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Juger la reine


January

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Modérateur, ©, 107ans Posté(e)
January Modérateur 59 677 messages
107ans‚ ©,
Posté(e)

« Quand on veut rendre les hommes bons et sages, libres, modérés, généreux, on est amené fatalement à vouloir les tuer tous. »

Anatole France

Le livre :

Afficher l'image d'origine

Il a fallu à la Révolution trois jours et deux nuits, du 14 au 16 octobre 1793, pour juger et exécuter Marie-Antoinette. C’est bien sûr le procès d’une reine, c’est aussi celui d’une étrangère, c’est enfin celui d’une femme et d’une mère.

La couverture est un détail d'un dessin de Pierre Bouillon, « Le jugement de Marie-Antoinette » (1793) – musée Carnavalet.

L’auteur : Emmanuel de Waresquiel, historien, auteur et éditeur français.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Emmanuel_de_Waresquiel

 

De retour en Histoire donc, avec cette nouvelle lecture partagée. Plus difficile que de rapporter lettres ou journaux, merci d'avance pour votre indulgence pour d'éventuelles erreurs de rédaction ;) 

 

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Modérateur, ©, 107ans Posté(e)
January Modérateur 59 677 messages
107ans‚ ©,
Posté(e)

Plantons le décor…

Ce qui est aujourd’hui la 1ère chambre du Tribunal de Grande Instance de la cour d’appel de Paris s’appelait « La Grand Chambre » à l’époque des Rois, sous l’ancien régime. Jusqu’à la période qui va nous occuper dans ce sujet, la Grand Chambre était organisée autour de la personne du souverain en qui résidait toute justice. Son trône était placé sur une estrade recouverte d’un tapis bleu fleurdelisé et surmonté d’un dais. Le « coin du roi », celui des séances royales et des lits de justice, était aussi celui de Dieu. Il était orné depuis les années 1450 d’une immense crucifixion longtemps attribuée – à tort – à Dürer (on peut encore la voir au Louvre).

Dans la Grand Chambre tout devait respirer les préséances, la hiérarchie, l’ordre et la majesté.

Sol dallé de noir et blanc, plafond gothique du règne de louis XII, tellement sculpté et orné que la chambre a été longtemps surnommée « La Chambre dorée ». Des tentures contre les murs, une cheminée sculptée à la gloire du Roi Soleil.

En 1793, on avait pris soin depuis longtemps de débarrasser la Grand Chambre, désormais rebaptisée Salle de la Liberté. Plus rien de tout ce qui rappelait l’ancienne monarchie n’a été laissé en place. Tentures fleurdelisées arrachées, cheminée remplacée pas des poêles et plafond lisse. Plus de trône mais une longue table solennelle, la justice révolutionnaire a remplacé celle du roi. Plus bas, une petite table pour l’accusateur public (aujourd’hui il s’agit de l’Avocat Général, qui représente le parquet).  Sur la gauche des tribunes pour les accusés et à droite sous les fenêtres, les bancs des jurés et table des greffiers et bien sûr, l’enceinte réservée au public.

Voilà, c’est dans cet endroit que nous allons passer un peu de temps ensemble.

Pour aller plus loin : https://fr.wikipedia.org/wiki/Grand'chambre_du_parlement_de_Paris

https://fr.wikipedia.org/wiki/Tribunal_révolutionnaire

La salle de la liberté

Tribunal_r%C3%A9volutionnaire_04.jpg

 

Marie-Antoinette devant le tribunal révolutionnaire

QueenMarie-AntoinetteRevolutionaryTribun

 

(NB : Partez du principe que l'écriture en italique est un extrait du livre, le reste étant librement résumé.)

 

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Membre, 116ans Posté(e)
nerelucia Membre 12 886 messages
Baby Forumeur‚ 116ans‚
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tuer une reine, c'est tuer la mère aussi. Il faut voir le régime imposé à ses enfants en prison ! Une honte pour la France.

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Membre, Forumeur confit, Posté(e)
Enchantant Membre 15 620 messages
Forumeur confit,
Posté(e)

Bonjour January

Tous mes vœux pour 2017.

