Connaissez-vous l'écrivain Alfred Grumaux ?

ALFRED GRUMEAUX, un écrivain oublié

Ayant pu accéder à l’enfer de la bibliothèque municipale de Perpète-les-Alouettes, je suis tombé par hasard sur un étonnant petit ouvrage de Justin Cailloux intitulé « Alfred Grumeaux, écrivain oublié ». Intrigué, j’ai emprunté l’opuscule. Afin de connaître vos avis, j’ai recopié ici-même les éléments les plus significatifs de cette petite étude publiée à compte d’auteur.

Alfred Grumeaux est un écrivain francophone, né vers 1866 dans une cabane qu’il a construit dans une forêt proche de Saint-Loinloin avec l’aide d’Anselme Grumeaux, son père. Il est mort dans des circonstances peu claires à Foufnie-les-Berdouilles en 1925.

Les parents d’Alfred sont de condition très modeste, son père était bûcheron, sa mère, née Odette Caillot, épépineuse de groseilles. Ils travaillent âprement pour gagner une maigre pitance à peine suffisante pour élever leurs sept enfants (Alfred est l’ainé de ses six frères). Enfant, Alfred Grumeaux sera le seul à fréquenter l’école du village où le sévère et exigeant instituteur, M. Seraphin Calobarsy, lui enseignera la métaphysique moléculaire, la mécanique des fluides et les principes universels de l’ectoplasmie appliquée.

Très tôt, il montre des dispositions pour l’écriture. Chaque soir, au moment du repas familial, il dispose les pâtes alphabet de son potage sur le rebord de son assiette pour former des mots, puis des phrases et, enfin, des récits complets. Ses parents et ses frères – pourtant tous illettrés – ont dévorés avec passion tous ces premiers textes dont on ne sait pratiquement rien. « J’ai aussi essayé avec la purée et la pâte à crêpe que préparait ma mère les nuits de pleine Lune. Mais, ces supports étaient finalement mal adaptés. Je n’obtenais pas une fluidité suffisante pour mon style naissant, il fallait encore délayer… » (in « Mémoires d’un Grumeau », Editions de Midi – 1922).

A sa majorité, fort d’une instruction acquise à coups de fouet, ses parents exhortent le jeune homme à voyager à travers le vaste monde et ne plus jamais revenir (Pétaouchnock, Trifouillis-les-Oies, Le Diable Vauvert, Pamparigouste, Syldavie…). Alfred Grumeaux vit misérablement en exerçant divers petits métiers : vendeur d’enclumes à la sauvette ; redresseur de torts dans l’industrie métallurgique ; coureur de jupons dans une bonneterie, forgeur de cédilles chez un typographe… Il commence à bâtir une œuvre prodigieuse mais, ses premiers manuscrits sont tous refusés par les nombreux éditeurs contactés.

« J’en ai bouffé d’la vache enragée, ça oui ! » (op. cité). Il devient végétarien.

Alors qu’Alfred Grumeaux subsiste dans une misère noire, ne pouvant écrire qu’à la lueur d’une chandelle morte de faim, la chance tourne enfin avec la publication d’un essai en douze volumes : « L’Art d’être bref », un monument de concision. Conquise, la critique dira de ce premier opus : « Douze volumes de Grumeaux, c’est dense ! »

Ce joli succès l’encourage à persévérer dans l’écriture. Avec ses premiers émoluments, il s’installe dans une belle cabane construite dans le style canadien et située à Foufnie-les-Berdouilles. Il s’offre une lampe Pigeon, des plumes et de l’encre. Abandonnant définitivement les pâtes alphabet, il couche sur papier arménien son premier roman qui est l’une des plus fabuleuses prouesses de la littérature mondiale : « La Dispersion ». Pour composer son texte, Alfred Grumeaux n’utilise aucune lettre ni autre signe hormis l’esperluette. Bien plus tard, Georges Pérec, admiratif, déclarera : « Moi, malgré tous mes efforts, je n’ai réussi qu’à virer le ‘e’, mais comment a-t-il fait ? C’est incroyable ! » Enthousiastes, les exégètes saluent l’ouvrage finement ciselé de l’auteur : « Sans Grumeaux, ce serait totalement englué ! ».

Parallèlement à son travail de romancier, Alfred Grumeaux rédige de nombreux guides pratiques et surtout des questionnaires - à choix multiple ou non - dont s’inspireront d’autres auteurs, bien moins doués pour cet exercice littéraire si délicat (Marcel Proust, Yviliou, William Donovan et bien d’autres inquisiteurs plus ou moins recommandables). Unanimes, les services de police de plusieurs dictatures diront de lui : « Un questionnaire sans Grumeaux, c’est pâteux ! »

Vers 1919, Alfred Grumeaux fait la connaissance de la célèbre feuilletoniste de l’époque, Adèle Blanc-Sec. Cette courte et discrète liaison – totalement méconnue de son biographe Jacques Tardi – est évoquée à mots couverts dans le recueil de poèmes « Odes à la Fillette de Sancerre ». L’amicale syldave des poètes vignerons s’épanchera fort justement sur sa technique poétique : « Sans Grumeaux, les vers ne coulent pas ! »

