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Loufiat

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Tout ce qui a été posté par Loufiat

  1. Technique et Sacré.. Rien ne peut surpasser la technique en force de conviction son principe même étant l'objectivité. Les dieux crains et adorés s'inclinent devant le fusil. Le système des techniques est davantage qu'une religion, davantage qu'une politique. Dorénavant il les determine. Il progresse en désintégrant et en reintegrant les anciennes réalités, dotées alors d'un nouveau sens. Il cherche l'intégration totale. Il n'y a plus d'alterité. Toute altérité est déjà pour lui un en dedans, une occasion de croissance. Nous ne sommes rien pour lui. L'individu n'est rien. Il n'a aucune réalité particulière. Le système a des connivences avec certains systèmes de représentation davantage qu'avec d'autres. Mais de toute façon sa réalité est si indéniable que toutes les anciennes façons de voir, penser, faire doivent se mettre au diapason. C'est déjà la réalité. C'est déjà là. Les fantasmes transhumanistes sont les reflets dorés d'une réalité bien plus fondamentale, massive et décisive.
  2. Loufiat

    La quête de pureté.

    C'est que la pureté évoque le bon. Mais rechercher la pureté implique être dans une situation de souillure. C'est donc une certaine perception du mal, pas forcément correcte ou objective d'ailleurs. Perception de souillure, de pourrissement, de dégradation, etc. Qui pousse à rechercher la pureté. Cette perception a une dimension biologique et instinctive, et elle se développe dans des formes culturelles spécifiques. Voir par exemple la question du "miasme" (Miasma) chez les grecs anciens. Autour de cette notion s'articule un vaste ensemble de règles visant à protéger certaines institutions et personnes de la souillure, qui est à la fois maladie et mal dans un sens religieux, symbolique. Aujourd'hui cette question est médicalisée et prise en charge par la technique. C'est la diététique, la chirurgie, le design... et il y a le versant politique (pureté de la race, de la nation etc), qui prend de telles importances à cause des moyens de propagande.
  3. Je te trouve sévère... il faut rappeler que l'Europe est une réalisation inédite, elle ne correspond à aucun régime connu jusque-là. Et si des faiblesses indéniables résultent de sa construction différente des modèles religieux, impériaux ou nationalistes, c'est aussi sa principale qualité, souvent d'ailleurs davantage perçue par ceux qui se trouvent à l'extérieur qu'à l'intérieur de ses frontières. Un retard suppose une même ligne de conduite, une même finalité à l'aune de quoi évaluer où chacun se trouve. L'Europe fait des choix singuliers qui la situent souvent ailleurs, à-côté. Par exemple dans sa volonté d'encadrer le développement de l'IA, alors même quelle est loin d'être la dernière en matiere d'innovations. Mais qui peut croire que ceci constitue un retard de l'Europe ? Il est évident que l'IA devra être encadrée. Faut-il attendre qu'elle provoque des catastrophes par un développement anarchique, librement poussée par la course à la puissance et l'ingéniosité de tous les compétiteurs du monde ? Faut-il nous plier au délire de tous les adorateurs possédés de la nouvelle puissance ? L'Europe a choisi d'être moins tonitruante mais plus sûre. Bien malin qui peut dire si ceci ne sera pas un pari gagnant à terme. Et du moins si nous echouons, aurons-nous essayé.
  4. Loufiat

    Ontologie.

    Et comment l'étant se redonne-t-il à travers la conscience ? Par le soucis. J'ai le soucis d'une chose. Et ce soucis atteint jusqu'à l'être même. Jusqu'à la liberté. Et me voilà devant le devoir à nouveau. C'est une reprise, un recommencement, une résurrection. Nous ne quitterons pas les rivages de la perception hebraique de si tôt.
  5. Loufiat

    Ontologie.

    En somme peut-on dire que l'étant se redonne à travers la conscience. ? Du moins Heidegger est-il un rappel vivant de cette vérité éternelle que le premier et le dernier objet en philosophie, c'est le devoir, et le problème, la liberté.
  6. Loufiat

    La vérité, c'est quoi ?

