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... La philosophie contemporaine


Invité Quasi-Modo

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Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 032 messages
Forumeur alchimiste ‚
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Comment comprendre ce que l'on n'a jamais expérimenté ou plus simplement l'avoir à l'esprit sans y avoir été confronté au moins une fois ?

Sur cette question épineuse, il semble que la philosophie contemporaine ait encore terriblement évolué. Depuis ce qu'il est convenu d'appeler le "tournant linguistique" de la philosophie depuis les années 70, il importe désormais non seulement de se pencher sur la capacité du sujet pensant à comprendre le monde (démarche solipsiste du penseur, tel Descartes) mais également sur sa capacité à se faire comprendre par autrui (intersubjectivité entre penseurs rendue possible et nécessaire grâce à une éthique de la discussion). Tel est le grand défi relevé par le courant pragmatiste actuel, avec ses diverses sensibilités (pouvant opposer, par exemple, un Habermas à un Rorty). Nous sommes passés - changement de paradigme - d'une théorie traditionnelle de la connaissance (mentalisme) à une théorie incontournable du langage.

A défaut de pouvoir prétendre comprendre véritablement ce que nous n'avons expérimenté, à tout le moins devons-nous et pouvons-nous être sensibilisé au multiculturalisme à condition de nous ouvrir au monde de l'intersubjectivité et de l'éthique de la discussion.

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Membre, 157ans Posté(e)
chapati Membre 6 957 messages
Baby Forumeur‚ 157ans‚
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Nous sommes passés - changement de paradigme - d'une théorie traditionnelle de la connaissance (mentalisme) à une théorie incontournable du langage.

En clair, la philosophie dont il est question a arrêté de faire de la philosophie pour poser en lieu et place des questions concernant la seule communication... mon dieu quelle horreur !

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Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 032 messages
Forumeur alchimiste ‚
Posté(e)

En clair, la philosophie dont il est question a arrêté de faire de la philosophie pour poser en lieu et place des questions concernant la seule communication... mon dieu quelle horreur !

Cela signifie que si tu mets au point une quelconque théorie ou éthique philosophique, tu ne peux plus te permettre de faire l'impasse sur le paradigme linguistique en l'état actuel de la philosophie, ou disons, pour bon nombre de philosophes allemands et anglo-saxons pour qui le problème, ce n'est pas Nietzsche et son "Dieu est mort", mais c'est Kant/l'Esprit des Lumières, et pourtant l'existence du nazisme (Comment être "postkantien" après le "tournant linguistique"? En quoi cela pose problème, etc.).

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Membre, Posté(e)
Dompteur de mots Membre 1 841 messages
Forumeur activiste‚
Posté(e)

Il m'apparaît que la philosophie se trouve coincée dans un carcan qui l'étreint de façon de plus en plus serrée, et que nous sommes tous conviés à y prendre parti sans être plus éclairé qu'il n'y paraît. Si nous sommes tous à un endroit ou à un autre des philosophes, il paraît improbable de mener une pensée aboutie si elle ne se prononce pas sur la nature de la vérité, qui sera nécessairement dans chaque système théorique à distinguer du simple réel sous peine de retomber dans le sens commun...

En effet, quelle pensée oserions-nous seulement formuler si elle ne prétendait pas à une forme ou une autre de vérité? Vos pensées même les plus secrètes ne caressent-elles pas l'espoir d'atteindre ou d'exprimer une forme ou une autre de vérité? Quelles options reste-t-il désormais aux penseurs contemporains depuis la mort de Dieu proclamée par Nietzsche?

La vérité est un mot et comme tous les mots, sa nature est essentiellement pratique (et accessoirement théorique, ontologique...): c'est une arme de combat qui a ses façons particulière d'atteindre l'adversaire (l'adversaire n'étant évidemment pas autrui, mais bien l'indolence d'autrui). Or, il se trouve que cette arme a été utilisée au cours du temps à tort et à travers, si bien que sa force s'en trouve aujourd'hui éparpillée, confuse, épuisée. Nietzsche a bien mis en évidence que ce mot autrefois noble, avait été récupéré par des esprits faibles, dont les canons ne tiraient plus finalement que pour protéger la place-forte de leur propre indolence. Bref, nous avons dilapidé la force de frappe du vocable "vérité", de façon au moins provisoire.