Me viens à penser au cours de la lecture de votre sujet ...« Juger la reine »

Que le moment se passe 4 ans après le début de la révolution française.

Or, un tribunal quel qu’il soit, rend la justice d’un moment, d’une période, d’une époque.

 

En période de guerre, ce sont des tribunaux militaire qui exercent la justice.

En période de paix ce sont des tribunaux civils qui exercent la justice.

En période poste révolutionnaire ce sont des tribunaux d’exceptions qui rendent la justice, au prétexte qu’il faut punir des coupables en exutoire, pour l’exemple, pour la revanche.

Bref, un procès quel qu’il soit ne peut se détacher complètement de la justice d’un moment.

Nous aurions tort, à mon sens de comparer la justice des tribunaux hors de leur contexte historique.

 

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Modérateur, ©, 107ans Posté(e)
January Modérateur 59 677 messages
107ans‚ ©,
Posté(e)

Bonjour Enchantant, 

Tous mes voeux également :)

il y a 52 minutes, Enchantant a dit :

Nous aurions tort, à mon sens de comparer la justice des tribunaux or de leur contexte historique.

Nous allons le faire bien sûr, néanmoins brièvement et au détour de certains posts, puisque le sujet n'est pas "la Révolution". Si quelques uns d'entre vous ont besoin parfois de plus de précisions, je m'efforcerais de les donner dans la mesure de mes capacités. 

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Modérateur, ©, 107ans Posté(e)
January Modérateur 59 677 messages
107ans‚ ©,
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Les passages qui conduisent de la prison de la Conciergerie au tribunal situé au premier étage du Palais de Justice ont durablement marqué ceux qui les ont empruntés. […] On monte du couloir des prisonniers au rez de chaussée à la galerie du premier étage dite des Peintre par un premier escalier tortueux. Cette dernière galerie est ouverte au public et généralement très fréquentée. Les prévenus y sont parfois exposés aux injures de la foule.

Une dizaine de marche, un étroit couloir et l’on entre par une porte très basse. Cette porte se trouve au fond de la salle et c’est par cette entrée que Marie-Antoinette, dite de Lorraine-Autriche, veuve de Louis Capet, roi des français, guillotiné le 21 janvier 1793 place de la Révolution, pénètre dans le tribunal le lundi 14 octobre 1793, un peu avant neuf heures du matin.

 

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Modérateur, ©, 107ans Posté(e)
January Modérateur 59 677 messages
107ans‚ ©,
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Pause Histoire

On n’en est pas encore à l’effroi de la Grande Terreur de juin 1794. […] La révolution s’est divisée. Après la guerre fratricide des Girondins et Montagnards, aboutissant à l’élimination des premiers, l’assassinat de Marat et les défaites militaires, l’enthousiasme des débuts laisse place à la peur, au soupçon et à la haine.

Les sans-culottes vivent tous ces évènements comme autant de complots. Les habitants sont soumis au bon vouloir des comités de section, aux dénonciations, perquisitions. Lettres de cachet des anciens rois livrées au peuple et multipliées à l’infini. Personne n’est à l’abri. On en veut aux riches. Quant aux prêtres et aux nobles, s’ils restent en France, on les soupçonne. S’ils partent, ils sont coupables.

« On se sentait effrayé jusque dans ses appartements. Si on riait, on était accusé de se réjouir des revers de la République ; si on pleurait, on était accusé de s’attrister de ses succès . » (Grace Elliott – proche du Duc d’Orléans).

Depuis le 7 avril 1793, le tribunal révolutionnaire a envoyé un peu moins d’une centaine de condamnés à l’échafaud lorsque Marie-Antoinette comparaît en octobre. Ce n’est qu’un tout petit début. D’avril 1793 à mai 1795, date de la dissolution du tribunal, il condamne 2747 personnes à mort (même s’il en acquitte presque autant).

Le procès de Marie-Antoinette compte plus que les autres. Ce n’est pas seulement le procès d’une reine, d’une femme, d’une mère et d’une étrangère. C’est surtout le moment de la rencontre brutale de deux mondes hétérogènes, l’un en train de disparaître, l’autre qui apparaît dans la violence. Deux mondes qui non seulement sont sourds l’un à l’autre, mais ne peuvent trouver leur salut que dans leur élimination respective et ont établi depuis longtemps les raisons légitimes de leur incompatibilité.

