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Mers el Kébir - opération "Catapult" (3 juillet 1940)


Gouderien

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Membre, Obsédé textuel, 72ans Posté(e)
Gouderien Membre 34 686 messages
72ans‚ Obsédé textuel,
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J’avais promis de parler de l’affaire de Marcel Kébir… euh, je veux dire de Mers el Kébir, alors voilà. Désolé si c’est un peu long. Ce n’est pas vraiment ce qu’on peut appeler « une histoire simple ». Moi-même, quand j’ai découvert ça encore môme, dans un magazine historique, j’avoue que j’ai eu du mal d’abord à y comprendre quelque chose, et ensuite à y croire. Et quand j’ai vraiment compris de quoi il retournait, j’étais absolument scandalisé.

 

1) Comment est née « Catapult » :

 

En 1939, la France possède l’une des plus belles marines de son histoire ; c’est la 4e flotte du monde, derrière la Grande-Bretagne, les États-Unis et le Japon, et devant l’Italie, l’Allemagne et la Russie. Elle aligne 5 cuirassés anciens (« Paris », « Courbet », « Bretagne », « Lorraine » et « Provence »), 2 croiseurs de bataille modernes (« Dunkerque » et « Strasbourg »), le porte-avions « Béarn » et le transport d’aviation « Commandant-Teste », 19 croiseurs, 32 contre-torpilleurs (dont certains figurent parmi les navires les plus rapides du monde), 45 torpilleurs et enfin 71 sous-marins (parmi lesquels le croiseur sous-marin « Surcouf », le plus grand submersible du monde). Deux grands cuirassés (le « Richelieu » et le « Jean-Bart ») sont en construction ; ils sont conçus pour surpasser les futurs « Bismarck » allemands. Le « Richelieu » est presque achevé. La flotte française est dirigée par l’amiral François Darlan, (1881-1942), qui a œuvré depuis des années pour l’amener à son niveau actuel. En 1941-42, le nom de Darlan sera synonyme de collaboration avec l’Allemagne nazie, avant que, se trouvant par hasard à Alger au moment du débarquement allié du 8 novembre 1942, il ne rallie l’Afrique du Nord aux Anglo-Américains ; après avoir vu l’essentiel de sa « chère flotte » se saborder à Toulon le 27 novembre 1942, il est assassiné la veille de Noël par un militant gaulliste. Mais en 1939 on ne peut pas mette en doute le patriotisme de Darlan, généralement classé au centre-gauche.

Malgré un manque d’aéronavale et de DCA, la flotte française est un outil puissant ; sa mission essentielle en cas de guerre sera de neutraliser la flotte italienne.

Durant les opérations, de septembre 1939 à juin 1940, la flotte subit peu de pertes – juste quelques destroyers et sous-marins. Contrairement à l’armée et à l’aviation, elle est pratiquement intacte. Au moment de négocier l’armistice, il s’agit donc d’un des principaux atouts du gouvernement français. A cette date, le plus gros de la flotte s’est replié sur Mers el Kébir près d’Oran, en Algérie. Une escadre se trouve à Alexandrie, en Égypte. Le reste est disséminé entre l’Angleterre (notamment les vieux cuirassés « Paris » et « Courbet » et le grand sous-marin « Surcouf ») et diverses bases coloniales. Par exemple, le « Richelieu » a réussi à gagner Dakar, tandis que le « Jean-Bart » est au Maroc. Le gouvernement Pétain a fait de la sauvegarde de la flotte une condition sine-qua-non de la signature de l’armistice. Les Allemands demandent d’abord que les navires français regagnent les ports de la métropole, mais devant le refus des négociateurs français, ils acceptent finalement que ces bâtiments soient désarmés dans des ports de l’Empire, sous le contrôle d’inspecteurs allemands et italiens. Quand l’ambassadeur britannique en France, Ronald Campbell, lit le texte de l’armistice, il s’alarme de ce « contrôle » : le mot « control » possède en fait un sens beaucoup plus fort en anglais qu’en français (on lit dans un dictionnaire américain : « Control : To exercise restraint or direction over ; dominate ; command). Refusant d’en entendre plus et craignant même d’être arrêté, l’ambassadeur quitte précipitamment Bordeaux – où se trouve encore le gouvernement français – pour regagner son pays, coupant ainsi les communications entre la France et la Grande-Bretagne.

Mais dès le 28 juin – trois jours à peine après l’entrée en vigueur de l’armistice – Winston Churchill ordonne à l'Amirauté britannique de préparer l'opération "Catapult", qui a pour objet la saisie ou la destruction de tous les navires français se trouvant dans un port quelconque, hormis ceux de la France métropolitaine.

Il est difficile de nier que Churchill, toute sa vie, a été un ami de la France. Mais après la défaite de 1940, on a l’impression d’avoir affaire à un amoureux déçu. Il s’en explique d’ailleurs lui-même dans ses « Mémoires ». En 1933, après l’arrivée au pouvoir de Hitler en Allemagne, il s’écriait : « Merci mon Dieu pour l’armée française ». Churchill avait fait la guerre de 1914-1918, à la fois comme membre du gouvernement de Sa majesté, et comme simple officier sur le front. Il en avait gardé un profond respect pour l’armée française. Membre de l’opposition depuis des années, il est appelé par Chamberlain le 3 septembre 1939, pour devenir Premier lord de l’Amirauté – l’équivalent du ministre de la Marine en France. Le 10 mai 1940, le jour même où démarre l’offensive allemande à l’Ouest, Churchill remplace Chamberlain en tant que Premier ministre. Dès le matin, les armées française et britannique pénètrent en Belgique, comme cela avait été prévu depuis longtemps, pour venir en aide à ce pays agressé par le IIIe Reich : c’est ce qu’on appelle la « manœuvre Dyle ». Churchill est confiant dans la bataille à venir… mais cette confiance ne va pas durer longtemps.

Dans le volume 3 de ses Mémoires, Churchill rapporte qu'il fut réveillé le 15 mai 1940 à 7 h 30 du matin par un coup de téléphone d'un Paul Reynaud – le président du Conseil français - "fort ému". Voici le récit de cette étonnante conversation :

"- Nous sommes battus, me dit-il.

Comme je ne répondais pas immédiatement, il répéta :

- Nous sommes battus, nous avons perdu la bataille.

- Cela n'a certainement pas pu arriver si vite, répondis-je.

Mais il reprit :

- Le front est percé près de Sedan, ils passent en masse avec des chars et des voitures blindées. (Tel était le sens de ses paroles sinon les termes mêmes qu'il employa.)

Je déclarai alors :

- L'expérience a montré qu'au bout d'un certain temps une offensive s'éteint d'elle-même. Je me souviens du 21 mars 1918. Dans cinq ou six jours, ils seront obligés de s'arrêter pour attendre leur ravitaillement, et ce sera alors le moment de la contre-attaque. J'ai appris cela dans le temps, de la bouche même du maréchal Foch.

Sans aucun doute, c'était bien ce que nous avions toujours vu dans le passé et ce que nous aurions dû revoir à présent. Néanmoins, le président du Conseil revint à la phrase par laquelle il avait commencé, et qui certes ne se trouva que trop véridique : "Nous sommes battus, nous avons perdu la bataille." Je lui dis alors que j'étais prêt à aller causer avec lui."

Le lendemain 16 mai, à 17 h 20, Churchill arrive à Paris en avion, accompagné par les généraux Dill et Ismay. C'est dans une atmosphère de crise et de panique, que se réunit, au Quai d'Orsay, le Conseil suprême interallié. Des fonctionnaires brûlent les archives sur la pelouse du ministère. Faute de mesures de sécurité, "diplomates et journalistes" errent dans les couloirs déserts, sans qu'on leur demande quoi que ce soit.

Gamelin doit avouer à Churchill la catastrophique situation de l'armée française. Le Premier ministre britannique tombe des nues, en entendant le généralissime expliquer dans un silence de mort comment les Allemands ont crevé le front sur une largeur de 90 kilomètres. Churchill demande alors à Gamelin : "Où sont les réserves stratégiques ? Où est la masse de manœuvre ?" Gamelin répond : "Il n'y en a aucune."

"Je restais confondu, écrit Churchill dans ses Mémoires. Que fallait-il donc penser de la grande armée française et de ses plus grands chefs ? Il ne m'était jamais venu à l'esprit qu'un commandant en chef, chargé de défendre 800 kilomètres, pourrait laisser ce front sans une masse de manœuvre. Personne ne peut être certain de défendre avec certitude une ligne aussi longue, mais lorsque l'ennemi s'est lancé dans une grande offensive qui rompt le front, on peut toujours avoir, on doit toujours avoir une masse de divisions qui permette de monter de vigoureuses contre-attaques au moment où la première ardeur de l'offensive ennemie a perdu de son intensité.

Mais alors, à quoi servait la ligne Maginot ? Elle aurait dû permettre une économie de troupes sur une très large portion de frontière, non seulement en offrant de nombreuses poternes pour des contre-attaques locales, mais surtout en donnant la possibilité de garder en réserve des forces importantes. C'est d'ailleurs le seul moyen d'arriver à un tel résultat. Mais à présent il n'y avait pas de réserves. J'avoue que ce fut une des plus grandes surprises de mon existence."

Il ne faut pas chercher ailleurs l’origine de l’opération « Catapult » : Churchill veut punir la France de s’être laissée battre si facilement, et, ce faisant, de ne pas s’être montrée digne de la très haute idée qu’il se faisait d’elle.

2) L’opération :

 

A 2 h 25 du matin le 1er juillet 1940, l'Amirauté britannique donne l'ordre à l'amiral Somerville d'exécuter l'opération "Catapult" : saisie, prise sous contrôle, mise hors de combat définitive ou destruction de tous les navires français pouvant être atteints.

Parmi les officiers de la "Force H" se trouve le capitaine de vaisseau Holland, commandant du plus récent porte-avions britannique, l'"Ark Royal". Cet officier, "brave et distingué" selon Churchill, a jadis été attaché naval à Paris, et il nourrit de fortes sympathies pour la France. En début d'après-midi, Somerville envoie le message suivant à l'Amirauté :

"Après avoir entendu Holland et certains autres officiers, le vice-amiral commandant la "Force H" ne laisse pas d'être impressionné par leur opinion selon laquelle le recours à la force doit être évité à tout prix. Holland estime qu'une action offensive de notre part nous aliénerait les Français où qu'ils se trouvent."