    Je relis un passage de la Bhagavad Gita où Dieu, incarné sous la forme de Krishna, explique qu'il y a deux voies principales pour le connaître : les premiers l'adorent sous une forme personnelle, les seconds le cherchent à travers Brahma, l'immatériel, impersonnel, désincarné, abstrait, spéculatif. Et Krishna de préciser que cette seconde voie est difficile et qu'elle demande beaucoup d'effort, mais qu'elle conduit jusqu'à lui ultimement ; cela dit, il favorise la première voie. Les conditions de la découverte scientifique sont difficiles, assez à l'image de la voie de Brahma. Longue et épuisante. Pleine d'errances, on le devine. De longs temps morts. Mais de passages, parfois, à la faveur de telles circonstances. La méthode est lourde. Tout est dans la méthode. C'est croire vraiment en une "méthode". C'est pourquoi la démarche scientifique est si riche en réalisations personnelles. En révolutions spirituelles. Croire en la méthode impliquant qu'on croit en ses résultats, qu'ils aient une consistance bien réelle. Qu'on les déclare provisoires et incomplets, ils n'en sont pas moins efficaces à un moment donné. C'est se rendre à un jugement qui est à la fois jugement d'une communauté, mais sur un fait qualifié et constitué par la science elle-même. Pour qu'elle se développe il faut une autonomie totale à la science. Elle ne peut supporter aucune considérations tierce sans sombrer aussitôt dans autre chose que la science pure. Dans sa conception moderne la science ne supporte aucune limitation. Et il ne viendrait pas à un peuple un tant soit peu éduqué l'idée saugrenue de limiter la science en vertu de critères moraux ou autres. Dans sa tendance la science repose enfin sur le désir d'individus et d'institutions de "faire parler" le réel. D'établir le réel.
  7. Loufiat

    La vérité, c'est quoi ?

    D'accord mais je ne trouve pas l'opposé particulièrement formalisé non plus. J'ai du mal à comprendre pourquoi la vie sexuelle formerait comme évidemment une catégorie à part quant à la moralité ?
  8. Loufiat

    La vérité, c'est quoi ?

    D'accord mais pourquoi, ça aurait dû ?
  9. Loufiat

    La vérité, c'est quoi ?

    Salut Pil (je me suis dit que Neo ça n'irait pas) J'ai eu beau y réfléchir je ne suis pas sûr de comprendre ce que tu disais là ?
  10. Loufiat