 

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Membre, forumeuse acharnée, Posté(e)
querida13 Membre 45 118 messages
forumeuse acharnée,
Posté(e)

Il semble à la lumière ds recherches, que la reine Marie-Antoinette ait souffert d'un cancer de l'utérus qui lui a provoqué de très graves hémorragies.

Les révolutionnaires ont préféré pratiquer un justice expéditive et exemplaire parce qu'ils craignaient que la souveraine meure avant qu'un jugement soit prononcé.

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Membre, Obsédé textuel, 72ans Posté(e)
Gouderien Membre 34 684 messages
72ans‚ Obsédé textuel,
Posté(e)

Même si je n'ai pas une grande tendresse pour nos derniers monarques, c'est quand même une manière expéditive de soigner les gens...

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Modérateur, ©, 107ans Posté(e)
January Modérateur 59 677 messages
107ans‚ ©,
Posté(e)
il y a 45 minutes, querida13 a dit :

Il semble à la lumière ds recherches, que la reine Marie-Antoinette ait souffert d'un cancer de l'utérus qui lui a provoqué de très graves hémorragies.

Les révolutionnaires ont préféré pratiquer un justice expéditive et exemplaire parce qu'ils craignaient que la souveraine meure avant qu'un jugement soit prononcé.

Il est question d'hémorragies oui mais c'est bien plus loin.

il y a 33 minutes, Gouderien a dit :

Même si je n'ai pas une grande tendresse pour nos derniers monarques, c'est quand même une manière expéditive de soigner les gens...

Monarques ou pas, à l'époque ils sont nombreux à se retrouver au même endroit :(

 

************

 

En entrant dans le tribunal, Marie-Antoinette est étroitement encadrée par un piquet de gendarmes en habit bleu à doublure et parements rouges, coiffés du bicorne à cocarde tricolore, l’arme à la main.

Pause Personnage

Parmi les gendarmes, l’officier qui commande le piquet de garde, Louis-François de Busne. Après de nombreuses années au service de la monarchie, il a bien failli terminer là sa carrière.

Il se serait découvert devant Marie-Antoinette, entre autre. Vieux réflexe… Ce geste dénoncé, il sera jeté en prison dès la fin du procès. Il justifiera s’être décoiffé  « parce qu’il faisait chaud », « pour ma commodité et non pour une femme condamnée dans mon opinion ».  Il s’en sortira. Après le retour des bourbons il n’oubliera pas sa mésaventure et réclamera la plus vieille distinction militaire de l’Ancien Régime (la croix de Saint Louis) à Mme Royale, fille de Marie-Antoinette…

 

 

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Membre, forumeuse acharnée, Posté(e)
querida13 Membre 45 118 messages
forumeuse acharnée,
Posté(e)

Quand les peuples sont en crise et souffrent de la famine, il leur faut des victimes expiatoires et des responsables;les victimes de la révolution française ne furent pas les premières...Ni hélas les dernières. 

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Modérateur, ©, 107ans Posté(e)
January Modérateur 59 677 messages
107ans‚ ©,
Posté(e)

Essayons d’imaginer les impressions de Marie-Antoinette pénétrant dans le tribunal. Elle connaît la salle, on l’y a interrogée à huis clos l’avant-veille, en pleine nuit. On peut lui prêter un état de sidération et de désorientation. Humiliée, séparée de sa famille et de ses amis, emprisonnée depuis quatorze mois. On sait que Marie-Antoinette était atteinte de myopie et que d’autre part, elle avait presque perdu l’usage de son œil droit à cause des mauvaises conditions de détention à la Conciergerie (manque d’air et humidité). Elle aurait eu ces mots : « Je vois à peine à me conduire » à l’adresse du lieutenant de Busne. On peut imaginer qu’elle soit arrivée là comme dans un brouillard, sans véritablement voir mais peut être surtout entendre, le bruit et les grondements d’une salle pleine à craquer, et se sentir étouffée par le lieu…

 

 

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Modérateur, ©, 107ans Posté(e)
January Modérateur 59 677 messages
107ans‚ ©,
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La composition du tribunal

Quatre juges et leur président, Martial Joseph Armand Herman, 34 ans, proche de Robespierre. Ces cinq-là ressemblent aux corbeaux de la fable avec leur manteaux noirs à revers de même teinte, chapeaux à la Henri IV relevés sur le devant et surmontés de panaches de plumes noires. A leur cou une médaille gravée : « La Loi ».

