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Annalevine

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Annalevine Membre 3 528 messages
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Dimanche 29 novembre 2020 (date et heure de Nouméa)

Nous sommes partis de chez nous le jeudi 19 novembre à 9h30. Le taxi était à l’heure. Arrivée rapide au terminal 2E. Premier contrôle à l’entrée du terminal où nos billets sont vérifiés. Puis enregistrement auprès des machines. Ensuite premier guichet de réception des bagages soute. Ensuite deuxième guichet de contrôle de nos bagages mains. Puis contrôle police. Attente dans une vaste salle commune devant la porte (gate) K30. Contrôle de nos attestations tests négatifs PCR. Nous passons la porte, descendons une rampe. Arrêt. Attente. Remontée et nouvelle attente dans la salle commune : l’avion subit une révision, problème technique. Un peu plus d’une heure trente d’attente. Puis nous repassons la « gate » et cette fois-ci c’est bon pour l’embarquement. Grâce à Gilles nous sommes placés en classe affaire. Cela nous donne de l’espace.

Départ à 14h40 (au lieu de 13h10.).

Arrivée à Tokyo (Tokyo Narita) après onze heures de vol (au lieu des 12 heures prévues, le pilote a dû accélérer pour rattraper une partie du retard.). Il est     9 h40 à Tokyo et nous sommes vendredi 20 novembre (8 heures de décalage horaire avec Paris).

Le chemin pour aller à la « gate » d’embarquement pour Nouméa est court. Départ à 12h20. Arrivée à Nouméa, la Tontouta, à 22h55, heure locale. Temps de vol : 8h35. (décalage horaire de deux heures avec Tokyo, 10 heures avec Paris).

Récupération des bagages soute, puis contrôle gendarmerie pour les conditions du confinement, contrôle ensuite police pour l’identité, enfin nous sommes aiguillés par les pompiers vers un car. Destination : l’hôtel du confinement. Attente plus d’une heure : un passager est retardé par la police en raison du contrôle de ses bagages.

Départ pour l’hôtel à minuit passé. Nous sommes maintenant samedi 21 novembre. Le car est précédé par deux motards et une voiture de police, les gyrophares bleus éclairent la route.

Arrivée à l’hôtel vers 1 heure du matin. Immédiatement escortés vers nos chambres. Confinement de 14 jours strict : pas de sorties, contrôle de la température deux fois par jour, nourriture laissée devant la porte, déchets rendus dans des sacs plastique toujours devant la porte, aucun contact. Possibilité de faire une promenade dans une cour fermée une heure par jour. Nous déclinons cette invitation. Fin du confinement : le 4 décembre à minuit.

Chambres agréables, vastes balcons, vue sur la baie des Citrons, juste là, à nos pieds. L’océan ici est calme, tempéré au loin par la barrière de corail.


 

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L'ornithorynque Membre 1 814 messages
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Merci pour ce témoignage

Pourrais-tu évoquer quelques éléments pratiques ? Comme la ou les compagnies d'aviation, les modalités d'obtention de visa, le taux de remplissage de l'avion, pas de contrôle sanitaire à l'escale de Tokyo ?

 

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Membre, 153ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
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il y a 40 minutes, L'ornithorynque a dit :

Merci pour ce témoignage

Pourrais-tu évoquer quelques éléments pratiques ? Comme la ou les compagnies d'aviation, les modalités d'obtention de visa, le taux de remplissage de l'avion, pas de contrôle sanitaire à l'escale de Tokyo ?

 

C’est difficile actuellement d’aller en Nouvelle Calédonie car l’île a fermé ses frontières en raison du virus.  Nous avons pu y aller car notre fils qui vit là-bas a obtenu du gouvernement de Nouvelle Calédonie le droit d’organiser des quatorzaines privées  de confinement dans son hôtel. Encore faut-il un motif valable pour aller dans l’île, pour nous c’était le regroupement familial. Toutes les modalités pratiques sont consultables sur le site officiel gouv.nc 

Sinon les compagnies qui, actuellement, sont les seules à organiser des voyages sont Air France pour aller jusqu’à Tokyo ( mais s’agissant d’aller seulement à Tokyo il y a bien sûr d’autres compagnies habilitées) et pour aller de Tokyo à Nouméa seul Aircalin est habilité.

Pas besoin de visa, la Nouvelle Calédonie est française. En revanche il faut avoir un passeport. Pas de contrôle sanitaire à Tokyo ( mais nous sommes escortés par des personnels masqués  jusqu’au quai d’embarquement). Au départ de Paris il faut présenter un test négatif  PCR de moins de 72 heures ( mais je viens d’apprendre que les nouveaux tests rapides viennent d’être autorisés).
Pour le test il faut faire attention. Il vaut mieux faire ce test par un laboratoire reconnu par les compagnies aériennes sinon vous risquez d’être refoulé à l’embarquement.  

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Membre, 153ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
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Mardi 1 décembre 2020

Ici le soleil se couche soudainement, vers 18 h 15. Il tombe dans le lagon en quelques minutes. Je suis surpris de voir Lancelot contempler le couchant. Je ne lui connaissais pas cette attention. Parfois il s’agace que nous ne regardions pas le spectacle. Il branche Messenger et communique en vidéo. Nous sortons sur le balcon, le soleil est en train de s’affaler. Je suis irrité par la vitesse d’exécution de l’événement. Mais je ne m’en ouvre pas.

Il nous interpelle d’en bas, de la rue. Confinement oblige. Il démarre au volant de son 4 x4 , un pick up noir imposant. Il roule lentement, comme tous les Calédoniens. Calme et patience.

Il dirige cet hôtel avec aisance, je suis surpris. Je ne l’ai jamais vu dans l’exercice de son travail. Je me rends compte que je le vois encore tel un enfant. Je crains pour lui. Je m’aperçois que je suis à côté de la plaque, il gère son affaire avec maestria. C’est un homme que j’ai en face de moi. Sa mutation, qui doit dater de quelques années, sans que je pusse la constater, vu son éloignement géographique, m’impressionne. Et me rassure. Il a 37 ans.

Il me parle des aléas de la commercialisation des chambres. Les Chinois qui finalement font défaut pour décembre, mais peut être pas pour janvier, mais il a en portefeuille des Européens. La Chine, l’Australie, la Nouvelle Zélande sont son premier horizon. Puis les Européens.