Alors, qu'est-ce qu'on fait maintenant ? On prend la mesure de l’absurdité des choses. On admet qu’un philosophe, ça ne reste jamais qu’un type qui roule un rocher vers le haut d’une colline et qui recommence toujours son ouvrage. Un type qui s’applique à faire le mieux possible son ouvrage, et qui ne peut qu’espérer que le résultat ne sera pas trop merdique, qu’il n’aura pas trop écrasé d’orteils au final. La vérité, ce n’était qu’un cri de ralliement qui signifiait « poussez ferme bande de chieurs ! ». Le philo-Sisyphe doit inventer de nouvelles façons de rallier ses semblables à l’escalade artistique. Il doit faire jaillir de nouveaux cris de sa poitrine. Mais le cri de la vérité ? Personne ne sait plus ce qu’il veut dire. On aura beau disséquer ad nauseam un cadavre, ça ne le fera jamais revenir à la vie.

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Membre, 157ans Posté(e)
chapati Membre 6 957 messages
Baby Forumeur‚ 157ans‚
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Cela signifie que si tu mets au point une quelconque théorie ou éthique philosophique, tu ne peux plus te permettre de faire l'impasse sur le paradigme linguistique en l'état actuel de la philosophie, ou disons, pour bon nombre de philosophes allemands et anglo-saxons pour qui le problème, ce n'est pas Nietzsche et son "Dieu est mort", mais c'est Kant/l'Esprit des Lumières, et pourtant l'existence du nazisme (Comment être "postkantien" après le "tournant linguistique"? En quoi cela pose problème, etc.).

Ok, merci.

Du moment qu'on soit pas tous à fredonner : "on ira tous au paradigme" :noel:

Ceci dit, c'est éminemment casse-gueule cette histoire, parce que qui va décider d'un langage commun pour démocratiser la philo (j'imagine que c'est de ca dont il s'agit) sinon les occidentaux, qui déjà envahissent le monde de leur façon de penser ?

Bref, j'aime pas.

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Membre, Posté(e)
Dompteur de mots Membre 1 841 messages
Forumeur activiste‚
Posté(e)

Sur cette question épineuse, il semble que la philosophie contemporaine ait encore terriblement évolué. Depuis ce qu'il est convenu d'appeler le "tournant linguistique" de la philosophie depuis les années 70, il importe désormais non seulement de se pencher sur la capacité du sujet pensant à comprendre le monde (démarche solipsiste du penseur, tel Descartes) mais également sur sa capacité à se faire comprendre par autrui (intersubjectivité entre penseurs rendue possible et nécessaire grâce à une éthique de la discussion). Tel est le grand défi relevé par le courant pragmatiste actuel, avec ses diverses sensibilités (pouvant opposer, par exemple, un Habermas à un Rorty). Nous sommes passés - changement de paradigme - d'une théorie traditionnelle de la connaissance (mentalisme) à une théorie incontournable du langage.

Ce que tu dis n'est pas clair pour moi Tison. Le souci de la communicabilité des pensées est omniprésent dans l'histoire de la philosophie, s'il ne lui est pas carrément consubstantiel. Peux-tu préciser ce qui est spécifique au "tournant linguistique" ? En quoi le souci de la communicabilité des pensées prend-t-il alors un tournant particulier ?

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Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 032 messages
Forumeur alchimiste ‚
Posté(e)

Ok, merci.

Du moment qu'on soit pas tous à fredonner : "on ira tous au paradigme" :noel:

Ceci dit, c'est éminemment casse-gueule cette histoire, parce que qui va décider d'un langage commun pour démocratiser la philo (j'imagine que c'est de ca dont il s'agit) sinon les occidentaux, qui déjà envahissent le monde de leur façon de penser ?

