Aller au contenu

Lettres à Samuel

Noter ce sujet


aliochaverkiev

Messages recommandés

Annonces
Maintenant
Membre, SaXo, 103ans Posté(e)
saxopap Membre 7 391 messages
103ans‚ SaXo,
Posté(e)
Le 30/01/2020 à 12:36, satinvelours a dit :

...

CouCou Alio. Je fais des copié collé afin d'alimenter ma compréhension de l'histoire.

Je crois qu'Un peu plus de synergie entre les événements profiterait à tous. Mais merci pour cette lecture. 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)

Lettre 60-12

 

19 janvier 2020,

 

Samuel,


XVII siècle
 

Evolution générale en Europe

 

J) Les Provinces-Unies (voir lettre 60-2 et 60-3 pour la guerre de Quatre-Vingt ans, lettre 60-6 et 60-7 pour les guerres anglo-néerlandaises, et 60-9 pour la guerre de Hollande)

Rappel : La République des Provinces-Unies vit le jour en 1581. Leur indépendance acquise contre le royaume d’Espagne fut proclamée par Guillaume 1er d’Orange dit le Taciturne. Cette indépendance fut confirmée en 1648 lors du traité de Westphalie. Cette République regroupait les sept provinces suivantes : Hollande, Zélande, Frise, Groningue, Overijssel, Utrecht, Gueldre.

Les États Généraux composés de délégués de chaque Province, cooptés par la bourgeoisie locale, détenaient le pouvoir législatif. Leur représentant était appelé le grand Pensionnaire. Le pouvoir des armées était représenté par le Stathouder. Ces deux pouvoirs se disputaient l’hégémonie politique, les stathouders tendant à créer un pouvoir centralisateur détenu par la maison d’Orange-Nassau (Le Taciturne fut le premier stathouder). Mais chaque province était si jalouse de son autonomie que le stathouder ne put jamais imposer un pouvoir absolutiste. Les stathouders exercèrent le pouvoir politique de 1581 à 1650 puis de 1672 à 1702 (de 1672 à 1702 ce fut Guillaume III d’Orange qui l’exerça, lettre 60-7) Entre 1650 et 1672 le grand Pensionnaire Jean de Witt prit le pouvoir. Pendant son exercice les Provinces connurent la plus grande liberté. Mais la guerre de 1672, engagée par Louis XIV contre les Provinces, fut si désastreuse pour elles, à ses débuts, que le peuple lyncha de Witt, le rendant responsable de cette déroute, et rappela comme stathouder Guillaume III (lettre 60-9).

Les Provinces-Unies garantirent dès le début de leur indépendance à leurs citoyens la liberté de culte. Cela entraîna un afflux dans le pays de protestants (huguenots) et de Juifs persécutés dans leur pays d’origine. Le flot régulier de réfugiés issus de classes sociales influentes apporta talents et réseaux d'affaires et bénéficia aux villes qui connurent une croissance exceptionnelle. Entre 1622 et la fin du siècle, Amsterdam passa de cent à deux cent mille habitants, Rotterdam de vingt à quatre-vingt mille, La Haye de seize à cinquante mille.

Enfin dans la société néerlandaise, on jugeait du statut social surtout d'après la fortune et le revenu des individus (la réussite dans les affaires était considérée comme une marque d’élection divine), mœurs fort différentes de la norme en Europe du XVII siècle, où le rang social était encore fondamentalement lié à la condition, c'est-à-dire à la naissance.

Les Provinces-Unies furent à l’avant-garde de la culture et de la science européennes grâce à la solide instruction dispensée auprès de la population. L'influence protestante, dont le premier enseignement était la lecture des Écritures par tous, fit progresser l'alphabétisation. De plus l'accueil de réfugiés protestants, souvent cultivés voire érudits, permit l’éclosion de « petites écoles » dues à l'initiative privée. L'enseignement secondaire, réservé aux élites, se donnait dans des « écoles latines » où l'enseignement s'étalait sur six années. Le système universitaire sut éviter les défauts de la scolastique médiévale (c’est-à-dire l’enseignement conventionnel).

L’Université de Leyde fut la perle de ce système. Son rayonnement attira de nombreux étudiants étrangers. Elle donna asile aux penseurs que les censeurs et les policiers des royaumes absolutistes forcèrent à l’exil : René Descartes notamment. C’est à Leyde que parurent les œuvres de Galilée.

Les imprimeries des Provinces-Unies éditèrent la littérature interdite de tous les pays d’Europe dont les livres mis à l'Index par l’Inquisition.

Ce siècle fut marqué par des noms tels que ceux de Hugo Grotius (1583-1645), juriste et fondateur du droit international, du physicien Christian Huyghens (1629-1695) (pendule appliqué à l’horloge donnant l’horloge à balancier, découverte des anneaux de Saturne, calcul de la distance des étoiles, découverte de la réfraction de la lumière...), de Leeuwenhoek (1632-1723), inventeur du microscope et microbiologiste, du philosophe Baruch Spinoza, juif espagnol (1632- 1677), de l’opticien Zaccharie Jansz de Middlebourg qui mit au point la lunette qui permit à Galilée (1564-1642) de découvrir les satellites de Jupiter. Les cartes de Mercator, publiées par Jocodus Hondius, inaugurèrent l'apogée de la cartographie néerlandaise, dont Amsterdam devint la capitale. Dans le domaine des arts notons les noms des peintres Rembrandt ou de Vermeer.

Dans son Testament politique, Richelieu soulignait « le miracle hollandais » en ces termes : « L'opulence des Hollandais qui, à proprement parler, ne sont qu'une poignée de gens, réduits en un coin de terre, où il n'y a que des eaux et des prairies, est un exemple et une preuve de l'utilité du commerce qui ne reçoit point de contestation »

L'hégémonie commerciale des Provinces-Unies reposa sur quatre facteurs : une supériorité navale écrasante, l'extension de l'activité commerciale à toutes les routes océaniques, le contrôle d'une gamme étendue de produits, particulièrement les produits de luxe (épices) ou à valeur ajoutée (porcelaine, soie, etc.), l'optimisation de l'offre de cale : en remplissant les navires à l'aller et au retour, les économies de deux pays quelconques très éloignés pouvaient échanger.

C’est le commerce de la Baltique qui fut à l'origine de l'essor de la vie économique hollandaise. Pendant la première moitié du XVI siècle Amsterdam était déjà un centre important de distribution du blé et du bois de la Baltique. En effet la Hollande, ne pouvant pas vivre sur ses seuls produits, organisa un commerce international d’échanges entre les Pays de la Baltique (Pologne-Lituanie, Livonie, Russie, Poméranie), la France, l’Angleterre, l’Espagne ou encore le Portugal.

Puis furent financées les premières expéditions outre-mer pour reconnaître les débouchés commerciaux d'Asie et d'Amérique. La Compagnie néerlandaise des Indes orientales (ou VOC) fut fondée en 1602 puis la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales (ou WIC) fut créée en 1621 (lettre 60-2). Du commerce avec les colonies les Pays-Bas tirèrent de grands profits [L’empire colonial des Provinces-Unies fera l’objet d’une lettre séparée].

Plus tard, la Traite des Noirs, qui avait été au début écartée, se développa par attrait du profit, car c'était un commerce particulièrement lucratif. On chercha la justification morale de ce commerce dans la Bible : les Africains étaient fils et filles de Cham que son père Noé avait maudit, ce qui justifiait la libre exploitation de la main d'œuvre noire.

Vers 1670, la République comptait environ 15 000 navires, c'est-à-dire cinq fois l'effectif de la flotte anglaise, ce qui revenait à un monopole du transport sur mer.

La Banque d’Amsterdam créée en 1609 fut la première banque centrale au monde et l'une des premières banques européennes à utiliser la monnaie fiduciaire. Cet établissement, permit par une formule de crédit commercial inédite (l'escompte) une circulation des paiements beaucoup plus fluide. Les taux d’intérêts intéressants, le secret bancaire, la force du florin et les facilités de crédits offertes attirèrent les investisseurs et les financiers de toute l'Europe.

Aux Pays-Bas, l'année 1672 resta comme une année désastreuse.

Elle s’ouvrit sur des troubles politiques intérieurs. Deux personnalités politiques de premier plan, les frères de Witt qui avaient débarrassé la République de l'autorité envahissante des stathouders, furent sauvagement lynchés à La Haye, lorsqu'en 1672 éclata la Guerre de Hollande, par une foule pressée d’appeler à la rescousse un chef militaire, le stathouder Guillaume III d'Orange. Avec l’Angleterre la paix fut conclue en 1674. La guerre contre la France se termina en 1678 avec la paix de Nimègue (lettre 60-9).

Ensuite à l’issue de la Glorieuse Révolution de 1688 (lettre 60-7), Marie II et son époux Guillaume III régnèrent comme co-souverains d'Angleterre. Cette union personnelle de circonstance, entraîna la République (que dirigeait Guillaume III) dans une coalition anti-française qui finit par nuire à l’expansion néerlandaise et à favoriser la montée en puissance de l’Angleterre qui vint ainsi concurrencer les Provinces.

Bon courage pour cette nouvelle étude, te voici avec beaucoup de travail à synthétiser avant les exposés à faire devant ton auditoire.

Je pense à toi.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)

Lettre 60-13

3 février 2020,


Samuel,


XVII siècle


Evolution générale en Europe


K) La Pologne

Nous avons vu, lettre 59-8, que, sous le règne de Sigismond II Auguste, le dernier des Jagellons, fut signé, en 1569, le traité de l’Union de Lublin qui réunit le Royaume de Pologne au Grand-Duché de Lituanie. Cet ensemble forma la République des Deux Nations. Nous avons vu aussi comment Etienne 1er Bathory régna sur la République de 1576 à 1586. (Il fut précédé dans la gouvernance de l’Union par Henri III, roi de France, qui ne laissa pas une empreinte notable. Notons que les gouvernants de la République étaient alors élus par des pairs, des nobles issus des dynasties européennes).

En 1587 succéda à Étienne Bathory, par élection, Sigismond III, issu de la dynastie des Vasa. Il régna de 1588 à 1632. Sigismond Vasa était le fils du roi de Suède Jean III. Comme il n’avait pas renoncé à ses droits sur le trône suédois il devint roi de Suède à la mort de son père, en 1592. Cette double royauté ne plut à aucun des deux peuples. En 1599, au terme d'une guerre civile, Sigismond fut destitué dans ses droits héréditaires au trône suédois par son oncle, le duc Charles, qui lui succéda sous le nom de Charles IX. Mais Sigismond ne renonça pas à ses droits, ce qui entraîna un guerre qui dura (sporadiquement) de 1600 à 1629. Le traité d’Altmark (1629) marqua la fin du conflit. Par ce traité, une partie de la Livonie fut cédée par la Pologne à la Suède avec le port de Riga.