Quand il était ado je lui disais qu’il avait acquis de sa mère, judéenne d’origine marocaine, le gène arabe. Ça ne lui déplaisait pas. Je spéculais sur ce gène en raison de son sens de la rébellion. Je fus renforcé plus tard dans ma supputation par son évident sens commercial. Après tout c’est au contact des Arabes que les Judéens ont acquis ce sens, avant c’étaient essentiellement des agriculteurs. Ça remonte à loin bien sûr, au moins au VIII siècle quand les Omeyyades puis les Abbassides établirent leur civilisation solaire sur tout le pourtour méditerranéen, inspirant entre autres les fameux Radhanites.


 

Le soleil se lève tout aussi soudainement, vers 5h15. Je n’ai pas de vue sur l’Est. Je ne vois pas l’évènement.

La température oscille entre 21 et 28 degrés, sur toute la journée, jour et nuit confondus. C’est ici le printemps.

Il y a une douceur de vivre dans ce pays. Même s’il y a aussi des problèmes sociaux. Mais ils ne sont pas du même type que ceux de France. L’atmosphère n’est pas chargée de toute cette mauvaiseté qui circule là-bas, en métropole.

Il est 19h30 ici, 9h30 à Paris.


 

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Membre, 153ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
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2 décembre 2020

Ce matin, à 7h40, prélèvements nasal et buccal pour le test PCR. Demain résultats puis sortie du confinement. Le prélèvement, opéré par une jeune femme, est sans douleur. Cela me change du prélèvement opéré à Paris, assez intrusif, que je supportai bien sûr, mais qui me donna l’impression que je ne cessais ensuite de saigner du nez.

Nous irons vivre dans l’appartement de Lancelot qui lui, le temps de notre séjour, environ deux mois pour moi mais sans doute plus longtemps pour Jacqueline, ira vivre chez son amie. Du balcon de l’hôtel je peux voir la résidence où il habite, un petit immeuble blanc qui surplombe la baie.

Hier après-midi il nous a fait livrer, à chacun, un gobelet rempli de litchis. L’occasion d’apprendre que ce fruit est cultivé en Nouvelle Calédonie, enfin l’arbre est cultivé, et que la récolte a lieu fin novembre.

Plus s’approche le moment de la libération plus j’angoisse. Ce séjour ici n’est pas un séjour de vacances mais un séjour de repérage : allons-nous choisir de vivre ici ?

Pour Jacqueline c’est oui. Le fait d’être embarqué dans une aventure dont je n’ai pas décidé à l’avance moi-même l’exécution m’angoisse. Mais elle est décidée, je la vois former des projets de tous genres, réalisables, et de la voir ainsi s’animer me convainc que je dois la laisser vivre cette expérience, vivre ici au moins quelques mois. Nous verrons bien ensuite.

Cela signifie que je reviendrai seul à Paris, je ne peux pas laisser la maison vide trop longtemps, et là je devrai décider, si Jacqueline décide finalement de rester là-bas. Vais-je aller moi aussi vivre en Nouvelle Calédonie ? La réponse va de soi, je ne vais pas laisser Jacqueline seule, mais cette réponse, ce oui, m’est en quelque sort arraché malgré moi, avant même que j’ai pu y réfléchir.

Orphée de son côté ne cesse d’abreuver de messages sa mère, heureux qu’il est pour moi, affirmant qu’ici je vais enfin vivre. Celui-là me connaît bien et je suis surpris par son enthousiasme lui qui est plutôt assez avare d’expressions sentimentales.

L’angoisse c’est d’abord de quitter la métropole, où j’ai toujours vécu, où j’ai mes souvenirs et mes attachements. Encore que, question attachements affectifs, tout le monde est mort ou tout le monde est parti, même Noa projette de partir de France. Et ceux qui ne partent pas doivent leur décision à l’impossibilité matérielle de partir. C’est sauve qui peut en ce moment. Même Alain que je croyais vivre toujours en France en fait vit en Israël. C’est angoissant de constater cette intuition dans laquelle ils sont tous : il faut fuir ce pays. Bordel ce n’est quand même pas la guerre civile en France.

Quand je reçois les échos de ce qui se passe en Grande Bretagne j’ai le sentiment que là-bas ça ne va pas fort non plus. La France et la Grande Bretagne paraissent entrer dans la tourmente.

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Ambre Agorn Membre 2 158 messages
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Puis-je me permettre? Ben oui, bien sûr!

Là c'est vous qui n'êtes pas marrant, soyez pus déluré, c'est pas ça que vous m'aviez conseillé un jour?

Vous avez la chance de pouvoir quitter le navire qui sombre et vous faites la fine mouche? Mais peut-être ne pensez-vous pas que ce navire coule? Que vous importe, vous transportez une quantité de gènes divers et variés, vous êtes multi-culturel et vous regretteriez de quitter une France que visiblement vous ne pouvez plus comprendre?

D'un côté je vous envie parce que vous êtes privilégié (et non pas chanceux) dans la possibilité de choix stratégique. D'un autre je ne vous envie pas du tout, car vous avez des angoisses qui reviennent souvent chez vous.

Je suis obligée de vivre dans la tourmente (pour aller dans le sens de ceux qui veulent voir la tourmente comme un écueil), et vous vous avez le choix du lieu où combattre.

Vous êtes un nomade. Même ancré un moment qui ne se détermine pas, un nomade peut continuer à l'être en esprit, et ne jamais s'approprier la terre qu'il foule et où il se repose. La terre que je foule n'est pas la France pour moi, c'est ma mère, la mère de tout un chacun qu'importe la partie du globe qu'il voit.

J'aimerai voir ce coucher de soleil, mais je sais qu'il me suffit d'être empathique!

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Membre, 153ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
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Il y a 16 heures, Ambre Agorn a dit :

Puis-je me permettre? Ben oui, bien sûr!

Là c'est vous qui n'êtes pas marrant, soyez pus déluré, c'est pas ça que vous m'aviez conseillé un jour?

Vous avez la chance de pouvoir quitter le navire qui sombre et vous faites la fine mouche? Mais peut-être ne pensez-vous pas que ce navire coule? Que vous importe, vous transportez une quantité de gènes divers et variés, vous êtes multi-culturel et vous regretteriez de quitter une France que visiblement vous ne pouvez plus comprendre?

D'un côté je vous envie parce que vous êtes privilégié (et non pas chanceux) dans la possibilité de choix stratégique. D'un autre je ne vous envie pas du tout, car vous avez des angoisses qui reviennent souvent chez vous.

Je suis obligée de vivre dans la tourmente (pour aller dans le sens de ceux qui veulent voir la tourmente comme un écueil), et vous vous avez le choix du lieu où combattre.

Vous êtes un nomade. Même ancré un moment qui ne se détermine pas, un nomade peut continuer à l'être en esprit, et ne jamais s'approprier la terre qu'il foule et où il se repose. La terre que je foule n'est pas la France pour moi, c'est ma mère, la mère de tout un chacun qu'importe la partie du globe qu'il voit.