    Platon

    Extrait du site de Bernard Suzanne https://plato-dialogues.org/fr/tetra_4/republic/soleil.htm En ce qui concerne maintenant le mot idea, que je laisse non traduit, même si la traduction par « idée », le mot français qui en dérive, est encore la moins mauvaise, pour permettre au lecteur de repérer tous ses usages (qui ne sont pas nombreux) et de les distinguer d'emplois de mots voisins, en particulier eidos, dont la plupart des commentateurs veulent faire un synonyme dans certains contextes où ils donnent à ces mots un sens supposé « technique » qui serait central dans la pensée de Platon (sa supposée « théorie des formes (eidè) / idées (ideai) »), il ne faut jamais perdre de vue qu'il vient de la forme aoriste idein du verbe horan, qui veut dire « voir ». L'idea, c'est d'abord l'« apparence », au sens de ce qui apparaît, qui se donne à voir, sans aucun jugement de valeur sur l'adéquation à ce dont c'est l'apparence, avant de devenir une « vue de l'esprit ». Mais en même temps, ce que n'ont pas vu la plupart des commentateurs, qui font des eidè / ideai (ces deux mots étant considérés par eux comme synonymes) les réalités ultimes, même dans le registre intelligible, une idea (ou un eidos) reste une vue de l'esprit, une « apparence » pour nous êtres humains dont l'esprit a ses limites propres, au même titre que les yeux ont les leurs, si bien que ce que nous voyons par les yeux ou saisissons par l'esprit nous donne un perception qui n'est pas la saisie complète et parfaitement adéquate de ce qui se donne à voir ou comprendre et que l'« apparence », qu'elle soit visible ou intelligible, n'est pas la réalité dont elle n'est qu'« apparence ». La « vue » de l'esprit n'est certes pas la même que celle des yeux, et elle ne nous donne pas accès aux mêmes « caractéristiques » de ce que nous considérons, mais l'une comme l'autre reste une appréhension conditionnée par notre nature humaine, qui ne nous permet pas de saisir ce que sont les réalités elles-mêmes dont nous percevons les « traces » visibles avec nos yeux ou intelligibles avec notre intelligence. Ainsi, comme l'illustrera l'allégorie de la caverne, nos yeux nous donnent accès au corps matériel de l'homme (et nos oreilles aux paroles qu'il prononce), alors que notre esprit nous permet de le comprendre comme doté d'une âme immatérielle et comme intelligible, mais un homme, Socrate par exemple, ne se réduit ni à l'image visuelle qui peut être perçue par la vue (ou à ses paroles entendues par nos oreilles), ni à la compréhension que peut en avoir une intelligence humaine, fût-elle celle de Platon. L'« idea du bon » n'est donc pas le bon lui-même (qui serait auto to agathon, formule qu'on va trouver en 507a3, plus loin dans notre section), mais la perception qui en est possible par la nature humaine. Et si cette idea a un caractère objectif et non pas subjectif, c'est justement parce qu'elle n'est pas l'idée que vous ou moi, avec les limites propre de notre intelligence et de nos connaissances, pouvons nous en faire, mais bien la perception qui en est possible par l'intelligence humaine, supposée à son plus haut niveau de qualité, d'aretè (« excellence »), et non par l'esprit plus ou moins lourd et embrumé de tel ou tel individu particulier. En fait, ce n'est qu'au début du livre X, dans la discussion sur les trois sortes de couches (/lits), que Socrate précisera ce qu'il entend par idea et ce qu'il entend par eidos, et la différence qu'il fait entre les deux : l'eidos répond à une problématique de nommage (ce qui est commun à une pluralité à laquelle on associe le même nom) et correspond à quelque chose que chacun pose, implicitement ou explicitement, pour lui et fait évoluer tout au long de sa vie pour donner sens aux mots qu'il emploie, alors que l'idea répond à une problématique de compréhension et constitue le principe d'intelligibilité de ce dont elle est idea, qui, lui, n'est pas produit par l'esprit de chacun, mais correspond à la cible « objective » et lointaine (dans l'allégorie de la caverne, les ideai sont figurées par les astres du ciel, visibles seulement hors de la caverne) des eidè que chacun se pose pour donner sens aux mots qu'il emploie pour tenter d'approchere cette idea, et son « objectivité » est ce qui, en tant que principe d'intelligibilité, rend possible la compréhension mutuelle au moyen de mots.
  11. Platon produit des dialogues et pas un système. Il faut suivre ces dialogues et parmi les ebauches de réponses apportées par les uns et les autres, faire ses choix. Il est très probable que ces dialogues aient été conçus comme un cursus à visée éducative. Ceci du moins explique ce que les traducteurs et commentateurs ont pensé être des contradictions entre les dialogues. Ça commence mal... mais je vous laisse.
  12. Une remarque en passant, sans grand espoir : ceci est faux. La théorie des idées est une production postérieure à Platon, élaborée à partir des ambiguïtés de son œuvre par des commentateurs.
  13. Loufiat

    La vérité, c'est quoi ?

    C'est bien le problème oui, cette problématique des bons et des mauvais choix apparaissant comme le sujet se constitue en particulier dans ses aspects moraux. Et le voilà alors qui cherche des fondements à ses choix, décisions, à s'allier les puissances bénéfiques, etc.
  14. Loufiat

    La vérité, c'est quoi ?