L’Église dominante de la République fut d’abord orthodoxe du fait de l’intégration dans son territoire de nombreuses minorités slaves orientales alors que les slaves occidentaux (polonais) étaient catholiques. Par l'Union de Brest (ville de la République, en Biélorussie actuelle), en 1596, l'Église orthodoxe de la République passa de l'autorité du Patriarche de Constantinople à celle du Pape. Cette décision rencontra l'opposition des minorités russes du territoire toutes orthodoxes. Un nouveau métropolite orthodoxe fut ordonné à Kiev, en 1620, par le Patriarche orthodoxe de Jérusalem Théophane. Tout cela créa au sein même de la République une tension religieuse.

Sous l’impulsion de Sigismond III la République mena une attaque contre la Russie affaiblie par des troubles internes. Un détachement de l’armée de la République, emmené par Zolkiewski, après avoir pris Smolensk, entra dans Moscou le 27 septembre 1610. Les Russes dynamisés par l’Église orthodoxe, organisés autour de Kouzma Minime et de Dimitri Pojarski reprirent Moscou chassant les polono-lituaniens le 4 novembre 1612 (voir lettre 14-3 et 4 sur la Russie). Par le traité de Deulino signé en 1618, la République acquit les régions autour de Smolensk. La guerre reprit en 1633 la Russie étant décidée à reprendre Smolensk. Les Russes perdirent cette guerre et durent signer la paix de la Polianovka en 1634 par laquelle ils furent contraints de laisser Smolensk aux polono-lituaniens (voir lettre 15 sur la Russie).

En 1620-1621 un conflit éclata entre l’Empire ottoman et la République des Deux Nations à propos de la Moldavie. Cette principauté formait un État souverain, vassal de la

République. Les Ottomans excédés par les raids des Cosaques zaporogues qui utilisaient la Moldavie comme base arrière pour piller leurs territoires organisèrent une expédition punitive. En 1620, le sultan vainquit les armées polonaises, zaporogues et moldaves à la bataille de Tutora en Moldavie. Puis en 1621, à la tête d’une puissante armée le sultan (Osman II) se dirigea vers la frontière polonaise avec l’ intention de conquérir l'Ukraine (qui s’appelait alors Petite Russie et formait le sud-est du territoire de la République). L’armée polonaise épaulée par les Cosaques zaporogues repoussèrent les Ottomans. Un traité de paix suivit. La République des Deux Nations promit de ne plus intervenir dans les affaires moldaves tandis que la Moldavie passait sous la suzeraineté de l’Empire ottoman.

En 1632 le fils de Sigismond III, Ladislas IV Vasa lui succéda et régna de 1632 à 1648. C’est sous son règne que fut signée la paix de la Polianovka (voir ci-dessus).

Un nouveau problème se posa aux souverains de la République : les Cosaques. Ici nous reprenons le contenu de la lettre 16 sur la Russie :

« Sur les terres du sud-est de la République habitaient les Cosaques du Dniepr ou Cosaques Zaporogues appelés aussi Tcherkassiens. Leur quartier général, la Sietch, se trouvait sur une île au milieu du Dniepr : l’île de Khortitsia. [ Cette île est une terre sacrée pour les Cosaques ukrainiens. La Sietch fut rasée par Catherine II, impératrice de Russie, puis reconstruite à l'identique après l'indépendance de l’Ukraine en 1991].

Jaloux de leur liberté, considérés comme dangereux en raison de leur esprit guerrier, il était difficile de les contrôler. Pour contenir leur nombre le roi de Pologne-Lituanie avait établi un Registre où était recensés les seuls Cosaques reconnus comme tels. Ils élisaient leur chef, le hetman (à ne pas confondre avec l’ataman, nom du chef des Cosaques du Don). L’État leur versait une solde et les employait parfois pour des opérations de guerre.

Avec la généralisation du servage de plus en plus de paysans rejoignaient les Cosaques. Les Polonais, catholiques, commencèrent en outre à persécuter les orthodoxes ukrainiens. Les Cosaques que la question religieuse n’intéressait pas vraiment, finirent quand même par prendre partie pour la religion de leur patrie.

Des révoltes commencèrent à éclater en Ukraine menées par les Cosaques. En 1638 ils furent écrasés. Le Registre limita le nombre de Cosaques à 1200 contre 6000 auparavant. Ils perdirent leur droit à élire leur chef. Alors un Zaporogue charismatique Bogdan Khmelnitski prit la tête de la Sietch comme hetman. Épaulé par les Tatars venus du khanat de Crimée il vola de victoire en victoire. Bientôt il étendit son pouvoir sur toute l’Ukraine. En 1648 il rentra à Kiev.

[La même année,1648, Ladislas mourut. Il fut remplacé par son frère Jean II Casimir qui régna de 1648 à 1668].

En 1649 le traité de paix de Zboriv fut signé donnant une certaine autonomie au Hetmanat ukrainien. Cette victoire libéra la rage des paysans contre leurs exploiteurs. Comme les Juifs avaient eu la malheureuse idée de s’interposer comme régisseurs entre les serfs et les propriétaires ils furent massacrés.

Mais cette paix était fragile et les hostilités contre la Pologne-Lituanie reprirent. Les Cosaques demandèrent alors l’aide de Moscou. Le 8 janvier 1654 la Rada (assemblée) de l’armée zaporogue décida de rattacher l’Hetmanat à Moscou. Moscou accepta le rattachement de la Petite-Russie (nom donné à l’époque à l’Ukraine) à la Russie. Ainsi Alexis devint le Tsar de toutes les Russie, Grande et Petite. Mais les Ukrainiens déchantèrent. Moscou abolit l’autonomie de l’Hetmanat, renforça le servage et envoya des

fonctionnaires moscovites administrer le pays. Puis le Tsar partit en guerre contre la Pologne-Lituanie pour défendre ses nouvelles possessions.

En février 1654 l’armée russe prit Smolensk puis en 1655 elle occupa une partie de la Lituanie (Biélorussie actuelle). Alexis devint Tsar de toutes les Russie, Grande, Petite et Blanche. En 1656 la Moldavie orthodoxe se rangea sous l’autorité de Moscou.

En 1655 les Suédois rentrèrent en guerre pour contrer l’avancée des Russes vers la Livonie. Il s’ensuivit une mêlée confuse entre Russes, Polonais, Lituaniens et Suédois.

La guerre entre la Suède et la Russie prit fin en 1661.La Russie dut rendre la Livonie qu’elle avait occupée.

La guerre entre la Pologne-Lituanie et la Russie prit fin en 1667 avec le traité d’Androussovo. Le Petite-Russie fut divisée en deux parties. La rive gauche du Dniepr ( rive orientale), fut cédée à Moscou, Kiev y compris (bien que située sur la rive droite). La rive droite revint à la Pologne-Lituanie. Smolensk resta à la Russie. La partie de la Lituanie occupée par les Russes (Biélorussie) fut rendue à la République.

Avant même ce partage les Cosaques de la Petite-Russie occidentale s’étaient organisés. En 1665 Dorochenko, élu hetman, projeta d’étendre son pouvoir sur toute la Petite-Russie, y compris la rive orientale. La paix de 1667 le prit de court. Un autre hetman fut élu sur la rive gauche, inféodée au Tsar (Khmelnitski était mort en 1657).

En 1669 Dorochenko s’allia avec l’empire ottoman. Les armées ottomanes et zaporogues (de la rive droite) prirent la Podolie qui devint une province ottomane tandis que l’Ukraine occidentale devint territoire cosaque sous protectorat ottoman. Mais la guerre avait considérablement affaibli le pays et l’arrivée des Ottomans musulmans choquait les Ukrainiens orthodoxes. L’hetman ne pouvait plus rester sous la domination ottomane. Il renonça à son titre et rejoignit Moscou où il fut emprisonné (il fut gracié par le successeur d’Alexis). Désormais la rive droite était totalement sous contrôle ottoman ».

La guerre contre les Suédois s’acheva par le Traité d’Oliva signé en 1660. Ce sujet a été traité dans la lettre 60-5 dont l’extrait relatif la Pologne-Lituanie est repris ci-dessous :

« Le Traité d’Oliva (près de Gdansk en Prusse royale ou Prusse occidentale) fut signé entre la Suède et la Pologne-Lituanie représentée par Jean II Casimir, le Brandebourg-Prusse représenté par Frédéric-Guillaume et l’Empire représenté par Léopold 1er, en avril 1660. Par ce traité la Pologne renonçait et à la suzeraineté sur le duché de Prusse qui devint donc indépendant et rattaché au Brandebourg, et au trône de Suède. Cette ancienne revendication (le trône de Suède) provenait de ce fait : les Rois de Suède, de 1587 à 1668, et les rois de Pologne-Lituanie, de 1587 à 1668, descendaient d’une même dynastie (même famille) : les Vasa ».

En définitive à l’issue de ces guerres la Pologne-Lituanie perdit sa suzeraineté sur le duché de Prusse, elle dut en outre céder la Podolie aux Ottomans, la Livonie avec Riga aux Suédois, la partie orientale de la Petite-Russie à la Russie tandis que la partie occidentale de la Petite-Russie passait sous la suzeraineté de l’empire ottoman. Enfin Smolensk fut rendue à la Russie.

En 1669 Jean Casimir fut remplacé, par élection, par Michał Wiśniowiecki, issu de la dynastie des Jagellons. Ce dernier régna jusqu’en 1673 et fut remplacé par Jean III Sobieski qui régna de 1674 à 1696.

Jean III Sobieski devint le héros de l’Europe occidentale. Il participa au rassemblement de l’Europe continentale chrétienne contre l’Empire ottoman musulman en s’alliant au Saint-Empire romain germanique et en rejoignant la Sainte Ligue (catholique). [Rappelons que Louis XIV ne participa pas à ce rassemblement]

Lorsque le sultan Mehmed IV lança le siège de Vienne, Sobieski participa activement à la défense de la ville. Le 12 septembre 1683 il vainquit les Ottomans. Son action permit de repousser puis de pourchasser l’armée ottomane commandée par Kara Mustapha. Impressionnés par sa bravoure les Ottomans le surnommèrent le Lion de Lechia (« Lion de Pologne »). Quant au Pape et aux dignitaires étrangers ils le surnommèrent « Sauveur de Vienne et de la civilisation occidentale ».

Frédéric-Auguste de Saxe, dit « le Fort » succéda à Sobieski. Il fut élu à la tête de la République des deux Nations en 1697. Il régna jusqu’en 1733 sous le nom d'Auguste II. Nous en parlerons lors de l’étude du XVIII siècle. C’est sous son règne que fut signé le traité de paix de Karlowitz, en 1699, avec l’Empire ottoman grâce auquel la Pologne-Lituanie récupéra la Podolie. Auguste ne récupéra pas la suzeraineté sur la Petite Russie occidentale laquelle suzeraineté passa, de l’Empire ottoman à la Russie (voir lettre 60-11).