A 18 h 20, l'Amirauté répond sèchement :

"C'est la ferme intention du gouvernement de Sa majesté que si les français n'acceptent aucune de vos propositions, ils doivent être supprimés."

Le lendemain à 16 heures, la "Force H" britannique, comprenant le croiseur de bataille "Hood" portant la marque de l'amiral Somerville, les cuirassés "Valiant" et "Resolution", le porte-avions "Ark Royal", les croiseurs "Arethusa" et "Enterprise", onze destroyers et un sous-marin, quitte Gibraltar et se dirige vers Mers el Kébir...

A 22 h 55, Churchill envoie à Somerville le message suivant :

"Vous êtes chargé de l'une des missions les plus désagréables et les plus difficiles qu'un amiral britannique ait jamais eu à remplir, mais nous avons la plus entière confiance en vous et comptons que vous l'exécuterez rigoureusement."

 

Le lendemain 3 juillet, l’opération "Catapult" est déclenchée : malgré le serment de Darlan que jamais un navire français ne tomberait entre les mains des Allemands, les Anglais s'emparent des bateaux français qui se trouvent dans les ports britanniques, et attaquent ceux qui se sont repliés en Afrique du Nord. Il est à peine nécessaire de préciser qu’aucun de ces navires n’était en quoi que ce soit menacé par les Allemands, ceux-ci n’ayant ni les moyens ni l’intention de s’en prendre à la flotte française, alors que l’armistice venait à peine d’être signé.

Nous avons déjà relaté les événements qui ont conduit à cette agression. Le manque de sang-froid de l'ambassadeur britannique à Bordeaux, sir Ronald Campbell, a joué un rôle important, et néfaste, dans cette affaire. Ronald Campbell a mal compris le texte des conditions de l'armistice, et, refusant d'en entendre plus, a quitté la France, persuadé que les Français allaient livrer leur flotte (il craignait même de se faire arrêter !) L'ambassadeur parti, il n'y avait plus de liaison entre Londres et Bordeaux, et donc plus de moyen de dissiper le malentendu... L'idée d'intervenir contre la flotte française, afin d'éliminer tout risque de voir les Allemands s'en emparer, avait toutefois germé dans l'esprit de Churchill avant que ne s'établisse ce malentendu. Outre l'intérêt stratégique, c'était, pour le Premier ministre britannique, une manière séduisante et typiquement anglaise de "brûler ses vaisseaux" en détruisant ceux des autres. C'était aussi le moyen de prouver au monde que l'Allemagne n'avait pas le monopole de l'énergie, et que l'Angleterre était prête à tout pour sauvegarder sa liberté. Comme je l’ai déjà dit, on peut également se demander si, consciemment ou non, Churchill n'a pas voulu, en ordonnant l'opération "Catapult", punir la France de s'être laissée battre si facilement... Voici ce qu'écrit Churchill à ce sujet dans ses "Mémoires" :

"Le Cabinet de guerre n'hésita pas un seul instant. Ces mêmes ministres qui, la semaine précédente, avaient été de tout cœur aux côtés des Français et leur avaient offert de fondre nos deux nations en une seule, résolurent de prendre toutes les mesures nécessaires. Ce fut une décision odieuse, la plus inhumaine, la plus pénible de toutes celles que j'aie jamais eu à partager. Elle rappelait la destruction de la flotte danoise par Nelson, à Copenhague, en 1801, mais les Français étaient la veille encore nos alliés très chers et nous éprouvions une sincère sympathie pour leur pays qui avait tant souffert. De l'autre côté, notre existence nationale et le salut de notre cause étaient en jeu. C'était une tragédie grecque. Pourtant jamais aucun acte ne fut plus nécessaire à la vie de l'Angleterre et de tout ce qui en dépendait. Je pensai aux paroles prononcées par Danton en 1793 : "Les rois coalisés nous menacent, jetons-leur en défi une tête de roi." L'événement tout entier se situait dans cette perspective-là."

Déroulement de l'opération : nous examinerons successivement le coup de force dans les ports anglais, l'agression de Mers el Kébir, enfin la situation à Alexandrie, à Dakar et aux Antilles.

+ Dans les ports anglais : au cours des journées tragiques de juin, un certain nombre de navires français avaient rallié l'Angleterre pour ne pas tomber aux mains des Allemands. C'est ainsi que le 3 juillet, il y a dans les ports britanniques une quarantaine de bâtiments de guerre, entre autres :

* A Portsmouth, les deux cuirassés anciens "Courbet" et "Paris", le contre-torpilleur "Léopard", 5 torpilleurs, etc.

* A Plymouth, le grand sous-marin "Surcouf", le contre-torpilleur "Triomphant", 3 torpilleurs, etc.

La valeur militaire de tous ces navires n'est pas grande, et la raison pour laquelle les Anglais veulent s'en emparer est surtout la crainte des réactions des équipages français quand ils apprendront l'attaque de Mers el Kébir... Peu avant l'aube, des équipes de marins et de soldats anglais armés s'introduisent par surprise sur les bâtiments français, dont les équipages sont neutralisés puis expulsés. L'opération se passe partout sans incident, sauf sur le "Surcouf", où trois Anglais et un Français sont tués. Inutile de préciser que les navires de commerce français réfugiés en Angleterre ont connu un sort semblable à celui des navires de guerre... Les marins français seront traités à peu près comme des prisonniers de guerre, et internés dans des camps, dans des conditions matérielles et surtout morales très pénibles. Ils seront soumis à une propagande incessante et maladroite pour leur faire rejoindre la France libre, propagande qui, étant donné les circonstances, produira le contraire de l'effet recherché.

+ Malgré son caractère assez odieux, le coup de force contre les navires français en Grande-Bretagne fait figure de prélude bénin, face à l'agression de Mers el Kébir... C'est dans cette rade proche d'Oran, en Algérie, que le gros de la flotte française, l'escadre de l'Atlantique commandée par l'amiral Gensoul, s'était replié en juin. Le 3 juillet, il y a là les deux croiseurs de bataille modernes "Dunkerque" et "Strasbourg", les deux vieux cuirassés "Bretagne" et "Provence", le transport d'aviation "Commandant-Teste", et six grands contre-torpilleurs : le "Tigre", le "Lynx", le "Kersaint", le "Terrible", le "Mogador" et le "Volta". Séparée de l'Europe par toute la largeur de la Méditerranée, l'escadre s'estime à l'abri de toute menace. Conformément aux clauses de l'armistice, le désarmement des navires et la démobilisation des équipages ont commencé. Cette quiétude va être brutalement rompue...

A 6 heures du matin, le destroyer anglais "Foxhound" se présente devant la rade. Deux heures plus tard, et tandis que l'ensemble de la "Force H" apparaît au large, le capitaine de vaisseau Holland, commandant de l'"Ark Royal", remet à l'aide de camp de l'amiral Gensoul un pli cacheté contenant ce qui n'est ni plus ni moins qu'un ultimatum de l'amiral Somerville... Parce que "le gouvernement de Sa Majesté, fort de ses expériences antérieures, estime impossible de croire que l'Allemagne et l'Italie ne s'empareront pas des navires français à tout moment qui leur paraîtra opportun", il demande à ces navires "d'adopter une des attitudes suivantes" :

a) appareiller pour poursuivre la guerre contre les Allemands et les Italiens ;

b) gagner un port britannique avec un équipage réduit ;

c) gagner les Antilles ou les États-Unis pour y être démilitarisés ;

d) se saborder.

"Faute de ce qui précède, conclut l'amiral Somerville, j'ai ordre du gouvernement de Sa Majesté de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour empêcher vos navires de tomber entre des mains allemandes ou italiennes."

Atterré, l'amiral Gensoul prévient aussitôt l'Amirauté française, momentanément transférée à Nérac, de l'ultimatum anglais (dans son télégramme, il omet toutefois - ce qui lui sera beaucoup reproché par la suite - de mentionner la troisième solution : l'envoi de l'escadre dans un port antillais ou américain). A 9 heures, il adresse un message à tous ses bâtiments : "Flotte anglaise étant venue nous poser un ultimatum inacceptable, soyez prêts à répondre à la force par la force."

Toute la journée vont se dérouler des discussions stériles, condamnées d'avance car la marge de manœuvre que Churchill a laissée à Somerville est très étroite... Vers midi, des appareils de l'"Ark Royal" larguent des mines magnétiques devant l'entrée de la rade, ce qui élimine les trois premières solutions... A 15 h 15, le commandant Holland arrive à bord du "Dunkerque", afin d'y rencontrer en personne l'amiral Gensoul. Un instant, l'espoir d'un arrangement à l'amiable apparaît, quand Gensoul révèle aux Anglais les consignes données par Darlan le 24 juin, et suivant lesquelles les navires français devraient être "soit conduits aux États-Unis, soit sabordés, s'il ne pouvait être fait autrement pour les soustraire à l'ennemi." Mais tous les efforts pour éviter le pire seront définitivement anéantis par la réponse de l'Amirauté française à l'amiral Gensoul : "L'amiral de la flotte a donné ordre à toutes les forces françaises en Méditerranée de vous rallier immédiatement". Ce message, intercepté par Londres, provoque aussitôt l'envoi d'un nouvel ordre à Somerville : "Réglez rapidement les choses, sinon vous aurez affaire à des renforts..."

Dès lors, rien ne peut plus empêcher l'inévitable... A 16 h 25, Holland quitte le "Dunkerque", et, à 16 h 55, Somerville ordonne d'ouvrir le feu... Et c'est le carnage. Quand le tir britannique cesse, à peine vingt minutes plus tard, la rade de Mers el Kébir est jonchée d'épaves brûlantes : le "Dunkerque" est gravement endommagé, le "Provence" est échoué, le "Bretagne" a chaviré, entraînant dans la mort 997 officiers et marins ; le contre-torpilleur "Mogador", l'un des navires les plus rapides du monde, a l'arrière arraché. Dans la rade, seul le "Commandant-teste" est intact. Gênés par l'éperon rocheux qui ferme la rade, les cuirassés français, mouillés le long des quais, n'ont pu riposter. Mais le "Strasbourg" et les cinq autres contre-torpilleurs ont réussi à gagner le large. La "Force H" se lance à la poursuite du "Strasbourg", puis, après que ce dernier ait essuyé sans dommage deux attaques aériennes, les Anglais, à court de pétrole, abandonnent la chasse. Unique bâtiment de ligne à n'avoir pas subi de dégâts, le "Strasbourg" atteindra Toulon le lendemain. 