Les triomphes littéraires d’Alfred Grumeaux occasionnent une vive rancune de la part de ses confrères restés à l’ombre de ce brillant monument littéraire : leurs livres ne se vendent pas et finissent tous au pilon. Toute l’économie de l’édition plonge alors dans un fâcheux déséquilibre. Une crise profonde s’installe, sauf pour son éditeur qui se frotte les mains en multipliant les Grumeaux. Contraints de survivre dans la fange de l’esprit humain la plus sordide, les pilonnés les plus écœurés se liguent contre l’écrivain en fondant la société secrète « Garantie Sans Grumeau ». Ce groupe, très remonté et peu coulant, publie courageusement de nombreux pamphlets anonymes dont le plus célèbre d’entre eux est – par le style identifiable - vraisemblablement de la main même du sous-sous-secrétaire d’Etat aux affaires culturelles : « Trop de Grumeaux ne fait pas notre beurre ! »

Une certaine presse à scandale, en partie financée par une puissante papeterie Picrochole, relaie le GSG en se déchaînant sur l’œuvre d’Alfred Grumeaux et son illustre personne. Afin de préserver l’ordre public de tout débordement, le plan gouvernemental culturel F.451 est mis en application. L’œuvre publiée d’Alfred Grumeaux est inscrite à l’Index, sacrifiée par la puissance officielle dans la chaudière glacée de l’oubli.

Le 31 mai 1925, le corps sans vie d’Alfred Grumeaux est trouvé dans l’unique chambre de couleur jaune de sa cabane. C’est un anglais – un certain Mack the Knife – qui est à l’origine de la macabre découverte. L’autopsie permettra de connaître la cause du décès : trois balles de type dum-dum tirées dans le dos. L’enquête conclura à un suicide, Alfred Grumeau étant considéré comme la victime de son propre succès. Peu après sa mort, le 21 juin, ses manuscrits sont tous détruits dans un incendie qui ravage le logis en bois de Foufnie-les-Berdouilles. Cet autodafé involontaire est probablement accidentel car - en dehors de Viatcheslav Molotov, un sympathique touriste russe - personne n’était présent sur les lieux au moment du drame. Les adversaires de l’écrivain respirent sur les restes encore fumants de la cabane : « Plus besoin de brûlots, les Grumeaux sont cramés ! »

De nos jours, quelques introuvables exemplaires de cette œuvre perdue aillant pu échapper à l’implacable rédemption circulent encore entre érudits et collectionneurs avisés. Un catalogue non exhaustif a pu être établi grâce au recoupement de rarissimes témoignages.

Œuvres publiées (tous ces titres sont profondément épuisés)

I. Essais philosophiques et autres guides pratiques

L’Art d’être bref (12 volumes)

Le Quiz des Quiz, les meilleurs questionnaires de Grumeaux

La Pâte à crêpes ou la colle d'amidon pour les nuls

II. Romans

La Dispersion

Les Tribulations de Bill Lick Spurtle

Le fabuleux destin de Suzette Fouet (Grand prix du roman de la ville de Klow)

III. Poésie

Odes à la Fillette de Sancerre

Le dernier vers

IV. Théâtre

Les Tartuffes au chocolat

Le Rideau de mousseline

IV. Divers

Mémoires d’un Grumeaux (Prix Gabriel Fahrenheit)

Tout ceci est bien navrant, non ?

&sperluette =^.^=

Tu devrais créer une page wikipédia :D

Comment peut-on se procurer ses textes si cela n'existe plus ? merci d'avoir fait partager ceci avec nous.

=^.^=

:smile2: :smile2: :smile2: J'adore, je trouve ça super marrant et trés habile, mon passage préféré:

né vers 1866 dans une cabane qu’il a construit

Magnifique.

Excellent :smile2:

Quelle tragédie, c'était pourtant une bonne pâte cet Alfred Grumeaux.

Sur son épitaphe était mentionné paraît il !

J’ai eu les boules durant toute ma vie

Je sais qu'on te l'a déjà dit précédemment mais...excellent; c'est le qualificatif qui me saute aux yeux lorsque je lis le texte!

Enorme

Hi hi ! C'est fort rigolo tout ça ! :D

Un petit côté Goossens, dans l'absurde !

Je la connaissai, mais c'est toujours un régal à lire :smile2:

Un texte que je trouve excellent ! Des tournures de phrases très bien faites, des références à plusieurs oeuvres littéraires, même de la bande dessinés sont réalisés.

Et le vocabulaire est très riche, certains mots que je connais pas (je ne suis pas très fort en langue française, enfin, je fais de mon mieux pour apprendre !).

Beaucoup de passages drôles aussi.

Et merci pour les trois clins d'oeil à l'oeuvre d'Hergé, dont le pays imaginaire la Syldavie (qui se place sur une carte approximativement près de la République Tchèque, puisqu'on retrouve Prague. La Syldavie est présente dans trois albums des Aventures de Tintin : Le sceptre d'Ottokar, Objectif Lune et l'affaire Tournesol), un personnage syldave et enfin la capitale de la Syldavie, Klow. Si le monde de Tintin vous intéresse, n'hésitez pas à m'envoyer un message privée, je vous répondrais le plus vite possible !

La désencyclopédie, tu connais ?

Soit tu connais, et mon post est inutile, soit tu connais et va falloir t'inscrire

Est-il parent avec Alphonse et Sophie ?

Merci d'avoir pris le temps de lire cette chose que j'avais commise pour un site d'écriture où je participais. Ici, la contrainte était d'utiliser le mot grumeau.