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un jour... un poème

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chirona

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Posté(e)

Pierres de colère froide

Hautes maisons aux lèvres de salpêtre

Bâtisses pourries dans le sac de l’hiver

Nuit aux mamelles innombrables

Une seule bouche carnassière

Sifflet et rire électrique

Vacarme

______Le néon s’égrène

Harnachée de guirlandes de dents

Oreilles lumineuses abécédaire clignotant

Œillades obscènes des numéros

Nuit multicolore et nuit écorchée

Maigre nuit libertine nuit tête de mort

______Ville

Chattes en chaleur et panique de singes

Un projecteur fouille ses places les plus secrètes

Le sanctuaire du corps

L’arche de l’esprit

Les lèvres de la blessure

La fente boisée de la prophétie

La marée de l’effroi

Tours taciturnes la peur jusqu’au cou

Palais somnambules

Masses de sommeil et d’orgueil graves

Pénétré jusqu’aux os tremble de fer

Et jusqu’à la jointure aveugle des pierres

Entre tes cuisses une horloge donne l’heure

Trop tard

_______Trop tôt

Dans ton lit de siècles forniquent les horloges

Dans ton crâne de fumée combattent

Des âges de fumée

Mémoire qui s’éboule

Ville au front indéchiffrable

Ton discours dément

Tissage irréfutable de raisons

Coule dans les artères

Et ta syllabe tinte dans mes tympans

Ta phrase inachevée

Dans les gonds du langage

Horloges qui s’éboulent

Comme un malade saigné se lève

La lune

Sur les hautes terrasses

La lune

Comme un ivrogne s’écroule

Les chiens errants

Rongent l’os de la lune

Les bouchers se lavent les mains

Dans l’eau de la lune

La ville se perd dans ses ruelles

Elle s’endort dans les terrains vagues

La ville s’est perdue dans ses faubourgs

Une horloge donne l’heure

__________________ C’est l’heure

L’heure n’est pas l’heure

_________________ L’heure est présent

C’est l’heure d’en finir avec les heures

Présent n’est pas heure

________________ Non c’est heure

Ce n’est pas présent

______________ C’est l’heure absente du présent

Les fenêtres se ferment

Se ferment les murs les bouches

Les mots retrouvent leur place

Maintenant nous sommes plus seuls

La conscience et ses poulpes greffiers

Siègent à ma table

Le tribunal condamne ce que j’écris

Le tribunal condamne ce que je tais

Mur œil fixe sans visage

Des bruits imperceptibles

Les pas du temps qui apparaît et dit

Que dit-il ?

Que dis-tu dit ma pensée

Tu ne sais pas ce que tu dis

Pièges de la raison

Crimes du langage

Efface ce que tu écris

Écris ce que tu effaces

Les mots arthritiques de l’espagnol

Leur face et leur ombre je pourrais les dire tous

Gratte-ciel de mots hérissés

Ville immense de non-sens

Monument grandiose incohérent

Babel babel minuscule

D’autres t’ont faite

Les maîtres

Les vénérables immortels

Assis sur leurs trônes de gravats

D’autres t’ont faite langue des hommes

Galimatias

Mots qui s’éboulent

Retourne aux noms

Axes

Larges épaules de ce monde

Échines qui portent le temps sans effort

Matières réelles et spirituelles

Verre regard cristallisé

Mur masque de personne

Livres au front haut

Bourré de raisons ennemies

Table servile à quatre pattes

Porte porte condamnée

Matières irréelles

Vérités défoncées

Le temps n’a pas de poids

__________________ Il est pesanteur

Les choses ne sont pas à leur place

Elles n’ont pas de place

__________________ Elles ne bougent pas

Elles bougent

_________ Des ailes leur poussent

Des racines

________ Des griffes et des dents

Elles ont des yeux des ongles des ongles

Elles sont réelles elles sont fantasmes elles ont un corps

Elles sont ici

_________ Elles sont intouchables

Les noms ne sont pas des noms

Ils ne disent pas ce qu’ils disent

Il me faut dire ce qu’ils ne disent pas

Dire ce qu’ils disent

Pierre sang sperme

Colère ville horloges

Panique rire panique

Dire ce qu’ils ne disent pas

Promiscuité du nom

Le mal sans nom

Les noms du mal

Dire ce qu’ils disent

Le sanctuaire du corps

________________ L’arche de l’esprit

Octavio Paz, Versant EstPoésie/Gallimard, 2003

433117time.jpg

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)

J'allais dire :

Fais tourner !