Tandis qu'à Mers el Kébir l'escadre de l'Atlantique panse ses plaies, en France, dès que la nouvelle de l'agression est connue, c'est la stupéfaction et l'indignation. Fou de rage, Darlan voudrait que l'on déclare la guerre à la Grande-Bretagne. A 20 heures, il ordonne à la flotte d'attaquer tous les navires anglais rencontrés. Weygand et Baudouin ont beaucoup de mal à le calmer. A Londres, le chargé d'affaires français, Roger Cambon, élève "une protestation immédiate et formelle" auprès du gouvernement britannique.

+ A Alexandrie, en Égypte, où stationne la "Force X" sous le commandement de l'amiral Godfroy (elle comprend le vieux cuirassé "Lorraine", les croiseurs "Duquesne", "Tourville", "Suffren" et "Dugay-Trouin", 3 torpilleurs et 1 sous-marin), l'amiral britannique sir Andrew Cunningham a reçu des ordres semblables à ceux de Somerville. Cependant, Cunningham est d'une toute autre trempe que son collègue. De sentiments très francophiles, il n'est d'autre part pas le genre d'officier prêt à exécuter sans discuter des ordres qu'il désapprouve totalement.

A 7 heures du matin, il convoque Godfroy à bord du cuirassé "Warspite", et lui expose les quatre propositions du gouvernement anglais... Après une heure de discussion, les deux amiraux tombent d'accord pour se donner vingt-quatre heures de réflexion. Après l'attaque de Mers el Kébir, toutefois, la tension monte entre les deux flottes. Londres télégraphie à Cunningham : "Détruisez immédiatement la flotte française au mouillage", tandis que Godfroy reçoit un message de Darlan qui lui prescrit d'appareiller "coûte que coûte" et de rendre "œil pour œil". A la nuit, cependant, rien d'irréparable n'a été commis.

+ A Dakar se trouve le grand cuirassé "Richelieu", tout juste achevé. Pour les Anglais, c'est une cible de choix, et il est surveillé par le porte-avions "Hermès" et le croiseur lourd "Dorsetshire". Dans la matinée, Churchill envoie à ce dernier navire le télégramme suivant : "Si le "Richelieu" appareille et fait route au nord, suivez-le. S'il se dirige vers les Antilles, mettez tout en œuvre pour le détruire à la torpille et, si vous n'y réussissez pas, abordez-le." Mais le "Richelieu" n'a pas du tout l'intention de quitter Dakar. Quand éclate la nouvelle de l'agression de Mers el Kébir, la défense du port est renforcée.

+ Aux Antilles, enfin, il y a le porte-avions "Béarn" et les croiseurs "Jeanne d'Arc" et "Émile Bertin" - ce dernier venant de transporter, via le Canada, l'or de la Banque de France. Du fait du peu de moyens anglais dans la région et de la crainte de réactions américaines - encore que Roosevelt ait secrètement approuvé l'opération "Catapult" - Churchill se contentera d'ordonner au croiseur léger "Dunedin" de surveiller le trafic français dans les eaux antillaises.

 

Le 4 juillet, devant la Chambre des communes, Churchill prononce un discours dans lequel il revendique hautement la responsabilité de l'opération "Catapult", et affirme qu'elle a été rendue inévitable "par un armistice qui ne pouvait manquer de faire tomber la flotte française au pouvoir des Allemands". Il termine en s'en remettant "au jugement de l'Histoire".

Plus prudent, Halifax déclare, devant la Chambre des lords :

"Nous nous rendons compte de l'amertume que doivent ressentir, hélas ! les Français..."

A Alexandrie, les équipages des navires français se réveillent pour découvrir que les canons des bâtiments anglais sont pointés sur eux. Godfroy en fait la remarque à Cunningham, et aussitôt, les canons anglais sont remis dans l'axe, ce qui détend considérablement l'atmosphère. "Ce serait fou de se battre les uns contre les autres", déclare l'amiral Cunningham, qui se place ainsi en contradiction formelle avec les ordres de Churchill.

A 8 h 30 à Vichy, une réunion a lieu entre Pétain, Laval, Darlan et Baudouin. Darlan envisage des hostilités contre la Grande-Bretagne. Il déclare : "J'ai été trahi par mes frères d'armes. Ils n'ont pas cru à la parole que je leur avais donnée." Comme Baudouin s'écrie : "Mais c'est la guerre avec l'Angleterre", Laval réplique : "Nous avons décidé de répondre par une attaque à l'attaque d'hier." Pétain, cependant, adopte une position plus modérée, déclarant « une défaite suffit ». Finalement, il est seulement convenu "de rendre officielle la rupture des relations diplomatiques qui existe en fait entre l'Angleterre et nous depuis le départ de Sir Ronald Campbell." La mission diplomatique française à Londres sera rappelée.

A dix heures se tient un Conseil des ministres, qui approuve la décision qui vient d'être prise. Toutefois, Darlan réussit à faire accepter le principe de mesures de représailles contre la Grande-Bretagne, entre autres l'arraisonnement des navires de commerce anglais, le bombardement de Gibraltar, voire même une expédition contre une colonie anglaise d'Afrique, et une opération navale franco-italienne pour débloquer l'escadre d'Alexandrie. Au cours de ce même Conseil, Laval lit un projet de loi, rédigé en collaboration avec Alibert, qu'il compte faire adopter par l'Assemblée nationale le 10 juillet. Ce texte ne tend rien moins qu'à abolir la Constitution républicaine de 1875. Le voici dans son intégralité :

"Article unique - l'Assemblée Nationale donne tous pouvoirs au gouvernement de la République, sous la signature et l'autorité du maréchal Pétain, président du Conseil, à l'effet de promulguer par un ou plusieurs actes la nouvelle Constitution de l'État français.

Cette constitution devra garantir les droits du Travail, de la Famille et de la Patrie. Elle sera ratifiée par les Assemblées qu'elle aura créées."

La lecture du projet de loi terminée, Laval quitte le Conseil, et va prendre la parole devant une soixantaine de sénateurs : "Le gouvernement, annonce-t-il, a décidé de ne pas déclarer la guerre à l'Angleterre." Et il ajoute : "Le Parlement doit être dissous. La Constitution doit être réformée. Elle doit s'aligner sur les États totalitaires. L'institution de camps de travail doit être envisagée. Si le Parlement n'y consent pas, c'est l'Allemagne qui nous imposera toutes ces mesures, avec comme conséquence immédiate l'occupation totale de toute la France."

Laval commence ainsi sa grande manœuvre d'intimidation des parlementaires, manœuvre qui, en six jours, va les convaincre d'accepter de voter la mise à mort de cette IIIe République dont ils étaient les gardiens.

Les torpilleurs et les avisos français basés à Oran se replient sur Alger. Au cours de ce déplacement, l'aviso "Rigault de Genouilly" est coulé à 14 h 15 par le sous-marin britannique "Pandora".

A 20 h 10, le "Strasbourg", suivi des contre-torpilleurs "Volta", "Terrible" et "Tigre", entre à Toulon, salué par les ovations de tous les navires présents. Les six croiseurs d'Alger reçoivent l'ordre de l'y rejoindre.

Dans l'après-midi, Laval déclare à l'ambassadeur du Brésil : "Nous ne déclarerons pas la guerre, mais à l'acte d'hostilité de l'Angleterre, nous répondrons par un acte d'hostilité." Afin de mettre tout à fait les choses au point, Paul Baudouin fait, à 21 h 30, une déclaration devant la presse française et étrangère dans laquelle il exprime "la stupeur et l'indignation" du gouvernement français devant l'agression anglaise, mais dément les propos de Laval en disant : "A cet acte inconsidéré d'hostilité, le gouvernement n'a pas répondu par un acte d'hostilité." En définitive, la France n'exercera pas de représailles contre la Grande-Bretagne. Des propositions que Darlan avait réussi à faire adopter par le Conseil du matin, une seule sera finalement retenue : un bombardement symbolique de Gibraltar par l'aviation française.

Enfin, à la Commission d'armistice de Wiesbaden, les Allemands acceptent d'annuler toutes les prescriptions relatives au désarmement des navires de guerre français.

 

Dans la matinée du 5 juillet, la "Force H" regagne Gibraltar. Le rapport de l'amiral Somerville ne donne pas entièrement satisfaction à l'Amirauté britannique, qui juge que le "Dunkerque" n'a pas été sérieusement mis hors de combat, et qui donc ordonne une nouvelle attaque.  Afin d'éviter des pertes inutiles, ce sont les appareils de l'"Ark Royal" qui seront chargés d'achever le croiseur de bataille français.

A Mers el Kébir, où l'on ne se doute pas que ce qui reste de l'escadre française va être l'objet d'une nouvelle agression, ont lieu les obsèques des victimes du 3 juillet.

Trois avions français bombardent Gibraltar. Ce raid, purement symbolique, ne provoque ni victimes ni dégâts.

Enfin, Darlan remplace son ordre du 3 ordonnant à la flotte française d'attaquer tous les navires anglais rencontrés par un avis, plus modéré, indiquant que "tout navire britannique s'approchant à moins de vingt mille nautiques du littoral français s'exposait à être attaqué."

 

Le 6 juillet, des avions de l'"Ark Royal" tentent de torpiller le "Dunkerque" à Mers el Kébir. Le navire de ligne n'est pas directement touché, mais l'explosion des grenades du patrouilleur "Terre Neuve" ouvre une brèche d'une quarantaine de mètres dans sa coque, ce qui l'immobilise pour longtemps. Cette opération ajoute 150 nouvelles victimes à la liste de celles du 3 juillet, ce qui porte le total des marins français tués à Mers el Kébir à 1.297 (47 officiers, 196 sous-officiers, 1.054 matelots).

 

Le lendemain 7 juillet, à Alexandrie : un accord est signé entre les amiraux Godfroy et Cunningham. Le mazout, les culasses des canons et les pointes percutantes des torpilles des navires français seront débarqués. De son côté, l'amiral Cunningham s'engage à ne pas tenter de s'emparer des bâtiments français par la force. En signant cette convention, Godfroy et Cunningham ont montré qu'avec un peu de diplomatie, et surtout en ne tenant pas compte des instructions jusqu'au-boutistes des amirautés, le pire aurait sans doute pu être évité à Mers el Kébir.