J'aimerai voir ce coucher de soleil, mais je sais qu'il me suffit d'être empathique!

Pourquoi parler d’envie ? Parce que je pars et que je peux partir ? 
Je ne pense pas que nous soyons vous et moi dans un rapport de privilégié à non privilégié. 
Après  tout jadis quand je partis de France je n’avais rien dans les bagages et je suis parti quand même. Errant sur les routes, faisant mille métiers. 
La différence  entre vous et moi, comme entre tant d’autres  et moi c’est que je suis en effet un nomade. Qui part un jour et quitte sa terre, sa maison...qui part pourquoi ? Parce que là où il est il se sent mourir. Et que quitte à mourir autant mourir au bord d’un nouveau chemin que je choisis de suivre.

D’autant que je peux partir parce que mes fils m’ont senti mourir et que soudain ils se sont battus. Il n’y a pas là de privilège sinon le privilège d’avoir des fils. 

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Membre, 35ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 158 messages
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Le 05/12/2020 à 04:39, Annalevine a dit :

Pourquoi parler d’envie ? Parce que je pars et que je peux partir ? 
Je ne pense pas que nous soyons vous et moi dans un rapport de privilégié à non privilégié. 
Après  tout jadis quand je partis de France je n’avais rien dans les bagages et je suis parti quand même. Errant sur les routes, faisant mille métiers. 
La différence  entre vous et moi, comme entre tant d’autres  et moi c’est que je suis en effet un nomade. Qui part un jour et quitte sa terre, sa maison...qui part pourquoi ? Parce que là où il est il se sent mourir. Et que quitte à mourir autant mourir au bord d’un nouveau chemin que je choisis de suivre.

D’autant que je peux partir parce que mes fils m’ont senti mourir et que soudain ils se sont battus. Il n’y a pas là de privilège sinon le privilège d’avoir des fils. 

Encore une fois je me suis mal exprimée!

J'ai remarqué un certain décalage dans tout échange sur le forum ou même sur d'autres plateformes d'échanges virtuels. Il y a un décalage dû au fait que deux (ou plusieurs) personnes conversent, ou semblent converser, alors qu'elles se trouvent toutes les deux dans deux contextes différents.

Quand je me relis, 24 à 48h après ce que j'ai posté, je me trouve dans un état différent du moment où j'ai écrit ce que j'ai publié, et j'ai une vision différente de ce que j'ai écrit. Je m'aperçois que j'ai écrit quelque chose qui, dans un contexte particulier (qui englobe mon vécu, mon entourage, mes conversations, mes choix, etc.), avait une résonance particulière et j'ai été étonnée quand j'ai lu votre réponse. Mais en réalité, c'est tout à fait logique, parce que je heurte votre contexte et ce que je dis ne peut pas forcément s'inscrire dans ce que vous vivez.

Alors vous vous sentez agressé, parce que ce que j'écris heurte l'équilibre que vous créez dans votre contexte. Il y avait dans mon cœur aucune volonté de vous blesser en quoi que ce soit, mais sans doute une mauvais e définition de ce que je voulais dire exactement, de ce que je voulais transmettre malgré le décalage que je sens.

Voulez-vous que je me retire de ce fil, voulez-vous communiquer ou préférez-vous juste sentir ma présence sans pour autant vous la signifier? Ou préférez-vous ne pas sentir ma présence?

En tout cas je vous souhaite de vivre ce que vous souhaitez vivre

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Membre, 153ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
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8 décembre 2020

Mardi.

Dès samedi matin Lancelot voulut nous faire découvrir son « domaine ». Nous sommes allées au port où il a un anneau, amarré là un Zodiac. Voyage vers les marches du lagon.

L’eau moutonne, il y a du roulis, et le bateau qui parfois saute sur les vagues fait des plats assez violents. Ça déménage. Nous atteignons l’îlot Maître, au large duquel Lancelot relâche un peu. Nous voyons une tortue, imposante, qui plonge aussitôt. Puis soudain ce sont des dauphins qui sautent hors de l’eau avec leur sourire dans les yeux.

Nous reprenons l’exploration vers la barrière de corail. Nous nous accrochons au filins qui courent le long des boudins, bon sang, ça frappe. C’est assez impressionnant de voir, encore assez loin tout de même, les vagues du Pacifique se ruer sur la barrière de corail. Une muraille d’écume s’élève et s’abat, et elle recommence.


 

Nous revenons. Nous nous sentons fracassés. En regardant la côte de l’île se rapprocher je pense aux premiers navigateurs qui un jour arrivèrent là. Quelle représentation du monde avaient-ils pour oser franchir l’horizon, sans même savoir où ils allaient, ce qu’ils allaient découvrir. Cela me fait aussi penser, puisque j’écris en ce moment cet épisode historique pour Samuel, à Paul 1er ordonnant aux Cosaques du Don de partir guerroyer contre les Anglais en Inde. Franchir le corridor du Caucase, bifurquer à droite vers des territoires que personne, du moins en Russie, n’avaient encore cartographiés. Ils y vont les Cosaques. Quelle représentation avaient-ils du monde pour accepter de partir ainsi, à cheval, muni de leur seul sabre, à la conquête de territoires dont ils ne savaient rien ?


 

Cette réflexion me ramène à mes 12 ans, pas encore atteints en ce mois de septembre, quand le jour de la rentrée en quatrième, à Saint Charles, à Athis-Mons, au lieu d’aller me ranger dans les lignes des collégiens, je partis sur le promontoire, au-dessus des terrains de foot, et là, je regardai horizon et je me suis dit : « quelque chose m’appelle au-delà, c’est au delà que j'irai ». Cette chose, comme un soleil caché derrière la ligne, irradiait le ciel d’une lueur par moi seul perçue. « Ce qui rayonne, ce qui vit, est là-bas, au-delà, ici tout est gris et mort ». Je ne savais pas que je venais d’initier dans mon esprit cette détermination morale  : je partirai au-delà, ici le monde s’éteint.


 

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Annalevine Membre 3 528 messages
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11 décembre 2020

Les événements se précipitent. L’annonce de la vente des parts de Vale dans l’usine de nickel-cobalt du Sud a provoqué l’ire des coutumiers et du FLNKS. Difficile pour moi de bien saisir les enjeux. Les Blancs sont très critiques envers les Kanaks, pourtant il me semble que leurs protestations ne sont pas sans fondements.

