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Notre langue façonne-t-elle notre pensée ?


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Depuis que je me suis intéressé à la philosophie de Martin Heidegger et à la question de l’Etre, je me suis rendu compte d’une chose très curieuse, c’est que j’ai comme l’impression qu’en France même les philosophes de métier ne comprennent pas ou comprennent de travers certaines idées de base du philosophe allemand. L’exemple le plus flagrant c’est Jean-Paul Sartre qui s’est complètement trompé sur la question de l’existentialisme lorsqu’il voyait quelque chose en commun entre son « l’existence précède l’essence » et la philosophie de Heidegger. Alors que pour Heidegger l’essence de l’homme (Dasein) se trouve exactement dans son existence, on voit mal comment on pourrait voir du commun entre cette idée là et le fait de dire que « l’existence précède l’essence ».

Mais ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autre, j’ai pas mal lu et écouté d’interventions des philosophes français contemporains et j’ai tendance à croire qu’on comprend très souvent mal ce que Heidegger explique concernant la question de l’Etre dans sa philosophie. Alors je me suis posé la question du pourquoi de cela ? Il y a manifestement un intérêt réel et sincère en France pour cette philosophie et pourtant on y arrive mal.

J’ai alors trouvé un début d’explication dans ceci qu’il s’agit en fait d’un problème de différence "linguistique". C’est-à-dire que la langue Allemande n’est pas « traduisible » ou « transposable » complètement dans la langue française. Effectivement quand on regarde la structure des deux langues d’un côté il s’agit d’une langue germanique et de l’autre une langue romane. Je ne suis pas bilingue mais je connais assez l’allemand pour dire qu’il s’agit de deux langues non comparables de part leur structure et leur grammaire. De plus, il faut savoir que la philosophie de Heidegger est déjà difficilement compréhensible pour un « germanophone » à cause du fait que sa philosophie de l’Etre utilise des concepts qui ne peuvent pas être transcrits ou dits par la parole. C’est pourquoi il est obligé de déformer la langue allemande pour essayer de se faire comprendre. Aussi on voit souvent dans ses écrits du grec ancien ou le fait qu’il utilise des néologismes ou même des mots avec beaucoup de tirets. Tout cela m’amène à me poser une question quelque peu audacieuse :

« Est-ce qu’on peut affirmer que le fait de parler dans une langue donnée contribue à façonner notre pensée ? »

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Membre, 51ans Posté(e)
épixès Membre 1 815 messages
Forumeur alchimiste ‚ 51ans‚
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il y a 55 minutes, Groenland a dit :

Est-ce qu’on peut affirmer que le fait de parler dans une langue donnée contribue à façonner notre pensée ?

La question est de taille et absolument captivante. Elle fut déjà abordée plus ou moins indirectement au travers de la philosophie  par Wittgenstein qui déclarait «Les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde» ou avec la littérature par George Orwell dans 1984 avec la novlang qui exprimait la même idée. En effet toutes les langues n'expriment pas toutes les mêmes concepts ainsi il est courant de trouver dans un langage un mot qui ne saurait être traduit que par une périphrase, aussi me semble-t-il que certaines idées viendront plus naturellement dans telle langue que dans telle autre.

Je sais que la question fut par contre abordée plus directement en linguistique où il existe une littérature assez abondante sur le sujet mais malheureusement ce n'est pas un domaine sur lequel je me suis tenu informé des différentes théories ou résultats d'études.

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Posté(e)
il y a 45 minutes, épixès a dit :

La question est de taille et absolument captivante. Elle fut déjà abordée plus ou moins indirectement au travers de la philosophie  par Wittgenstein qui déclarait «Les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde» ou avec la littérature par George Orwell dans 1984 avec la novlang qui exprimait la même idée. En effet toutes les langues n'expriment pas toutes les mêmes concepts ainsi il est courant de trouver dans un langage un mot qui ne saurait être traduit que par une périphrase, aussi me semble-t-il que certaines idées viendront plus naturellement dans telle langue que dans telle autre.

Je sais que la question fut par contre abordée plus directement en linguistique où il existe une littérature assez abondante sur le sujet mais malheureusement ce n'est pas un domaine sur lequel je me suis tenu informé des différentes théories ou résultats d'études.