Note sur la carte jointe : la Moldavie est la partie hachurée bleue du bas de la carte (ville indiquée : Pererita). Kijow est le nom polonais de Kiev. Le fleuve qui passe par Kiev est le Dniepr. La partie orientale du Dniepr (Petite-Russie orientale, rive gauche du Dniepr) devint donc propriété russe par le traité d’Androussovo. Notons que la région de Czernichow (Tchernigov), au-dessus de Kiev qui avait été prise par les Polonais avec Smolensk revint à la Russie, avec la région de Smolensk, lors de la signature du traité d’Androussovo. La rive droite du Dniepr (Petite-Russie occidentale) passa sous suzeraineté ottomane avant de passer sous la suzeraineté russe en 1699 (traité de Karlowitz)

La partie hachurée rose du haut de la carte jusqu’à Riga revint à la Suède (Livonie) après la signature du traité d’Altmark. La partie hachurée rose sous Riga (ville : Mitawa) resta sous la suzeraineté de la Pologne.

Le duché de Prusse, partie hachurée rose (ville Krolewiec, nom polonais de Konigsberg devenue : Kaliningrad) sortit de la suzeraineté de la Pologne pour devenir partie intégrante de l’Électorat du Brandebourg, en Allemagne, lors de la signature du traité d’Oliva. La Podolie est la région centrée sur Lwow (Lviv aujourd’hui, en Ukraine).


Je t’embrasse,

Je t’aime

Je suis toujours là, près de toi.

republique%20des%20deux%20nations.png

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)

 

Lettre 60-14

6 février 2020,


Samuel,


XVII siècle


Evolution générale en Europe

L) La Russie (le texte qui suit est un résumé des lettres 14 à 17 sur la Russie)

Nous en sommes restés, voir lettre 59-9, au règne du fils d’Ivan le Terrible, Féodor, qui régna de 1584 à 1598. A la mort de ce dernier commença le Temps des Troubles.

A la mort de Féodor, sa femme la tsarine Irina assura la régence. Mais au bout de neuf jours elle renonça à sa charge et elle convoqua un Zemski Sobor. Le Zemski Sobor était une institution composée de délégués des quatre classes dominantes : l’Église, l’armée, l’administration de l’État, les négociants et entrepreneurs.

Cette institution élut Boris Godounov Tsar de Russie. Il fut le premier Tsar élu de la Moscovie (avec la mort de Féodor s’était éteinte la dynastie des Rurik, les fondateurs de la Rus de Kiev). Il mena une politique internationale apaisée. En revanche sur le plan intérieur la situation dégénéra. Le servage des paysans imposé par le Terrible devint insupportable. Beaucoup s’enfuirent pour aller défricher les terres lointaines des khanats annexés par le Terrible. Certains allèrent grossir les rangs des Cosaques. Cette migration affecta l’exploitation des terres. Une famine survint en 1603 et dura trois ans. Les Russes moururent par milliers, des pillards apparurent. L’armée intervint pour réprimer des soulèvements populaires. La popularité de Boris s’écroula.

C’est alors qu’une rumeur se répandit : le jeune frère de Féodor, Dimitri, un descendant de la dynastie Rurik donc, que l’on pensait mort, serait en fait vivant et caché en Lituanie. En effet un homme apparut, il affirma : « Je suis Dimitri, fils du Terrible ». Soutenu par les boyards qui voulaient rétablir la dynastie, il entra en Russie à la tête d’une armée de gueux, marcha sur Moscou. Son armée fut arrêtée à Novgorod-Severski.

Le 1er avril 1605 Boris mourut subitement, vraisemblablement empoisonné. Son fils Féodor, âgé de 16 ans lui succéda. Dimitri réapparut à la tête d’une armée composée de Cosaques du Don et Zaporogues. Soutenu par les boyards il fit une entrée triomphale à Moscou et prit le pouvoir. Féodor et sa mère furent assassinés. Le 30 juillet 1605 il fut couronné Tsar en l’église de l’Assomption.

Mais Dimitri n’était pas Dimitri, lequel était vraiment mort. Dimitri était un imposteur, c’était un moine nommé Grigori Otrepiev. Cela n’empêcha pas la nonne Marfa, la mère du vrai Dimitri, de reconnaître son fils en l’imposteur.

Le règne de Dimitri dura peu de temps : du 30 juillet 1605 au 17 mai 1606. Lors de son mariage avec Marina Mniszek, fille d’un gouverneur militaire polonais, le 8 mai 1606, Vassili Chouïski, membre de la famille princière des Chouïski, ourdit un complot contre lui. Dimitri fut assassiné, Marina fut renvoyée en Pologne. Vassili Chouïski devint Tsar le 29 mai 1606 sous le nom de Vassili IV Chouïski.

A peine Vassili eut-il réussi à imposer son autorité qu’apparut à nouveau Dimitri. Ce dernier aurait réussi à se sauver, un autre que lui aurait été tué. Il suffit à cet homme de déclarer « Je suis Dimitri, le fils du Terrible » pour être rallié par des rebelles, des Cosaques et des chefs de guerre polonais emmenés par Marina Mniszek. En fait il s’agissait à nouveau d’un imposteur appelé Bogdanko. Cela n’empêcha pas Marina de le reconnaître comme étant son époux et la nonne Marfa de le reconnaître comme étant son fils. Dimitri-Bogdanko marcha sur Moscou mais il ne put prendre la ville. Il s’installa à Touchino près de Moscou ce qui lui valut le surnom de « Brigand de Touchino ».

Vassili Chouïski demanda l’aide militaire de la Suède qui la lui donna à condition que la Russie renonce à toutes visées sur la Livonie et qu’elle signe une alliance avec elle contre la Pologne. Le brigand fut chassé de Touchino. Il se réfugia à Kalouga (160 km au sud-ouest de Moscou).

Mais le souverain de la Pologne-Lituanie, Sigismond III, furieux de l’alliance conclue entre le Suède et la Russie, attaqua la Russie. Son chef des armées Zolkiewski enleva Smolensk puis rentra à Moscou le 27 septembre 1610. Cette débâcle précipita la fin du Tsar, les boyards le renversèrent et prirent le pouvoir. Le pays fut dirigé par la Douma des boyards représentés par sept d’entre eux.

Ils trouvèrent un accord avec l’occupant polonais en acceptant que le fils de Sigismond, Ladislas,devienne Tsar. Dans leur esprit le nouveau tsar devait défendre les intérêts de la Russie. Mais le père de Ladislas, Sigismond, ne l’entendait pas ainsi. Il voulait, lui, faire main basse sur la Russie. Voyant la résistance des boyards il se prépara à envahir le pays avec une puissante armée. Entre-temps le choix de Ladislas par les Russes comme Tsar déplut aux Suédois. Ils envahirent par le Nord la Russie et assiégèrent Novgorod.

Occupés par un détachement polonais, menacés d’être annexés à la République des deux Nations, menacés par les Suédois, toujours sous la menace d’une contre-offensive du brigand de Touchino, réfugié à Kalouga, les Russes étaient mal partis.

Le problème posé par le brigand fut résolu par son assassinat le 10 décembre 1610. Puis une milice composée de nobles, de paysans, d’anciens soldats et de Cosaques marcha sur Moscou. Le détachement polonais qui y résidait mit le feu à la ville et se réfugia dans le Kremlin. La milice rentra dans Moscou. Mais ses chefs ne s’entendirent pas. Du coup la milice se débanda.

Sigismond III s’approchait de Moscou. Les Suédois prirent Novgorod. En province un troisième faux Dimitri apparut. Mais il ne parvint pas à fédérer de forces autour de lui.

Dans ce chaos, l’Église orthodoxe mobilisa les Russes. Sous son impulsion des hommes courageux se révélèrent. A Nijni-Novgorod (actuelle Gorki) un homme simple, Kouzma Minime parvint grâce à son charisme à mobiliser sa ville puis le pays. Un chef de guerre Dimitri Pojarski parvint à lever une armée. Minime et Pojarski, soutenus par l’Église montèrent à l’assaut de Moscou. Ils prirent la ville. Le détachement polonais qui l’occupait se rendit. Les polono-lituaniens furent chassés de Moscou le 4 novembre 1612.

Un Zemski Sobor fut réuni. Le 7 février 1613 il élut Tsar Michel Romanov. Ce dernier fut couronné le 21 juillet 1613. La dynastie des Romanov devait durer de 1613 à 1917. Ainsi s’acheva le Temps des Troubles. Aujourd’hui en Russie en commémoration de la victoire sur les polono-lituaniens est fêté le jour de l’unité nationale ou jour de l’unité du peuple.

Michel Romanov régna de 1613 à 1645. Il parvint à rétablir l’ordre, à fixer les paysans à la terre et à développer l’industrie en ouvrant les frontières à des entrepreneurs étrangers. Avec les Suédois il signa la paix de Stolbovo en 1617. Novgorod fut rendue aux Russes mais toutes les terres en front de la Baltique restèrent à la Suède ce qui empêcha la Russie d’accéder à cette mer. Avec la Pologne-Lituanie fut signée la paix de Deulino le 1er décembre 1618. Les Russes y perdirent Smolensk et Tchernigov. Sigismond renonça à envahir la Russie, mais son fils Ladislas ne renonça pas à son droit d’en devenir le Tsar.

Michel Romanov reconstitua l’armée et attaqua la Pologne pour récupérer Smolensk en 1633. Il fut vaincu et dut signer la paix de la Polianovka en 1634 qui confirma les pertes entérinées par le traité de Deulino. En revanche Ladislas renonça à ses droits sur le trône de Russie (contre paiement d’une lourde indemnité).

Michel Romanov continua la conquête de la Sibérie. Dans les années 30 les colonisateurs atteignirent les rives de la Léna, ils fondèrent la ville de Iakousk. En 1636 des Cosaques atteignirent les rives du fleuve Amour.

Le fils de Michel Romanov, Alexis Mikhaïlovitch succéda à son père. Il régna de 1645 à 1676. Il fut surnommé Alexis le Très-Paisible. Il produisit d’abord un nouveau code de lois, l’Oulojénié qui fixa les devoirs de la société envers l’État puis il consolida l’ordre dans le pays en en confiant la charge à une police politique. Enfin il leva de nouveaux impôts pour rétablir les finances mises à mal par les guerres incessantes. Ces impôts entraînèrent des révoltes populaires que le Tsar parvint tant bien que mal à contenir.

Dans les années 30, en Pologne-Lituanie, les Cosaques zaporogues, jaloux de leur liberté, se révoltèrent contre les instances dirigeantes. Ils parvinrent à faire sécession politique en étendant leur autorité sur le territoire de la Petite Russie (Ukraine actuelle). [lettre 60-13]. Puis en 1654 ils demandèrent leur rattachement à la Russie. Alexis accepta.