Bref, j'aime pas.

Ton sentiment et interrogation sont pleinement justifiés et au coeur du débat soulevé par les pragmatistes depuis plusieurs décennies déjà, même si je n'ai jamais rencontré cette expression "démocratiser la philo".

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Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 032 messages
Forumeur alchimiste ‚
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Ce que tu dis n'est pas clair pour moi Tison. Le souci de la communicabilité des pensées est omniprésent dans l'histoire de la philosophie, s'il ne lui est pas carrément consubstantiel. Peux-tu préciser ce qui est spécifique au "tournant linguistique" ? En quoi le souci de la communicabilité des pensées prend-t-il alors un tournant particulier ?

Je sentais venir ces questions pertinentes par ta bouche, ici même, Dompteur.

Tu comprendras ma volonté d'être aussi clair et concis que possible afin de relever, dans la mesure de mes moyens, ce défi difficile mais stimulant de te répondre au mieux. Je m'accorde le temps nécessaire, mais guère plus de quelques jours.

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Membre, 157ans Posté(e)
chapati Membre 6 957 messages
Baby Forumeur‚ 157ans‚
Posté(e)

Je remets une pièce dans le bouzin, à tout hasard.

Étonné avec ce concept de vérité sur laquelle chacune semble s'entendre suffisamment pour en débattre.

De quoi causez-vous donc, braves gens ?

C'est à quel sujet ?

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Invité Quasi-Modo
Invités, Posté(e)
Invité Quasi-Modo
Invité Quasi-Modo Invités 0 message
Posté(e)

Et je lui ai demandé : "Pourrais-tu donner des exemples pratiques."

Mais il n'a pas répondu. Soit le type me prend pour un troll, soit

il s'est pris les pieds dans le tapis...

Du changement il y en a tous les jours, en masse, partout. La difficulté

n'est donc pas là.

Précisément mon propos consiste à m'interroger sur la possibilité du progrès (et la possibilité de progresser peu à peu vers la connaissance).

L'absence d'une définition précise n'empêche pas l'intelligibilité du propos!

Je remets une pièce dans le bouzin, à tout hasard.

Étonné avec ce concept de vérité sur laquelle chacune semble s'entendre suffisamment pour en débattre.

De quoi causez-vous donc, braves gens ?

C'est à quel sujet ?

C'est qu'il ne faut pas confondre la définition et la notion même si beaucoup font la faute.

De la même façon qu'en disant que le progrès c'est le changement et l'amélioration ensembles, alors nous n'avons pas pour autant défini le progrès, nous en avons seulement ébauché une notion.

Une définition permet de décrire complètement et parcimonieusement l'objet de son propos tandis qu'une notion décrit la synthèse des acceptions possibles de son objet.

La notion de vérité semble précisément être un préalable à sa définition, lorsque nous nous laissons convaincre par un philosophe comme Descartes ou Hume, etc...

La philosophie n'est dans le fond rien d'autre que l'art de proposer sa propre définition de la vérité. A moins de présupposer que nous ayons un sens particulier qui nous permette de reconnaître la vérité lorsqu'elle se présente, les difficultés que j'ai cité tantôt me semblent particulièrement liées avec le fait que la définition de la vérité pose problème.

En effet, si la vérité n'existait pas sinon comme objet de nos pensées, il serait infiniment problématique qu'une prétention objective soit sous-tendue par un concept subjectif. Nous ne pourrions pas trouver un objet (la vérité) sans en connaître sa définition préalablement (mais est-ce alors la bonne définition?).