Si on arrivait à démontrer que la langue et la pensée sont interdépendantes, ce qui serait alors absolument fascinant c'est d'essayer de voir laquelle précède l'autre ? Est-ce une certaine façon de penser qui aboutit à la naissance et au développement d'une langue ? Ou bien est-ce une langue formée par des circonstances environnementales, biologiques et culturelles qui a fini par façonner une certaine manière de penser ? ....

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Membre, Talon 1, 79ans Posté(e)
Talon 1 Membre 24 298 messages
79ans‚ Talon 1,
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Il y a 5 heures, Groenland a dit :

« Est-ce qu’on peut affirmer que le fait de parler dans une langue donnée contribue à façonner notre pensée ? »

Absolument pas : on ne pense dans aucune langue. La langue ne sert qu'à communiquer.

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il y a 42 minutes, Talon 1 a dit :

Absolument pas : on ne pense dans aucune langue. La langue ne sert qu'à communiquer.

Ha ! Quid du "logos" ? La logique, l'activité intellectuelle, la pensée...

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Membre, 35ans Posté(e)
Virtuose_en_carnage Membre 6 957 messages
Maitre des forums‚ 35ans‚
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Donc, tu n'es pas bilingue, mais toi tu aurais réussi à comprendre Heidegger alors que les autres Français, non? Je suis le seul à trouver ça absurde?

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Invité Groenland
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Posté(e)
il y a 7 minutes, Virtuose_en_carnage a dit :

Donc, tu n'es pas bilingue, mais toi tu aurais réussi à comprendre Heidegger alors que les autres Français, non? Je suis le seul à trouver ça absurde?

Voilà enfin quelqu'un qui suit vraiment ! :hi:

Tu fais bien d'intervenir, ça me permet de préciser que je suis bilingue franco-persan. Et je me suis amusé à lire les mêmes ouvrages de Heidegger en français et en persan. Ce que j'ai alors découvert était sans équivoque : je ne lisais pas le même ouvrage ! Ce n'était pas les mêmes idées et concepts qui étaient écrits dans les deux traductions... 

Je ne sais pas ce qu'il faut en penser exactement. Sûrement que dans les traductions en persan il y a aussi des ambiguïtés mais vu que j'ai commencé à découvrir et lire Heidegger en français et vu le contexte historique et actuel en France concernant ce philosophe, je suis arrivé à la conclusion que j'ai détaillé dans le sujet. Maintenant je suis ouvert au débat, seulement je sais que sur ce forum très peu de gens apprécient Heidegger, d'ailleurs ceci explique peut-être cela...!

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Invité Groenland Invités 0 message
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Cela me fait penser à cette citation de Wittgenstein que @épixès a écrit un peu plus haut : «Les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde».

Lire un auteur comme Heidegger dans différentes langues n'est que pure bonheur ! :)

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Membre, 48ans Posté(e)
Fraction Membre 7 001 messages
Maitre des forums‚ 48ans‚
Posté(e)
Il y a 7 heures, Groenland a dit :

Depuis que je me suis intéressé à la philosophie de Martin Heidegger et à la question de l’Etre, je me suis rendu compte d’une chose très curieuse, c’est que j’ai comme l’impression qu’en France même les philosophes de métier ne comprennent pas ou comprennent de travers certaines idées de base du philosophe allemand. L’exemple le plus flagrant c’est Jean-Paul Sartre qui s’est complètement trompé sur la question de l’existentialisme lorsqu’il voyait quelque chose en commun entre son « l’existence précède l’essence » et la philosophie de Heidegger. Alors que pour Heidegger l’essence de l’homme (Dasein) se trouve exactement dans son existence, on voit mal comment on pourrait voir du commun entre cette idée là et le fait de dire que « l’existence précède l’essence ».

Mais ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autre, j’ai pas mal lu et écouté d’interventions des philosophes français contemporains et j’ai tendance à croire qu’on comprend très souvent mal ce que Heidegger explique concernant la question de l’Etre dans sa philosophie. Alors je me suis posé la question du pourquoi de cela ? Il y a manifestement un intérêt réel et sincère en France pour cette philosophie et pourtant on y arrive mal.