Le souverain de la République, Jean II Casimir, n’accepta pas cette mainmise si bien que la guerre reprit entre la République et la Russie. Les Russes furent victorieux. La guerre cessa en 1667 avec le traité d’Androussovo grâce auquel la Russie récupéra Smolensk et la région de Tchernigov. Elle annexa aussi la Petite-Russie orientale sur la rive gauche du Dniepr (Kiev y compris), la Petite-Russie occidentale, sur la rive droite, restant propriété de la République (mais elle finit par passer sous la domination ottomane).

Le Tsar Alexis mourut le 30 janvier 1676. Comme il avait eu des enfants de deux mariages il s’ensuivit une longue guerre de succession de 1676 à 1694 dont sortit vainqueur Pierre, fils du second mariage d’ Alexis. Pierre prit le pouvoir en 1694, à l’âge de 22 ans, c’est lui qui devait construire l’Empire de Russie.

Pendant cet interrègne les Russes continuèrent de conquérir la Sibérie atteignant le Kamtchatka et faisant contact avec la Chine. En 1689 le traité de Nertchinsk fixa la frontière entre les deux pays.

 

Je t’embrasse,

Toutes mes pensées sont avec toi

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)

Lettre 60-15

16 février 2020,

Samuel,

 

XVII siècle

 

Le Maroc (suite de la lettre 59-7)

Le Maroc connut son apogée politique au XVII siècle grâce au plus célèbre de ses souverains : Mulay Isma’il.

Au XVI siècle l’Afrique du Nord dut s’incliner devant l’invasion ottomane sauf le Maroc qui résista grâce à l’action d’une famille arabe : les Saadiens. Le prestige de cette famille s’accrut encore grâce à sa victoire contre les Portugais lors de la bataille d’Alcaçar-Quivir en 1578, bataille au cours de laquelle le roi du Portugal, Sébastien 1er, mourut.

Le saadien al-Mansour (le Victorieux) prit alors le pouvoir et fonda l’Empire chérifien en prenant le contrôle de la vallée moyenne du Niger. A sa mort, en 1603, le pays s’enfonça dans une guerre de succession. Les Saadiens furent évincés, d’autres chérifs se prétendant aussi descendants du Prophète se rendirent maîtres du Maroc oriental : les Alaouites. [Un chérif est un descendant de Mahomet par sa fille Fatima].

L’un d’entre eux, Mulay al-Rachid (1631-1672) parvint à contrôler l’ensemble du territoire avant de le léguer à son demi-frère, à sa mort, en 1672 : Mulay Isma’il. Ce dernier régna pendant 55 ans de 1672 à 1727, il fut surnommé le Louis XIV marocain.

Pendant les 15 premières années de son règne il s’appliqua à étendre son autorité sur l’ensemble du territoire en créant un vaste réseau de villages fortifiés appelés : casbahs, qui lui permirent de tenir tête aux tribus rebelles, aux Ottomans et aux Européens.

Il reprit progressivement tous les ports que les Européens avaient aménagés sur les côtes. Il reprit Tanger aux Anglais en 1684, Larache (en 1689) et Asila (en 1691) aux Espagnols. A la fin de son règne il ne restait plus que cinq ports européens : sur l’Atlantique Mazagan, appartenant au Portugal, et sur la Méditerranée quatre ports, dont Ceuta, appartenant aux Espagnols. Seul Ceuta reste encore aujourd’hui possession espagnole.

Sur le plan extérieur il réussit à tenir tête à toutes les convoitises européennes et ottomanes. Il signa de nombreux traités commerciaux qui enrichirent le pays. Sur le plan intérieur il assainit les finances, il leva une armée de 150 000 esclaves noirs qui, non concernés par les questions intérieures, firent régner l’ordre sans faillir. Enfin il construisit à Meknès, dont il fit sa capitale, un palais impérial digne du château de Versailles, palais aujourd’hui disparu.

 

Je t’embrasse,

Je t’aime

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)

Lettre 60-16

17 février 2020,

 

Samuel,

 

XVII siècle

 

Histoire de la communauté juive

A) Le moment sabbatéen

En octobre 1665 un navire, dérouté par une tempête alors qu’il devait accoster à Amsterdam, arriva dans un port écossais. Sur la grand-voile était inscrit en lettres rouges : « Ceux-ci viennent des dix tribus d’Israël ». Nul ne parvint à bien comprendre l’hébreu parlé par l’équipage.

La même année la communauté juive d’Amsterdam se mit à bruire d’étonnantes rumeurs. De partout arrivaient ces nouvelles : les dix tribus d’Israël étaient en marche. Elles arrivaient soit d’au-delà des montagnes du Caucase, soit d’Anatolie ou de Perse, soit d’Arabie, d’Afrique ou d’Amérique. Un million d’hommes conduits selon certains par un général nommé Jéroboam progressait vers Israël, armé d’arcs, de flèches, de lances et de psaumes. Déjà cette troupe renversait les Ottomans dont les balles et les boulets rebondissaient contre les boucliers des soldats sans les toucher. A Fès il fut révélé qu’une autre armée d’Israélites marchait en direction d’une montagne de sable pour y creuser une galerie jusqu’à une cave secrète où reposait une trompette en laiton. Un Judéen en jouerait, alors la terre tremblerait, tous les croyants formeraient un seul peuple convergeant vers Sion.

Tout cela, bien sûr, n’était qu’imaginaire.

Dans les derniers mois de 1665 ces rumeurs s’intensifièrent. Des navires appareillaient en Inde et en Zélande pour rallier la Palestine. Les persécuteurs d’Israël allaient être écrasés dans le sang. Les fils de Moise venaient de franchir la Sambatyon. [Le Sambatyon est un fleuve légendaire de la mythologie juive qui charrie pierre et sable. Il a la particularité de cesser de s'écouler pendant le sabbat. Au-delà du fleuve sont exilés les dix tribus d’Israël ou encore les enfants de Moïse]. Ces signes signifiaient que le Messie était sur le point d’apparaître, qu’il conduirait son peuple jusqu’à Jérusalem où le Temple serait reconstruit.

A Gaza vivait un homme de Dieu, Nathan. En 1665 il eut 22 ans. Il avait étudié dans une yeshiva, il était aussi kabbaliste. Le légalisme talmudique l’ennuyait, la mystique kabbalistique l’inspirait. Il suivait des jeûnes prolongés suivi d’isolement complet qui le plongeaient dans des transes. Dans son ouvrage « Le livre de la création » il écrivit qu’il s’était élevé assez haut pour voir la totalité de la création. Il s’était même élevé jusque dans la mer des étoiles où il vit le char céleste [la Merkavah citée dans l’écrit majeur de la kabbale, le Zohar] conduit par un homme au doux visage. Ces paroles étaient naturellement venues à Nathan, en voyant le cocher : « Sabbataï Tsevi est son nom. Il fait éclater sa voix, il pousse le cri de guerre, il déploie sa puissance contre les ennemis »

Revenu sur terre Nathan vit venir à lui un homme qui lui demanda de le guérir de ses sautes d’humeur trop radicales. Nathan alors reconnut Sabbataï Tsevi et lui révéla qu’il était le Messie. Le 31 mai 1665 Sabbataï se déclara publiquement Messie.

Tsevi était né à Smyrne (Izmir actuellement, en Turquie) d’un père séfarade et d’une mère ashkénaze. Il avait reçu une éducation talmudique et kabbalistique. Il était né un 9 Av (mois du calendrier hébraïque) jour anniversaire de la destruction du Temple. Or selon la tradition le Messie devait naître un 9 Av. Il se fit remarquer par ses penchants mystiques et ses extravagances. Il jeûnait souvent, rentrait en transes, prononçait sans cesse des formules kabbalistiques et répétait dans l’indifférence générale qu’il était le Messie. Il finit par être expulsé de Smyrne. Il erra de cité en cité, répétant toujours qu’il était le Messie, son comportement était étrange, un jour il promena dans un berceau un gros poisson habillé en enfant. Après de multiples péripéties il échoua en Palestine, là il rencontra Nathan.

Les deux hommes s’entendirent. Nathan était un homme qui maîtrisait la parole, Sabbataï était un homme d’action. Tous deux et surtout Nathan connaissaient suffisamment les textes kabbalistiques pour révéler des signes formant une trame prophétique. De plus dans les années 60 la kabbale était devenu le judaïsme normatif, les Israélites ayant besoin de retrouver des motifs d’espérance, fussent-ils délirants, après l’assommoir de l’expulsion d’Espagne mais aussi après les massacres dans la petite Russie commis par les Cosaques en 1648 après la révolte de Bogdan Khmelnitski (voir lettre 16 sur la Russie, chapitre 5).

C’est ainsi que la grande aventure sabbatéenne commença. L’apparition du Messie enflamma l’imaginaire de toutes les communautés juives. Cet engouement étonnant se coupla avec la résurgence de mythes chrétiens. En effet pour ces derniers le nombre 666, contenu dans l’année 1666 annonçait la venue de la Bête (Lucifer dont le signe est le nombre 666) avant le retour glorieux de Jésus-Christ. La concordance de ces mythes convainquit la majorité de la communauté juive que Sabbataï était réellement le Messie.

Un immense mouvement de ferveur populaire, accompagné de processions, de prières publiques, d’extases hystériques de fidèles prophétisant la fin des temps et appelant à la repentance générale se saisit des masses. Des dévots se versaient de la cire fondue sur le corps, d’autres se flagellaient avec des branches épineuses, d’autres encore se nouaient des cordes d’orties sur le corps.

Nathan fixa pour l’été 1666 la date de la rédemption (c’est-à-dire le jour où Dieu viendra sauver les Juifs). Au cours des quatre années à venir prédit-il, des phénomènes surnaturels allaient bouleverser l’univers. Sabbataï s’emparerait de la couronne du sultan, ramènerait les dix tribus perdues et rassemblerait tous les Juifs en Israël.

Sabbataï voyageait tel un roi, vêtu de soie, agitant un sceptre en argent. Il renversait les usages, transformait les fêtes religieuses de deuil en réjouissances, transgressait les lois alimentaires, faisait remplacer dans les prières le nom du sultan par le sien. L’agitation messianique gagna toutes les communautés de toutes les villes de l’Empire ottoman puis elle gagna toute l’Europe. De nombreux Juifs vendirent toutes leurs possessions préparant leur voyage en Israël. Certains proclamèrent que Dieu transporterait son peuple sur un nuage jusqu’à la Terre sainte. En Grèce un Juif voulut sauter sur un nuage et se tua.

Ainsi le sabbatéisme s’opposait au fatalisme résigné, à la fuite sans fin devant les calamités, les exodes, les massacres. Le sabbatéisme inaugurait une avancée vers la rédemption, vers le retour à Sion.