Les violences qui se développent sur le terrain exacerbent les tensions. Cela tourne à l’affrontement entre indépendantistes et loyalistes. Il y a quelque chose qui ressemble aux faits d’armes africains ici avec des 4x4 remplis d’hommes, debouts sur la plate-forme arrière, qui chargent les blindés. Les assaillants s’éparpillent dans les bois lorsque les forces armées (la gendarmerie) se mettent à tirer (balles réelles).

Dans le centre-ville huppé de Nouméa les Blancs vaquent tranquillement à leurs occupations. Ambiance étrange, un peu coloniale quand même. Lancelot relate un fait divers sanglant où un couple de salariés de la mine, qui a dû évacuer le site hier, s’est fait violemment agressé, la femme le visage détruit par une pierre, le mari tabassé, et la voiture volée. L’hôtel de Lancelot reloge une bonne partie de ces salariés exfiltrés. Vale sera facturé.


Malgré cette effervescence, je me sens tranquille et apaisé ici. De la loggia je vois le port, au fond une chaîne de montagnes qui me rappelle celle des Pyrénées-Atlantiques. Le temps est lourd, la température est pratiquement la même de jour comme de nuit, parfois il pleut, brièvement, violemment, alors il fait frais. Pour dormir il faut tout de même la climatisation.

Je me repose dans la journée, parfois nous allons au restaurant avec Lancelot. Il me parle de ses affaires qui marchent bien, je m’aperçois qu’il est très efficace dans les situations sociales déstructurées et même dans les situations sociales violentes. Il a un sens des opportunités commerciales qui m’impressionne. 

Il a progressé sur un chemin difficile ici mais maintenant il s’est imposé dans la société calédonienne. Par son inventivité commerciale, par sa force de travail et par sa capacité à gérer des femmes et des hommes. Parti de rien, arrivé il y a 5 ou 6 ans avec son seul sac au dos. Impressionnant parcours que le sien.

Il marcha ainsi sur les traces de son père, moi. En lui racontant mon errance en Europe et au Moyen Orient je ne pensais pas qu’il prendrait un jour la relève. Sauf que lui c’est le tour du monde qu’il a fait, deux fois. Je n’ai pas encore osé lui demander comment il a survécu, notamment en Amérique latine.

Je n’ai plus rien à lui apprendre et si je peux encore lui transmettre quelque chose c’est l’amour que Jacqueline et moi avons développé pour lui dès sa naissance. La nuit même où je fis l’amour à ta mère Lancelot c’est à toi que je pensai : je voulais de toutes mes forces t’engendrer.

Mes fils ont appris de moi en me regardant agir beaucoup plus qu’en m’écoutant. Sans le savoir j'ai éduqué mes enfants par mes actes. Et mes paroles se sont envolées sans qu’ils s’y attachent.

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  • 2 semaines après...
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Annalevine Membre 3 528 messages
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20 décembre 2020

Le séjour dans l’île des Pins est dépaysant.

Arrivée lundi 14 décembre et prise de possession du bungalow. Je ne m’attendais pas à ce confort. Ces bungalows sont de vrais appartements, vastes, épars dans un parc dont la végétation tropicale m’est totalement inconnue. Je distingue tout de même les flamboyants et les cocotiers mais je me parviens pas à nommer les autres végétaux. Bien sûr aucun feuillu sur l’île.

Lancelot, accompagné de son amie, Maeva, belle jeune femme blonde et grande, nous emmène l’après-midi dans un café où nous ne rencontrons que des kanaks. Ils sortent d’une réunion annuelle réunissant tous les chefs de tribus.

Lancelot les connaît. Heureusement car l’accueil est rude. Un jeune kanak me défie du regard, je perçois en lui une violence vive. Il se calme en comprenant que je suis le père de Lancelot, il me broie la main, je résiste, broie la sienne et rive mon regard au sien. Je me rends compte qu’il y a une réelle fracture entre les kanaks et les blancs. Il y a quelque chose de sauvage dans cette confrontation.

Nous nous asseyons, un autre chef kanak s’assoit d’autorité à notre table et converse avec Lancelot. Manifestement notre fils a su établir un contact avec la chefferie de l’île. Je tente de dialoguer avec ce chef, Jacques, et je m’aperçois que c’est impossible. Il n’est pas intéressé par une discussion rationnelle. Il est dans un rapport exclusivement affectif où alternent sympathie et méfiance. Il sort des allusions assez lourdes à l’adresse de Maeva. C’est déroutant. Je choisis de me taire. Je l’écoute. Il n’ y a pas de fil logique dans sa discussion.

Le lendemain, le mardi 15, nous partons en « croisière » sur un petit bateau conduit par un jeune kanak affable et souriant : Jérémie. Il porte un curieux chapeau composé d’un bonnet et d’une écharpe d’où émergent de longues tresses noires et torsadées. Je le trouve beau.

Nous sillonnons le lagon. Nous sommes trois familles en comptant la nôtre. Une famille a quatre jeunes enfants appelés Napoléon, Marc-Antoine, Octave et Lysandre. Quand les parents appellent « Napoléon » cela fait son effet. Il semble que ce soit une famille de militaires, les parents ont 35 ans, voire un peu plus. La mère, à un moment, me laisse son enfant afin de pouvoir nager dans le lagon. L’enfant s’appuie sur mon ventre et s’endort. Il restera là pendant plus d’une heure. L’apaisement du petit, contre moi, m’apaise à mon tour.

Nous voyons des raies et des tortues. Les jeunes plongent. Lancelot remonte au ras de l’eau en tenant une tortue.

Nous nous arrêtons sur des îlots. Le lagon est découpé en franges de couleurs vertes nuancées. Au loin je vois se fracasser les vagues du Pacifique contre le corail. L’écume qui monte à l’horizon a quelque chose de menaçant.

Nous faisons escale sur l’îlot Brosse où nous déjeunons. Puis Jérémie nous montre comment décortiquer une noix de coco. Arracher la bourre en utilisant un pieu avant d’arriver à la coque. Couper cette dernière en deux avec un coupe-coupe utilisé avec son fil puis avec son revers, petits chocs successifs sur le bois. Nous buvons l’eau fraîche du fruit puis Jérémie râpe l’amande blanche. Il faut alors presser dans la main le râpé pour obtenir le lait.

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Annalevine Membre 3 528 messages
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22 décembre 2020


Le mercredi 16 décembre, le matin, nous découvrons la piscine naturelle qui donne sur la baie d’Oro. Elle en est séparée par une barrière rocheuse sur laquelle l’océan vient se précipiter. A marée haute l’océan passe par-dessus la barrière et induit un courant parfois fort dans le vaste plan d’eau, la piscine, qui se trouve derrière.