J’ai alors trouvé un début d’explication dans ceci qu’il s’agit en fait d’un problème de différence "linguistique". C’est-à-dire que la langue Allemande n’est pas « traduisible » ou « transposable » complètement dans la langue française. Effectivement quand on regarde la structure des deux langues d’un côté il s’agit d’une langue germanique et de l’autre une langue romane. Je ne suis pas bilingue mais je connais assez l’allemand pour dire qu’il s’agit de deux langues non comparables de part leur structure et leur grammaire. De plus, il faut savoir que la philosophie de Heidegger est déjà difficilement compréhensible pour un « germanophone » à cause du fait que sa philosophie de l’Etre utilise des concepts qui ne peuvent pas être transcrits ou dits par la parole. C’est pourquoi il est obligé de déformer la langue allemande pour essayer de se faire comprendre. Aussi on voit souvent dans ses écrits du grec ancien ou le fait qu’il utilise des néologismes ou même des mots avec beaucoup de tirets. Tout cela m’amène à me poser une question quelque peu audacieuse :

« Est-ce qu’on peut affirmer que le fait de parler dans une langue donnée contribue à façonner notre pensée ? »

Bonjour,

Oui, il est vraisemblable que la langue participe à l’édifice de la pensée.

Mais l’ambiguïté du signifiant, bien qu’elle pénalise la communication, ne pénalise la pensée que marginalement.

Un signifiant ambigu nécessite un complément grammatical pour ne pas laisser le choix du sens au lecteur.

Mais le signifiant n’est pas le signifié, aussi le penseur reste libre de sa sémantique, de son focus.

 

Le verbe « être » de la langue française est imputable d’une double ambiguïté.

D’abord, il confond l’implication et l’équivalence logiques.

Si je dis « les roses sont des fleurs », il s’agit d’une implication, car les fleurs ne sont pas toutes des roses.

Mais si je dis que H2O c’est de l’eau, il s’agit d’une équivalence, parce que la réciproque est vraie.

Ensuite, le verbe « être » confond l’identité et l’état.

« Je suis parisien » est une identification, alors que « je suis malade » est un état.

 

Les concepteurs de processeurs vous diront qu’il existe une structure minimale au-delà de laquelle le processeur devient totipotent.

C’est-à-dire qu’il est capable de formaliser n’importe quelle structure logico-mathématique, plus ou moins rapidement.

Je pense qu’il en va de même pour les langues naturelles évoluées :

Elles connaissent un point de singularité au-delà duquel elles peuvent tout exprimer, mais avec des phrases à rallonge.

La langue française est à mon sens totipotente.

Cordialement, Fraction

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Membre, 35ans Posté(e)
Virtuose_en_carnage Membre 6 957 messages
Maitre des forums‚ 35ans‚
Posté(e)
il y a 23 minutes, Groenland a dit :

Voilà enfin quelqu'un qui suit vraiment ! :hi:

Tu fais bien d'intervenir, ça me permet de préciser que je suis bilingue franco-persan. Et je me suis amusé à lire les mêmes ouvrages de Heidegger en français et en persan. Ce que j'ai alors découvert était sans équivoque : je ne lisais pas le même ouvrage ! Ce n'était pas les mêmes idées et concepts qui étaient écrits dans les deux traductions... 

Je ne sais pas ce qu'il faut en penser exactement. Sûrement que dans les traductions en persan il y a aussi des ambiguïtés mais vu que j'ai commencé à découvrir et lire Heidegger en français et vu le contexte historique et actuel en France concernant ce philosophe, je suis arrivé à la conclusion que j'ai détaillé dans le sujet. Maintenant je suis ouvert au débat, seulement je sais que sur ce forum très peu de gens apprécient Heidegger, d'ailleurs ceci explique peut-être cela...!

Je comprends mieux. Ta question est compliquée. Théoriquement, il me semble quand même que la philosophie essaye de dépasser le cadre de la langue où elle s'inscrit: c'est à dire qu'elle introduit des concepts et des définitions qui ne sont pas sensés dépendre de la langue usitée. En théorie donc, je pense qu'il est possible dire que la philosophie ne dépend pas de la langue dans laquelle elle s'exprime. D'un côté pratique, ça semble malgré tout compliqué de prétendre qu'elle est entièrement décorrélée de la langue qui lui sert d'expression. La philosophie est en quelque sorte un méta-langage qui se base malgré tout sur un langage spécifique, et ce dernier influe la pensée dans le sens où l'on n'a pas les mêmes "briques élémentaires" selon les différentes langues utilisées.

