Oui je suis tout à fait d'accord.

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Invité riad**
Invités, Posté(e)
Invité riad**
Invité riad** Invités 0 message
Posté(e)
Il y a 5 heures, querida13 a dit :

La philosphie de Miller est une  philosophie très consumériste en fait, très bien décrite par Zola dans  au bonheur des dames où l'on voit les femmes user leur énergie corporelle et nerveuse à acquérir des colifichets dans les magasins afin de faire fonctionner leur pompe à dopamine...

Querida..querida...

Avec Jeremy Bentham, John Stuart est le père de l'utilitarisme. Qui n'est pas utilitariste aujourd'hui? l'utilitarisme est la morale de tout intello qui se respecte, c'est la morale de la haute sphère tout domaine confondu, tout le monde cherche à maximiser le bonheur de tout le monde à travers sa propre bonheur, évidemment ça marche pas, ça conduit à des énormes contradictions (exemple : le dilemme du tramway), mais on a pas trouvé mieux..

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
Il y a 5 heures, querida13 a dit :

Et pourquoi donc Socrate serait-il forcément malheureux? Toute cette philosophie-là, ne lui a t-elle donc pas enseigné à se passer de tout (philosophie des cyniques), à se contenter de ce que l'on a, à jouïr de tout avec modération (philosophie épicurienne),à trouver le bonheur dans l'instant (philosophie orientale), à se détacher des biens de ce monde (religions diverses)...?

Et pourquoi donc Socrate serait-il forcément malheureux?

D'une part  et deuxièmement est-on si sûr que les imbéciles (en dépit de l'expression) soient heureux ?

Il suffit  de les voir pratiquement tous baver devant les "peoples" pour constater qu'il n'en est rien.

Pourquoi voudrait-on que les imbéciles soient heureux ?

Parce que ce sont les couches sociales les plus pauvres. De les imaginer heureux ou en tout cas de se persuader qu'ils puissent l'être ça dédouane les classes supérieures de les exploiter.

En réalité, les imbéciles sont tristes et inquiets. Un peu plus que les autres.

Mais ils font souvent bonne figure. Par dignité.

Et puis, déjà, c'est quoi un imbécile ?

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Membre, 51ans Posté(e)
épixès Membre 1 815 messages
Forumeur alchimiste ‚ 51ans‚
Posté(e)
Il y a 6 heures, querida13 a dit :

Et pourquoi donc Socrate serait-il forcément malheureux?

 

il y a 6 minutes, Blaquière a dit :

Et pourquoi donc Socrate serait-il forcément malheureux?

D'une part  et deuxièmement est-on si sûr que les imbéciles (en dépit de l'expression) soient heureux ?

A titre personnel je ne suis pas du tout convaincu que Mill ou Voltaire prétendaient conférer un caractère universel aux exemples qu'ils ont utilisés, à savoir le savant malheureux et l'imbécile satisfait. Je pense qu'il ne s'agissait pour eux que d'illustrer ce qui peut apparaitre comme paradoxal, ou à tout le moins contre intuitif, à savoir que l'intelligence peut être source d'angoisse et qu'elle peut nuire au bonheur. Je pense enfin que ces exemples étaient avant tout des prétextes commodes pour exposer leur hypothèse au public.

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Membre, 51ans Posté(e)
épixès Membre 1 815 messages
Forumeur alchimiste ‚ 51ans‚
Posté(e)
Il y a 7 heures, riad** a dit :

John Stuart est un esprit brillant, sans aucun doute, mais là je suis un peu confus react_confused.png, John Stuart a déjà été changé en animal "inférieur" et donc connaît les deux côtés de la question ou même les esprits brillants peuvent parfois dire des conneries ? :hum:

Je pense que Mill suppose que comme le dit l'adage "Qui peut le plus peut le moins", l'homme d'esprit saura adopter le point de vue d'un être inférieur, homme ou bête, et qu'il sera donc mieux en position de juger que l'autre partie, incapable de s'élever à sa hauteur.

C'est un des problèmes de l'argumentation de Mill que de prétendre se mettre à la place de l'homme de peu d'esprit alors qu'il ne le fait que partiellement: certes celui là ignore bien des choses que l'autre sait mais ce que Mill ne dit pas, c'est que cet homme sait qu'il est heureux. Que lui importe la médiocrité de ses joies, l'ignorance des merveilles qui peuplent l'univers, il ne sait pas ce qu'il perd mais il sait ce qu'il a: le bonheur.