La vérité est un mot et comme tous les mots, sa nature est essentiellement pratique (et accessoirement théorique, ontologique...): c'est une arme de combat qui a ses façons particulière d'atteindre l'adversaire (l'adversaire n'étant évidemment pas autrui, mais bien l'indolence d'autrui). Or, il se trouve que cette arme a été utilisée au cours du temps à tort et à travers, si bien que sa force s'en trouve aujourd'hui éparpillée, confuse, épuisée. Nietzsche a bien mis en évidence que ce mot autrefois noble, avait été récupéré par des esprits faibles, dont les canons ne tiraient plus finalement que pour protéger la place-forte de leur propre indolence. Bref, nous avons dilapidé la force de frappe du vocable "vérité", de façon au moins provisoire.

Alors, qu'est-ce qu'on fait maintenant ? On prend la mesure de l’absurdité des choses. On admet qu’un philosophe, ça ne reste jamais qu’un type qui roule un rocher vers le haut d’une colline et qui recommence toujours son ouvrage. Un type qui s’applique à faire le mieux possible son ouvrage, et qui ne peut qu’espérer que le résultat ne sera pas trop merdique, qu’il n’aura pas trop écrasé d’orteils au final. La vérité, ce n’était qu’un cri de ralliement qui signifiait « poussez ferme bande de chieurs ! ». Le philo-Sisyphe doit inventer de nouvelles façons de rallier ses semblables à l’escalade artistique. Il doit faire jaillir de nouveaux cris de sa poitrine. Mais le cri de la vérité ? Personne ne sait plus ce qu’il veut dire. On aura beau disséquer ad nauseam un cadavre, ça ne le fera jamais revenir à la vie.

Ne sous-estimes tu pas ici ta propre prétention à la vérité (qui est par ailleurs universelle)?

Parce que précisément je ne peux pas jeter ainsi le concept de vérité alors qu'il est consubstantiel de toutes nos pensées ou propos!

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Membre, 157ans Posté(e)
chapati Membre 6 957 messages
Baby Forumeur‚ 157ans‚
Posté(e)
En effet, si la vérité n'existait pas sinon comme objet de nos pensées, il serait infiniment problématique qu'une prétention objective soit sous-tendue par un concept subjectif

Mais le fait de prétendre à l'objectivité ne démontre a priori que l'idée de vouloir dénoncer le faux, et aucunement celui de découvrir je-ne-sais-quelle vérité. Il y a une différence entre chercher à comprendre et chercher à savoir.

La philosophie n'est dans le fond rien d'autre que l'art de proposer sa propre définition de la vérité

Même remarque. En outre, on peut aussi considérer une philosophie qui s'attacherait à trouver le sens des choses plutôt que de décréter je-ne-sais quelle vérité... dont la seule "vérité" serait de dénoncer les prétentions à la vérité d'autres philosophies (soit toujours le faux, donc).

Et pour laquelle le sens donc qu'on trouverait à chaque chose ne serait qu'un sens qu'elle porte virtuellement et non une vérité inhérente à la chose. C'est-à-dire que la chose en question ne serait chose en soi que par le sens qu'elle incarne ; quand elle aurait perdu sa valeur de sens, elle disparaîtrait d'elle-même.

Du coup à la fin, on n'évoluerait plus que dans un univers (mental) de sens et non de savoir(s).

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Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 032 messages
Forumeur alchimiste ‚
Posté(e)

Ce que tu dis n'est pas clair pour moi Tison. Le souci de la communicabilité des pensées est omniprésent dans l'histoire de la philosophie, s'il ne lui est pas carrément consubstantiel. Peux-tu préciser ce qui est spécifique au "tournant linguistique" ? En quoi le souci de la communicabilité des pensées prend-t-il alors un tournant particulier ?

Je te réponds en deux temps. D’abord à ta première question, de la façon la plus concise possible (Contre-Exemple, si tu nous lis… ha ! ha !). Il s’agit tout au plus d’une collecte d’idées sous forme de propositions impersonnelles, sûrement trop impersonnelles, mais qui pourtant sont le commencement d’autre chose qui pourrait bien m’être beaucoup plus personnel/corporel/philosophique.