Les deux amiraux respecteront strictement cet accord, jusqu'au 17 mai 1943, date à laquelle la "Force X" rejoindra le camp des Alliés.

 

Le 8 juillet, à Londres, de Gaulle prononce un discours à propos de Mers el Kébir : il prend la défense de l’agression britannique… parce qu’il ne peut pas faire autrement :

"Dans la liquidation momentanée de la force française, qui fait suite à la capitulation, un épisode particulièrement cruel a eu lieu le 3 juillet. Je veux parler, on le comprend, de l'affreuse canonnade d'Oran.

 (...)

Je dirai d'abord ceci : il n'est pas un Français qui n'ait appris avec douleur et avec colère que des navires de la flotte française avaient été coulés par nos Alliés. Cette douleur, cette colère viennent du plus profond de nous-mêmes.

Il n'y a aucune raison de composer avec elles ; quant à moi, je les exprime ouvertement. Aussi, m'adressant aux Anglais, je les invite à nous épargner et à s'épargner à eux-mêmes toute représentation de cette odieuse tragédie comme un succès naval direct. Ce serait injuste et déplacé.

 (...)

Ensuite, m'adressant aux Français, je leur demande de considérer le fond des choses du seul point de vue qui doive finalement compter, c'est-à-dire du point de vue de la victoire et de la délivrance. En vertu d'un engagement déshonorant, le Gouvernement qui fut à Bordeaux avait consenti à livrer nos navires à la discrétion de l'ennemi. Il n'y a pas le moindre doute que, par principe et par nécessité, l'ennemi les aurait un jour employés, soit contre l'Angleterre, soit contre notre propre Empire. Eh bien ! je dis sans ambages qu'il vaut mieux qu'ils aient été détruits.

J'aime mieux savoir, même le "Dunkerque", notre beau, notre cher, notre puissant "Dunkerque", échoué devant Mers el Kébir, que de le voir un jour, monté par des Allemands, bombarder les ports anglais, ou bien Alger, Casablanca, Dakar."

Il est à noter que, contrairement à ce que prétend le Général, le gouvernement de Bordeaux n'a jamais eu l'intention de livrer la flotte à l'ennemi. La non-livraison de la flotte était même une condition sine qua non pour accepter la signature de l'armistice. De Gaulle était-il mal renseigné, ou bien a-t-il volontairement émis une contre-vérité dans un but de propagande ? La question reste posée.

En tous cas, les conséquences de "Catapult" furent catastrophiques pour la France libre, ainsi que de Gaulle devait le reconnaitre lui-même dans ses "Mémoires de guerre":

"C'était, dans nos espoirs, un terrible coup de hache. Le recrutement des volontaires s'en ressentit immédiatement."

Le même jour, à Dakar, des saboteurs puis des "Swordfish" du porte-avions anglais "Hermès" attaquent le cuirassé "Richelieu", lui causant de sérieuses avaries, mais ne faisant aucune victime. Cette action est en fait la dernière de l'opération "Catapult".

Quand, le 24 mai 1941, un obus du « Bismarck » fit exploser le croiseur de bataille « Hood », tuant presque tout son équipage, de nombreux marins français, qui n’avaient rien oublié, levèrent leur verre à la santé de la Kriegsmarine.

3) Conclusion :

Quel bilan peut-on tirer de cette opération ? Avec le recul du temps, l'opinion de l'amiral Cunningham, "sacrément odieux et sacrément stupide", paraît tout à fait justifiée. Si, sur le plan tactique, "Catapult" fut un succès, il n'en reste pas moins que, stratégiquement, et surtout politiquement, ce fut une gaffe de première grandeur. La flotte française n'était pas totalement anéantie, et il en restait même assez pour donner de graves soucis à l'Amirauté britannique si, comme le voulaient certains membres du gouvernement français, la France avait déclaré la guerre à la Grande-Bretagne. Le renfort de la flotte et de l'aviation françaises eut sans doute rendu réalisable "Lion de mer", le plan allemand de débarquement en Angleterre. On voit donc que Churchill a bien failli atteindre exactement l'inverse du but qu'il recherchait. Certes, l'effet moral en Grande-Bretagne fut important, mais en France, il fut catastrophique. Le fait que les Anglais n'aient pas eu confiance en la parole française fut ressenti avec douleur et colère (cette méfiance était exagérée, l'avenir allait le montrer : en 1942, malgré le souvenir de Mers el Kébir, l'escadre de Toulon - qui d'ailleurs n'était à Toulon qu'à cause de Mers el Kébir - préféra se saborder plutôt que de tomber entre les mains des Allemands). En l'occurrence, le gouvernement Pétain, pourtant si décrié, se montra beaucoup plus sage que le gouvernement de Sa Majesté, en ne considérant "Catapult" que comme une stupide et tragique erreur, et en refusant de se laisser aller aux mesures bellicistes que préconisaient Laval et Darlan. Toutefois, même si le pire, c'est-à-dire le cauchemar d'une alliance militaire germano-française contre le Royaume-Uni, a été évité, il n'en reste pas moins que "Catapult", et surtout Mers el Kébir, a facilité les manœuvres de Laval pour abolir la IIIe République et instaurer un régime dictatorial, et a contribué à jeter des milliers de Français dans les bras de l'Allemagne. Sans Mers el Kébir, le mot "collaboration" n'aurait pas eu le même sens.

En conclusion, même si l'on peut trouver des excuses aux Anglais (qui étaient engagés dans une lutte à mort, et pour lesquels la révélation de la faiblesse française avait été une telle surprise que maintenant, ils s'attendaient à tout de la part de la France), on ne peut s'empêcher de penser que, si vraiment ils voulaient faire une démonstration d'énergie, ils n'avaient qu'à s'en prendre à la flotte italienne, ainsi qu'ils le firent plus tard à Tarente. L'Italie, au moins, était un ennemi déclaré. En bref, on peut considérer "Catapult" comme l'une des plus graves erreurs de Churchill au cours de la Deuxième Guerre mondiale. S'ils en avaient fait beaucoup de ce style, il est douteux que les Alliés seraient sortis vainqueurs du conflit. 80 ans plus tard, le nom de Mers el Kébir reste toujours en France, pour ceux qui le connaissent, synonyme de perfidie et de trahison.

De haut en bas : Winston Churchill, l'amiral Darlan, le "HMS Hood", le "Dunkerque", "Catapult".

 

 

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lumic Membre 9 431 messages
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il y a 9 minutes, Gouderien a dit :

J’avais promis de parler de l’affaire de Marcel Kébir… euh, je veux dire de Mers el Kébir, alors voilà. Désolé si c’est un peu long. Ce n’est pas vraiment ce qu’on peut appeler « une histoire simple ». Moi-même, quand j’ai découvert ça encore môme, dans un magazine historique, j’avoue que j’ai eu du mal d’abord à y comprendre quelque chose, et ensuite à y croire. Et quand j’ai vraiment compris de quoi il retournait, j’étais absolument scandalisé.

 

1) Comment est née « Catapult » :

 

En 1939, la France possède l’une des plus belles marines de son histoire ; c’est la 4e flotte du monde, derrière la Grande-Bretagne, les États-Unis et le Japon, et devant l’Italie, l’Allemagne et la Russie. Elle aligne 5 cuirassés anciens (« Paris », « Courbet », « Bretagne », « Lorraine » et « Provence »), 2 croiseurs de bataille modernes (« Dunkerque » et « Strasbourg »), le porte-avions « Béarn » et le transport d’aviation « Commandant-Teste », 19 croiseurs, 32 contre-torpilleurs (dont certains figurent parmi les navires les plus rapides du monde), 45 torpilleurs et enfin 71 sous-marins (parmi lesquels le croiseur sous-marin « Surcouf », le plus grand submersible du monde). Deux grands cuirassés (le « Richelieu » et le « Jean-Bart ») sont en construction ; ils sont conçus pour surpasser les futurs « Bismarck » allemands. Le « Richelieu » est presque achevé. La flotte française est dirigée par l’amiral François Darlan, (1881-1942), qui a œuvré depuis des années pour l’amener à son niveau actuel. En 1941-42, le nom de Darlan sera synonyme de collaboration avec l’Allemagne nazie, avant que, se trouvant par hasard à Alger au moment du débarquement allié du 8 novembre 1942, il ne rallie l’Afrique du Nord aux Anglo-Américains ; après avoir vu l’essentiel de sa « chère flotte » se saborder à Toulon le 27 novembre 1942, il est assassiné la veille de Noël par un militant gaulliste. Mais en 1939 on ne peut pas mette en doute le patriotisme de Darlan, généralement classé au centre-gauche.

Malgré un manque d’aéronavale et de DCA, la flotte française est un outil puissant ; sa mission essentielle en cas de guerre sera de neutraliser la flotte italienne.

Durant les opérations, de septembre 1939 à juin 1940, la flotte subit peu de pertes – juste quelques destroyers et sous-marins. Contrairement à l’armée et à l’aviation, elle est pratiquement intacte. Au moment de négocier l’armistice, il s’agit donc d’un des principaux atouts du gouvernement français. A cette date, le plus gros de la flotte s’est replié sur Mers el Kébir près d’Oran, en Algérie. Une escadre se trouve à Alexandrie, en Égypte. Le reste est disséminé entre l’Angleterre (notamment les vieux cuirassés « Paris » et « Courbet » et le grand sous-marin « Surcouf ») et diverses bases coloniales. Par exemple, le « Richelieu » a réussi à gagner Dakar, tandis que le « Jean-Bart » est au Maroc. Le gouvernement Pétain a fait de la sauvegarde de la flotte une condition sine-qua-non de la signature de l’armistice. Les Allemands demandent d’abord que les navires français regagnent les ports de la métropole, mais devant le refus des négociateurs français, ils acceptent finalement que ces bâtiments soient désarmés dans des ports de l’Empire, sous le contrôle d’inspecteurs allemands et italiens. Quand l’ambassadeur britannique en France, Ronald Campbell, lit le texte de l’armistice, il s’alarme de ce « contrôle » : le mot « control » possède en fait un sens beaucoup plus fort en anglais qu’en français (on lit dans un dictionnaire américain : « Control : To exercise restraint or direction over ; dominate ; command). Refusant d’en entendre plus et craignant même d’être arrêté, l’ambassadeur quitte précipitamment Bordeaux – où se trouve encore le gouvernement français – pour regagner son pays, coupant ainsi les communications entre la France et la Grande-Bretagne.