Face à l’agitation croissante le grand vizir Koprülü décida de calmer les esprits. Il ordonna à Sabbataï de se présenter à Constantinople en février 1666. Le Messie vogua jusqu’à la capitale. Le vizir aussitôt l’arrêta et l’enferma dans un château à Gallipoli (au sud de Constantinople) où il bénéficia de conditions d’incarcération confortables. Entouré d’amis il transforma sa prison en cour royale, recevant d’innombrables visiteurs appartenant à toutes les couches de la société juive. Les autorités ottomanes laissèrent faire pensant que la tension retomberait, le Messie étant désormais entravé dans ses mouvements.

Ce dernier prononçait des homélies enflammées, il rédigeait des missives qu’il signait : « Fils aîné de Dieu » ou « Fiancé de la Torah ». La fièvre messianique alla en s’exacerbant à l’approche de la date de la rédemption prédite par Nathan. Des émeutes éclatèrent en Europe du Nord, à Vilna, Lublin, Pinsk, Amsterdam, Prague, Francfort. Les croyants se couchaient nus dans la neige et se fouettaient avec des orties. Par milliers ils se rassemblaient devant les portes de la forteresse de Gallipoli. L’effervescence atteignit son paroxysme en juillet et août 1666. Tous attendaient que se produisit un grand événement surnaturel d’autant plus fascinant que nul ne parvenait à l’imaginer.

Le sultan décida d’arrêter les frais. Il annonça à Sabbataï que ses archers allaient faire de lui leur cible. S’il était le Messie les flèches rebondiraient sur lui. S’il refusait l’épreuve il serait empalé. Il lui proposa encore une troisième voie : se convertir à l’Islam. Sabbataï choisit de se convertir. Il prit le nom de Aziz Mehmed Effendi, reçut une bourse d’argent et un costume correspondant à sa foi nouvelle puis il fut libéré. Le sultan satisfait se dit que la menace d’une implosion sociale dans son Empire était écartée.

La nouvelle de la conversion du Messie doucha tout le monde. L’attente surnaturelle fut brusquement abrégée. Beaucoup ne voulurent pas y croire. Ils se dirent que le Messie était en train de ruser pour s’emparer du pouvoir ottoman ou qu’il avait voulu se sacrifier pour éviter le massacre des Juifs. Le vizir et le sultan laissèrent la désillusion faire son œuvre. Les Juifs finirent par reprendre leur vie normale, mentalement brisés.

Sabbataï devint une sorte de marrane musulman, fréquentant la mosquée le vendredi, observant le shabbat le samedi. Cette attitude lui valut d’être dénoncé pour injure à l’islam. Le vizir l’exila en Albanie. Il y mourut, seul, en 1676. Nathan mena une vie de vagabond errant de ville en ville. Il mourut, lui aussi seul, en 1680 à Skopje en Macédoine.

La chute du mouvement sabbatéen laissa de profondes séquelles dans les communautés.

En Europe cet effondrement prépara le terrain à de nouvelles formes de vie juives dont nous parlerons ultérieurement. Mais dans la communauté juive méditerranéenne séfarade cette chute la laissa dans un état d’épuisement spirituel. Elle ne se releva pas de ce nouveau coup du sort. La belle et rayonnante communauté séfarade d’Espagne ainsi perdit encore un peu plus de sa lumière. Le cœur du monde juif battit désormais au rythme de l’histoire européenne dans la communauté ashkenaze.

Mais l’âme séfarade en mourant dans l’effondrement de Sabataï émit un message ultime. Comme l’arbre expirant, qui, au printemps, produit une dernière abondante floraison, avant de s’éteindre, l’âme séfarade envoyait ainsi pour l’éternité à venir son message au monde : Jérusalem renaîtra.

La tragédie de Sabbataï reste une coupe ouverte à cette prophétie : celui qui connaît la catastrophe un jour reviendra, animé par la force de l’Esprit.

 

Je t’embrasse,

Je t’aime

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)

Lettre 60-17


25 février 2020,

 

Samuel,

 

XVII siècle


Histoire de la communauté juive

 

B) En Pologne

Nous avons vu (lettre 59-11-4) que les Juifs de Pologne-Lituanie s’étaient installés en grand nombre dans les latifundia, propriétés des nobles dont ils devinrent les régisseurs.

Après l’unification de la Pologne et de la Lituanie en 1569 (Union de Lublin, lettre 60-13) les nobles lancèrent de vastes entreprises de colonisation dans les steppes d’Ukraine. Ayant eux-mêmes peu de goût pour la gestion des terres et la commercialisation des produits ils firent appel aux Juifs.

Un système de fermage (location) fut mis au point : « l’arenda ». Moyennant une redevance fixe, le fermier juif gérait les domaines ce qui impliquait qu’il avait la haute main sur les biens immeubles et les moyens de production y compris les serfs.

Notons ainsi, parmi bien d’autres, la réussite de Maître Abraham fils de Samuel qui obtint d’un prince polonais au prix annuel de 5 000 zlotys-or le fermage d’un ensemble d’agglomérations avec moulins, auberges, tavernes, étangs, terrains de chasse, pâturages, forêts, bois et bétail. Ou encore la réussite de Lejba Anklewiez Subiennik qui obtint l’arenda de débits de boissons et de champs de céréales d’une ville importante de la Petite Russie.

C’est ainsi que le paysan ukrainien et orthodoxe, réduit quasiment à l’esclavage dans l’exploitation des terres du fait de l’organisation féodale de la Pologne -Lituanie commença à voir dans le Juif le représentant du noble polonais catholique et oppresseur. Devenu objet de haine pour la population rurale le grand fermier juif fut dès lors la première cible des révoltes populaires.

En 1648 menées par le cosaque Bogdan Khmelnitski qui voulait créer une Petite Russie autonome les masses paysannes se soulevèrent. Les Juifs furent les victimes de la vindicte populaire : 40 000 périrent en 1648-1649. Beaucoup fuirent en Europe, notamment à Amsterdam et en Allemagne.

Ces massacres eurent un retentissement important dans les communautés juives d’Europe et inspirèrent pour une grande part le messianisme de Sabbataï Tsevi (lettre 60-16).

En 1648 Tsevi avait 22 ans. Il voulut trouver dans ces massacres un sens. Il le découvrit dans l’espérance messianique. A partir de cette année il rentra dans des états d’exaltation suivis de phases dépressives et se sentit de plus en plus fermement convaincu qu’il était le Messie qui rassemblerait tous les Juifs et les conduirait en Palestine.

En 1666 deux Juifs polonais partirent voir Sabbataï à Gallipoli (lettre 60-16) et diffusèrent le message du maître en Europe orientale. Le retentissement fut immense mais en 1670 le Conseil des Quatre Pays, représentant en Pologne la nation juive, excommunia Tsevi.

Pour autant l’influence de Sabbataï ne s’éteignit ni avec sa conversion à l’islam ni avec son excommunication ni même avec sa mort en 1676. En 1700 un rabbin sabbatéen de Doubno (ville d’Ukraine) Juda Hassid partit pour la Palestine avec 400 adeptes. Mais dès son arrivée il mourut ce qui désorganisa ses disciples.

Malgré cet échec beaucoup voient aujourd’hui dans l’action de Juda Hassid la préfiguration du futur mouvement sioniste.

Au XVIII siècle le sabbatéisme connut une dernière poussée avec l’apparition de Jacob Frank dont nous parlerons lorsque nous étudierons ce siècle.

 

Je t’embrasse,

Je t’aime

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)

Lettre 60-18

26 février 2020,

 

Samuel,

 

XVII siècle


Histoire de la communauté juive


C) Amsterdam

a) La Terre d’asile

Dès le début du siècle un premier groupe de marranes s’installa à Amsterdam. En 1602 fut fondée Beit Yaacov « Demeure de Jacob » première congrégation juive d’Amsterdam. En 1608 fut fondée Névé Shalom « Maison de la Paix » seconde congrégation, puis en 1618 Beit Israël « Demeure d’Israël » la troisième congrégation. En 1639 les trois congrégations s’unifièrent pour former la « Communauté sainte de Talmud Torah » nom officiel de la communauté séfarade d’Amsterdam. Ainsi progressivement les marranes et les nouveaux chrétiens purent renouer officiellement avec le judaïsme.

Les familles les plus influentes créèrent le syndic ou maamad de Talmud Torah, soit le comité directeur de la communauté. Ce fut le maamad, et non les experts rabbiniques, qui s’appropria le pouvoir de prononcer l’excommunication ou herem de tout Juif pouvant porter atteinte à l’unité de la communauté. Ce pouvoir exorbitant visait à contrer les trop fortes personnalités marranes que les épreuves et les expériences spirituelles (conversion, simulée certes, au catholicisme mais conversion tout de même vécue) avaient conduit à adopter des visions du monde souvent éloignées du judaïsme orthodoxe. Le scepticisme rationaliste ou encore le mysticisme kabbalistique (incarné par Sabbataï Tsevi) déplaisaient aux tenants de l’orthodoxie. La deuxième partie de ce chapitre sera dédiée à l’étude de ces « fortes têtes » marranes.

Les marranes et les nouveaux chrétiens ne cessèrent d’arriver à Amsterdam pendant le XVII siècle. En 1616 leur présence fut légalisée par les dirigeants des Provinces Unies. Rappelons que ces Provinces (les sept États du Nord) étaient majoritairement acquises au calvinisme, doctrine religieuse opposée au catholicisme, ce qui explique que les immigrés Juifs séfarades ne furent plus, dans ces Provinces, confrontés à l’antisémitisme des Rois catholiques d’Espagne et du Portugal. Mieux les calvinistes comme l’ensemble des protestants, étaient de fervents lecteurs de l’Ancien Testament (les catholiques étant plus orientés vers le Nouveau Testament). La Bible hébraïque était au cœur des deux identités juive et protestante, ce qui conduisait les Hollandais à se penser comme de nouveaux enfants d’Israël. En Grande Bretagne les protestants comparaient l’Écosse et l’Angleterre aux deux anciens royaumes d’Israël et de Juda. Guillaume le Taciturne (voir lettre 59-5) lui-même était représenté en Moïse moderne.

En 1632 la construction de synagogues fut autorisée et, date historique, le 17 juillet 1657, les États Généraux (voir lettre 60-12) accordèrent leur protection à tout Juif néerlandais se trouvant à l’étranger. Pour la première fois dans histoire européenne, un État traitait ses ressortissants juifs de la même manière que ses ressortissants non-juifs.

En 1672 les séfarades représentaient la moitié des 5 000 Juifs d’Amsterdam (sur 200 000 habitants) l’autre moitié étant constituée de Juifs ashkénazes arrivés en nombre après les massacres de 1648 en Petite Russie.

La communauté séfarade d’Amsterdam tint à donner d’elle une image avenante. Habillés de la même manière que les Hollandais les séfarades menèrent aussi le même style de vie qu’eux. [Notons que les ashkénazes en revanche gardèrent leurs costumes polonais et leurs chapeaux à large bord].