Mais bon,

Octavio Paz : d'accord !

("L' espagnol arthritique" me gênait, mais lui, il a le droit !...)

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Membre, ♪ ♫ ♪ ♫, Posté(e)
Herman1 Membre 11 488 messages
♪ ♫ ♪ ♫,
Posté(e)

La mort, l’amour, la vie

J’ai cru pouvoir briser la profondeur de l’immensité

Par mon chagrin tout nu sans contact sans écho

Je me suis étendu dans ma prison aux portes vierges

Comme un mort raisonnable qui a su mourir

Un mort non couronné sinon de son néant

Je me suis étendu sur les vagues absurdes

Du poison absorbé par amour de la cendre

La solitude m’a semblé plus vive que le sang

Je voulais désunir la vie

Je voulais partager la mort avec la mort

Rendre mon cœur au vide et le vide à la vie

Tout effacer qu’il n’y ait rien ni vire ni buée

Ni rien devant ni rien derrière rien entier

J’avais éliminé le glaçon des mains jointes

J’avais éliminé l’hivernale ossature

Du voeu de vivre qui s’annule

Tu es venue le feu s’est alors ranimé

L’ombre a cédé le froid d’en bas s’est étoilé

Et la terre s’est recouverte

De ta chair claire et je me suis senti léger

Tu es venue la solitude était vaincue

J’avais un guide sur la terre je savais

Me diriger je me savais démesuré

J’avançais je gagnais de l’espace et du temps

J’allais vers toi j’allais sans fin vers la lumière

La vie avait un corps l’espoir tendait sa voile

Le sommeil ruisselait de rêves et la nuit

Promettait à l’aurore des regards confiants

Les rayons de tes bras entrouvraient le brouillard

Ta bouche était mouillée des premières rosées

Le repos ébloui remplaçait la fatigue

Et j’adorais l’amour comme à mes premiers jours.

Les champs sont labourés les usines rayonnent

Et le blé fait son nid dans une houle énorme

La moisson la vendange ont des témoins sans nombre

Rien n’est simple ni singulier

La mer est dans les yeux du ciel ou de la nuit

La forêt donne aux arbres la sécurité

Et les murs des maisons ont une peau commune

Et les routes toujours se croisent.

Les hommes sont faits pour s’entendre

Pour se comprendre pour s’aimer

Ont des enfants qui deviendront pères des hommes

Ont des enfants sans feu ni lieu

Qui réinventeront les hommes

Et la nature et leur patrie

Celle de tous les hommes

Celle de tous les temps.

Paul Eluard

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Invité guipure
Invités, Posté(e)
Invité guipure
Invité guipure Invités 0 message
Posté(e)

CHANSON DE FORTUNIO

Si vous croyez que je vais dire

Qui j'ose aimer,

Je ne saurais, pour un empire,

Vous la nommer.

Nous allons chanter à la ronde,

Si vous voulez,

Que je l'adore et qu'elle est blonde

Comme les blés.

Je fais ce que sa fantaisie

Veut m'ordonner,

Et je puis, s'il lui faut ma vie,

La lui donner.

Du mal qu'une amour ignorée

Nous fait souffrir,

J'en porte l'âme déchirée

Jusqu'à mourir.

Mais j'aime trop pour que je die

Qui j'ose aimer,

Et je veux mourir pour ma mie

Sans la nommer.

Alfred de Musset

- 1836 -

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Invité
Invités, Posté(e)
Invité
Invité Invités 0 message
Posté(e)

(bonjour Herman)

Voici ce que j'ai envie ce matin. Une façon de dire non à peur, à la mort rosité ambiante.