Mais dès le 28 juin – trois jours à peine après l’entrée en vigueur de l’armistice – Winston Churchill ordonne à l'Amirauté britannique de préparer l'opération "Catapult", qui a pour objet la saisie ou la destruction de tous les navires français se trouvant dans un port quelconque, hormis ceux de la France métropolitaine.

Il est difficile de nier que Churchill, toute sa vie, a été un ami de la France. Mais après la défaite de 1940, on a l’impression d’avoir affaire à un amoureux déçu. Il s’en explique d’ailleurs lui-même dans ses « Mémoires ». En 1933, après l’arrivée au pouvoir de Hitler en Allemagne, il s’écriait : « Merci mon Dieu pour l’armée française ». Churchill avait fait la guerre de 1914-1918, à la fois comme membre du gouvernement de Sa majesté, et comme simple officier sur le front. Il en avait gardé un profond respect pour l’armée française. Membre de l’opposition depuis des années, il est appelé par Chamberlain le 3 septembre 1939, pour devenir Premier lord de l’Amirauté – l’équivalent du ministre de la Marine en France. Le 10 mai 1940, le jour même où démarre l’offensive allemande à l’Ouest, Churchill remplace Chamberlain en tant que Premier ministre. Dès le matin, les armées française et britannique pénètrent en Belgique, comme cela avait été prévu depuis longtemps, pour venir en aide à ce pays agressé par le IIIe Reich : c’est ce qu’on appelle la « manœuvre Dyle ». Churchill est confiant dans la bataille à venir… mais cette confiance ne va pas durer longtemps.

Dans le volume 3 de ses Mémoires, Churchill rapporte qu'il fut réveillé le 15 mai 1940 à 7 h 30 du matin par un coup de téléphone d'un Paul Reynaud – le président du Conseil français - "fort ému". Voici le récit de cette étonnante conversation :

"- Nous sommes battus, me dit-il.

Comme je ne répondais pas immédiatement, il répéta :

- Nous sommes battus, nous avons perdu la bataille.

- Cela n'a certainement pas pu arriver si vite, répondis-je.

Mais il reprit :

- Le front est percé près de Sedan, ils passent en masse avec des chars et des voitures blindées. (Tel était le sens de ses paroles sinon les termes mêmes qu'il employa.)

Je déclarai alors :

- L'expérience a montré qu'au bout d'un certain temps une offensive s'éteint d'elle-même. Je me souviens du 21 mars 1918. Dans cinq ou six jours, ils seront obligés de s'arrêter pour attendre leur ravitaillement, et ce sera alors le moment de la contre-attaque. J'ai appris cela dans le temps, de la bouche même du maréchal Foch.

Sans aucun doute, c'était bien ce que nous avions toujours vu dans le passé et ce que nous aurions dû revoir à présent. Néanmoins, le président du Conseil revint à la phrase par laquelle il avait commencé, et qui certes ne se trouva que trop véridique : "Nous sommes battus, nous avons perdu la bataille." Je lui dis alors que j'étais prêt à aller causer avec lui."

Le lendemain 16 mai, à 17 h 20, Churchill arrive à Paris en avion, accompagné par les généraux Dill et Ismay. C'est dans une atmosphère de crise et de panique, que se réunit, au Quai d'Orsay, le Conseil suprême interallié. Des fonctionnaires brûlent les archives sur la pelouse du ministère. Faute de mesures de sécurité, "diplomates et journalistes" errent dans les couloirs déserts, sans qu'on leur demande quoi que ce soit.

Gamelin doit avouer à Churchill la catastrophique situation de l'armée française. Le Premier ministre britannique tombe des nues, en entendant le généralissime expliquer dans un silence de mort comment les Allemands ont crevé le front sur une largeur de 90 kilomètres. Churchill demande alors à Gamelin : "Où sont les réserves stratégiques ? Où est la masse de manœuvre ?" Gamelin répond : "Il n'y en a aucune."

"Je restais confondu, écrit Churchill dans ses Mémoires. Que fallait-il donc penser de la grande armée française et de ses plus grands chefs ? Il ne m'était jamais venu à l'esprit qu'un commandant en chef, chargé de défendre 800 kilomètres, pourrait laisser ce front sans une masse de manœuvre. Personne ne peut être certain de défendre avec certitude une ligne aussi longue, mais lorsque l'ennemi s'est lancé dans une grande offensive qui rompt le front, on peut toujours avoir, on doit toujours avoir une masse de divisions qui permette de monter de vigoureuses contre-attaques au moment où la première ardeur de l'offensive ennemie a perdu de son intensité.

Mais alors, à quoi servait la ligne Maginot ? Elle aurait dû permettre une économie de troupes sur une très large portion de frontière, non seulement en offrant de nombreuses poternes pour des contre-attaques locales, mais surtout en donnant la possibilité de garder en réserve des forces importantes. C'est d'ailleurs le seul moyen d'arriver à un tel résultat. Mais à présent il n'y avait pas de réserves. J'avoue que ce fut une des plus grandes surprises de mon existence."

Il ne faut pas chercher ailleurs l’origine de l’opération « Catapult » : Churchill veut punir la France de s’être laissée battre si facilement, et, ce faisant, de ne pas s’être montrée digne de la très haute idée qu’il se faisait d’elle.

2) L’opération :

 

A 2 h 25 du matin le 1er juillet 1940, l'Amirauté britannique donne l'ordre à l'amiral Somerville d'exécuter l'opération "Catapult" : saisie, prise sous contrôle, mise hors de combat définitive ou destruction de tous les navires français pouvant être atteints.

Parmi les officiers de la "Force H" se trouve le capitaine de vaisseau Holland, commandant du plus récent porte-avions britannique, l'"Ark Royal". Cet officier, "brave et distingué" selon Churchill, a jadis été attaché naval à Paris, et il nourrit de fortes sympathies pour la France. En début d'après-midi, Somerville envoie le message suivant à l'Amirauté :

"Après avoir entendu Holland et certains autres officiers, le vice-amiral commandant la "Force H" ne laisse pas d'être impressionné par leur opinion selon laquelle le recours à la force doit être évité à tout prix. Holland estime qu'une action offensive de notre part nous aliénerait les Français où qu'ils se trouvent."

A 18 h 20, l'Amirauté répond sèchement :

"C'est la ferme intention du gouvernement de Sa majesté que si les français n'acceptent aucune de vos propositions, ils doivent être supprimés."

Le lendemain à 16 heures, la "Force H" britannique, comprenant le croiseur de bataille "Hood" portant la marque de l'amiral Somerville, les cuirassés "Valiant" et "Resolution", le porte-avions "Ark Royal", les croiseurs "Arethusa" et "Enterprise", onze destroyers et un sous-marin, quitte Gibraltar et se dirige vers Mers el Kébir...

A 22 h 55, Churchill envoie à Somerville le message suivant :

"Vous êtes chargé de l'une des missions les plus désagréables et les plus difficiles qu'un amiral britannique ait jamais eu à remplir, mais nous avons la plus entière confiance en vous et comptons que vous l'exécuterez rigoureusement."

 

Le lendemain 3 juillet, l’opération "Catapult" est déclenchée : malgré le serment de Darlan que jamais un navire français ne tomberait entre les mains des Allemands, les Anglais s'emparent des bateaux français qui se trouvent dans les ports britanniques, et attaquent ceux qui se sont repliés en Afrique du Nord. Il est à peine nécessaire de préciser qu’aucun de ces navires n’était en quoi que ce soit menacé par les Allemands, ceux-ci n’ayant ni les moyens ni l’intention de s’en prendre à la flotte française, alors que l’armistice venait à peine d’être signé.

Nous avons déjà relaté les événements qui ont conduit à cette agression. Le manque de sang-froid de l'ambassadeur britannique à Bordeaux, sir Ronald Campbell, a joué un rôle important, et néfaste, dans cette affaire. Ronald Campbell a mal compris le texte des conditions de l'armistice, et, refusant d'en entendre plus, a quitté la France, persuadé que les Français allaient livrer leur flotte (il craignait même de se faire arrêter !) L'ambassadeur parti, il n'y avait plus de liaison entre Londres et Bordeaux, et donc plus de moyen de dissiper le malentendu... L'idée d'intervenir contre la flotte française, afin d'éliminer tout risque de voir les Allemands s'en emparer, avait toutefois germé dans l'esprit de Churchill avant que ne s'établisse ce malentendu. Outre l'intérêt stratégique, c'était, pour le Premier ministre britannique, une manière séduisante et typiquement anglaise de "brûler ses vaisseaux" en détruisant ceux des autres. C'était aussi le moyen de prouver au monde que l'Allemagne n'avait pas le monopole de l'énergie, et que l'Angleterre était prête à tout pour sauvegarder sa liberté. Comme je l’ai déjà dit, on peut également se demander si, consciemment ou non, Churchill n'a pas voulu, en ordonnant l'opération "Catapult", punir la France de s'être laissée battre si facilement... Voici ce qu'écrit Churchill à ce sujet dans ses "Mémoires" :

"Le Cabinet de guerre n'hésita pas un seul instant. Ces mêmes ministres qui, la semaine précédente, avaient été de tout cœur aux côtés des Français et leur avaient offert de fondre nos deux nations en une seule, résolurent de prendre toutes les mesures nécessaires. Ce fut une décision odieuse, la plus inhumaine, la plus pénible de toutes celles que j'aie jamais eu à partager. Elle rappelait la destruction de la flotte danoise par Nelson, à Copenhague, en 1801, mais les Français étaient la veille encore nos alliés très chers et nous éprouvions une sincère sympathie pour leur pays qui avait tant souffert. De l'autre côté, notre existence nationale et le salut de notre cause étaient en jeu. C'était une tragédie grecque. Pourtant jamais aucun acte ne fut plus nécessaire à la vie de l'Angleterre et de tout ce qui en dépendait. Je pensai aux paroles prononcées par Danton en 1793 : "Les rois coalisés nous menacent, jetons-leur en défi une tête de roi." L'événement tout entier se situait dans cette perspective-là."