C’est marée haute, nous traversons à pied le plan d’eau dont le niveau nous arrive jusqu’à la taille. Le courant est modéré et ne nous déstabilise pas. En se rapprochant de la barrière rocheuse nous voyons des nuages d’écume monter vers le ciel. Par un curieux effet de perspective nous pouvons voir les vagues du Pacifique, au-delà de la barrière, la surplomber de telle manière qu’il nous semble qu’elles vont déferler sur nous.

Il y a des poissons inconnus pour moi qui nagent autour de nous. J’aperçois un poisson perroquet avec ses belles couleurs bleues.


L’après-midi Lancelot me ramène visiter la vanilleraie. Il faut vraiment connaître sa localisation. Nous prenons un chemin forestier qui s’arrête sur une plage envasée. À droite un autre chemin creusé de fondrières et soudain à gauche une pancarte sur laquelle est écrit à la main : vanilleraie. Avant de tourner à droite il y a un petit étal, une planche sur quatre piquets avec un petit toit d’herbes sèches où sont proposées à la vente des noix de coco. Personne derrière l’étal. Chacun se sert et doit mettre dans une théière 200 francs. La confiance règne.

Il n’ y a personne dans la vanilleraie, juste une petite maison en pierre et un écriteau qui informe que la visite coûte 200 francs (Pacifique). Je dois mettre l’argent dans la fente d’une boite aux lettres. Pour convertir les francs en euros Lancelot divise par cent puis ôte 20 %. Donc 200 francs Pacifique ça fait à peu près 1,6 euro. Quand je regarde mes relevés de carte bleue il appert qu’il vaut mieux que je retire 10 % plutôt que 20 %.

Cette vanilleraie a un côté éminemment intimiste. Quelques anciens troncs d’arbres coupés à hauteur d’homme servent de tuteurs à des plants de vanille. Chaque plant s’enroule autour du bois. Des gousses pendent aux lianes, semblables à des haricots verts. Les plants sont éparpillés de manière aléatoire sous des cocotiers.

Il y a aussi, en guise de décoration, des plantes munies d’un magnifique feuillage rouge-orange. Je rame pour en connaître le nom. Je fais une recherche sur Google à partir de la photo et je tombe sur un jardin botanique de la Barbade. Il y a bien la plante en question mais pas le nom. Il y a un mail, au nom de Sandra. J’écris à Sandra. Il est 4 heures du matin chez elle. Elle me répond dans les cinq minutes, j’obtiens le nom : Aechmea blanchetiana, il s’agit d’un Bromelia (Broméliacées) originaire du Brésil. La Nouvelle Calédonie a une flore unique qui lui est propre. Pourtant la vanille vient du Mexique et le bromelia vient du Brésil.


Il y a des pancartes explicatives accrochées à des panneaux. La vanille est partie du Mexique pour l’Espagne, ça date des conquistadors. De là les plants furent acheminés vers Madagascar, puis direction la Réunion, et enfin la Nouvelle Calédonie. Problème : la plante (hermaphrodite) fleurissait mais ne fructifiait pas. Pourtant au Mexique il y avait bien des fruits, les Aztèques les utilisaient pour parfumer et adoucir une boisson faite de caco et de piment. Mais voilà au Mexique il existait une abeille, l’abeille Mélipone, qui pratiquait la fécondation du stigmate de la fleur (partie femelle) par sa partie mâle (productrice de pollen). Hors du Mexique plus de Mélipone. Plus de fruits. La partie mâle et la partie femelle de la fleur restaient séparées par une membrane, le rostellum sans que personne ne comprit qu’il fallait la franchir. Ce fut un jeune esclave réunionnais Edmond Albius, qui, en 1841, à l’âge de 12 ans, découvrit comment féconder manuellement la fleur. On raconte qu’un jour, en colère contre son maître, il froissa une fleur dans sa main et que peu après un fruit apparut.

Il y a aussi des pancartes qui nous décrivent deux types d’escargots, deux fois plus gros que les nôtres : le Bulime, comestible, et l’Achatina, toxique. Le Bulime est apprécié des gourmets ici.

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Annalevine Membre 3 528 messages
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26 décembre 2020


Je ne regarde plus guère la télévision ici. Je m’allonge, je laisse mes pensées errer. C’est une sarabande d’idées et d’impressions. J’ai le sentiment de pouvoir rester ainsi, immobile, à voyager dans un monde où ne cessent de s’associer dans des combinaisons nouvelles des images prélevées dans les souvenirs.

Tout de même je me tiens au courant des nouvelles, en regardant les actualités de Google. Le Forum aussi se fait l’écho de faits divers détonants. Je lis les commentaires des uns et des autres. C’est un écho lointain de la France.

Hier soir à partir de mon smartphone, je me suis branché sur les chaînes d’info continue. J’ai retrouvé cette ambiance si particulière, propre à la France. Une hystérie permanente, où sont ressassés sans cesse les mêmes thèmes : les musulmans s’apprêtent à nous submerger, la pandémie n’existe pas, les vaccins sont fabriqués pour nous intoxiquer (les tests aussi), etc. Je n’ai pas tardé à me débrancher.

 

Noa pour sa part est satisfaite du confinement. Elle peut étudier seule le droit, sans être importunée, il semble que les garçons la fatiguent en ce moment, mais elle fait tout de même de belles rencontres, surtout depuis qu’elle est partie d’Assas pour intégrer la Sorbonne. L’ambiance n’y est pas la même, ni les mentalités. Elle a hâte de pouvoir plaider, défendre la veuve et l’orphelin, c’est bien la petite guerrière, âgée de 4 ans et demi qui m’accompagnait jadis dans le parc de Méry-sur-Oise, courant dans tous les sens, allant jusqu’à me semer au milieu d’une forêt de grands thuyas dans laquelle nous pensions que, la nuit, les sorcières venaient y faire leur sabbat.

Hier soir, en vidéo et en direct nous avons vu nos petites filles, Athena et Luna, bientôt deux ans, découvrir les jouets que notre fils leur a achetés. La mère, Monica, est souriante et belle, elle parle en anglais avec Lancelot. Londres aussi est en confinement. Lancelot espère pouvoir aller là-bas en mars 2021. Derrière Monica je vois apparaître sa mère, dame âgée, l’Ancienne de cette famille d’origine indienne. Elle se tient en arrière, discrète, vêtue d’une longue robe blanche qui lui descend jusqu’aux chevilles.