La beauté est partout

même

sur le sol le plus dur

le plus rebelle

la beauté est partout

au détour d’une rue

dans les yeux

sur les lèvres

d’un inconnu

dans les lieux les plus vides

où l’espoir n’a pas de place

où seule la mort

invite le coeur

la beauté est là

elle émerge

incompréhensible

inexplicable

elle surgit unique et nue –

à nous d’apprendre

à l’accueillir

Kenneth White

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  • 2 semaines après...
Invité
Invités, Posté(e)
Invité
Invité Invités 0 message
Posté(e)

Simbiosis-2013-Thumbnail-profile.jpg

Je marchai hier

dans Thunderbird Park.

Cette nuit

j'enlève mon masque,

de mes doigts ensanglantés,

je me vois

marcher

devant les vitrines décorées de totem criards,

descendre des avenues sonores.

Il n'y a pas d'Indien ici.

Aucun

même dans le musée à un million de dollars

qui conserve si délicatement

leurs vêtements, leurs ustensiles de cuisine,

leur nourriture

pour ceux qui

venant de partout

paient leur billet

et y emmènent leurs enfants.

Il y a quelques Indiens

rôdant autour de l'hôtel Kings

et ils sont morts,

confits dans l'alcool.

Il aurait été plus clair

de nous tuer tous d'un coup.

Tous les clans et les tribus

auraient pu être habillés et empaillés.

Il aurait été plus simple d'ajouter

un cinquième étage au musée

pour les exposer.

Mieux encore :

de les empiler comme du bois de chauffage

dans nos longues maisons

où nous serions au moins chez nous

et ça serait d'un bon rapport.

Je marche lentement et me souviens

je chancelle sous

le poids de l'âpre fardeau enfoui

que je porte

et du masque ingénieux que je me suis fabriquée,

avec les ossements et la peau

de ma tribu disparue

en le plongeant dans le sang frais

de mes frères et sœurs

puisé sur les anciens champs de bataille

près des hôtels.

Jeannette Armstrong in Anthologie de la poésie amérindienne

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  • 2 semaines après...
Membre, Posté(e)
Etrange Membre 2 065 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

Bonsoir Lucy , Herman1 et ... :)

Lézardes et murmures 25 Septembre 2014

Credo (Lucien Jacques)

publié par Loran

" Je crois en l’homme, cette ordure,

je crois en l’homme, ce fumier,

ce sable mouvant, cette eau morte ;

je crois en l’homme, ce tordu,

cette vessie de vanité ;

je crois en l’homme, cette pommade,

ce grelot, cette plume au vent,

ce boutefeu, ce fouille-merde ;

je crois en l’homme, ce lèche-sang.

Malgré tout ce qu’il a pu faire

de mortel et d’irréparable,

je crois en lui,

pour la sûreté de sa main,

pour son goût de la liberté,

pour le jeu de sa fantaisie,

pour son vertige devant l’étoile,

je crois en lui

pour le sel de son amitié,

pour l’eau de ses yeux, pour son rire,

pour son élan et ses faiblesses.

Je crois à tout jamais en lui

pour une main qui s’est tendue.

Pour un regard qui s’est offert.

Et puis surtout et avant tout

pour le simple accueil d’un berger. "

Lucien Jacques

Extrait de C’était hier et c’est demain

Ed. Seghers, 2004

Dans mon grenier

(bonjour Herman)

Voici ce que j'ai envie ce matin. Une façon de dire non à peur, à la mort rosité ambiante.

La beauté est partout

même

sur le sol le plus dur

le plus rebelle

la beauté est partout

au détour d’une rue

dans les yeux

sur les lèvres

d’un inconnu

dans les lieux les plus vides

où l’espoir n’a pas de place

où seule la mort

invite le coeur

la beauté est là

elle émerge

incompréhensible

inexplicable

elle surgit unique et nue –

à nous d’apprendre

à l’accueillir

Kenneth White

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:plus:

Modifié par Etrange
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Membre, Posté(e)
Etrange Membre 2 065 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