 (Op. cit.)

Déroulement de l'opération : nous examinerons successivement le coup de force dans les ports anglais, l'agression de Mers el Kébir, enfin la situation à Alexandrie, à Dakar et aux Antilles.

+ Dans les ports anglais : au cours des journées tragiques de juin, un certain nombre de navires français avaient rallié l'Angleterre pour ne pas tomber aux mains des Allemands. C'est ainsi que le 3 juillet, il y a dans les ports britanniques une quarantaine de bâtiments de guerre, entre autres :

* A Portsmouth, les deux cuirassés anciens "Courbet" et "Paris", le contre-torpilleur "Léopard", 5 torpilleurs, etc.

* A Plymouth, le grand sous-marin "Surcouf", le contre-torpilleur "Triomphant", 3 torpilleurs, etc.

La valeur militaire de tous ces navires n'est pas grande, et la raison pour laquelle les Anglais veulent s'en emparer est surtout la crainte des réactions des équipages français quand ils apprendront l'attaque de Mers el Kébir... Peu avant l'aube, des équipes de marins et de soldats anglais armés s'introduisent par surprise sur les bâtiments français, dont les équipages sont neutralisés puis expulsés. L'opération se passe partout sans incident, sauf sur le "Surcouf", où trois Anglais et un Français sont tués. Inutile de préciser que les navires de commerce français réfugiés en Angleterre ont connu un sort semblable à celui des navires de guerre... Les marins français seront traités à peu près comme des prisonniers de guerre, et internés dans des camps, dans des conditions matérielles et surtout morales très pénibles. Ils seront soumis à une propagande incessante et maladroite pour leur faire rejoindre la France libre, propagande qui, étant donné les circonstances, produira le contraire de l'effet recherché.

+ Malgré son caractère assez odieux, le coup de force contre les navires français en Grande-Bretagne fait figure de prélude bénin, face à l'agression de Mers el Kébir... C'est dans cette rade proche d'Oran, en Algérie, que le gros de la flotte française, l'escadre de l'Atlantique commandée par l'amiral Gensoul, s'était replié en juin. Le 3 juillet, il y a là les deux croiseurs de bataille modernes "Dunkerque" et "Strasbourg", les deux vieux cuirassés "Bretagne" et "Provence", le transport d'aviation "Commandant-Teste", et six grands contre-torpilleurs : le "Tigre", le "Lynx", le "Kersaint", le "Terrible", le "Mogador" et le "Volta". Séparée de l'Europe par toute la largeur de la Méditerranée, l'escadre s'estime à l'abri de toute menace. Conformément aux clauses de l'armistice, le désarmement des navires et la démobilisation des équipages ont commencé. Cette quiétude va être brutalement rompue...

A 6 heures du matin, le destroyer anglais "Foxhound" se présente devant la rade. Deux heures plus tard, et tandis que l'ensemble de la "Force H" apparaît au large, le capitaine de vaisseau Holland, commandant de l'"Ark Royal", remet à l'aide de camp de l'amiral Gensoul un pli cacheté contenant ce qui n'est ni plus ni moins qu'un ultimatum de l'amiral Somerville... Parce que "le gouvernement de Sa Majesté, fort de ses expériences antérieures, estime impossible de croire que l'Allemagne et l'Italie ne s'empareront pas des navires français à tout moment qui leur paraîtra opportun", il demande à ces navires "d'adopter une des attitudes suivantes" :

a) appareiller pour poursuivre la guerre contre les Allemands et les Italiens ;

b) gagner un port britannique avec un équipage réduit ;

c) gagner les Antilles ou les États-Unis pour y être démilitarisés ;

d) se saborder.

"Faute de ce qui précède, conclut l'amiral Somerville, j'ai ordre du gouvernement de Sa Majesté de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour empêcher vos navires de tomber entre des mains allemandes ou italiennes."

Atterré, l'amiral Gensoul prévient aussitôt l'Amirauté française, momentanément transférée à Nérac, de l'ultimatum anglais (dans son télégramme, il omet toutefois - ce qui lui sera beaucoup reproché par la suite - de mentionner la troisième solution : l'envoi de l'escadre dans un port antillais ou américain). A 9 heures, il adresse un message à tous ses bâtiments : "Flotte anglaise étant venue nous poser un ultimatum inacceptable, soyez prêts à répondre à la force par la force."

Toute la journée vont se dérouler des discussions stériles, condamnées d'avance car la marge de manœuvre que Churchill a laissée à Somerville est très étroite... Vers midi, des appareils de l'"Ark Royal" larguent des mines magnétiques devant l'entrée de la rade, ce qui élimine les trois premières solutions... A 15 h 15, le commandant Holland arrive à bord du "Dunkerque", afin d'y rencontrer en personne l'amiral Gensoul. Un instant, l'espoir d'un arrangement à l'amiable apparaît, quand Gensoul révèle aux Anglais les consignes données par Darlan le 24 juin, et suivant lesquelles les navires français devraient être "soit conduits aux États-Unis, soit sabordés, s'il ne pouvait être fait autrement pour les soustraire à l'ennemi." Mais tous les efforts pour éviter le pire seront définitivement anéantis par la réponse de l'Amirauté française à l'amiral Gensoul : "L'amiral de la flotte a donné ordre à toutes les forces françaises en Méditerranée de vous rallier immédiatement". Ce message, intercepté par Londres, provoque aussitôt l'envoi d'un nouvel ordre à Somerville : "Réglez rapidement les choses, sinon vous aurez affaire à des renforts..."

Dès lors, rien ne peut plus empêcher l'inévitable... A 16 h 25, Holland quitte le "Dunkerque", et, à 16 h 55, Somerville ordonne d'ouvrir le feu... Et c'est le carnage. Quand le tir britannique cesse, à peine vingt minutes plus tard, la rade de Mers el Kébir est jonchée d'épaves brûlantes : le "Dunkerque" est gravement endommagé, le "Provence" est échoué, le "Bretagne" a chaviré, entraînant dans la mort 997 officiers et marins ; le contre-torpilleur "Mogador", l'un des navires les plus rapides du monde, a l'arrière arraché. Dans la rade, seul le "Commandant-teste" est intact. Gênés par l'éperon rocheux qui ferme la rade, les cuirassés français, mouillés le long des quais, n'ont pu riposter. Mais le "Strasbourg" et les cinq autres contre-torpilleurs ont réussi à gagner le large. La "Force H" se lance à la poursuite du "Strasbourg", puis, après que ce dernier ait essuyé sans dommage deux attaques aériennes, les Anglais, à court de pétrole, abandonnent la chasse. Unique bâtiment de ligne à n'avoir pas subi de dégâts, le "Strasbourg" atteindra Toulon le lendemain. 

Tandis qu'à Mers el Kébir l'escadre de l'Atlantique panse ses plaies, en France, dès que la nouvelle de l'agression est connue, c'est la stupéfaction et l'indignation. Fou de rage, Darlan voudrait que l'on déclare la guerre à la Grande-Bretagne. A 20 heures, il ordonne à la flotte d'attaquer tous les navires anglais rencontrés. Weygand et Baudouin ont beaucoup de mal à le calmer. A Londres, le chargé d'affaires français, Roger Cambon, élève "une protestation immédiate et formelle" auprès du gouvernement britannique.

+ A Alexandrie, en Égypte, où stationne la "Force X" sous le commandement de l'amiral Godfroy (elle comprend le vieux cuirassé "Lorraine", les croiseurs "Duquesne", "Tourville", "Suffren" et "Dugay-Trouin", 3 torpilleurs et 1 sous-marin), l'amiral britannique sir Andrew Cunningham a reçu des ordres semblables à ceux de Somerville. Cependant, Cunningham est d'une toute autre trempe que son collègue. De sentiments très francophiles, il n'est d'autre part pas le genre d'officier prêt à exécuter sans discuter des ordres qu'il désapprouve totalement.

A 7 heures du matin, il convoque Godfroy à bord du cuirassé "Warspite", et lui expose les quatre propositions du gouvernement anglais... Après une heure de discussion, les deux amiraux tombent d'accord pour se donner vingt-quatre heures de réflexion. Après l'attaque de Mers el Kébir, toutefois, la tension monte entre les deux flottes. Londres télégraphie à Cunningham : "Détruisez immédiatement la flotte française au mouillage", tandis que Godfroy reçoit un message de Darlan qui lui prescrit d'appareiller "coûte que coûte" et de rendre "œil pour œil". A la nuit, cependant, rien d'irréparable n'a été commis.

+ A Dakar se trouve le grand cuirassé "Richelieu", tout juste achevé. Pour les Anglais, c'est une cible de choix, et il est surveillé par le porte-avions "Hermès" et le croiseur lourd "Dorsetshire". Dans la matinée, Churchill envoie à ce dernier navire le télégramme suivant : "Si le "Richelieu" appareille et fait route au nord, suivez-le. S'il se dirige vers les Antilles, mettez tout en œuvre pour le détruire à la torpille et, si vous n'y réussissez pas, abordez-le." Mais le "Richelieu" n'a pas du tout l'intention de quitter Dakar. Quand éclate la nouvelle de l'agression de Mers el Kébir, la défense du port est renforcée.

+ Aux Antilles, enfin, il y a le porte-avions "Béarn" et les croiseurs "Jeanne d'Arc" et "Émile Bertin" - ce dernier venant de transporter, via le Canada, l'or de la Banque de France. Du fait du peu de moyens anglais dans la région et de la crainte de réactions américaines - encore que Roosevelt ait secrètement approuvé l'opération "Catapult" - Churchill se contentera d'ordonner au croiseur léger "Dunedin" de surveiller le trafic français dans les eaux antillaises.

 

Le 4 juillet, devant la Chambre des communes, Churchill prononce un discours dans lequel il revendique hautement la responsabilité de l'opération "Catapult", et affirme qu'elle a été rendue inévitable "par un armistice qui ne pouvait manquer de faire tomber la flotte française au pouvoir des Allemands". Il termine en s'en remettant "au jugement de l'Histoire".

Plus prudent, Halifax déclare, devant la Chambre des lords :

"Nous nous rendons compte de l'amertume que doivent ressentir, hélas ! les Français..."