Au moins quatre observations (*) peuvent permettre d'appréhender er la spécificité du « tournant linguistique », ainsi qualifié par Rorty dès 1965, qui s’est développé à travers la tradition allemande et la tradition analytique :

  • Le rôle constitutif que joue le langage dans nos processus cognitifs.

Le langage est ce qui permet à la pensée de devenir intelligible ; il est la condition de possibilité même de la pensée. En donnant une forme linguistique à nos représentations mentales, le langage est ce qui nous permet de les rendre intelligibles.

« la pensée et le langage sont ainsi inséparables l’un de l’autre. Mais le premier terme est aussi intrinsèquement lié à la nécessité d’entrer en union avec le son verbal ; la pensée ne peut autrement atteindre la clarté, ni la représentation devenir un concept » (Humboldt, 1999).

  • Le caractère nécessairement holiste du langage.

Le langage n’est pas une activité permettant d’articuler des représentations indépendantes de celles que nous possédons déjà ; il ne prend son sens que lorsque nos différentes représentations ont un minimum de corrélation. Le caractère holiste du langage souligne l’impossibilité de tout concept fondationnel sémantico-déductif.

« il est impossible de privilégier des énoncés de base censés être capables de se légitimer d’eux-mêmes et de servir de fondement à une chaîne linéaire de justification » (Habermas, 2001).

Dit autrement : on ne peut utiliser le langage pour sortir du langage (Wittgenstein, 2007).

Par conséquent, il est impossible de fonder ou de contester la vérité d’une proposition sans se référer à une ou plusieurs autres propositions.

  • L’influence structurelle qu’exerce le langage sur notre compréhension du monde.

Le langage influence inévitablement la formation de nos nouvelles représentations en leur imposant un certain moule cognitif.

« le lexique et la syntaxe d’une langue structurent un ensemble de catégories et de mode de pensée et articulent une précompréhension de tout ce que les membres de la communauté linguistique rencontrent dans le monde » (Habermas, 2001).

L’analyse d’une proposition aussi élémentaire que « le chat est sur le paillasson » montre que les présuppositions qui rendent cet énoncé pertinent font appel à l’importance que nous attribuons aux catégories animé-non animé, à la fonction d’un artefact donné, à la catégorie spatiale. Le langage véhicule toujours les catégories de notre communauté linguistique (Putman, 1984).

  • Le caractère nécessairement intersubjectif de notre relation au monde.

L’objectivité de la connaissance passe nécessairement par une synthèse communicationnelle. Elle est influencée par nos processus intersubjectifs de discussion (par un processus de rectification publique). La précompréhension du monde qu’articule le langage – mentionnée précédemment – est toujours intersubjective. La relation sujet-sujet est la condition de possibilité de la relation sujet-objet. C’est à travers la visée communicative du langage que prennent forme nos catégories et nos modes de pensée.

(*) Ces « observations », mises en lumière par le philosophe Pierre-Luc Dostie Proulx (Réalisme et vérité – Le débat entre Habermas et Rorty, 2012, pp. 25-33), sont partagées par Rorty et Habermas. C’est le point de départ de leur conception philosophique, même si elles le sont dans des perspectives considérablement différentes. Elles nous permettent de comprendre d’où naît le conflit théorique entre ces deux auteurs contemporains à propos du caractère de la vérité : conception forte de la vérité chez Habermas, déflationniste chez Rorty.

(à suivre)

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Membre, Enigmologue, Posté(e)
contrexemple Membre 6 293 messages
Enigmologue,
Posté(e)

Bonjour,

Tu me permets de résumer :

Toute communication repose sur des représentations communes, même si ces représentations sont communes elles peuvent différer d'un individu à l'autre.

Ainsi le son "maison" recouvre à peu prés la même chose pour tous (comprenant le français), mais n'est pas connoté de la même façon pour chacun...

Je rajoute cela de moi :

Or les désaccords portent le plus souvent sur des connotations différentes d'un même mot.

Mon résumé est-il correcte ?