    Il est étonnant que les conceptions de la vérité puissent s'opposer au sein d'un même individu. Nous connaissons tous en pratique la différence entre vérité et mensonge. Dans cette opposition avec le mensonge, la vérité apparaît comme l'adéquation de la parole avec les actes. Dire ce que l'on fait, a fait, va faire, ce que l'on sait ou ignore, etc. Alors que reste-t-il de la vérité en sciences, et qu'est-ce que la science nous dit du sujet, d'autre part ? On peut dire que la science ambitionne de faire parler le réel. C'est-à-dire qu'on élabore une expérience visant à apporter une réponse à une question que l'on se pose. Bien sûr cette remarque semblera très éloignée du travail même de la recherche. Mais qu'est-ce qui est critique pour la science ? Ce sont des expériences où, devant des alternatives restées jusque-là indécidables, un dispositif est inventé qui rende une réponse décidable. Ces expériences créent un avant et un après : on ne peut plus revenir en arrière. Tout le champ scientifique doit se réorienter à partir d'elles. Ce travail me semble encore très proche du foyer de la vérité, de sa forme commune. C'est davantage dans la conception du sujet que la science tend à produire, actuellement ou durablement je l'ignore, que les fondements de la vérité me semblent attaqués.
  15. Hello ! Quand une faute n'est pas jugée, mais que l'individu à adopté une attitude de défense en prévoyant le jugement. Se mentir à soi même implique d'un côté des jugements de valeur fermes, et de l'autre des pratiques ou autres divergentes mais qui sont maintenues voire alimentees sous couvert des dits jugements. Les gosses qu'on n'a pas éduqués ne se mentent pas à eux-memes. Ce sont plutôt ceux qui ont été éduqués dans des valeurs fortes ou supposement. L'enseignement quand la faute n'est pas jugée c'est qu'il y a deux grammaires bien distinctes quoi que non sans lien : ce que l'on dit et ce que l'on fait. C'est un apprentissage et ça peut devenir tout un mode d'être.
  16. Va pour le tutoiement, avec plaisir. Avant de répondre puis-je te demander pourquoi produire ce texte ici, que tu as d'ailleurs peut-etre aussi produit ailleurs ? J'ai pour ma part suivi un cursus en sciences sociales qui m'a conduit jusqu'à à la recherche et l'enseignement, dans les institutions que tu décris, qui m'ont déçues et que j'ai finalement quittées. J'ignore jusqu'à quel point les dysfonctionnements que j'ai pu observer dans le microcosme parisien, à la fois d'ordre politique et théorique, se retrouvent dans d'autres milieux de la recherche. L'Université où je siégeais à divers conseils ayant été ébranlée par un scandale proprement politique qui a précipité ma décision de quitter ce panier de crabes. Du point de vue théorique, ma recherche m'a conduit à conclure que les sciences sociales, sauf appliquées à des cas très concrets et moyennant financements privés, sont phagocytees par la propagande et l'idéologie. Les auteurs effectivement clivants, dont les écrits devraient porter a conséquence s'il fallait admettre leurs conclusions, sont mis sous cloche et simplement expulsés hors du champ universitaire. On fait comme s'ils nexistaient pas. Jusqu'à l'absurde. L'adéquation idéologique est dans l'immense majorité des cas plus déterminante que la force argumentative.
  17. Bonjour, Excellent texte. Qui semble traduire une connaissance intime, sinon une appartenance (passée peut-être ?) au corps des Socrate fonctionnaires. Alors finalement ce que vous proposez fonctionne-t-il réellement ? Avez-vous opéré vous-même une conversion de grand Prêtre de la Parole à l'artisan, plus humble, du bien commun et est-ce suffisant ?
  18. Loufiat

    Le surdoué et le Kali Yûga

    Bravo pour votre texte (et vos autres sujets, souvent très bien amenés). En somme, suivant ce constat, pour sortir de l'engrenage il faut soutenir le rouble et redresser l'économie Russe ?
  19. Loufiat

    La vérité, c'est quoi ?