 Le problème, c'est qu'il n'y a pas de d'homéomorphisme biunivoque entre les différentes langues. Une traduction devient donc quelque chose de très subjectif et dépendant de celui qui traduit. Je crois qu'un bon traducteur, c'est celui qui arrive à faire passer les idées de la version originale dans une autre langue. C'est un travail compliqué, surtout quand on a affaire avec des philosophes allemands.

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Membre, Talon 1, 79ans Posté(e)
Talon 1 Membre 24 298 messages
79ans‚ Talon 1,
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Il y a 1 heure, Groenland a dit :

Ha ! Quid du "logos" ? La logique, l'activité intellectuelle, la pensée...

C'est ce que croyait les Grecs. Mais ils omettaient un stade intermédiaire entre mot et pensée. Le cerveau interprète le mot (d'où les erreurs) pour en créer un symbole, une image. "Un bon croquis vaut mieux qu'un long discours." Penser, raisonner, c'est se parler à soi-même.

Le cerveau assimile ce qu'il comprend, donc ce qu'il connaît déjà. La création à partir de rien est impossible. Plus on sait, plus on apprend.

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Invité Groenland
Invités, Posté(e)
Invité Groenland
Invité Groenland Invités 0 message
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il y a 11 minutes, Virtuose_en_carnage a dit :

Je comprends mieux. Ta question est compliquée. Théoriquement, il me semble quand même que la philosophie essaye de dépasser le cadre de la langue où elle s'inscrit: c'est à dire qu'elle introduit des concepts et des définitions qui ne sont pas sensés dépendre de la langue usitée. En théorie donc, je pense qu'il est possible dire que la philosophie ne dépend pas de la langue dans laquelle elle s'exprime. D'un côté pratique, ça semble malgré tout compliqué de prétendre qu'elle est entièrement décorrélée de la langue qui lui sert d'expression. La philosophie est en quelque sorte un méta-langage qui se base malgré tout sur un langage spécifique, et ce dernier influe la pensée dans le sens où l'on n'a pas les mêmes "briques élémentaires" selon les différentes langues utilisées.

 Le problème, c'est qu'il n'y a pas de d'homéomorphisme biunivoque entre les différentes langues. Une traduction devient donc quelque chose de très subjectif et dépendant de celui qui traduit. Je crois qu'un bon traducteur, c'est celui qui arrive à faire passer les idées de la version originale dans une autre langue. C'est un travail compliqué, surtout quand on a affaire avec des philosophes allemands.

C'est évident que le sujet ici est énorme sans parler des "velléités patriotiques" des uns et des autres comme notre ami @Fraction qui voit une totipotence dans la langue française !

Mais je voudrais quand même parler ici d'un exemple concret des choses que j'ai vu dans les 2 traductions française et persane de la philosophie de Heidegger : la question de la "mort". Dans la version française on interprète la mort comme étant la mort biologique, le décès d'une personne. Alors que ce que j'ai vu en version persane, on parle d'une mort exsistentiale et on insiste bien sur le fait que ce n'est pas la mort biologique ou le décès. J'avoue que tout cela me dépasse mais en même temps je trouve que lire Heidegger dans deux langues différentes c'est vraiment génial ! C'est complémentaire. 

Pour terminer je voudrais dire le fait que les allemands eux-mêmes ont du mal à comprendre Heidegger. D'ailleurs on dit qu'il martyrise la langue allemande dans sa philosophie. Ce qui revient un peu à ce que tu dis à savoir que la philosophie est un méta langage et normalement ne dépend pas de la langue dans laquelle elle est écrite. Bon j'arrête là parce que de toute façon il y a trop de choses à dire et qu'il faut une vie entière pour parler de tout ça. 

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Invité lumic
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Invité lumic
Invité lumic Invités 0 message
Posté(e)
Il y a 10 heures, Groenland a dit :

Depuis que je me suis intéressé à la philosophie de Martin Heidegger et à la question de l’Etre, je me suis rendu compte d’une chose très curieuse, c’est que j’ai comme l’impression qu’en France même les philosophes de métier ne comprennent pas ou comprennent de travers certaines idées de base du philosophe allemand. L’exemple le plus flagrant c’est Jean-Paul Sartre qui s’est complètement trompé sur la question de l’existentialisme lorsqu’il voyait quelque chose en commun entre son « l’existence précède l’essence » et la philosophie de Heidegger. Alors que pour Heidegger l’essence de l’homme (Dasein) se trouve exactement dans son existence, on voit mal comment on pourrait voir du commun entre cette idée là et le fait de dire que « l’existence précède l’essence ».