Les nouvelles de Moscou sont bonnes. Samuel a fini par voir la conjonction Jupiter-Saturne, il y a quelques jours, grâce à l’équipement digne d’un astro-physicien dont dispose l’un de ses amis, Evgueni. Malgré les nuages il a pu déceler la fameuse conjonction. C’était important pour lui depuis qu’il pense que j’habite Jupiter, à partir de laquelle planète je le regarde et je le reconnais.

 

Paula m’envoie un message plein de tendresse à partir de Milwaukee. Je lui réponds que nous espérons pouvoir enfin aller aux USA l’année prochaine.


Jacqueline discute avec Israël. Une cousine est heureuse de la possibilité ouverte maintenant de voyager au Maroc avec un passeport israélien. Mais elle fait remarquer qu’elle n’y a plus de famille. Jacqueline se demande si nous ne devrions pas émigrer en Israël. Cette perspective ne m’enchante pas. Monica nous a demandé si nous allions nous installer en Nouvelle Calédonie. J’hésite à lui répondre. En fait je ne vois pas quel pays pourrait bien être le mien.

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Annalevine Membre 3 528 messages
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27 décembre 2020


Le 16 décembre Lancelot nous fait visiter la grotte de la reine Hortense. Cette grotte est monumentale, avec une voûte élevée d’où descendent des stalactites imposantes. C’est humide, c’est sombre, je ne parviens à marcher que sous la lumière envoyée par le smartphone de mon fils. Des racines de banians, qui poussent au-dessus, traversent la voûte et descendent jusqu’au sol d’où sourd une humidité permanente. Pour atteindre la grotte, sur un centaine de mètres, nous traversons une jungle végétale d’où émergent des plantes aux fleurs vives. Je reconnais l’Oiseau du Paradis (strelitzia reginae).

Je n’ose pas dire que je ne vois pas ce que vient faire la reine Hortense dans ce lieu reculé de l’Île des Pins. De retour à la chambre d’hôtel je consulte wiki et j’apprends que la reine Hortense est une héroïne kanak qui résista jadis, dans les années 1870, aux autorités françaises. Elle s’opposa à la venue massive de déportés français et leur captation de terres kanak. La légende affirme qu’elle se cacha dans la grotte. Au fond de celle-ci je peux distinguer, dans la hauteur de la roche, une couche en pierre. J’imagine qu’elle dormit là. C’est impressionnant. J’apprends aussi que kanak est un mot invariable.

 

Le lendemain, jeudi 17 décembre, le matin, balade à bord d’une pirogue à balancier. Nous allons de l’hôtel à la plage dans un petit bus (Lancelot a rendu la veille la voiture de location). Le kanak qui conduit a un type physique différent de la majorité ethnique de l’île. Fin, mince, les cheveux tressés comme ceux de Jérémie, lui aussi d’un type physique gracile. Le conducteur va lentement, sa douceur de conduite m’étonne. Il écoute une musique douce, locale.

Longue traversée aller et retour de la baie d’Upi. Photos. Les cocotiers bien sûr mais aussi ces étranges pins colonnaires, Araucaria Columnaris, pin éponyme de l’île. Ces arbres sont souvent penchés, il paraît qu’ils pencheraient vers l’équateur. Il y a des îlots en pierre un peu partout, coiffés d’une maigre végétation, des broussailles. Je ne sais quelle application trouve le nom de l’un des ces rochers : l’île Koutoumole Kouto et l’indique en haut du cliché.

 

La grotte de la reine Hortense.

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Aechmea blanchetiana

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Annalevine Membre 3 528 messages
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Mardi 5 janvier 2021

Après notre retour à Nouméa Lancelot, à bord de son pick-up nous fait traverser la Grande Terre du sud vers le nord jusqu’à Poum et l’hôtel Malabou où nous arrivons le dimanche 20 décembre. Nous sommes sur le territoire des indépendantistes. Nous franchissons des barrages, plutôt souples, érigés à la manière des barrages des Gilets Jaunes en France. Des pneus au milieu des routes, des carrefours où des kanak se restaurent tranquillement sous des abris légers. Signes de main sympathiques, nous passons. De petits étals aussi où des paysans vendent des ananas, des mangues, des noix de coco.

Les villes que nous traversons, notamment Koné, sont bâties sur le même modèle : une grande mairie, des bâtiments administratifs, une église, une école, une grande pharmacie, une maison de la santé, l’agence de l’OPT, (poste et télécommunications), un petit centre commercial et assez peu d’habitations. Les kanak vivent dans les bois, dans de petites constructions de simple rez-de-chaussée, avec une couverture en tôle. De toute façon en Nouvelle-Calédonie toutes les couvertures sont métalliques, pas de tuiles.

Les paysages sont assez sauvages, nous avons l’impression que personne n’habite ces territoires, les kanak vivent hors du regard des itinérants.

Nous longeons une chaîne de montagnes, de faible altitude, il y a un peu partout des saignées rouges, ce sont les exploitations du nickel. Vers le nord les paysages deviennent secs, il y a un manque d’eau. La nuit l’eau est coupée dans l’hôtel.

Nous occupons un petit bungalow face au lagon. Le site est agréable, et malgré l’isolement nous disposons d’un équipement en wi-fi performant. Nous allons rester là quelques jours, à nous reposer.

Il y a des chevaux sauvages qui apparaissent parfois entre les bungalows. Il y a des flamboyants étonnants (delonix regia), et, bien sûr, des cocotiers et des pins colonnaires.

Le lendemain, 21 décembre, je tente de repérer la conjonction Jupiter-Saturne. Trop de nuages. Il faut que je scrute le ciel au couchant me dit-on, c’est-à-dire qu’il faut que je regarde le ciel à l’ouest.

Je tente le coup le jour d’après, le 22 décembre, qui correspond au 21 décembre en France.

Je regarde vers le couchant, à 19 heures, le soleil a disparu depuis près d’une demi-heure, le ciel est suffisamment sombre pour distinguer les étoiles. Il y a encore des nuages mais effilochés dans la voûte. Soudain je vois Jupiter.

Cette planète provoque chaque fois une émotion puissante en moi. Je la vois vivre. Sa irradiance est intense (magnitude : -2,9). A chaque fois que je la vois je pense à Samuel qui pense que, de là haut, je veille sur lui. Ça m’impressionne de savoir que l’enfant se sent bien quand il voit Jupiter. Je me dis : même quand je serai mort, toujours Jupiter veillera sur lui.

Mais à peine Jupiter est-elle apparue qu’elle disparaît sous un nuage. Je désespère de la revoir, je suis sur une passerelle qui joint le rivage à un petit îlot rocheux. Je m’apprête à partir, Lancelot me rejoint. Je regarde avec lui le ciel et là, soudain, le nuage se retire, et je vois à nouveau Jupiter. Et à côté, tout proche, je vois Saturne. Je suis scotché et je m’aperçois que Lancelot aussi est impressionné.