Paroles

LE CANCRE

il dit non avec la tête

mais il dit oui avec le coeur

il dit oui à ce qu'il aime

il dit non au professeur

il est debout

on le questionne

et tous les problèmes sont posés

soudain le fou rire le prend

et il efface tout

les chiffres et les mots

les dates et les noms

les phrases et les pièges

et malgré les menaces du maître

sous les huées des enfants prodiges

avec des craies de toutes les couleurs

sur le tableaunoir du malheur

il dessine le visage du bonheur

img2.jpg

Jacques Prévert

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Membre, 30ans Posté(e)
baliep Membre 8 messages
Baby Forumeur‚ 30ans‚
Posté(e)

Dans des terrains cendreux, calcinés, sans verdure,

Comme je me plaignais un jour à la nature,

Et que de ma pensée, en vaguant au hasard,

J'aiguisais lentement sur mon coeur le poignard,

Je vis en plein midi descendre sur ma tête

Un nuage funèbre et gros d'une tempête,

Qui portait un troupeau de démons vicieux,

Semblables à des nains cruels et curieux.

A me considérer froidement ils se mirent,

Et, comme des passants sur un fou qu'ils admirent,

Je les entendis rire et chuchoter entre eux,

En échangeant maint signe et maint clignement d'yeux :

- " Contemplons à loisir cette caricature

Et cette ombre d'Hamlet imitant sa posture,

Le regard indécis et les cheveux au vent.

N'est-ce pas grand'pitié de voir ce bon vivant,

Ce gueux, cet histrion en vacances, ce drôle,

Parce qu'il sait jouer artistement son rôle,

Vouloir intéresser au chant de ses douleurs

Les aigles, les grillons, les ruisseaux et les fleurs,

Et même à nous, auteurs de ces vieilles rubriques,

Réciter en hurlant ses tirades publiques ? "

J'aurais pu (mon orgueil aussi haut que les monts

Domine la nuée et le cri des démons)

Détourner simplement ma tête souveraine,

Si je n'eusse pas vu parmi leur troupe obscène,

Crime qui n'a pas fait chanceler le soleil !

La reine de mon coeur au regard non pareil,

Qui riait avec eux de ma sombre détresse

Et leur versait parfois quelque sale caresse.

Charles Baudelaire

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Invité
Invités, Posté(e)
Invité
Invité Invités 0 message
Posté(e)

92327145mi.jpg

« Je est un autre. » Arthur R.

À force de m’écrire

Je me découvre un peu

Je recherche l’Autre J’aperçois au loin

La femme que j’ai été

Je discerne ses gestes

Je glisse sur ses défauts

Je pénètre à l’intérieur

D’une conscience évanouie

J’explore son regard

Comme ses nuits Je dépiste et dénude un ciel

Sans réponse et sans voix

Je parcours d’autres domaines

J’invente mon langage

Et m’évade en Poésie Retombée sur ma Terre

J’y répète à voix basse

Inventions et souvenirs À force de m’écrire

Je me découvre un peu

Et je retrouve l’Autre.

Andrée Chedid

Modifié par Lucy Van Pelt
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Membre, grands cils ♪ ♫ ..., Posté(e)
Cajou Membre 1 044 messages
grands cils ♪ ♫ ...,
Posté(e)

Bonsoir l'Autre Lucy ^^ ou le contraire... et tous !!

Entre ce que je vois et dis,

entre ce que je dis et tais,

entre ce que je tais et rêve,

entre ce que je rêve et oublie,

la poésie.

Elle glisse

entre le oui et le non :

elle dit

ce que je tais,

elle tait

ce que je dis,

elle rêve

ce que j'oublie.

Elle n'est pas un dire :

elle est un faire.

Elle est un faire

qui est un dire.

La poésie se dit et s'entend:

elle est réelle.

Et à peine je dis

elle se dissipe.

"elle est réelle ",

Est-elle ainsi plus réelle?

Idée palpable,

mot impalpable :

la poésie va et vient

entre ce qui est et ce qui n'est pas.

Elle tisse des reflets et les détisse.

La poésie

sème des yeux sur la page, sème des mots dans les yeux. Les yeux parlent,

les mots regardent, les regards pensent.

Entendre les pensées,

voir ce que nous disons,

toucher le corps de l'idée.

Les yeux se ferment,

les mots s'ouvrent.