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Invité riad**
Invités, Posté(e)
Invité riad**
Invité riad** Invités 0 message
Posté(e)
il y a 5 minutes, épixès a dit :

Je pense que Mill suppose que comme le dit l'adage "Qui peut le plus peut le moins", l'homme d'esprit saura adopter le point de vue d'un être inférieur, homme ou bête, et qu'il sera donc mieux en position de juger que l'autre partie, incapable de s'élever à sa hauteur.

Se mettre à la place d'un homme simpliste, ça je peux l'avaler, avec difficulté mais ça passe, par contre se mettre à la place d'un animal ou le considérer comme inférieur...sachant John Stuart avait à peine 3 ans de plus que Charles Darwin.

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Membre, 51ans Posté(e)
épixès Membre 1 815 messages
Forumeur alchimiste ‚ 51ans‚
Posté(e)

Ce que Mill et Voltaire n'expriment pas mais qui apparait en filigrane derrière leurs mots, c'est l'idée qu'il y aurait une forme de noblesse, de supériorité intrinsèque dans certains penchants tandis que d'autres seraient naturellement vils, médiocres et que les qualités attachées à ces goûts imprégneraient ceux qui les éprouvent.

Et là encore j'avoue qu'intuitivement je serais plutôt d'accord: il me semble qu'il y a plus de grandeur, de distinction et de dignité à écouter Mozart, lire Albert Camus et admirer Desproges qu'à regarder les Ch'tis vs les Marseillais, lire auto-moto et rire devant Patrick Sébastien. Mais de nouveau et comme je l'ai précisé, il ne s'agit que d'un sentiment qui nait spontanément  quand j'évoque ces idées en moi: à l'instar des intuitions morales il ne s'agit là que d'une impulsion émotionnelle et si on lui cède sans prendre de recul, l'intellect prendra le relais pour bâtir un argumentaire défendant cette position sans avoir pris le temps de la passer au crible de notre esprit critique. Et ce faisant nous allons essayer de rationaliser ce qui n'est pas rationnel: une émotion.

C'est le piège dans lequel sont tombés ces deux philosophes par ailleurs très brillants et que j'admire beaucoup mais personne ne lui échappe vraiment, en tout cas pas tout le temps. Malheureusement c'est moins grave pour le quidam au détour d'une conversation de comptoir que pour l'œuvre d'un philosophe qui éduquera bien des générations après qu'il ait disparu.

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
Il y a 7 heures, épixès a dit :

Ce que Mill et Voltaire n'expriment pas mais qui apparait en filigrane derrière leurs mots, c'est l'idée qu'il y aurait une forme de noblesse, de supériorité intrinsèque dans certains penchants tandis que d'autres seraient naturellement vils, médiocres et que les qualités attachées à ces goûts imprégneraient ceux qui les éprouvent.

Et là encore j'avoue qu'intuitivement je serais plutôt d'accord: il me semble qu'il y a plus de grandeur, de distinction et de dignité à écouter Mozart, lire Albert Camus et admirer Desproges qu'à regarder les Ch'tis vs les Marseillais, lire auto-moto et rire devant Patrick Sébastien. Mais de nouveau et comme je l'ai précisé, il ne s'agit que d'un sentiment qui nait spontanément  quand j'évoque ces idées en moi: à l'instar des intuitions morales il ne s'agit là que d'une impulsion émotionnelle et si on lui cède sans prendre de recul, l'intellect prendra le relais pour bâtir un argumentaire défendant cette position sans avoir pris le temps de la passer au crible de notre esprit critique. Et ce faisant nous allons essayer de rationaliser ce qui n'est pas rationnel: une émotion.

C'est le piège dans lequel sont tombés ces deux philosophes par ailleurs très brillants et que j'admire beaucoup mais personne ne lui échappe vraiment, en tout cas pas tout le temps. Malheureusement c'est moins grave pour le quidam au détour d'une conversation de comptoir que pour l'œuvre d'un philosophe qui éduquera bien des générations après qu'il ait disparu.

Et si l'on n'aime pas les chtis vs marseillais, , auto-moto ni Patrick Sébastien, et pas trop Mozart, Camus et Desproges... C'est qu'on est soit un intelligent heureux, soit un imbécile malheureux ?...

Ou qu'on est rien.

Comme moi...

"Dis-moi qui tu aimes je te dirai qui j'aime pas."