A Alexandrie, les équipages des navires français se réveillent pour découvrir que les canons des bâtiments anglais sont pointés sur eux. Godfroy en fait la remarque à Cunningham, et aussitôt, les canons anglais sont remis dans l'axe, ce qui détend considérablement l'atmosphère. "Ce serait fou de se battre les uns contre les autres", déclare l'amiral Cunningham, qui se place ainsi en contradiction formelle avec les ordres de Churchill.

A 8 h 30 à Vichy, une réunion a lieu entre Pétain, Laval, Darlan et Baudouin. Darlan envisage des hostilités contre la Grande-Bretagne. Il déclare : "J'ai été trahi par mes frères d'armes. Ils n'ont pas cru à la parole que je leur avais donnée." Comme Baudouin s'écrie : "Mais c'est la guerre avec l'Angleterre", Laval réplique : "Nous avons décidé de répondre par une attaque à l'attaque d'hier." Pétain, cependant, adopte une position plus modérée, déclarant « une défaite suffit ». Finalement, il est seulement convenu "de rendre officielle la rupture des relations diplomatiques qui existe en fait entre l'Angleterre et nous depuis le départ de Sir Ronald Campbell." La mission diplomatique française à Londres sera rappelée.

A dix heures se tient un Conseil des ministres, qui approuve la décision qui vient d'être prise. Toutefois, Darlan réussit à faire accepter le principe de mesures de représailles contre la Grande-Bretagne, entre autres l'arraisonnement des navires de commerce anglais, le bombardement de Gibraltar, voire même une expédition contre une colonie anglaise d'Afrique, et une opération navale franco-italienne pour débloquer l'escadre d'Alexandrie. Au cours de ce même Conseil, Laval lit un projet de loi, rédigé en collaboration avec Alibert, qu'il compte faire adopter par l'Assemblée nationale le 10 juillet. Ce texte ne tend rien moins qu'à abolir la Constitution républicaine de 1875. Le voici dans son intégralité :

"Article unique - l'Assemblée Nationale donne tous pouvoirs au gouvernement de la République, sous la signature et l'autorité du maréchal Pétain, président du Conseil, à l'effet de promulguer par un ou plusieurs actes la nouvelle Constitution de l'État français.

Cette constitution devra garantir les droits du Travail, de la Famille et de la Patrie. Elle sera ratifiée par les Assemblées qu'elle aura créées."

La lecture du projet de loi terminée, Laval quitte le Conseil, et va prendre la parole devant une soixantaine de sénateurs : "Le gouvernement, annonce-t-il, a décidé de ne pas déclarer la guerre à l'Angleterre." Et il ajoute : "Le Parlement doit être dissous. La Constitution doit être réformée. Elle doit s'aligner sur les États totalitaires. L'institution de camps de travail doit être envisagée. Si le Parlement n'y consent pas, c'est l'Allemagne qui nous imposera toutes ces mesures, avec comme conséquence immédiate l'occupation totale de toute la France."

Laval commence ainsi sa grande manœuvre d'intimidation des parlementaires, manœuvre qui, en six jours, va les convaincre d'accepter de voter la mise à mort de cette IIIe République dont ils étaient les gardiens.

Les torpilleurs et les avisos français basés à Oran se replient sur Alger. Au cours de ce déplacement, l'aviso "Rigault de Genouilly" est coulé à 14 h 15 par le sous-marin britannique "Pandora".

A 20 h 10, le "Strasbourg", suivi des contre-torpilleurs "Volta", "Terrible" et "Tigre", entre à Toulon, salué par les ovations de tous les navires présents. Les six croiseurs d'Alger reçoivent l'ordre de l'y rejoindre.

Dans l'après-midi, Laval déclare à l'ambassadeur du Brésil : "Nous ne déclarerons pas la guerre, mais à l'acte d'hostilité de l'Angleterre, nous répondrons par un acte d'hostilité." Afin de mettre tout à fait les choses au point, Paul Baudouin fait, à 21 h 30, une déclaration devant la presse française et étrangère dans laquelle il exprime "la stupeur et l'indignation" du gouvernement français devant l'agression anglaise, mais dément les propos de Laval en disant : "A cet acte inconsidéré d'hostilité, le gouvernement n'a pas répondu par un acte d'hostilité." En définitive, la France n'exercera pas de représailles contre la Grande-Bretagne. Des propositions que Darlan avait réussi à faire adopter par le Conseil du matin, une seule sera finalement retenue : un bombardement symbolique de Gibraltar par l'aviation française.

Enfin, à la Commission d'armistice de Wiesbaden, les Allemands acceptent d'annuler toutes les prescriptions relatives au désarmement des navires de guerre français.

 

Dans la matinée du 5 juillet, la "Force H" regagne Gibraltar. Le rapport de l'amiral Somerville ne donne pas entièrement satisfaction à l'Amirauté britannique, qui juge que le "Dunkerque" n'a pas été sérieusement mis hors de combat, et qui donc ordonne une nouvelle attaque.  Afin d'éviter des pertes inutiles, ce sont les appareils de l'"Ark Royal" qui seront chargés d'achever le croiseur de bataille français.

A Mers el Kébir, où l'on ne se doute pas que ce qui reste de l'escadre française va être l'objet d'une nouvelle agression, ont lieu les obsèques des victimes du 3 juillet.

Trois avions français bombardent Gibraltar. Ce raid, purement symbolique, ne provoque ni victimes ni dégâts.

Enfin, Darlan remplace son ordre du 3 ordonnant à la flotte française d'attaquer tous les navires anglais rencontrés par un avis, plus modéré, indiquant que "tout navire britannique s'approchant à moins de vingt mille nautiques du littoral français s'exposait à être attaqué."

 

Le 6 juillet, des avions de l'"Ark Royal" tentent de torpiller le "Dunkerque" à Mers el Kébir. Le navire de ligne n'est pas directement touché, mais l'explosion des grenades du patrouilleur "Terre Neuve" ouvre une brèche d'une quarantaine de mètres dans sa coque, ce qui l'immobilise pour longtemps. Cette opération ajoute 150 nouvelles victimes à la liste de celles du 3 juillet, ce qui porte le total des marins français tués à Mers el Kébir à 1.297 (47 officiers, 196 sous-officiers, 1.054 matelots).

 

Le lendemain 7 juillet, à Alexandrie : un accord est signé entre les amiraux Godfroy et Cunningham. Le mazout, les culasses des canons et les pointes percutantes des torpilles des navires français seront débarqués. De son côté, l'amiral Cunningham s'engage à ne pas tenter de s'emparer des bâtiments français par la force. En signant cette convention, Godfroy et Cunningham ont montré qu'avec un peu de diplomatie, et surtout en ne tenant pas compte des instructions jusqu'au-boutistes des amirautés, le pire aurait sans doute pu être évité à Mers el Kébir.

Les deux amiraux respecteront strictement cet accord, jusqu'au 17 mai 1943, date à laquelle la "Force X" rejoindra le camp des Alliés.

 

Le 8 juillet, à Londres, de Gaulle prononce un discours à propos de Mers el Kébir : il prend la défense de l’agression britannique… parce qu’il ne peut pas faire autrement :

"Dans la liquidation momentanée de la force française, qui fait suite à la capitulation, un épisode particulièrement cruel a eu lieu le 3 juillet. Je veux parler, on le comprend, de l'affreuse canonnade d'Oran.

 (...)

Je dirai d'abord ceci : il n'est pas un Français qui n'ait appris avec douleur et avec colère que des navires de la flotte française avaient été coulés par nos Alliés. Cette douleur, cette colère viennent du plus profond de nous-mêmes.

Il n'y a aucune raison de composer avec elles ; quant à moi, je les exprime ouvertement. Aussi, m'adressant aux Anglais, je les invite à nous épargner et à s'épargner à eux-mêmes toute représentation de cette odieuse tragédie comme un succès naval direct. Ce serait injuste et déplacé.

 (...)

Ensuite, m'adressant aux Français, je leur demande de considérer le fond des choses du seul point de vue qui doive finalement compter, c'est-à-dire du point de vue de la victoire et de la délivrance. En vertu d'un engagement déshonorant, le Gouvernement qui fut à Bordeaux avait consenti à livrer nos navires à la discrétion de l'ennemi. Il n'y a pas le moindre doute que, par principe et par nécessité, l'ennemi les aurait un jour employés, soit contre l'Angleterre, soit contre notre propre Empire. Eh bien ! je dis sans ambages qu'il vaut mieux qu'ils aient été détruits.

J'aime mieux savoir, même le "Dunkerque", notre beau, notre cher, notre puissant "Dunkerque", échoué devant Mers el Kébir, que de le voir un jour, monté par des Allemands, bombarder les ports anglais, ou bien Alger, Casablanca, Dakar."

Il est à noter que, contrairement à ce que prétend le Général, le gouvernement de Bordeaux n'a jamais eu l'intention de livrer la flotte à l'ennemi. La non-livraison de la flotte était même une condition sine qua non pour accepter la signature de l'armistice. De Gaulle était-il mal renseigné, ou bien a-t-il volontairement émis une contre-vérité dans un but de propagande ? La question reste posée.

En tous cas, les conséquences de "Catapult" furent catastrophiques pour la France libre, ainsi que de Gaulle devait le reconnaitre lui-même dans ses "Mémoires de guerre":

"C'était, dans nos espoirs, un terrible coup de hache. Le recrutement des volontaires s'en ressentit immédiatement."

Le même jour, à Dakar, des saboteurs puis des "Swordfish" du porte-avions anglais "Hermès" attaquent le cuirassé "Richelieu", lui causant de sérieuses avaries, mais ne faisant aucune victime. Cette action est en fait la dernière de l'opération "Catapult".

Quand, le 24 mai 1941, un obus du « Bismarck » fit exploser le croiseur de bataille « Hood », tuant presque tout son équipage, de nombreux marins français, qui n’avaient rien oublié, levèrent leur verre à la santé de la Kriegsmarine.