Nous retournons vers le restaurant et là quand je me retourne vers le ciel alors il n’ y a plus de nuage, et la conjonction est en train de s’accomplir, dans un ciel pur. Je m’enthousiasme, une jeune kanak répond à mon émerveillement, elle prend des photos, elle veut montrer ça à ses enfants. Les Blancs, assis là, occupés à dîner, restent indifférents.


 

Un flamboyant
 

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Le lagon, les pins, les cocotiers, les bungalows (jaune) que l'on devine.

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Membre, claniste, 107ans Posté(e)
cry baby Membre 44 061 messages
107ans‚ claniste,
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c'est très beau et interessant! merci pour ce voyage "en dehors du temps"

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Membre, 153ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
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Le 07/12/2020 à 01:10, Ambre Agorn a dit :

Encore une fois je me suis mal exprimée!

J'ai remarqué un certain décalage dans tout échange sur le forum ou même sur d'autres plateformes d'échanges virtuels. Il y a un décalage dû au fait que deux (ou plusieurs) personnes conversent, ou semblent converser, alors qu'elles se trouvent toutes les deux dans deux contextes différents.

Quand je me relis, 24 à 48h après ce que j'ai posté, je me trouve dans un état différent du moment où j'ai écrit ce que j'ai publié, et j'ai une vision différente de ce que j'ai écrit. Je m'aperçois que j'ai écrit quelque chose qui, dans un contexte particulier (qui englobe mon vécu, mon entourage, mes conversations, mes choix, etc.), avait une résonance particulière et j'ai été étonnée quand j'ai lu votre réponse. Mais en réalité, c'est tout à fait logique, parce que je heurte votre contexte et ce que je dis ne peut pas forcément s'inscrire dans ce que vous vivez.

Alors vous vous sentez agressé, parce que ce que j'écris heurte l'équilibre que vous créez dans votre contexte. Il y avait dans mon cœur aucune volonté de vous blesser en quoi que ce soit, mais sans doute une mauvais e définition de ce que je voulais dire exactement, de ce que je voulais transmettre malgré le décalage que je sens.

Voulez-vous que je me retire de ce fil, voulez-vous communiquer ou préférez-vous juste sentir ma présence sans pour autant vous la signifier? Ou préférez-vous ne pas sentir ma présence?

En tout cas je vous souhaite de vivre ce que vous souhaitez vivre

Je viens seulement de vous lire.

Sur le forum je suis, dans certaines relations, dans une disposition d’hypersensibilité.

Cela explique que j’ai tendance à vous repousser. 
 

Je ne devrais pas être aussi réactif à vos critiques. 

A propos du navire je ne le quitte pas puisque je serai de retour en France fin janvier. Retour vers l’enfer. Quand je parle d’enfer ce n’est pas seulement du virus auquel je pense, c’est à la mentalité générale qui prévaut là-bas que je pense. 

Cette évasion temporaire en Océanie m’aura permis de retrouver mes marques. 

Vous voyez : je me justifie par rapport à vous. Ce qui est étrange. 

J’aime vous savoir présente. Mais je pense que votre personnalité interfère avec des personnages féminins en moi, qui préexistent à vous. Vous prenez place dans une structure vivante, en moi, feminine, et quand vous m’écrivez vous vous mouvez en moi et cela me fait réagir de manière excessive.

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Membre, 153ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
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Lundi 11 janvier 2021


Nous déjeunons le 22 décembre au relais Pongam, à l’extrême nord de la Grand Terre, puis le 23 décembre, le matin, nous repartons vers Nouméa.

Arrêt le midi au restaurant Koniambo, à Koné. En face du restaurant il y a un petit aérodrome ou nous attend Yannick un ancien pilote, à la retraite, de la compagnie Aircalin : Jacqueline, puis moi-même, nous ferons un tour avec lui au-dessus de la région, dans un ULM, un petit avion en fait.

Magnifiques vues de là-haut, dont un vaste cœur, le cœur de Voh, clairière dessinée dans une mandragore.

Le 24 décembre, au soir, Lancelot nous conduit chez ses amis pour le réveillon. Il y a là un Vietnamien, âgé de 75 ans, sa fille, Isabelle, l’ami de celle-ci, Fred, 51 ans, un homme dégingandé, la cinquantaine dont je ne me rappelle pas le prénom, et deux jeunes kanaks, indépendantistes. Et bien sûr Lancelot, son amie, et nous deux.

Pendant cette soirée je m’entretiendrai surtout avec le Vietnamien. Son histoire m’étonne. Son père travaillait dans les mines de nickel pendant la guerre dans des conditions manifestement difficiles, employé par les colons, exploité plutôt qu’employé. A la fin des années 40 au lieu de revenir au Vietnam qui était alors une colonie française (les colons s’alimentaient en main d’œuvre en Asie pour exploiter les mines) son père ouvrit un petit commerce, puis, de fil en aiguille, la famille prospéra, pour maintenant tenir le haut du pavé.

Les jours suivants nous nous reposons. Lancelot nous fait découvrir le parc naturel de Ouen Toro, sur les hauteurs de Nouméa. Il y a là des espèces endémiques végétales très anciennes et protégées, le dodonéa, le santal, le polyscias nothisii, la phyllanthus deplanchei, le houx calédonien. Mais comme il n’ y a pas de pancartes je suis bien incapable de les distinguer. Le santal de toutes façons, dans ce parc, il n’ y en a pas.

Le 1 janvier, la nuit, réveillon en tête à tête, Jacqueline et moi. Le jour, Maeva, l’amie de Lancelot, m’offre deux livres sur la Nouvelle Calédonie : « le Réveil kanak, la montée du nationalisme en Nouvelle-Calédonie » de David Chapell, chez UNC, et « la Nouvelle-Calédonie, vers un destin commun ? » sous la direction de Elsa Faugère et Isabelle Merle, chez Karthala.

Récits passionnants. L’histoire de la Nouvelle Calédonie est complexe. Je comprends mieux la stratégie actuelle des indépendantistes.

Je découvre en passant la statut de l’indigénat. Je n’avais pas du tout percuté que les Français, dans les colonies, avaient dissocié la nationalité de la citoyenneté. Je ne ’ n’imaginais même pas qu’une telle dissociation fut possible. Les « indigènes » avaient la nationalité française (ils avaient le « droit » d’être mobilisés) mais ils n’avaient pas la citoyenneté : pas de droit de vote bien sûr, mais pas non plus le bénéfice du code civil français. Si un indigène revendiquait la citoyenneté française il fallait qu’il renonce à ses us et coutumes.