Octavio Paz

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Modifié par Cajou
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Membre, Piment doux, 104ans Posté(e)
Out of Paprika Membre 23 366 messages
104ans‚ Piment doux,
Posté(e)

J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans.

Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans,

De vers, de billets doux, de procès, de romances,

Avec de lourds cheveux roulés dans des quittances,

Cache moins de secrets que mon triste cerveau.

C’est une pyramide, un immense caveau,

Qui contient plus de morts que la fosse commune.

(Baudelaire, Les Fleurs du Mal)

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  • 3 semaines après...
Membre, grands cils ♪ ♫ ..., Posté(e)
Cajou Membre 1 044 messages
grands cils ♪ ♫ ...,
Posté(e)

La plume de mon temps

Toi, la pluie de mes jours

La plume de mon temps

Le tic-tac de ma vie

Éternel, énervant

Qui ne cesse de battre

Battre le vent

Tordre les nuages

Pour m'ensevelir de questions

Ton pinceau de mes paysages

Paysages sans images

Sans avenir, sans passé

Seulement un présent

Avec toi

(Arianne Tapp)

122448ecrirelavie.jpg

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Membre, grands cils ♪ ♫ ..., Posté(e)
Cajou Membre 1 044 messages
grands cils ♪ ♫ ...,
Posté(e)

Nous nous serions perdus nous l’aurions fait exprès

Les rues inconnues auraient des noms de poésie surprenante

nous nous engouffrerions dans un café minuscule

et la queue du chien de la propriétaire cognerait

régulièrement contre un des pieds de notre table

tu dessinerais sur l’emballage des morceaux de sucre un cœur un oiseau un rien

je t’écrirais OUI

nous partirions sans laisser de pourboire nous serions tellement pauvres...

Valérie Rouzeau

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Membre, La mauvaise herbe..., Posté(e)
XYparfoisZ Membre 4 674 messages
La mauvaise herbe...,
Posté(e)

Au bord du chemin

Si je m’assois sur le bord du chemin

et que je regarde en arrière

je vois combien j’ai fait peu de chemin

bien qu’il m’en reste peu à faire.

Mais si vivre est déjà d’entrer chez vous

sans bruit, sur la pointe des pieds,

c’est avec joie qu’on fléchit le genou

devant votre gloire obstinée.

Jean Grosjean (1912-2006) La rumeur des cortèges

Modifié par XYparfoisZ
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Membre, ♪ ♫ ♪ ♫, Posté(e)
Herman1 Membre 11 488 messages
♪ ♫ ♪ ♫,
Posté(e)

Donne-moi la flûte et chante

Donne-moi la flûte et chante

Car le chant est le secret de l’existence

Et le sanglot de la flûte survivra

Quand aura péri, l’existence

As-tu comme moi fait de la forêt ta demeure et déserté les palais

Suivi les rivières et escaladé les rochers

T’es-tu purifié de parfum et imprégné de lumière

As-tu bu le nectar de l’aube dans des coupes sans corps

Donne-moi la flûte et chante

Car le chant est le secret de l’existence

Et le sanglot de la flûte survivra

Quand aura péri, l’existence

T’es-tu comme moi posé le soir dans les bras de la vigne,

caressé par des grappes en or,

T’es-tu la nuit couché sur l’herbe et couvert du ciel,

Oubliant le passé et ignorant le futur

Donne-moi la flûte et chante

Car le chant est l’essence des roses

Et le sanglot de la flûte survivra

Quand aura disparu, la flamme de l’existence

Donne-moi la flûte et chante

Et oublie mal et remède

Car les hommes sont des lignes, mais écrites avec de l’eau.

(Gibran Khalil Gibran)

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  • 3 semaines après...
Membre, La mauvaise herbe..., Posté(e)
XYparfoisZ Membre 4 674 messages
La mauvaise herbe...,
Posté(e)

Madrigal triste (I)

Que m'importe que tu sois sage?

Sois belle! Et sois triste! Les pleurs

Ajoutent un charme au visage,

Comme le fleuve au paysage;

L'orage rajeunit les fleurs.

Je t'aime surtout quand la joie

S'enfuit de ton front terrassé;

Quand ton coeur dans l'horreur se noie;

Quand sur ton présent se déploie

Le nuage affreux du passé.