3) Conclusion :

Quel bilan peut-on tirer de cette opération ? Avec le recul du temps, l'opinion de l'amiral Cunningham, "sacrément odieux et sacrément stupide", paraît tout à fait justifiée. Si, sur le plan tactique, "Catapult" fut un succès, il n'en reste pas moins que, stratégiquement, et surtout politiquement, ce fut une gaffe de première grandeur. La flotte française n'était pas totalement anéantie, et il en restait même assez pour donner de graves soucis à l'Amirauté britannique si, comme le voulaient certains membres du gouvernement français, la France avait déclaré la guerre à la Grande-Bretagne. Le renfort de la flotte et de l'aviation françaises eut sans doute rendu réalisable "Lion de mer", le plan allemand de débarquement en Angleterre. On voit donc que Churchill a bien failli atteindre exactement l'inverse du but qu'il recherchait. Certes, l'effet moral en Grande-Bretagne fut important, mais en France, il fut catastrophique. Le fait que les Anglais n'aient pas eu confiance en la parole française fut ressenti avec douleur et colère (cette méfiance était exagérée, l'avenir allait le montrer : en 1942, malgré le souvenir de Mers el Kébir, l'escadre de Toulon - qui d'ailleurs n'était à Toulon qu'à cause de Mers el Kébir - préféra se saborder plutôt que de tomber entre les mains des Allemands). En l'occurrence, le gouvernement Pétain, pourtant si décrié, se montra beaucoup plus sage que le gouvernement de Sa Majesté, en ne considérant "Catapult" que comme une stupide et tragique erreur, et en refusant de se laisser aller aux mesures bellicistes que préconisaient Laval et Darlan. Toutefois, même si le pire, c'est-à-dire le cauchemar d'une alliance militaire germano-française contre le Royaume-Uni, a été évité, il n'en reste pas moins que "Catapult", et surtout Mers el Kébir, a facilité les manœuvres de Laval pour abolir la IIIe République et instaurer un régime dictatorial, et a contribué à jeter des milliers de Français dans les bras de l'Allemagne. Sans Mers el Kébir, le mot "collaboration" n'aurait pas eu le même sens.

En conclusion, même si l'on peut trouver des excuses aux Anglais (qui étaient engagés dans une lutte à mort, et pour lesquels la révélation de la faiblesse française avait été une telle surprise que maintenant, ils s'attendaient à tout de la part de la France), on ne peut s'empêcher de penser que, si vraiment ils voulaient faire une démonstration d'énergie, ils n'avaient qu'à s'en prendre à la flotte italienne, ainsi qu'ils le firent plus tard à Tarente. L'Italie, au moins, était un ennemi déclaré. En bref, on peut considérer "Catapult" comme l'une des plus graves erreurs de Churchill au cours de la Deuxième Guerre mondiale. S'ils en avaient fait beaucoup de ce style, il est douteux que les Alliés seraient sortis vainqueurs du conflit. 80 ans plus tard, le nom de Mers el Kébir reste toujours en France, pour ceux qui le connaissent, synonyme de perfidie et de trahison.

De haut en bas : Winston Churchill, l'amiral Darlan, le "HMS Hood", le "Dunkerque", "Catapult".

 

 

Churchill2-titre.png

Darlan.png

Hood.jpg

Dunkerque-titre.png

catapult-titre.png

Ce sont vos propres conclusions , pourquoi donc employer " on peut " ...

Vous pouvez pensez que et guise au lecteur d ' avoir les siennes et être d ' accord ou pas ...

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Membre, Obsédé textuel, 72ans Posté(e)
Gouderien Membre 34 686 messages
72ans‚ Obsédé textuel,
Posté(e)

C'était pas la peine de tout citer.

Et avant de critiquer, on lit d'abord - ce que vous n'avez sûrement pas fait.

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Membre, Oiseau de nuit, pays Union européenne, 41ans Posté(e)
sovenka Membre 7 434 messages
41ans‚ Oiseau de nuit, pays Union européenne,
Posté(e)

Opération CATAPULT: un hommage au seigneur Léodagan ? 

tenor.gif

 

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Membre, 64ans Posté(e)
pila Membre 18 571 messages
Baby Forumeur‚ 64ans‚
Posté(e)

Une histoire bien difficile que cette affaire. Et le Parlement n'avaient pas encore voté les pleins pouvoirs à Pétain.

Les cas de conscience, les décisions sans doute regrettées par certains ! Tout comme ces nombreux soldats français réfugiés en Angleterre après Dunkerque et qui ont rejoint la France ensuite. Et certains ont du refaire le chemin inverse pour rejoindre De Gaulle plus tard !

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Membre, Posté(e)
Constantinople Membre 18 329 messages
Maitre des forums‚
Posté(e)
Il y a 21 heures, Gouderien a dit :

Il ne faut pas chercher ailleurs l’origine de l’opération « Catapult » : Churchill veut punir la France de s’être laissée battre si facilement, et, ce faisant, de ne pas s’être montrée digne de la très haute idée qu’il se faisait d’elle.

 

C'est une réflexion personnelle ou bien est ce sourcé ?

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Invité elbaid
Invités, Posté(e)
Invité elbaid
Invité elbaid Invités 0 message
Posté(e)

N'empêche le Richelieu c'était un beau Bateau ....

on devrait le refaire ..juste pour le fun . 

 

Résultat de recherche d'images pour "RICHELIEU CUIRASSE"

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Membre, Obsédé textuel, 72ans Posté(e)
Gouderien Membre 34 686 messages
72ans‚ Obsédé textuel,
Posté(e)
il y a une heure, Constantinople a dit :

C'est une réflexion personnelle ou bien est ce sourcé ?

Churchill donne tout un tas de bonnes raisons pour justifier l'opération "Catapult"... sauf que la plupart de ces raisons ne tiennent pas debout. Il faut donc imaginer qu'il y en a d'autres. Churchill est un personnage bien sympathique, et très pittoresque, mais c'est un chef de guerre, pas Bernadette Soubirous. Il est capable de décisions impitoyables ou profondément injustes - sans compter les fois où il se goure, tout simplement. Il sait aussi être d'une parfaite mauvaise foi. Comme je l'ai écrit, Mers el Kébir, c'est la façon britannique de brûler ses vaisseaux en détruisant ceux des autres : on fait d'une pierre deux coups, on prouve au monde entier qu'on ne reculera devant rien, et en même temps on punit une nation d'imbéciles qui s'est fait battre bêtement. Bien sûr Churchill court le risque de jeter les Français dans les bras des Allemands, mais je crois qu'à ce moment, juste après l'armistice de 1940, il méprise tellement les Français qu'au fond il s'en fout. 

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Membre, Posté(e)
Constantinople Membre 18 329 messages
Maitre des forums‚
Posté(e)
Il y a 23 heures, Gouderien a dit :

Churchill donne tout un tas de bonnes raisons pour justifier l'opération "Catapult"... sauf que la plupart de ces raisons ne tiennent pas debout. Il faut donc imaginer qu'il y en a d'autres. Churchill est un personnage bien sympathique, et très pittoresque, mais c'est un chef de guerre, pas Bernadette Soubirous. Il est capable de décisions impitoyables ou profondément injustes - sans compter les fois où il se goure, tout simplement. Il sait aussi être d'une parfaite mauvaise foi. Comme je l'ai écrit, Mers el Kébir, c'est la façon britannique de brûler ses vaisseaux en détruisant ceux des autres : on fait d'une pierre deux coups, on prouve au monde entier qu'on ne reculera devant rien, et en même temps on punit une nation d'imbéciles qui s'est fait battre bêtement. Bien sûr Churchill court le risque de jeter les Français dans les bras des Allemands, mais je crois qu'à ce moment, juste après l'armistice de 1940, il méprise tellement les Français qu'au fond il s'en fout. 

Je suis d'accord sur tout ce que vous dites, le caractére de Churchill, son impossibilité à légitmier catapult, mais pas tellement sur la punition de la nation imbécile qui s'est fait battre betement, d'autant que les anglais sont loin d'avoir brillé dans l'affaire : ils n'ont pas eu plus de dé duccés, n'ont pas engagé leur puissance aérienne par égoisime, et lorsque Weygand tente une contre attaque il apprends que les anglais ont filé (à l'anglaise préciemment) sans même avertir l'état major français.

Moi je vous soumet ma théorie, qui tient compte du caractére impulsif de churchill, c'esr que ce sont des raisons intérieures qui l'ont poussé à Catapult.

Aprés une défaite, prendre quand même une victoire qui pus est sur un ennemi malgré tout historique, ça flatte tujours l'opinion et les médias, et le place lui dans une position de chef De guerre. Il faut rappelle qu'à ce moment là sa position n'est pas si solide, et le parti de la paix représentée par des halifax et des chamberlain est loins d'être négligeable...Entreprendre une action de cette envergure, avec un succés quasiment assuré, montrant la détermination et rappellant la force de la marine brittanique solidifie sa position personnelle, mais aussi sa position politique/diplomatique dans l'opinion.

Au passage, De Gaulle est obligé d'avaler des couleuvres en étant obligé d'approuver publiquement Mers El Kébitr, et il prends un sacré coup sur la tête.

 

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Membre, Obsédé textuel, 72ans Posté(e)
Gouderien Membre 34 686 messages
72ans‚ Obsédé textuel,
Posté(e)
il y a 9 minutes, Constantinople a dit :

Je suis d'accord sur tout ce que vous dites, le caractére de Churchill, son impossibilité à légitmier catapult, mais pas tellement sur la punition de la nation imbécile qui s'est fait battre betement, d'autant que les anglais sont loin d'avoir brillé dans l'affaire : ils n'ont pas eu plus de dé duccés, n'ont pas engagé leur puissance aérienne par égoisime, et lorsque Weygand tente une contre attaque il apprends que les anglais ont filé (à l'anglaise préciemment) sans même avertir l'état major français.

Moi je vous soumet ma théorie, qui tient compte du caractére impulsif de churchill, c'esr que ce sont des raisons intérieures qui l'ont poussé à Catapult.

Aprés une défaite, prendre quand même une victoire qui pus est sur un ennemi malgré tout historique, ça flatte tujours l'opinion et les médias, et le place lui dans une position de chef De guerre. Il faut rappelle qu'à ce moment là sa position n'est pas si solide, et le parti de la paix représentée par des halifax et des chamberlain est loins d'être négligeable...Entreprendre une action de cette envergure, avec un succés quasiment assuré, montrant la détermination et rappellant la force de la marine brittanique solidifie sa position personnelle, mais aussi sa position politique/diplomatique dans l'opinion.

Au passage, De Gaulle est obligé d'avaler des couleuvres en étant obligé d'approuver publiquement Mers El Kébitr, et il prends un sacré coup sur la tête.

 

Il y a de ça aussi. 

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