    Bonjour Ambre, Je pense que ce que j'essaie d'exprimer tient d'abord davantage d'une prise de conscience que d'une hypothèse, en ce qui me concerne. Cette prise de conscience, première, conduit ensuite à me demander "mais alors au final c'est quoi la vérité ?" En somme si je dois conserver cette notion, considérer qu'elle n'est pas totalement invalide, alors quel est son champ d'application ? En quoi réside sa validité, quelle est sa valeur ? Et je constate, ou crois constater que cette valeur est d'abord essentiellement sociale. Ce qui ne comporte aucun jugement, ce n'en est pas une invalidation. Je pense simplement que le foyer de la vérité est cette opposition entre vérité et mensonge qui apparaît pour commencer au cours des litiges au sein de la vie familiale et communautaire. Qui dit la vérité, qui ment : ce critère s'active, devient déterminant quand il y a trouble et incertitude, quand il faut trancher, établir des faits et des responsabilités, admettre une interprétation commune - quand il faut punir ou, du moins, dépasser une situation d'affrontements, de violences, de divergences, vengeances, etc., bref de fautes ou plus simplement d'incertitude dangereuse (oracles, promesses, etc.). La vérité se rattache ainsi à toute la vie passionnelle et pulsionnelle des êtres humains, à ce qu'ils désirent et ambitionnent, pourquoi ils mentent et se trompent les uns les autres, et aux problèmes de justice, d'ordre et d'interprétation des évènements et du monde qui se posent partout de tous temps. Ceci étant dit, la vérité joue une sorte de double jeu parce qu'elle est aussi constitutive dans la construction d'un individu qui se perçoit lui-même et est perçu par les autres comme opérateur de décisions, de choix, un sujet d'intentions, moral et agissant, relativement autonome donc. Capable en tout cas de produire des interprétations, des actes et d'en répondre devant ceux qui sont également engagés par ces actes et interprétations. C'est le cas dans toute promesse que l'on fait et que l'on tient. Faire une promesse, c'est se trouver dans une situation d'incertitude d'abord parce que, s'il n'y avait pas incertitude, il n'y aurait pas lieu de promettre, et puis parce qu'une promesse ce ne sont que des mots. Mais promettre permet à ceux qui s'engagent, de se projeter et d'organiser une action sur un certain temps malgré l'incertitude. Ça implique mémoire, continuité, une certaine "consistance" malgré la fragilité et le chaos environnant. J'ai donc l'impression qu'à la fois, la vérité se rattache à l'ordre social, est l'une des "puissances" lui permettant de se développer avec une certaine consistance, suivant une certaine logique - on se marie devant témoins, on s'engage par des promesses, on admet un jugement, on reconnaît telle loi, tel pouvoir, une dette, une alliance, une filiation, etc. - et, dans le même temps, cette puissance en se développant, permet ou même favorise un certain développement autonome de chaque individu, avec sa propre histoire, sa "singularité" comme capacité de jugement et d'action. Alors, vous demandez à quoi ça sert, de comprendre ça et en admettant que ce ne soit pas totalement faux ou oisif. Je pense que si ces questions se posent à moi de cette façon, c'est parce que les fondements de la notion de vérité sont ébranlés. J'ai l'impression qu'il est temps à nouveau de nous demander ce qu'il faut retenir, ce qui vaut la peine que l'on en retienne parce que cette notion telle qu'elle existait est en train de sombrer ou connait une crise profonde, parce que les conditions de la vie humaine sont en train de changer radicalement. Et à chaque fois que les sociétés traversent une crise et une transformation profonde, on voit que la vérité se transforme également. Son fondement était religieux. En Occident jusqu'au 16ème siècle la bataille de la vérité se joue sur un terrain religieux. C'est Dieu qui en définitive est garant du vrai, et il s'agit d'interpréter sa parole. Puis, très schématiquement, vient le règne de la Raison auquel doit correspondre la venue d'un homme nouveau, l'individu au sens des deux derniers siècles. Mais aujourd'hui à nouveau cette conception est minée dans ses fondements. On s'aperçoit de sa fragilité. Ses lacunes apparaissent au grand jour. Tout indique, avec la plus grande force, que l'individu tel que nous le concevons n'existe pas. C'est un mirage, un produit de l'imagination, une forme verbale qui fait encore effet dans nos institutions mais qui est vouée à disparaître, en tout ou partie. Cette évolution m'inquiète, pour être honnête.
  20. Loufiat

    La vérité, c'est quoi ?