Mais ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autre, j’ai pas mal lu et écouté d’interventions des philosophes français contemporains et j’ai tendance à croire qu’on comprend très souvent mal ce que Heidegger explique concernant la question de l’Etre dans sa philosophie. Alors je me suis posé la question du pourquoi de cela ? Il y a manifestement un intérêt réel et sincère en France pour cette philosophie et pourtant on y arrive mal.

J’ai alors trouvé un début d’explication dans ceci qu’il s’agit en fait d’un problème de différence "linguistique". C’est-à-dire que la langue Allemande n’est pas « traduisible » ou « transposable » complètement dans la langue française. Effectivement quand on regarde la structure des deux langues d’un côté il s’agit d’une langue germanique et de l’autre une langue romane. Je ne suis pas bilingue mais je connais assez l’allemand pour dire qu’il s’agit de deux langues non comparables de part leur structure et leur grammaire. De plus, il faut savoir que la philosophie de Heidegger est déjà difficilement compréhensible pour un « germanophone » à cause du fait que sa philosophie de l’Etre utilise des concepts qui ne peuvent pas être transcrits ou dits par la parole. C’est pourquoi il est obligé de déformer la langue allemande pour essayer de se faire comprendre. Aussi on voit souvent dans ses écrits du grec ancien ou le fait qu’il utilise des néologismes ou même des mots avec beaucoup de tirets. Tout cela m’amène à me poser une question quelque peu audacieuse :

« Est-ce qu’on peut affirmer que le fait de parler dans une langue donnée contribue à façonner notre pensée ? »

Me semble bien que oui ...

Si en Français j ' emploie  plus facilement le vous que tu , c ' est que je suis plus ou moins formaté dans ce sens , ce qui conditionne d ' une certaine manière ma  façon de penser et de réagir  ...

Par contre je me suis aperçu  que ce  vouvoiement n ' existait pratiquement plus ou n ' avait plus aucun sens  lorsque j étais  en conversation avec une femme originaire des états - Unis qui emploie le tutoiement tout à fait naturellement puisque le vous dans cette langue n ' existe pas , il me semble ...

C ' est donc plus direct et permet à mon avis de mieux simplifier notre langage dans notre rapport au monde , aux personnes ...

En fait le tutoiement comme le vouvoiement ouvre des possibilités , une ou des attitudes possibles ...

C ' est forcément une façon de penser d  ' un manière ou d ' une autre tout comme l ' est chaque langue dans sa particularité ...

En fait , je comprends peut être encore mieux l ' intérêt des langues et de toutes celles qui sont en train de disparaître comme ci  il n ' y avait plus qu ' une seule façon de voir ...

Ce aussi peut être bien pourquoi des langues ont été interdites ...

 

 

 

 

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Membre, Pépé fada , râleur , et clairvoyant ., 80ans Posté(e)
Maurice Clampin Membre 11 042 messages
80ans‚ Pépé fada , râleur , et clairvoyant .,
Posté(e)
Il y a 6 heures, Talon 1 a dit :

Absolument pas : on ne pense dans aucune langue. La langue ne sert qu'à communiquer.

:pap:   Pas d' accord du tout .

Et j' ai un exemple personnel qui me le confirme . Il m' arrive assez souvent (c' est les ravages du viéillou) d' oublier un mot en parlant , mais aussi en pensant . Le fait de rechercher ce mot peut perturber mon propos , de même qu' il perturbe ma pensée . 

Donc je confirme , je pense avec des mots et dans ma langue maternelle . Et je suis totalement convaincu que ma langue façonne pour une très importante part ma façon de penser ce qui m' explique que j' ai parfois des difficultés à suivre le cheminement de la pensée d' un étranger même si il parle ma langue . Et bien sur encore plus si il ne la parle pas .

Pour moi , pas de doute , je parle en français , je pense en français , je rêve en français et je dirais que j' observe la vie en français .

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Membre, Talon 1, 79ans Posté(e)
Talon 1 Membre 24 298 messages
79ans‚ Talon 1,
Posté(e)
il y a 23 minutes, Maurice Clampin a dit :

:pap:   Pas d' accord du tout .