Les séfarades riches et puissants pour la majorité d’entre eux intégrèrent les cercles des notables, des industriels et des marchands hollandais. Ils fournirent grâce à leur argent et à leurs réseaux d’affaires un appui sérieux à l’expansion du commerce des Provinces Unies jusqu’au début du XVIII siècle [Ils surent garder le contact avec les acteurs économiques espagnols et portugais du continent mais aussi des colonies, d’où un soutien précieux pour l’activité commerciale internationale des sept Provinces].

Ils détinrent jusqu’au quart des actions de la Compagnie des Indes orientales. Ils furent banquiers, négociants, assureurs, agents de commerce internationaux et détinrent le monopole de l’industrie diamantaire mondiale.

Notons qu’un diamantaire, Mosseh Pereyra de Palva, parti en 1685 à la recherche de pierres précieuses en Inde, arrivé dans le comptoir hollandais de Cochin, au sud de l’Inde, y rencontra à sa plus grande surprise des Juifs « noirs » déjà mentionnés par un grand voyageur juif du Moyen-Âge, Benjamin de Tudèle (1130-1173). Mais il y rencontra aussi des Juifs « blancs » originaires d’Espagne, de Palestine, de Syrie, de Turquie, de Perse et d’Afrique du nord, installés là depuis au moins un siècle. Du coup il devint ethnographe. A son retour à Amsterdam il relata dans le détail la vie de ces communautés orientales juives.

 

Je t’embrasse,

Bravo pour ta cavalcade équestre cosaque, sabre au clair, avec la troupe du maître de danse, qui est aussi, finalement, un maître d’armes !

Je t’aime

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)

Lettre 60-19


28 février 2020,



Samuel,


XVII siècle

 

Histoire de la communauté juive


C) Amsterdam

b) La dramatique histoire de Gabriel-Uriel da Costa

Né à Porto, au Portugal, Gabriel da Costa était le fils d’un père « nouveau chrétien » ancien juif authentiquement converti au catholicisme, et d’une mère marrane qui continuait de pratiquer le judaïsme en cachette. D’abord acquis aux idées chrétiennes il formula de premiers doutes à l’âge de 22 ans, vers 1606, quant à l’immortalité de l’âme. Il se mit alors à étudier le judaïsme. Il décida de se soumettre à la Loi juive en se convertissant au judaïsme ce qui lui valut de devoir partir du Portugal.

Il émigra vers Amsterdam en 1614 avec sa mère et ses frères (son père étant mort dans l’intervalle). Il prit le nom d’Uriel da Costa. Mais il ne tarda pas à découvrir dans le judaïsme tel qu’il était enseigné par les séfarades les mêmes doctrines « nocives » selon lui sur l’immortalité de l’âme. En 1616 il publia des écrits dans lesquels il exposa ses critiques allant jusqu’à rejeter l’authenticité de la Loi orale (le Talmud) et ne reconnaissant comme vraie que la Loi écrite (il rejoignait en cela les Sadducéens, les Maîtres du Temple de Jérusalem avant la destruction de 70). Ses positions lui valurent d’être excommunié de la communauté en 1623. Uriel finit par penser que l’ancien testament était une pure création humaine. En cela il annonçait Baruch Spinoza. Mais en cela aussi il fut rejeté par la communauté chrétienne (qui, aussi, ne lui pardonnait pas son scepticisme quant à l’immortalité de l’âme).

Seul, pauvre, partout rejeté, il tenta de réintégrer la communauté en expliquant qu’il voulait désormais « vivre en singe parmi les singes » formule qui ne fut pas vraiment appréciée. La communauté exigea de lui qu’il se soumit au rituel officiel de la flagellation. La procédure était une humiliation publique traumatisante. Vêtu de noir, comme en deuil, l’expiant devait tenir un cierge de cire noire, tandis qu’on lisait ses transgressions à voix haute. Les vingt-neuf coups de fouet prescrits, autrefois physiquement administrés, étaient réduits au simple contact d’un fouet sur les épaules nues, puis l’expiant était tenu de s’allonger au sol tandis que les fidèles lui passaient dessus en l’enjambant. Uriel se soumit à ce rituel mais revenu chez lui, trop profondément humilié, il se suicida (en 1640).

Quand on retrouva son corps son autobiographie était posée sur une table. Des luthériens la publièrent, non pour soutenir Uriel, mais pour dénoncer le coté borné des rabbins juifs. Par l’effet d’une curieuse ruse de l’histoire les Juifs réformateurs des générations suivantes découvrirent cette autobiographie mais ils en eurent une vision différente de celle des chrétiens. Pour eux Uriel était le héros de la libre pensée juive.

Un dramaturge allemand, non juif, Karl Gutzkow (1811-1878) tira de la vie et de la mort d’Uriel un drame (Uriel Acosta) qui trouva aussitôt une place de choix dans le répertoire des compagnies théâtrales yiddish d’Europe centrale et orientale.

Sholem Aleichem (1869-1916), juif d’Ukraine, défenseur du yiddish, auteur de « Un violon sur le toit » qui inspira la comédie musicale du même nom, en fit une pièce favorite de sa compagnie itinérante dans son célèbre roman : « Étoiles vagabondes ».

La légende s’incrusta : Uriel était mort afin que les Juifs puissent penser librement et se considérer comme Juifs si vifs que soient les anathèmes proférés par les rabbins et les orthodoxes.

Simon Schama, historien juif, professeur à l’université Columbia, né en 1945, auteur d’une Histoire des Juifs, écrit : « Sans la témérité d’avant garde d’Uriel da Costa, [ selon les juifs laïques], jamais Baruch Spinoza n’aurait osé penser et écrire comme il le fit, et le monde eût été différent, soumis à une orthodoxie plus oppressante »

Le même homme écrit encore, toujours dans l’histoire des Juifs, : « Le moment qu’il [Uriel] incarna dans l’histoire juive ne manquait pas de profondeur : la douloureuse naissance et la mort prématurée du Juif profane, rationnel et polémique jusqu’à l’obsession, mais désireux de rester juif malgré son scepticisme. En d’autres temps, le nôtre, il aurait trouvé une synagogue qui eût accueilli ses doutes, ses questions et même ses accès de rage. Un rabbin, pas nécessairement barbu, l’aurait fait asseoir et calmé puis aurait essayé de trouver le moyen qu’il reste juif » N’oublions pas néanmoins que cette façon de sentir et de penser, celle de Simon Schama, vient de ses origines juives lituanienne et turque, cette façon de penser donc vient d’un juif qui a su enrichir sa sensibilité séfarade de sa sensibilité ashkenaze.

Une définition du judaïsme laïque est donnée par le couple (juifs français contemporains) Ajchenbaum dans leur livre : « Les Judaïsmes » :

« Le judaïsme laïque est une tentative de tourner le dos à la loi et à ses obligations sans pour autant rompre avec une histoire millénaire, avec ce qu’on pourrait appeler une civilisation »

Concernant le judaïsme laïque nombreux utilisent l’épithète : « judéité » qui renvoie à une culture historique millénaire enrichie d’innombrables cultures singulières, du fait de l’errance « chez toutes les nations du monde » de nombreux Juifs (plutôt que judaïté, mot qui renvoie à la seule religion)

 

Je t’embrasse,

J’espère que tu passes de belles vacances avec ton ami Sergueï,

Je t’aime

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)

Lettre 60-20


29 février 2020,


Samuel,

 

XVII siècle

 

Histoire de la communauté juive


C) Amsterdam

c) Baruch Spinoza

Baruch Spinoza (1632-1677) était le fils de Michaël d’Espinosa, marrane du Sud du Portugal arrivé à Amsterdam en 1623 où il reprit son identité juive séfarade. La famille Spinosa était à l’origine issue d’Espagne d’où elle fut chassée par les rois catholiques en 1492.

Michaël vivait du commerce international d’huile d’olive et de fruits secs. Il intégra rapidement la haute bourgeoisie juive amstellodamoise. Son fils Baruch reçut une éducation juive à la yeshiva Kéter Torah. Il arrêta ses études relativement tôt pour aider son père dans son exercice professionnel, mais il ne cessa jamais de s’instruire auprès de précepteurs privés, apprenant le latin, l’allemand, le français, le grec ancien mais aussi la philosophie notamment celle de Descartes.

A partir de 1650 les affaires de Michaël déclinèrent. Baruch prit la succession de son père, à sa mort, en 1654, mais il ne put enrayer le déclin de l’entreprise commerciale.

L’Angleterre en lançant une guerre maritime contre la Hollande entrava sensiblement les échanges commerciaux. La dernière redoute hollandaise au Brésil, Recife, tomba aux mains des Anglais ce qui tarit une autre source de revenus pour Baruch : le commerce du sucre importé du Brésil.

Ces revers militaires ruinèrent en outre les marranes brésiliens qui émigrèrent à Amsterdam. L’arrivée de ces nouveaux migrants inquiéta la communauté qui tenait à garder son statut bourgeois et privilégié en Hollande. Aussi fut-il recommandé aux séfarades de rester discrets, malgré leurs embarras, et de continuer à répondre à l’attente de leurs hôtes qui avaient, dès 1615, par la voix de leur illustre juriste Hugo Grotius, ainsi défini le cadre de l’accueil des Juifs : ceux-ci devaient rester fidèles aux préceptes de leur religion, croire en un Dieu unique, suivre les directives de leurs prophètes dont Moïse, et admettre une vie après la mort dans laquelle les justes seront rétribués et les méchants punis.

C’est par référence à ce cadre religieux que le maamad avait excommunié Uriel da Costa. Aussi quand Baruch se mit, à partir de 1655, à nier l’origine divine de la Loi juive et même à estimer qu’il n’existait de Dieu que philosophique, comme, par surcroît, ruiné dans son

commerce, il refusa d’honorer ses dettes en avançant le fait juridique qu’il était mineur et avait ainsi le droit de refuser la succession du père (la majorité à l’époque était fixée à 25 ans) le maamad déjà échaudé par les critiques d’Uriel da Costa n’hésita pas, en 1656, à prononcer contre Baruch un herem. Ainsi fut-il excommunié et rejeté hors de la communauté.

Après son exclusion Baruch abandonna définitivement les affaires commerciales. Il devint philosophe-artisan, suivant l‘enseignement de l’université de Leyde, gagnant sa vie en taillant des lentilles optiques pour lunettes et microscopes et écrivant son œuvre philosophique.

De santé fragile, il mourut pauvre à l’âge de 44 ans, en 1677. Son médecin, Lodewilk Meyer emporta ses manuscrits et les fit publier. Sa sœur tenta de vendre ses maigres biens à la criée, dans la rue, sans y arriver. Ainsi ne laissa-t-il rien. Sauf son œuvre, qui, une fois connue, brilla et brille toujours dans le ciel de la pensé des humains.