Je t'aime quand ton grand oeil verse

Une eau chaude comme le sang;

Quand, malgré ma main qui te berce,

Ton angoisse, trop lourde, perce

Comme un râle d'agonisant.

J'aspire, volupté divine!

Hymne profond, délicieux!

Tous les sanglots de ta poitrine,

Et crois que ton coeur s'illumine

Des perles que versent tes yeux.

Charles BAUDELAIRE - Fleurs du mal

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Membre, La mauvaise herbe..., Posté(e)
XYparfoisZ Membre 4 674 messages
La mauvaise herbe...,
Posté(e)

Le chat (II)

De sa fourrure blonde et brune

Sort un parfum si doux, qu'un soir

J'en fus embaumé, pour l'avoir

Caressée une fois, rien qu'une.

C'est l'esprit familier du lieu;

Il juge, il préside, il inspire

Toutes choses dans son empire;

peut-être est-il fée, est-il dieu ?

Quand mes yeux, vers ce chat que j'aime

Tirés comme par un aimant,

Se retournent docilement

Et que je regarde en moi-même,

Je vois avec étonnement

Le feu de ses prunelles pâles,

Clairs fanaux, vivantes opales

Qui me contemplent fixement.

Charles BAUDELAIRE - Fleurs du mal

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Membre, ♪ ♫ ♪ ♫, Posté(e)
Herman1 Membre 11 488 messages
♪ ♫ ♪ ♫,
Posté(e)

L'ECHO

J'ai crié non!

Sous la torture…

L'écho de ma voix,

A dit: oui!

De peur de mourir!

LE DISCOURS

Un jour, j'ai vu un rat

Faire un discours sur la propreté

En menaçant de punition les saletés

Autour de lui...

Les mouches applaudissaient!

(Ahmed Matar)

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Membre, La mauvaise herbe..., Posté(e)
XYparfoisZ Membre 4 674 messages
La mauvaise herbe...,
Posté(e)

Chacun sa chimère

Sous un grand ciel gris, dans une grande pleine poudreuse, sans chemin, sans gazon,sans un chardon, sans une ortie, je rencontrai plusieurs hommes qui marchaient courbés.

Chacun d'eux portait sur son dos une énorme Chimère, aussi lourde qu'un sac de farine ou de charbon, ou le fourniment, d'un fantassin romain.

Mais la monstrueuse bête n'était pas un poids inerte; au contraire, elle enveloppait et opprimait l'homme de ses muscles élastiques et puissants; elle s'agrafait avec ses deux vastes griffes à la poitrine de sa monture ; et sa tête fabuleuse surmontait le front de l'homme, comme un de ces casques horribles par lesquels les anciens guerriers espéraient ajouter à la terreur de l'ennemi.

Je questionnai l'un de ces hommes, et je lui demandai où ils allaient ainsi. Il me répondit qu'il n'en savait rien, ni lui, ni les autres; mais qu'évidemment ils allaient quelque part, puisqu'ils étaient poussés par un invincible besoin de marcher.

Chose curieuse à noter : aucun de ces voyageurs n'avait l'air irrité contre la bête féroce suspendue à son cou et collée à son dos; on eût dit qu'il la considérait comme faisant partie de lui-même. Tous ces visages fatigués et sérieux ne témoignaient d'aucun désespoir; sous la coupole spleenétique du ciel, les pieds plongés dans la poussière d'un sol aussi désolé que ce ciel , ils cheminaient avec la physionomie résignée de ceux qui sont condamnés à espérer toujours.

Et le cortège passa à côté de moi et s'enfonça dans l'atmosphère de l'horizon, à l'endroit où la surface arrondie de la planète se dérobe à la curiosité du regard humain.

Et pendant quelques instants, je m'obstinai à vouloir comprendre ce mystère; mais bientôt l'irrésistible indifférence s'abattit sur moi, et j'en fus plus lourdement accablé qu'ils ne l'étaient eux-même par leurs écrasantes Chimères.

Charles BEAUDELAIR [Petits Poèmes en Prose] La presse, 28 août 1862, sous le titre : Chacun la sienne.

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