L’accusateur public : Fouquier Tinville (on le retrouvera plus tard plus en détails)

A côté de Fouquier Tinville, plusieurs membres du redoutable Comité de sûreté générale (tous des Montagnards qui ont voté la mort du roi).

15 jurés (ils constituent le « jury de jugement ») et leurs suppléants derrière eux. Marie-Antoinette en connaît deux. Le médecin qui l’a soignée à la Conciergerie, Joseph Souberbielle, et un certain Claude Louis Châtelet, sur lequel nous allons revenir dès le prochain post.

 

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Modérateur, ©, 107ans Posté(e)
January Modérateur 59 677 messages
107ans‚ ©,
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Pause personnage

Marie-Antoinette n’a peut-être pas vu Claude Louis Châtelet, elle en serait peut-être tombée à la renverse si ça avait été le cas. En même temps, elle a déjà éprouvé tellement de trahisons et de retournements…

Châtelet n’a que 40 ans et a été l’un des peintres préférés et chéris de la reine à l’époque de la douceur de vivre du Petit Trianon. Il personnifie mieux que d’autres les contradictions majeures des membres du tribunal, quelque part entre l’enthousiasme, les passions et la peur, l’entraînement et la raison, la sincérité, l’ambition et la haine. Quelque part entre les blessures d’amour-propre, les hésitations des hommes, leur timidité, leurs faiblesses et la consolation que procurent souvent les certitudes rassurantes d’un monde parfait, sans repentirs, idéalement dessiné en noir et blanc : les bons et les méchants.

Châtelet est entré très tôt en révolution. Il est enthousiaste, nation, liberté et surtout : égalité ! On l’accusera plus tard à son procès d’avoir prétendu que la République ne connaîtrait de paix que « lorsqu’on aurait fait périr les banquiers, les riches, les nobles et tous les gens à talents ». Il est de ceux-là pourtant…

Il fait partie de la Commune insurrectionnelle du 10 août 1792 qui renverse le roi, il est l’un des principaux membres des comités civils et révolutionnaires de sa section, celles des Piques, autour de la place Vendôme. En juin 1793 il est élu au très influent comité de surveillance du département de Paris… Tout  naturellement il est nommé juré du tribunal révolutionnaire. D’aucun diront qu’on sent la main de Robespierre, Châtelet faisant partie de sa « garde rapprochée ».  Il sera d’ailleurs aux côtés de l’Incorruptible jusqu’à sa chute… Et c’est précisément pour cela qu’on va juger Claude Louis Châtelet. Evidemment au procès rien ne concorde. Quand certains disent toute sa bonté, d’autres disent toute son ignominie, de quelle façon notamment il listait les noms de ceux qu’il voulait condamner à mort en assortissant la fin de leur nom d’un « f » pour « foutu ».

Où est passé en octobre 1794 l’homme qui en 1777 s’embarquait avec Vivant Denon pour l’Italie ? Où est passé le peintre préféré de la reine qui nous a laissé les fabuleuses illustrations du Trianon et ses jardins et tant de tableaux commandés par Marie-Antoinette ?  Claude Louis Châtelet, un seul et même homme qui va successivement aduler, juger et condamner Marie-Antoinette…

Qui est le véritable Châlelet ?

Pour aller un peu plus loin : https://fr.wikipedia.org/wiki/Claude-Louis_Ch%C3%A2telet

 

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Membre, 64ans Posté(e)
pila Membre 18 571 messages
Baby Forumeur‚ 64ans‚
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Et un bouquin de plus sur un sujet X fois traité ! Ce n'est pas le seul. Comme m'a raconté un jour un général en retraite : "Machin prend deux livres et en fait un troisième avec".