Bonne journée.

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Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 032 messages
Forumeur alchimiste ‚
Posté(e)

Ce que tu dis n'est pas clair pour moi Tison. Le souci de la communicabilité des pensées est omniprésent dans l'histoire de la philosophie, s'il ne lui est pas carrément consubstantiel. Peux-tu préciser ce qui est spécifique au "tournant linguistique" ? En quoi le souci de la communicabilité des pensées prend-t-il alors un tournant particulier ?

Ce souci de la communicabilité des pensées continue d’être affirmée plus que jamais. En revanche, et compte tenu des « observations » de P.-L. Dostie Proulx, les philosophes du tournant linguistique vont rejeter la thèse de l’autorité épistémique de la première personne du singulier. En clair, les philosophes du langage vont mettre en doute la compréhension classique de notre accès à la connaissance puisqu’ils mettent de l’avant l’idée que notre langage articule une précompréhension du monde qui structure notre accès à la connaissance. Le sujet isolé n’est pas la mesure de cette précompréhension linguistique ; celle-ci est toujours articulée et intersubjectivement partagée par l’ensemble de la communauté qui partage un langage commun. Notre point de vue pour juger de la validité d’un énoncé et de nos représentations du monde ne peut être qu’intersubjectif.

Le tournant linguistique sera amené à mettre en doute la conception correspondantiste /« mentaliste » de la vérité. Selon ce paradigme correspondantiste, la vérité se dévoile à travers sa conformité avec le monde objectif (= « modèle cognitif du miroir du monde », pour reprendre l’expression de Habermas) ; nos représentations mentales peuvent référer de façon juste au monde extérieur ; la réalité nous est accessible directement via les sens, et cette expérience sensible peut être formalisée à travers nos représentations mentales.

Ce que la philosophie du langage va remettre en cause, c’est l’idée que nous aurions accès via nos sens à une réalité non interprétée, ce qui est impossible puisque toute représentation doit passer à travers un filtre linguistique déformant cette rencontre avec le monde. Le caractère holiste du langage suggère que nos nouvelles interprétations doivent pouvoir être conciliées avec nos représentations déjà acceptées, que nos croyances antérieures influencent nécessairement nos croyances en devenir. Nous n’avons aucun accès à la réalité « nue ».

Le sujet isolé ne semble plus être en mesure d’être l’autorité permettant de juger de la validité de nos représentations du monde. Le tournant linguistique suggère la nécessité de l’horizon d’une communauté d’interprétation. Une telle « mutation de l’autorité épistémique » (Habermas, 2001), ou césure paradigmatique, va conduire les philosophes du langage à se demander s’il est encore possible de conserver un concept fort de vérité et de défendre une conception « réaliste » (position de Habermas et de Apel) ou, au contraire, préférable d’opter pour une conception déflationniste de la vérité et de rejeter toute intuition réaliste (position de Rorty qui va radicaliser le tournant linguistique).

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Membre, 157ans Posté(e)
chapati Membre 6 957 messages
Baby Forumeur‚ 157ans‚
Posté(e)

Ce souci de la communicabilité des pensées continue d’être affirmée plus que jamais. En revanche, et compte tenu des « observations » de P.-L. Dostie Proulx, les philosophes du tournant linguistique vont rejeter la thèse de l’autorité épistémique de la première personne du singulier. En clair, les philosophes du langage vont mettre en doute la compréhension classique de notre accès à la connaissance puisqu’ils mettent de l’avant l’idée que notre langage articule une précompréhension du monde qui structure notre accès à la connaissance. Le sujet isolé n’est pas la mesure de cette précompréhension linguistique ; celle-ci est toujours articulée et intersubjectivement partagée par l’ensemble de la communauté qui partage un langage commun. Notre point de vue pour juger de la validité d’un énoncé et de nos représentations du monde ne peut être qu’intersubjectif.