Et j' ai un exemple personnel qui me le confirme . Il m' arrive assez souvent (c' est les ravages du viéillou) d' oublier un mot en parlant , mais aussi en pensant . Le fait de rechercher ce mot peut perturber mon propos , de même qu' il perturbe ma pensée . 

Donc je confirme , je pense avec des mots et dans ma langue maternelle . Et je suis totalement convaincu que ma langue façonne pour une très importante part ma façon de penser ce qui m' explique que j' ai parfois des difficultés à suivre le cheminement de la pensée d' un étranger même si il parle ma langue . Et bien sur encore plus si il ne la parle pas .

Pour moi , pas de doute , je parle en français , je pense en français , je rêve en français et je dirais que j' observe la vie en français .

Vous prouver le contraire de ce que vous dites. Vous confondez la pensée et son expression. Selon vous, les muets sont des crétins ?

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Membre, Pépé fada , râleur , et clairvoyant ., 80ans Posté(e)
Maurice Clampin Membre 11 042 messages
80ans‚ Pépé fada , râleur , et clairvoyant .,
Posté(e)
il y a 24 minutes, Talon 1 a dit :

Vous prouver le contraire de ce que vous dites. Vous confondez la pensée et son expression. Selon vous, les muets sont des crétins ?

:pap:  Pas du tout , et parlez a un muet dans une autre langue que la sienne , il ne va rien comprendre .

UN "sourd muet" , même si les signes sont conventionnels et les mêmes dans toutes les langues (ce que je ne sais pas) la seule façon de les utiliser fera qu' il aura du mal à comprendre le sens de ce que l' on veut lui dire .

Mais j' admets que dans leurs cas la pensée doit être une succession d' images . Enfin , j' imagine . 

Mais pourquoi vouloir scinder deux choses qui n' en font qu' une . L' une est l' expression de l' autre et l' autre est l' ossature de la première .

 

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Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
deja-utilise Membre 6 039 messages
If you don't want, you Kant...,
Posté(e)

Bonjour,

Il y a 11 heures, Groenland a dit :

Si on arrivait à démontrer que la langue et la pensée sont interdépendantes, ce qui serait alors absolument fascinant c'est d'essayer de voir laquelle précède l'autre ? Est-ce une certaine façon de penser qui aboutit à la naissance et au développement d'une langue ? Ou bien est-ce une langue formée par des circonstances environnementales, biologiques et culturelles qui a fini par façonner une certaine manière de penser ? ....

 

En réalité, c'est tout ça à la fois et même plus !

Nul besoin de rechercher dans un premier temps une différence linguistique dans les concepts pensés, il suffit par exemple de regarder le même texte écrit en grec ancien traduit par différents auteurs en français, parfois le rendu est franchement différent tout au long du texte et donc sur le rendu global ! Pourtant les deux langues de départ et d'arrivée sont les mêmes à chaque fois, seul varie le traducteur et son pedigree ( = parcours de vie ) et sa sensibilité.

Ensuite même si la langue allemande ou celle française sont des " méta-langages " - ce dont je doute, puisque il me semble que par définition c'est un langage qui dépasse la langue naturelle - il n'en demeure pas moins que chaque langue est surtout prise irrévocablement dans une culture propre, et c'est à travers cette culture mentale si j'ose dire, que le langage pourrait avoir une certaine coloration psychique ou une certaine appréhension du monde, la langue ne ferait que refléter ces mœurs omniprésentes, ou interprétations historico-culturelles.

 

Malgré tout, la richesse de vocabulaire ou de la conjugaison, permet de mieux cerner un concept ou une idée, mais en général c'est surtout un gain de temps, des raccourcis langagiers, à moins que le support lui-même soit très pauvre ou à défaut que le besoin n'existait pas jusqu'alors, certaines tribus indigènes des Amériques comptent jusqu'à 5 puis après ils disent que c'est " beaucoup ", ou encore la richesse des nuances de blancs chez les inuits comparativement à nous autres, etc...