Cette dissociation me rend curieux de la situation en Israël. Et là je découvre qu’il y a plusieurs nationalités en Israël, juive, arabe, druze, bédouine, etc. mais une seule citoyenneté. C’est une dissociation à l’envers. Israël est l’État nation du peuple juif. Pas du peuple arabe donc. Je me demande quelles sont les conséquences locales de cette curieuse dissociation.


 

Le cœur de Voh
 

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L'océan, le lagon (bordé par les vagues) le "trou" d'eau bleu dans le lagon.

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Un arbre, non identifié, du parc.

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Annalevine Membre 3 528 messages
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15 janvier 2021

 

Sur la baie des Citrons, petites remarques émises par une jeune kanak (18 ans) :

Vous les Blancs vous êtes bien compliqués, il vous faut un lit avec un sommier, un matelas, des draps, nous on étend la natte et on dort dessus, ça nous suffit.

L’eau de pluie nous la recueillons et nous la buvons, nous n’avons pas besoin de vos bouteilles d’eau, ni de l’eau du robinet.

Vous avez des métiers dont nous n’avons pas besoin. Il vous faut des juges, des avocats, des magistrats, nous c’est la coutume qui décide.

Chez nous il y a ceux qui cultivent et ceux qui chassent ou qui pêchent. Nous n’avons pas besoin d’aller dans vos supermarchés.


Elle continuait ainsi d’égrener les différences culturelles entre Blancs et Kanak. Je pensais à la situation privilégiée de la Nouvelle-Calédonie qui permet à ses habitants d’avoir pratiquement toujours du soleil et des températures qui ne descendent pas sous les 14 degrés en hiver. Je pensais aussi à la variété de leurs fruits : goyave, corossol, papaye, noix de coco, avocat, litchis, fruit de la passion...A la richesse de leur faune : daim, poissons, crustacés… A leur organisation en tribus, à leur possession collective de la terre…


Et je me suis dit que, dans le conflit actuel entre indépendantistes et loyalistes, à propos de la prise de possession des usines de nickel du Sud, les premiers avaient pour eux cet atout majeur en cas de crise économique ou politique : ils peuvent se replier sur leurs terres et leurs richesses naturelles...

Leur seul point faible, dans l’immédiat : la santé. Ils dépendent trop des Blancs dans ce secteur-là.


 


 

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Annalevine Membre 3 528 messages
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Vendredi 22 janvier 2021

Il est 8 h 41, heure locale, je suis en transit à l’aéroport de Tokyo, Narita. Je suis parti de Nouméa, aéroport la Tontouta ce même jour, 22 janvier, à 00h 55, heure locale (il y a deux heures de plus à Nouméa par rapport à Tokyo).

Grâce à Lancelot j’ai pu voyager en classe hibiscus dans l’avion affrété par Aircalin pour aller de Nouméa à Tokyo. Il est vrai que, grâce à lui, le directeur d’Aircalin peut remplir quelques-uns de ses avions. J’ai pu me décontracter et même dormir si bien que je n’ai pas vu passer les 9h05 de voyage.

Je reste toujours envahi par des émotions puissantes, fortes, profondes.

Quand j’eus passé les contrôles de l’embarquement, à la Tontouta, je montai d’un étage. Je dus traverser une passerelle couverte avant d’aller à la salle d’attente.

En traversant cette passerelle je jetai un coup d’œil sur l’étage, au dessous. Je vis Lancelot, seul, qui me regardait passer. Il me fit un geste de la main, je lui répondis. J’allai mon chemin, puis je me retournai une deuxième fois, je lui fis un signe, il me fit un signe. Et ce fut tout, je disparus à ses yeux.

C’est plus tard dans l’avion que je ressentis une émotion submersive en pensant à ces signes. Je me souvins de lui, enfant, quand il me regardait avec ses grands yeux noirs. Il y avait chez lui une attente et une crainte. Le lien affectif qui me lie à lui est terriblement puissant.

Je pleurai dans mon sommeil. A l’idée de le laisser seul. Comme si, bien qu’il fut désormais indépendant, sûr de lui, capable de traverser sans faillir la vie et ses violences, je craignais pour lui. Les évolutions sociales en Nouvelle-Calédonie sont inquiétantes.

Je vole vers un pays, la France, où tout va mal. Le risque d’y mourir est désormais accru. En partant j’angoissais en pensant à ma propre mort, maintenant j’angoisse à l’idée de laisser seul Lancelot.

 

 

Il est 19 heures, heure locale à Paris. Je suis enfin arrivé chez moi. Deux mois d’absence. La maison est intacte, la voiture roule. Être seul dans la maison me la rend moins accueillante.

L’avion d’Air France est parti de Tokyo avec une heure de retard, à 11h55 (problème électrique). J’étais en classe éco mais il y avait peu de passagers. J’ai pu m’approprier toute une rangée centrale, quatre sièges, et m’allonger. Impossible de dormir pourtant.

Arrivée à Paris à 16h05, heure locale, toujours le 22 janvier. Près de 12 heures de voyage pour un décalage horaire de seulement 4 heures (un peu plus).

A Paris tous ceux qui viennent de Nouméa sont considérés personnes à risque ! Alors que le virus ne circule pas en Nouvelle-Calédonie. Mais les Français ne le savent pas, certains restent ébahis quand je leur dis que la Nouvelle-Calédonie est un territoire français. Nous sommes tous parqués dans un coin. Nous devons subir un prélèvement nasal et attendre le résultat (test antigénique). Bien sûr nous sommes tous négatifs. Nous devrons tous observer un isolement de sept jours chez soi. Une religieuse qui vient de Nouvelle-Calédonie me confie qu’elle a essayé d’obtenir un test PCR à l’hôpital de Nouméa. Elle avait senti venir les problèmes. Mais on lui a refusé ce test au motif que le virus ce circule pas à Nouméa.

 

 

Jacqueline est restée à Nouméa. Elle risque trop à affronter éventuellement le virus. C’est déjà un don du ciel qu’elle soit toujours vivante. Elle récupère là-bas sous le soleil de la Nouvelle-Calédonie.

Je la regardais monter la côte pour aller à l’appartement, son engouement, et sa vivacité à monter, comme une petite fille. Je reste profondément ému en pensant à elle. Sa robe large qui lui descend jusqu’aux chevilles, toute rose, avec des imprimés aux couleurs vives, et ses claquette roses. Elle a retrouvé un sourire d’enfant.

 

 

 

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