Le tournant linguistique sera amené à mettre en doute la conception correspondantiste /« mentaliste » de la vérité. Selon ce paradigme correspondantiste, la vérité se dévoile à travers sa conformité avec le monde objectif (= « modèle cognitif du miroir du monde », pour reprendre l’expression de Habermas) ; nos représentations mentales peuvent référer de façon juste au monde extérieur ; la réalité nous est accessible directement via les sens, et cette expérience sensible peut être formalisée à travers nos représentations mentales.

Ce que la philosophie du langage va remettre en cause, c’est l’idée que nous aurions accès via nos sens à une réalité non interprétée, ce qui est impossible puisque toute représentation doit passer à travers un filtre linguistique déformant cette rencontre avec le monde. Le caractère holiste du langage suggère que nos nouvelles interprétations doivent pouvoir être conciliées avec nos représentations déjà acceptées, que nos croyances antérieures influencent nécessairement nos croyances en devenir. Nous n’avons aucun accès à la réalité « nue ».

Le sujet isolé ne semble plus être en mesure d’être l’autorité permettant de juger de la validité de nos représentations du monde. Le tournant linguistique suggère la nécessité de l’horizon d’une communauté d’interprétation. Une telle « mutation de l’autorité épistémique » (Habermas, 2001), ou césure paradigmatique, va conduire les philosophes du langage à se demander s’il est encore possible de conserver un concept fort de vérité et de défendre une conception « réaliste » (position de Habermas et de Apel) ou, au contraire, préférable d’opter pour une conception déflationniste de la vérité et de rejeter toute intuition réaliste (position de Rorty qui va radicaliser le tournant linguistique).

Le début est bien, la fin moins.

Ca se gâte avec le "nous n'avons aucun accès à une réalité nue". Ben si quand même, on a les sens... et pas seulement le museau, les pupilles et l'armada matérielle : tout ce qui fait partie du sensible. Et si sans doute une bonne partie de ces sens est court-circuitée par l'emprise des mots et de la raison, ça veut pas dire que tout le sensible le soit : j'ai peur qu'on rentre là dans un dogmatisme qui voudrait tellement arriver à tout comprendre à travers son nouveau jouet (le machin du langage dont tu parles) que ça craigne un peu...

Bon enfin, c'est pas les premiers non plus, ni j'en ai peur les derniers.

Autre problème du même tonneau, la question réalité/vérité, avec le sujet toussa, le sujet isolé gna gna.

Et enfin (bis repetita), qui d'autre à propos que le sujet pour mettre un langage commun, QUI va s'en charger ? On va voter ?

Ça dérape ce truc, non ?

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Membre, 157ans Posté(e)
chapati Membre 6 957 messages
Baby Forumeur‚ 157ans‚
Posté(e)

Ceci dit je me demande si ça dérape pas des le premier paragraphe cette affaire et si c'est pas encore bien pire que ce que je dis...

Il est question d'une "pré compréhension linguistique". Ça peut se justifier et c'est comme ça que je l'ai compris à la première lecture, comme une sorte de conditionnement via les structures du langage, ca d'accord. Mais le problème pour moi, c'est de savoir si cette structure est envisagée par ces types comme signifiante ou pas.

Est-il question d'une pré compréhension partielle ou globale ?

J'essaie plus clair et precis :

Cette précomprehension est-elle vue par ces types comme un système de micro-structures éparpillées qui ont tendance à inciter à comprendre d'une façon plutot que d'une autre... ou bien comme une structure globale susceptible de recouvrir une totalité du sens à travers les diverses combinaisons possibles ?

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Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 032 messages
Forumeur alchimiste ‚
Posté(e)

1/Le début est bien, la fin moins.

Ca se gâte avec le "nous n'avons aucun accès à une réalité nue". Ben si quand même, on a les sens... et pas seulement le museau, les pupilles et l'armada matérielle : tout ce qui fait partie du sensible. Et si sans doute une bonne partie de ces sens est court-circuitée par l'emprise des mots et de la raison, ça veut pas dire que tout le sensible le soit : j'ai peur qu'on rentre là dans un dogmatisme qui voudrait tellement arriver à tout comprendre à travers son nouveau jouet (le machin du langage dont tu parles) que ça craigne un peu...