Nous ne développerons pas ici la philosophie de Spinoza qui est dense et complexe. Mais nous allons exposer en quoi ses vues contredisaient celles des orthodoxes juifs.

Pour lui la Torah était un manifeste politique écrit non par Moise mais par les scribes et les religieux dirigés par Esdras lors de l’exil à Babylone. De retour en Judée Esdras utilisa cet écrit pour fonder un nouvel Israël. La Torah n’était pas un texte révélé. Comme Uriel da Costa il disait « que les âmes mouraient avec les corps et qu’il n’ y avait de Dieu que philosophiquement ». Pour lui, Dieu, réalité sans cause (incréé donc), était identique à la Nature. Dieu était l’univers naturel en mouvement, un système qui avançait imperméable aux faits et gestes des hommes. Ce « Deus sive natura » (en latin) soit ce « Dieu ou la Nature » ou encore « Dieu c’est-à-dire la Nature » était moralement indifférent, autosuffisant, sans histoire. Ce Dieu-Nature était universel, il n’appartenait à aucune religion révélée.

Ce faisant Spinoza rompait avec le judaïsme. Il rejoignait ce que beaucoup, Juifs y compris, appelaient et appellent les Juifs séculiers, c’est-à-dire les Juifs athées (à ne pas confondre avec Juif laïque, Juif qui ne croit pas en un Dieu anthropomorphique mais qui n’est pas pour autant athée). Certes il ne croyait plus en un Dieu anthropomorphique mais il refusa toujours avec vigueur l’athéisme. Spinoza répétait que l’univers n’était pas une machine matérielle qui se serait créée d’elle-même (comme le pense par exemple l’illustre physicien Hawking). L’essence de l’univers pour lui était identique au Dieu sans cause. Formule obscure, incompréhensible.

Du coup nul ne comprit rien à Spinoza (et pratiquement personne encore aujourd’hui comprend quelque chose à Spinoza). Il fallut attendre des hommes tel Albert Einstein pour que quelqu’un finisse par le comprendre. En effet Albert Einstein ne croyait pas non plus en un Dieu anthropomorphique mais il se voulait juif sans équivoque et ne voulait pas se dissocier de l’histoire juive.

Mais que dit Einstein, lorsqu’en 1929 il fut pressé de s’exprimer sur sa croyance ? Il dit ceci : « Je crois au Dieu de Spinoza, qui se révèle dans l’ordre harmonieux de ce qui existe et non à un Dieu qui se préoccupe du sort et des actions des êtres humains ». Par ailleurs il éprouvait un certain mépris pour l’athéisme commun qui, disait-il, restait sourd à la « musique des sphères ». Parlant ainsi Einstein, spirituellement, réintégra Spinoza dans la communauté juive.

Il est nécessaire d’être attentif à ce dit Einstein. Il dit que le Dieu de Spinoza se révèle dans l’ordre harmonieux de la nature » ou encore dans « la musique des sphères ». Mais cet ordre harmonieux ou cet ordre musical n’est pas un ordre Pensé c’est un ordre Senti. Einstein tout de même que Spinoza ne sont plus dans la pensée spéculative, ils sont dans le sentiment, ils ne se positionnent plus comme des penseurs mais comme des artistes. Ils « sentent » en eux l’émerveillement les envahir, grâce à la conscience même qu’ils ont qu’il existe une réalité. Et ce sentiment (émerveillement, paix, étonnement, etc.) pour eux révèle l’existence d’un Inconnu qu’ils appellent Dieu par commodité lors même que ce Dieu reste en fait un Mystère. Pour comprendre Spinoza puis à sa suite Einstein il est donc nécessaire d’abandonner la pensée classique faite de raisonnements et de relations de causalité, il faut adopter l’attitude de l’artiste qui perçoit par le sentiment qu’un mystère se révèle à lui.

Lisons Einstein dans son texte enregistré au profit de la Ligue des droits de l’Homme en 1932 :

« L’expérience la plus belle et la plus profonde que puisse faire l’homme est celle du mystère. Sentir que derrière tout ce que nous pouvons découvrir il y a quelque chose qui échappe à notre compréhension, et dont la beauté, la sublimité ne peuvent nous parvenir qu’indirectement, voilà ce que c’est que le sentiment du sacré. Et il me suffit de pouvoir m’émerveiller devant ces secrets et de tenter humblement de saisir par l’esprit une image pâlie de la sublime structure de tout ce qui est »

Le « indirectement » signifie que le mystère ne nous est pas révélé directement mais qu’il se signale par le sentiment qu’il imprime en nous, tel un être invisible qui se manifesterait à nous par la marque de son empreinte dans notre esprit, cette empreinte étant le sentiment, le « senti ».

Sans doute, tout ce que je t’écris là est difficile à comprendre. Mais tu parviendras tôt ou tard à comprendre tous ces mots, car tu as en toi cette tension inextinguible qui te porte à toujours aller plus loin dans l’élucidation des mystères. Même Spinoza et Einstein sont appelés à être dépassés par ces chercheurs inlassables que sont les « étoiles vagabondes » comme le furent Uriel da Costa ou encore Spinoza.

Je t’embrasse,

Je t’aime,

Je pense toujours à toi

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)

Lettre 60-21


3 mars 2020,

 

Samuel,

 

XVII siècle


Histoire de la communauté juive


D) Menasseh ben Israël

Antonio de Montezinos, marrane portugais, pendant son voyage qui devait le conduire de la Nouvelle Grenade (Colombie actuelle) à la province de Quito, en Équateur, entendit ses porteurs parler d’un peuple persécuté par les Espagnols, caché dans la forêt. Antonio s’appelait, de son premier nom, Aaron Levi. Cette allusion à un peuple caché éveilla sa curiosité. Il avait entendu une rumeur qui soutenait qu’une des dix tribus perdues d’Israël était l’ascendante des peuples indiens.

En 1641, accompagné par Francisco, un guide local, qui lui assura que ce peuple existait bien, il s’enfonça dans la jungle. Tous deux arrivèrent sur la rive d’un fleuve. Ils virent sur la rive opposée trois hommes et une femme monter dans un canot et venir à leur rencontre. Francisco à qui Antonio avait révélé qu’il était juif lui dit : « Ce sont tes frères ».

L’embarcation arriva à la hauteur des deux voyageurs, deux hommes sautèrent sur la rive et étreignirent Aaron qui ne comprit rien à leur langage. Ils se mirent de part et d’autre d’Antonio et soudain ils se mirent à réciter le début du Shema en hébreu, la prière d’affirmation quotidienne : « Écoute Israël, le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est un ». Puis Francisco traduisit leur idiome. Ils expliquèrent qu’ils étaient les enfants d’Abraham, d’Isaac, d’Israël (Jacob) et de Ruben (le fils aîné de Jacob). Mais ils refusèrent à Antonio le droit de les suivre dans leur forêt.

Aaron voyagea alors jusqu’à Amsterdam pour raconter à un rabbin bien connu de la ville, Menasseh ben Israël, qu’il avait découvert une tribu perdue d’Israël en Amérique. Menasseh hésita entre enthousiasme et doute. Antonio disait-il vrai ? Avant de mourir, ce dernier réaffirma sa découverte. Un mourant pouvait-il mentir ? Menasseh savait que, selon la tradition, avant que le Messie n’apparaisse, il fallait que fut accomplie cette prophétie, la dispersion des Juifs, annoncée dans le Deutéronome, chapitre 28, verset 64 : « Et l’Éternel te dispersera parmi tous les peuples, d’une extrémité de la terre à l’autre ». On savait déjà qu’il y avait des Juifs en Chine, en Inde, en Afrique (Éthiopie), se pouvait-il qu’il y eut une tribu perdue en Amérique ? Si oui, alors la prophétie serait sur le point d’être réalisée, annonçant la venue prochaine du Messie.

L’histoire d’Antonio s’ébruita et finit par arriver aux oreilles de protestants anglais. Ces derniers attendaient le retour de Jésus, retour conditionné par la dispersion achevée des Juifs, suivi par leur conversion au christianisme. (Il est possible que cette histoire parvint aussi aux oreilles de Sabbatai Tsevi, le confortant dans sa certitude qu’il était le Messie ; mais pour Sabbatai il n’était pas question de réunir les Juifs pour qu’ils se convertissent, mais pour qu’ils marchent ensemble vers la reconquête de Jérusalem)

Mais il fallait encore, pour que la dispersion des Juifs fut achevée, que ces derniers s’installent en Angleterre puisque seul ce pays leur restait encore fermé depuis leur éviction par Édouard 1 en1290.

Devant l’engouement de nombreux protestants anglais Menasseh bascula. Il ne douta plus de la véracité du récit d’Antonio. Il se mit en tête de convaincre les autorités d’autoriser le retour des Juifs en Angleterre car pour lui aussi le Messie allait apparaître dès lors que la dispersion en Angleterre fut achevée.

Il écrivit une géographie et une histoire des Tribus perdues, Mikveh Israël (Espérance d’Israël) exposant leur dispersion, y compris en Amérique, où vivait donc, cachée depuis des siècles, la dernière tribu perdue.

Menasseh diffusa son livre en Angleterre où il débarqua en 1655 pour négocier avec les dirigeants le retour des Juifs. Cromwell qui était alors au pouvoir (lettre 60-6) accueillit favorablement la requête de Menasseh. Il est probable qu’il ne croyait en rien aux prophéties diverses ni aux tribus perdues, mais il espérait que l’installation des Juifs en Angleterre lui permit de concurrencer le monopole commercial des Hollandais sur les mers. Il soumit cette requête au Conseil d’État (le cabinet qui assurait autour de Cromwell le pouvoir exécutif). Mais le Conseil se divisa sur la question et finit même par refuser d’autoriser publiquement le retour des Juifs. Les bourgeois londoniens s’opposaient à ce retour, craignant que les Juifs finissent par les supplanter dans leur activité de négoce international.

Menasseh revint à Amsterdam. Il avait calculé les dates de l’arrivée du Messie en s’appuyant sur des prophéties bibliques. Ce retour il l’avait prévu d’abord pour 1648 puis pour 1656, mais le Messie n’apparut pas, de toute façon l’achèvement de la dispersion des Juifs en Angleterre n’avait pas eu lieu. Ainsi mourut-il profondément déçu en 1657.

Cromwell décida d’autoriser officieusement les Juifs à s’installer en Angleterre. Entre-temps les juristes estimèrent que l’édit d’expulsion de 1290 n’avait pas force de loi car il n’avait pas été approuvé par le Parlement. Donc les Juifs n’étaient pas officiellement autorisés à s’installer en Angleterre mais rien ne leur interdisait de le faire.