Si Louis XVI et Marie-Antoinette avaient respecté leur serment d'être fidèles à la Nation, nous n'aurions pas eu Bonaparte, Napoléon III et la défaire face à la Prusse en 1870; 1914/1918 et Hitler. Mais ils ont préféré prendre la fille de l'air pour se retrouver stoppés à Varennes en 1791.

Marie-Antoinette était dés lors condamnée. Les révolutions sont rarement pacifiques.

 

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Membre, Forumeur confit, Posté(e)
Enchantant Membre 15 620 messages
Forumeur confit,
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Que d’idées préconçues et toute faites sur un serment supposé fidèle à la Nation non tenu ?

Il est vrai que de refaire l’histoire, une fois qu’elle est passée, est d’une niaiserie déconcertante?

Je reconnais bien là le pisse froid Pila !

Si le sujet ne vous intéresse pas, passez donc votre chemin…

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Modérateur, ©, 107ans Posté(e)
January Modérateur 59 677 messages
107ans‚ ©,
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Il semblerait que ce soit un peu plus compliqué que cela ;) 

 

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Modérateur, ©, 107ans Posté(e)
January Modérateur 59 677 messages
107ans‚ ©,
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Sans doute Marie-Antoinette n’a-t-elle pas eu le temps de reconnaître ceux qui seront bientôt appelés à témoigner contre elle sur la réquisition du tribunal. Ils sont exactement 41, soigneusement choisis par l’accusateur public. […] Dans la foule des anonymes, elle en a croisé plus d’un, elle a été proche de quelques autres.

Elle s’était murée pendant des semaines dans la solitude et soudain, c’est toute sa vie qui défile. […] Au procès, il ne lui a pas seulement fallu se battre contre la mort, il lui a fallu affronter tout autant la lente agonie de ses sentiments et de ses souvenirs, jusqu’à ceux de son enfance. Ses juges ne lui épargnent rien, pas même quelques revenants.

Il y aura le pire et le meilleur parmi les témoins, certains auront le courage de mettre leur peur au placard au péril de leur vie, d’autres hurleront avec les loups.

Pause personnages

Le vieux marquis de Gouvernet, 70 ans, l’un des héros de la guerre de Sept Ans quand Louis XV régnait encore, commandant en chef pour le service du roi des provinces de Bourgogne, lieutenant général de ses armées. Apparemment on le fait parler d’abondance dans le compte-rendu très arrangé du procès, et pourtant, les notes d’audience conservées aux Archives nationales disent : « N’a rien dit ». Bon…  Il a probablement préféré se taire plutôt que de jouer la comédie.

Le cousin du marquis, comte de La Tour du Pin, un des derniers ministres de la Guerre de Louis XVI, a fait pire. Il déposera en prenant un malin plaisir à donner de « La Reine » à Marie-Antoinette, désormais appelée « veuve Capet ». Le tribunal est furibond. Gouvernet et La Tour du Pin paieront leur insolence ensemble, sur l’échafaud, le 28 avril 1794…

Voici Renée Sévin, l’une des femmes de chambre des enfants de Marie-Antoinette. Puis Pierre Edouard Brunyer, leur médecin. Habitué des services de la cour, sa femme était la première femme de chambre de Madame Royale, fille aînée de Marie-Antoinette. L’homme n’était pas aimé de Marie-Antoinette qu’elle trouvait trop familier, mais elle l’appréciait en tant que médecin et fera tout pour le sauver lorsqu’on l’interrogera.

Tous ceux qui vont suivre seront les témoins de la chute et vont en marquer les étapes, douloureusement.

Voici le comte d’Estaing qui commandait  l’escadre française des Antilles lors de la guerre d’Indépendance américaine. Il est là avec son passé et ses rancunes. Il rêvait du titre de maréchal de France et on ne le lui avait pas donné. Il en fera le reproche à la reine déchue... Il n’en sera pas moins guillotiné.

 

 

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January Modérateur 59 677 messages
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Tout ce que la Révolution compte se présente ensuite à la barre en une sorte de raccourci vertigineux de ses dérives et de sa surenchère. Certains ont été ses premiers soutiens. Ils en sont déjà les victimes.