Un jour, mon voisin que j'aime bien, mais qui n'est pas Très... pas très... enfin vous voyez ce que je veux dire ? Me dit qu'il aimait bien le chanteur Renaud... Du coup j'ai compris pourquoi je ne l'aimais pas trop...

"Ta, ta tan !"

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Invité Quasi-Modo
Invités, Posté(e)
Invité Quasi-Modo
Invité Quasi-Modo Invités 0 message
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Je pense que ce qui t'échappe @épixès c'est encore une fois (décidément) la question du sens qui semble être ta zone d'ombre dans l'existence.

Car toutes les civilisations humaines sont des systèmes de production de sens comme jamais vu auparavant dans les proto-sociétés animales. C'est le fait de vivre dans des civilisations dont l'activité principale consiste à créer du sens, des symboles et des significations qui fait que Mill s'exprime ainsi.

Car il y a plus de sens, et donc plus de vie, dans Mozart que dans Aya Nakamura, ou dans Albert Camus que dans Auto-Moto. Finalement ce que dit Mill je pense pourrait se comprendre par le fait qu'il vaut mieux être plus en adéquation avec le mouvement général de la vie et donc être plus vivant, quitte à être insatisfait, qu'être moins en adéquation avec celui-ci, quitte à être satisfait.

Dans le fond c'est un calcul rationnel et utilitariste là aussi. Le propos est une extension de l'idée qu'il vaut mieux être vivant que mort. Donc qu'il vaut mieux être plus vivant que moins vivant si on adopte une logique floue et non plus une logique binaire. Pour parler simplement nous pourrions voir cela comme la richesse intérieure contre la pauvreté intérieure.

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Membre, 51ans Posté(e)
épixès Membre 1 815 messages
Forumeur alchimiste ‚ 51ans‚
Posté(e)
Il y a 3 heures, Quasi-Modo a dit :

Je pense que ce qui t'échappe @épixès c'est encore une fois (décidément) la question du sens qui semble être ta zone d'ombre dans l'existence.

Car toutes les civilisations humaines sont des systèmes de production de sens comme jamais vu auparavant dans les proto-sociétés animales. C'est le fait de vivre dans des civilisations dont l'activité principale consiste à créer du sens, des symboles et des significations qui fait que Mill s'exprime ainsi.

Car il y a plus de sens, et donc plus de vie, dans Mozart que dans Aya Nakamura, ou dans Albert Camus que dans Auto-Moto. Finalement ce que dit Mill je pense pourrait se comprendre par le fait qu'il vaut mieux être plus en adéquation avec le mouvement général de la vie et donc être plus vivant, quitte à être insatisfait, qu'être moins en adéquation avec celui-ci, quitte à être satisfait.

Dans le fond c'est un calcul rationnel et utilitariste là aussi. Le propos est une extension de l'idée qu'il vaut mieux être vivant que mort. Donc qu'il vaut mieux être plus vivant que moins vivant si on adopte une logique floue et non plus une logique binaire. Pour parler simplement nous pourrions voir cela comme la richesse intérieure contre la pauvreté intérieure.

Ce n'est pas que la question du sens m'échappe, c'est que je l'appréhende différemment.

D'aussi loin que je peux me remémorer j'ai toujours été à la recherche de sens mais pas d'un sens construit, pas une illusion de l'esprit cherchant à combler un vide existentiel, ni une réalité intersubjective utilisée comme lubrifiant social et encore moins une fiction performative relevant de l'autosuggestion permettant d'avancer dans l'existence. Rien de cela ne me convient, je cherche un sens qui nous transcende, une réalité qui ne relève pas de la conviction, un absolu.

Mais malgré cet ardent désir de trouver cette raison d'être si nécessaire et si convoitée je n'ai trouvé qu'un silence absolu meublant un espace vide. C'est l'absurde de Camus, qui ne réside ni dans le besoin désespéré de sens chez l'humain ni dans le mutisme impitoyable de l'univers sommé de répondre, mais dans leur juxtaposition.

Beaucoup me prennent pour un scientiste froid et desséché mais je ne suis qu'un poète brisé.

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Membre, 153ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
Mentor‚ 153ans‚
Posté(e)
il y a 42 minutes, épixès a dit :

Ce n'est pas que la question du sens m'échappe, c'est que je l'appréhende différemment.