Progressivement ils se réinstallèrent en Angleterre et constatèrent qu’ils étaient bien accueillis. Le successeur de Cromwell, Charles II, leur octroya en 1664 une proclamation formelle de tolérance. Puis, en 1673, la liberté de culte leur fut garantie. Certes les Juifs ne se convertirent pas, le Messie, après l’échec de Sabbatai Tsevi, ne s’imposa pas, Jésus ne revint pas mais la vie reprit son cours en attendant de nouvelles prophéties.

 

J’espère que ton voyage en Iakoutie s’est bien passé.

Je t’embrasse,

Je t’aime

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

  • 2 semaines après...
Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)

Russie, lettre 18 : le règne de Pierre 1er le Grand 1694-1725


20 mars 2020,

 

Samuel,


4) Épilogue

Les réformes de Pierre eurent un impact fort sur la population. Certains firent de lui un héros mais d’autres au contraire virent en lui l’Antéchrist [ Antéchrist : ennemi de Jésus qui doit venir prêcher contre le christianisme avant la fin du monde ].

Les Vieux Croyants notamment (voir annexe 1) comme tous ceux qui considéraient l’Occident comme un ennemi, voyaient dans les réformes une atteinte à l’identité russe médiévale. Des légendes affirmèrent que Pierre n’était pas le fils du Tsar Alexis mais un imposteur venu pour détruire la Russie.

Pierre, lui-même exaspéré par la mentalité des moscovites, repliés sur un passé mythique, contribua à entretenir la légende en quittant Moscou pour installer la capitale de l’Empire à Saint-Pétersbourg, symbole de l’ouverture sur l’Occident (voir annexe 2).

Ce conflit entre l’ancienne Moscovie et la nouvelle Russie impériale divisa la famille même de Pierre. Alexis, le fils qu’il eut en 1690 de sa première femme Eudoxie, s’opposa à lui et devint le point de ralliement de l’opposition. Pierre finit par intenter un procès à son fils qui fut condamné à mort en 1718. Alexis mourut avant même l’exécution, dans la forteresse Pierre-et-Paul de Saint-Pétersbourg, probablement des suites de torture. Il laissait une fille, Nathalie, née en 1714, et un fils, Pierre, né en 1715, qu’il eut d’une princesse allemande, Charlotte, elle-même décédée en 1715.

Pierre se remaria en 1712 avec une femme d’origine populaire, Catherine, qui le seconda avec énergie, pendant tout son règne et dont il eut plusieurs enfants. Mais tous moururent en bas-âge. Le 8 février 1725 Pierre décéda sans avoir désigné de successeur.

Annexe 1

Les Vieux-Croyants (voir lettre 16-4, le schisme) voyaient dans le rasage une atteinte à l’image de Dieu (représenté avec une barbe). La réforme du calendrier volait du temps à Dieu (on passait de l’an 7208 à l’an 1700). La réforme de l’alphabet était une insulte faite aux anciens écrits religieux rédigés dans l’ancien alphabet slavon. Enfin l’abolition du patriarcat était une attaque directe contre l’orthodoxie. Pierre n’apprécia pas leur insoumission. Il leur interdit d’entrer dans les villes, les contraignit à payer double impôt et à porter des vêtements distinctifs. Nombre de Vieux Croyants, refusant les oukases de l’Antéchrist, allèrent vivre dans des toundras inhospitalières ou choisirent encore la « mort rouge » c’est-à-dire l’immolation par le feu où ils entraînèrent la population de villages entiers. Au début du règne de Pierre ils étaient quatorze millions, ils n’étaient plus qu’un million à la fin de son règne.

Annexe 2

Saint-Pétersbourg fut fondée en 1703. La première construction fut la forteresse Pierre-et-Paul destinée à protéger les chantiers navals. La ville doit son nom à l’apôtre Pierre (qui fonda l’Église chrétienne selon les Évangiles) dont l’Empereur portait le nom. En 1706 ce dernier décida d’en faire la capitale. Des dizaines de milliers de serfs et d’ouvriers en assurèrent la construction au prix d’innombrables morts provoquées par la fièvre des marais, le scorbut, la dysenterie, la faim voire l’épuisement.

C’est en 1712 que la ville devint de fait la capitale de l’Empire quand Pierre y transféra la Cour, les ambassades et le Sénat. Elle resta la capitale de la Russie jusqu’en 1918. En 1714 les trois cent cinquante plus grands propriétaires nobles et les trois cents plus riches marchands de Russie durent y construire leur maison.

A l’origine la ville, construite notamment par de nombreux architectes français, fut centrée sur le palais de l’Amirauté qui était en fait un centre de construction navale (aujourd’hui il ne reste rien de ce bâtiment qui fut reconstruit en authentique palais au début du dix-neuvième siècle). Des canaux concentriques entouraient ce bâtiment et trois grandes artères, trois perspectives, dont la perspective Nevski, convergeaient sur lui. Le premier navire de fort tonnage y fut construit en 1712 et fut appelé : le Poltava.

Pierre installa sa résidence à Peterhof, ville située à 25 kilomètres au sud du centre de la capitale sur la rive sud du golfe de Finlande, appelée le plus souvent aujourd’hui par les Russes : Petrodvorets (son ancien nom). Cette ville somptueuse est encore appelée le Versailles russe, parce que conçue par des architectes, pour la plupart français, sur le modèle de la ville royale.

 

Je t’embrasse,

Je t’aime

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)

Lettre 60-22


27 mars 2020,


Samuel,


XVII siècle


Histoire de la communauté juive


E) Premières communautés juives d’Amérique

Christophe Colomb, parti à la découverte des Indes, emmena avec lui au moins quatre conversos. C’est ainsi que l’un d’entre eux, Luis de Torres, débarqua sur la plage de l’île Guanahani, appelée San Salvador par Christophe Colomb, le 12 octobre 1492 (voir lettre 58-2).

Un autre juif converti Gaspar de Gama (encore dit : de Lemos) accompagna le Portugais Pedro Alvares Cabral lors de la découverte du Brésil en 1500. Il commandait lui-même l’un des bateaux de la flotte.

Des conversos (appelés encore nouveaux chrétiens, ou marannes) accompagnèrent donc Espagnols et Portugais lors de la conquête de l’Amérique latine. Ils s’y installèrent mais ne purent pas vraiment retrouver leur religion d’origine. L’Inquisition espagnole puis portugaise suivirent rapidement les conquistadors et s’installèrent sur ces nouvelles terres.

Il y eut quelques persécutions, assez limitées toutefois, les nouveaux colons ayant besoin des qualités industrieuses de ces conversos. Ces derniers s’occupèrent d’exploiter d’abord le bois brasil (ou brésillet) qui donna son nom au Brésil, avant de s’atteler à l’exploitation sucrière de la canne à sucre.

Au début du XVII siècle, peu après la constitution d’une communauté juive à Amsterdam, une communauté de marannes portugais s’y installa et participa activement à la formation, en 1621, de la Compagnie des Indes Occidentales hollandaise. Appuyée par la flotte néerlandaise, profitant de l’affaiblissement du Portugal suite à son annexion par le roi d’Espagne Philippe II en 1580, la Compagnie s’empara de la partie côtière du Brésil centrée sur Recife (qui fut rebaptisé Mauritsstad) en 1624. Là une communauté de 1500 marannes s’installa, retrouvant leur religion d’origine, grâce à la tolérance des Hollandais.

Ils formèrent ainsi la première communauté ouvertement juive d’Amérique latine.

Mais en 1640, profitant de la guerre de Trente ans qui affaiblit l’Espagne alors dirigée par Philippe IV, le Portugal reprit son indépendance (qui ne fut toutefois actée que 28ans plus tard) et reprit l’offensive au Brésil. En 1654 les Hollandais furent chassés de Recife et la communauté juive s’éparpilla. Elle essaima dans les colonies hollandaises des Antilles et en Guyane hollandaise. Là les Juifs fondèrent de petites communautés et, grâce à la politique de tolérance religieuse de la Hollande, ils acquirent pour la première fois de leur histoire depuis l’exil l’égalité des droits avec les non-juifs en juillet 1657 (voir lettre 60-18).

Quelques Juifs, vingt-trois précisément, partirent dans une autre colonie néerlandaise, en Amérique du Nord : la Nouvelle-Amsterdam (en néerlandais : Nieuw-Amsterdam). Il s’agissait d’un établissement hollandais implanté au XVII siècle sur l’île de Manhattan par la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales. La colonie de La Nouvelle-Amsterdam naquit officiellement le 24 mai 1626 avec l'achat de l’île par Pierre Minuit, le représentant de la Compagnie des Indes à ses occupants : les Manhattes, les Amérindiens habitant là.

Ces vingt-trois migrants fondèrent à la Nouvelle-Amsterdam, en 1654 avec d’autres Juifs venus de Hollande et d’Europe centrale (des ashkénazes qui fuyaient les persécutions de 1648 en Pologne) la première communauté juive d’Amérique du Nord. Ils eurent au début quelques problèmes avec le gouverneur néerlandais Peter Stuyvesant rare calviniste hollandais antisémite. Il leur fallut deux ans et l’intervention des employeurs de Peter Stuyvesant, la Compagnie des Indes (dirigée entre autres par les Juifs d’Amsterdam), pour conquérir leur liberté de culte.

La Nouvelle-Amsterdam fut livrée aux Anglais en 1664 lors de la deuxième guerre anglo-néerlandaise (voir lettre 60-7). Les Anglais la rebaptisèrent New-York en l’honneur du duc d’York, le frère de Charles II (roi d’Angleterre) auquel le duc succéda sous le nom de Jacques II en 1685. Ils ne remirent pas en cause la liberté de culte des Juifs.

[les Hollandais reprirent temporairement New York en 1673, la rebaptisant la Nouvelle-Orange en l’honneur de Guillaume III d’Orange. Puis les Anglais la reconquirent définitivement en 1674 en lui rendant son nom de New-York]



J’espère que tu ne souffres pas trop du confinement à Moscou. Je vais te rédiger quelques leçons de maths qui te permettront d’approfondir quelques notions essentielles. Je ne te donne pas d’exercices à faire mais tu peux décider d’en faire en les choisissant toi-même dans ton manuel. Si tu rencontres quelques difficultés pour les résoudre, n’hésite pas à le dire à Nicole et je t’enverrai les corrigés de ces exercices.

Je pense à toi,

Je t’aime

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Annonces
Maintenant

Rejoindre la conversation

Vous pouvez publier maintenant et vous inscrire plus tard. Si vous avez un compte, connectez-vous maintenant pour publier avec votre compte.

Invité
Répondre à ce sujet…

×   Collé en tant que texte enrichi.   Coller en tant que texte brut à la place

  Seulement 75 émoticônes maximum sont autorisées.

×   Votre lien a été automatiquement intégré.   Afficher plutôt comme un lien

×   Votre contenu précédent a été rétabli.   Vider l’éditeur

×   Vous ne pouvez pas directement coller des images. Envoyez-les depuis votre ordinateur ou insérez-les depuis une URL.

Chargement

×