« La Révolution est comme Saturne, elle dévorera tous ses enfants » prédisait Vergniaud…

On les a sortis de prison où ils croupissaient, tout autant pour trouver les raisons de la culpabilité de l’ex-reine que pour leur faire avouer leurs propres fautes. Marie-Antoinette les connaît tous. Ils sont les signes vivants de sa métamorphose et de son malheur.

Pause personnage

Bailly, le premier maire de Paris. A l’époque du procès de Marie-Antoinette, il est revenu de tout. Il croupit à la prison de la force depuis le 8 septembre, dans l’attente de son procès. C’est pourtant lui qui n’avait pas voulu se découvrir devant le représentant du roi à l’issue de la séance royale du 23 juin 1789. Dans la foulée, si les députés du tiers état des Etats généraux déjà constitués en Assemblée Nationale refusèrent de se retirer de la salle des Menus-Plaisirs de Versailles où ils siégeaient, c’est aussi  à l’initiative de Bailly. Et puis c’est lui aussi qui, recevant Louis XVI à l’hôtel de ville de Paris, deux jours après la prise de la Bastille, lui dit : « Sire, Henri IV avait reconquis son peuple. Ici, c’est le peuple qui a reconquis son roi. » C’est encore Bailly qui fait tirer sur ce même peuple qu’il avait flatté…

Vient ensuite Pierre Manuel, 42 ans. Cet ancien colporteur de nouvelles licencieuses, enfermé un temps à la Bastille, a été, comme procureur de la Commune de Paris, l’un des organisateurs des journées insurrectionnelles du 20 juin et du 10 août 1792. C’est lui qui conduira Louis XVI et Marie-Antoinette à la tour du Temple le 23 août. Il n’aura de cesse de tourmenter Marie-Antoinette. C’est lui qui a laissé massacrer Mme de Lamballe.

C’est le même homme qui refuse au dernier moment de voter la mort du roi. Ses « amis » ne lui pardonneront pas.

Bailly et Manuel seront courageux, ou ils n’avaient plus rien à perdre, mais ils ne diront rien qui compromettra Marie-Antoinette. Un mois plus tard, c’était l’échafaud pour eux. Et également pour le témoin qui leur succède, le Girondin Valazé, qui se donnera un coup de stylet le dernier jour de son procès (on le traînera quand même jusqu’à la place de la Révolution).

Un monarchiste constitutionnel, un Girondin, un Montagnard devenu modéré : trois années de la Révolution, presque trois siècles. Trois morts inutiles pour témoigner sur une quasi-morte.

 

 

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January Modérateur 59 677 messages
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Des commissaires de la Commune, des gardiens, concierges des prisons de l’ex-reine au Temple et à la conciergerie. Certains se sont compromis pour Marie-Antoinette, ce n’est pas le cas du cordonnier Simon dont elle sait qu’il est depuis trois mois le gardien de son fils, Louis Charles Capet pour les révolutionnaires, Louis XVII pour les royalistes. C’est encore moins le cas de Jacques René Hébert : depuis des mois ce dernier réclame sa tête dans les colonnes de son journal « le père Duchesne ».

Arrêtons-nous sur le personnage :

Aux côtés de Fouquier-Tinville, c’est le plus actif collaborateur à la préparation du procès de Marie-Antoinette. Il est essentiel de lire quelques-uns de ses articles pour mesurer toute la violence d’une partie du peuple de Paris contre la reine déchue. A partir des derniers mois de 1791, Marie-Antoinette est tour à tour « la louve autrichienne », « la garce », « la guenon », « la putain couronnée ».

Il écrit des dialogues imaginaires avec elle qui deviennent de plus en plus violents. Ses articles sont de véritables appels au meurtre, la reine y est montrée enjôleuse ou violente, fourbe ou lâche. Tous les poncifs masculins sur la femme dominatrice, dangereuse et subversive ! La plaie : la misogynie. Et pour une bonne partie des membres du jury c’est cette femme-là qui se présente au tribunal.

« Femme du diable », lui lance-t-il à la tour du Temple. «  … soit que tu crèves sur ton  châlit ou que tu aies le sifflet coupé, c’est égal, le jour de ton trépassement sera un jour de fête, foutre ! »

Gentil garçon…

 

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