Bon enfin, c'est pas les premiers non plus, ni j'en ai peur les derniers.

2/Autre problème du même tonneau, la question réalité/vérité, avec le sujet toussa, le sujet isolé gna gna.

3/Et enfin (bis repetita), qui d'autre à propos que le sujet pour mettre un langage commun, QUI va s'en charger ? On va voter ?

4/Ça dérape ce truc, non ?

1/ Ce tournant est un changement de perspective qui a le mérite de nous interpeller davantage sur le filtre linguistique déformant du réel. La philosophie est un discours qui passe par ce filtre, et autant y regarder à deux fois avant de tout balayer d'un trait.

2/ Mon propos est de montrer comment s'est reposée la question vérité/réel depuis les années 70.

3/ Tu en sauras plus en tapant "éthique de la discussion", "agir communicationnel, "Habermas"... sur un moteur de recherche. Cela peut faire l'objet d'un autre topic.

4 / Libre à toi de t'intéresser ou pas à la suite du feuilleton, c'est-à-dire chercher à en savoir plus sur les points de divergence opposant Habermas et Rorty, avant d'anticiper aussi vite.

Certaines de tes réflexions/interventions sont extrêmement proches de celles de Rorty, lorsque tu écris :

"Mais le fait de prétendre à l'objectivité ne démontre a priori que l'idée de vouloir dénoncer le faux, et aucunement celui de découvrir je-ne-sais-quelle vérité. Il y a une différence entre chercher à comprendre et chercher à savoir"

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Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 032 messages
Forumeur alchimiste ‚
Posté(e)

Bonjour,

Tu me permets de résumer :

Toute communication repose sur des représentations communes, même si ces représentations sont communes elles peuvent différer d'un individu à l'autre.

Ainsi le son "maison" recouvre à peu prés la même chose pour tous (comprenant le français), mais n'est pas connoté de la même façon pour chacun...

Je rajoute cela de moi :

Or les désaccords portent le plus souvent sur des connotations différentes d'un même mot.

Mon résumé est-il correcte ?

Bonne journée.

Ce problème de la connotation est un autre problème abordé par les philosophes du langage, mais je n'en ai pas parlé dans mon exposé sur le "tournant linguistique" (que tu ne résumes donc pas de façon correcte !).

A partir de ta remarque pertinente sur les connotations, nous pouvons dire que nos préjugés vont résulter d'un filtrage linguistique communautaire (précompréhension du monde lors de l'apprentissage de notre langue maternelle, où les mots sont classifiés, catégorisés, etc.) et d' un filtrage individuel des mots plus ou moins connotés de notre langue (en raison de l'expérience personnelle, du tempérament variant d'un individu à un autre, de l'influence du psychoaffectif sur le raisonnement, etc.). Ces préjugés vont en effet nous conduire à donner des sens plus ou moins différents aux mots.

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Membre, Enigmologue, Posté(e)
contrexemple Membre 6 293 messages
Enigmologue,
Posté(e)

Ces préjugés vont en effet nous conduire à donner des sens plus ou moins différents aux mots.

Non le mot "préjugés" ne me semble pas adapté pour parler des connotations, car tout préjugé doit être dénoncé, pour être rectifier, alors que certaines connotations ont le droit d'exister sans être dénoncer.

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Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 032 messages
Forumeur alchimiste ‚
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Non le mot "préjugés" ne me semble pas adapté pour parler des connotations, car tout préjugé doit être dénoncé, pour être rectifier, alors que certaines connotations ont le droit d'exister sans être dénoncer.

Oui, ma phrase pourrait être mieux formulée, peut-être en remplaçant "préjugés" par "idées/opinions". Les connotations s'appliquent aux mots ; ce sont les mots qui sont connotés.

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