D'aussi loin que je peux me remémorer j'ai toujours été à la recherche de sens mais pas d'un sens construit, pas une illusion de l'esprit cherchant à combler un vide existentiel, ni une réalité intersubjective utilisée comme lubrifiant social et encore moins une fiction performative relevant de l'autosuggestion permettant d'avancer dans l'existence. Rien de cela ne me convient, je cherche un sens qui nous transcende, une réalité qui ne relève pas de la conviction, un absolu.

Mais malgré cet ardent désir de trouver cette raison d'être si nécessaire et si convoitée je n'ai trouvé qu'un silence absolu meublant un espace vide. C'est l'absurde de Camus, qui ne réside ni dans le besoin désespéré de sens chez l'humain ni dans le mutisme impitoyable de l'univers sommé de répondre, mais dans leur juxtaposition.

Beaucoup me prennent pour un scientiste froid et desséché mais je ne suis qu'un poète brisé.

La recherche d’un sens fait partie des automatismes acquis au cours de notre évolution. Elle fait même partie des conditions mêmes de l’action. 
Mais nous pouvons aussi ne pas être dupes des  conditions propres à notre pensée. Convenir que nous devons manger pour vivre n’entraîne pas une idéalisation de la nourriture. Convenir que nous devons trouver un sens pour agir ne doit pas forcément idéaliser le sens.

De même quand je vous lis je vois que vous idéaliser la pensée mécanique. Le déterminisme. C’est là encore une condition forgée au cours du temps dont il est possible de se dégager. 
Nous savons par exemple que la pensée linéaire nous est familière mais pas la pensée de l’exponentielle. 
Il est nécessaire de regarder les conditions propres à notre pensée pour envisager voire essayer de s’en dégager. 

L’homme est une espèce en création. Elle n’est pas achevée ni minéralisée dans des réflexes indépassables. Dégagez-vous de l’autorité des philosophes : vous les idéalisez beaucoup trop. Vous surestimez leur influence par exemple dans l’éducation que nous donnons à nos enfants. Les philosophes ne comptent pas quand nous transmettons à nos enfants ce qui brasille  dans notre esprit.

Votre souffrance relève d’un manque d’audace. Tenter de dépasser votre dépendance au sens, votre dépendance à la pensée linéaire, votre dépendance à la pensée déterminée, votre sentiment d’écrasement devant les pensées des philosophes.

Vous n’êtes pas un poète brisé, vous êtes un poète qui n’ose pas s’affirmer en tant que poète.

 

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Membre, forumeuse acharnée, Posté(e)
querida13 Membre 48 399 messages
forumeuse acharnée,
Posté(e)
Le 29/01/2021 à 17:58, épixès a dit :

 

A titre personnel je ne suis pas du tout convaincu que Mill ou Voltaire prétendaient conférer un caractère universel aux exemples qu'ils ont utilisés, à savoir le savant malheureux et l'imbécile satisfait. Je pense qu'il ne s'agissait pour eux que d'illustrer ce qui peut apparaitre comme paradoxal, ou à tout le moins contre intuitif, à savoir que l'intelligence peut être source d'angoisse et qu'elle peut nuire au bonheur. Je pense enfin que ces exemples étaient avant tout des prétextes commodes pour exposer leur hypothèse au public.

Ils n'ont malheureusement rien inventé  de neuf sous le soleil.La Bible ne dit -elle pas depuis des millénaires:" heureux les simples d'esprit, le royaume des cieux leur appartient?" (Mathieu 5:3)

Le 29/01/2021 à 10:21, Groenland a dit :

Je ne suis pas d'accord avec toi. Entre le marshmallow et le caviar il faut toujours choisir le caviar, même si celui qui ne connaît que le marshmallow choisira toujours le marshmallow.

Caviar ou marshmallow, telle est la question ! 

Médite donc ce proverbe: il  vaut mieux être chanter et rire dans une chaumière que pleurer dans un château...

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Membre, Doctor feel good, 60ans Posté(e)
brooder Membre 5 285 messages
60ans‚ Doctor feel good,
Posté(e)
il y a une heure, querida13 a dit :

Ils n'ont malheureusement rien inventé  de neuf sous le soleil.La Bible ne dit -elle pas depuis des millénaires:" heureux les simples d'esprit, le royaume des cieux leur appartient?" (Mathieu 5:3)

Médite donc ce proverbe: il  vaut mieux être chanter et rire dans une chaumière que pleurer dans un château...

Tout vos dires sur le bonheur des êtres supérieurs et le malheur des inférieurs ne peut provenir que du fait qu'il ne suffit pas d'être heureux mais que les autres soient malheureux ...

 

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