 

Enfin, on pourrait aussi se tourner vers ceux que l'on nomme les aphasiques, dont certains finissent par retrouver l'usage verbal ultérieurement, d'après leurs témoignages, même privés de langage il continuaient à penser, réfléchir, mais sans mots, c'était si je ne me trompe pas en images. D'ailleurs quand on fait des scénarios probables d'un futur proche, afin de trouver une solution, nous réfléchissons là aussi en " film " on scénarise les évènements futurs, ou encore si l'on cherche à comprendre une machine pour la réparer ou fabriquer un meuble, on se passe là aussi très bien du verbe. Lacan avait pris ses rêves pour la réalité, pour qui pensée et langage ne faisait qu'un. 

 

 

Au final, notre pensée/intelligence a fait naitre le langage, puis celui-ci en retour a aidé notre pensée à s'émanciper de tâches simples ou utilitaires, ensuite ce langage accru donne de nouvelles possibilités à travers l'éducation, et ces nouveaux secteurs auront besoin tôt ou tard au fur et à mesure de leur développement, notamment en science, d'un vocabulaire spécialisé/spécifique, afin de décrire toujours plus finement et loin les choses, et ces termes seront à leur tour employés ailleurs, augmentant ainsi la richesse de notre vision du monde, et ainsi de suite... À l'instar de ce qui s'est passé avec nos outils, puis nos machines et enfin notre haute-technologie sur notre pouvoir d'action sur le monde et nous-même ou les autres, il y a eu un va-et-vient permanent entre nos facultés/potentialités puis nos créations, et réciproquement, etc... ( Mais même sans extensions de notre corps, il reste encore quelque chose de nous-même, il n'y a pas anéantissement de l'être, pas plus que la perte/absence de langage in fine; c'est l'interaction, l'imitation ou la communication qui sont cruciaux/fondamentaux pour notre développement cognitif: notre compréhension, celle-ci ne peut être que de notre fait, les mots n'y sont pour rien, ils aident seulement à déclencher de mini-eurêkas, si je puis dire, sans en avoir le monopole ou le privilège, e.g. les mathématiciens ).

 

 

 

 

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Membre, Talon 1, 79ans Posté(e)
Talon 1 Membre 24 298 messages
79ans‚ Talon 1,
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Il y a 4 heures, Maurice Clampin a dit :

L' une est l' expression de l' autre et l' autre est l' ossature de la première .

Donc, nous ne rêvons jamais en dormant. Sauf ceux qui parlent.

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Invité Groenland
Invités, Posté(e)
Invité Groenland
Invité Groenland Invités 0 message
Posté(e)
Il y a 6 heures, lumic a dit :

Ce aussi peut être bien pourquoi des langues ont été interdites ...

Je n'aurais par trouvé un meilleur argument pour soutenir l'idée que la langue influe ou façonne notre pensée, merci.

Effectivement combien de fois dans l'Histoire on a vu des Etats totalitaires interdire la pratique d'une certaines langue au sein de leur sphère d'influence pour justement éviter toute "mauvaise pensée"... !

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Invité Groenland
Invités, Posté(e)
Invité Groenland
Invité Groenland Invités 0 message
Posté(e)
Il y a 4 heures, deja-utilise a dit :

Enfin, on pourrait aussi se tourner vers ceux que l'on nomme les aphasiques, dont certains finissent par retrouver l'usage verbal ultérieurement, d'après leurs témoignages, même privés de langage il continuaient à penser, réfléchir, mais sans mots, c'était si je ne me trompe pas en images. D'ailleurs quand on fait des scénarios probables d'un futur proche, afin de trouver une solution, nous réfléchissons là aussi en " film " on scénarise les évènements futurs, ou encore si l'on cherche à comprendre une machine pour la réparer ou fabriquer un meuble, on se passe là aussi très bien du verbe. Lacan avait pris ses rêves pour la réalité, pour qui pensée et langage ne faisait qu'un.

Il y a effectivement 2 modes de pensée : imagé et verbal (logos). Cependant, d'après moi le mode qui permet de construire logiquement un enchainement d'idées c'est-à-dire de "philosopher" ou de "penser en mode philosophique" c'est bien le mode verbal (logos). Et si on admet cela on retombe sur l'idée que notre langue façonne notre pensée.

Autrement je suis d'accord pour dire que la langue influe sur la pensée qui en retour influe sur la langue. On construit notre pensée philosophique en usant de notre langage mais à mon sens l'influence du "retour" de la pensée sur la langue n'est qu'au niveau des "expressions", elle n'aboutira pas forcement sur d'autres pensées.

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