    Bonsoir Ambre, Vous avez raison de donner à la relation cette importance. Je crois que la position que j'occupe y conduit aussi. Puisque la parole implique la relation. La parole intervient au sein d'une relation, et la poursuit, la porte et la redéfinit sans cesse plus loin - et peut la rompre, mais alors ce sera la fin de la parole du même coup. Pourquoi continuons-nous de parler à nos morts ? Nous poursuivons une relation. Non seulement ça, mais en elle-même la parole est relation, relation entre des sons, mots, idées, sensations, êtres, images... Relation donc, et histoire. La parole, c'est du temps passé ensemble au sein d'une même durée ; c'est une relation qui s' "endure". La fin de la phrase rejaillit sur son commencement et en éclaire tout le sens, comme la fin de l'histoire rejaillit sur son commencement et en éclaire le sens. Nous vivons dans des histoires ; nous vivons des histoires. Le renard que je croise à l'improviste de temps en temps au crépuscule, nous nous retrouvons, quand nous tombons l'un sur l'autre, au sein d'un même instant où nous pouvons nous reconnaître. Mais s'il devait arriver qu'il s'assoit un moment et me raconte sa vie de renard, nous entrerions dans quelque-chose d'autre encore, qui tiendrait aussitôt d'une histoire. La relation et l'histoire ont lieu dans quelque-chose de plus vaste qu'elles, sans doute, qui fournit leur occasion, leur matière et leur fond. Il y a autour de nous toute la vie, et en chacun, sa propre histoire et toute l'histoire du monde. Mais la parole établit un "temps propre", un certain champ qui ne se réduit pas à son environnent immédiat mais y constitue une réalité singulière, nouvelle, dont la nature tient donc de la relation et de l'histoire. C'est un fil ténu que nous suivons ici, mais dont nous voyons, en le tirant, qu'il transforme de l'intérieur, qualitativement, et rejaillit sur l'entièreté du monde, qui devient objet et espace de projection pour la parole et avec elle à nouveau, pour l'être que nous sommes. Mémoire et imaginaire entrent dans une nouvelle dimension avec la parole. Je peux me souvenir en moi-même de tel instant, mais sitôt que je dis "tu te souviens quand..." je suis dans autre chose, je fais entrer ce souvenir dans autre chose. La parole tient d'un acte et d'une mise en commun, d'une "remise" à l'autre. La parole est toujours une invitation à répondre. A répondre, à reprendre, etc. En prenant comme départ : la vérité est un critère de la parole, on voit que son champ est à la fois précisé, restreint, mais reste très large. La parole n'est pas l'alpha et l'omega de la vie. C'est une chose minuscule dans l'océan des choses. C'est infime, quasiment rien, un souffle aussitôt évaporé, sans effet possible. Et en même temps, c'est beaucoup. C'est comme d'invisibles fils qui viennent lier ensemble et fondre une image du monde, mouvante, en constante redéfinition. Prenez de la hauteur, imaginez tous ces êtres humains qui parlent en ce moment, ces milliards d'êtres qui constituent une gigantesque toile symphonique où tout le bouillonnement du monde a sa part. Aussi bien le berger qui chante à la lune sa course froide et solitaire que les traders qui dealent à New York avant de commander de la coke et des escortes. C'est là qu'intervient notre critère "vérité". C'est là son lieu. Au-delà il ne s'applique plus, il n'a pas de place. Mais dans ce monde marqué, travaillé par la parole (et par mille autres choses encore), nous voyons que la vérité existe bien, qu'elle a sa consistance propre - elle n'est pas rien. Et je pense que, de ce point de vue, nous devons la considérer comme une puissance. Parce que, sans être changée en elle-même, son principe restant fixe du moment que les conditions fondamentales auxquelles elle tient ne changent pas, alors elle agit, elle détermine des contenus, attitudes, comportements, des histoires et même des institutions. Il est vrai que "ce matin j'ai mangé une orange". Dans un procès équitable, on s'interroge effectivement sur la vérité de tel ou tel témoignage, et selon qu'il est établi ou non qu'il soit vrai ou faux, les conséquences seront autres, réellement. Bien sûr il peut en aller tout autrement, et le procès être faussé, ou ne pas tenir compte de la question de la vérité. Donc, encore une fois, je pense que si on veut y voir un peu plus clair, il faut revenir sans cesse à ce que j'appellerais le foyer de la vérité. Et ce foyer c'est la vie familiale où, chez l'enfant, ce critère intervient d'abord sous sa forme de l'opposition entre vérité et mensonge, qui implique un sujet agissant rendant compte d'actes. Sujet d'intentions. Qui est une création de la parole. En particulier par l'intermédiaire de la question. "Que fais-tu". Mais même : "qu'as-tu fait". J'ai cassé le vase. Sans intention, peut-être, mais voilà qu'on m'interroge et que je dois porter la responsabilité de cet acte dont peut-être je n'avais pas même conscience qu'il constituerait un acte. Mais tel évènement, par la parole, par l'autre et au sein de notre relation, en vient à constituer un acte dont on m'attribue, en tant que personne, la responsabilité et dont je suis amené à rendre compte. Je dois m'inventer. La vérité produit une création et une recherche. En m'inventant sans cesse plus loin, j'en viens à interroger ce que je suis, pourquoi j'agis ainsi, ce que je fais. J'apprends à enchaîner des actes en vertu d'une réponse, d'un projet, d'un énoncé. Etc etc. Et dans cette "folie explicative", plus je m'enchaîne au critère de la vérité, plus je dois embrasser de données, psychologiques, en moi-même (je vais me lancer dans une psychanalyse par exemple) et à l'extérieur, quant au monde. Je voudrais que la nature soit intentionnelle et personnelle, car alors il y aurait une vérité ultime à laquelle me raccrocher. Je pourrais lui demander 'que dessines-tu' et elle me répondre 'un chateau'.
  21. Loufiat

    La vérité, c'est quoi ?

    Bonjour Ambre, C'est drôle que vous reveniez à ce sujet auquel je continue de réfléchir quotidiennement. Je ne peux que maintenir ma position, et voir jusqu'où vous pourrez défendre la vôtre. Prenons ça comme un jeu. Pour moi je gagne une immense clarté en conservant cette approche de la vérité comme un critère de la parole - au-dela, on en parle metaphoriquement, ou alors on se trompe à son sujet et on idéalise quelque chose qui n'existe pas. Il m'importe justement de la contenir à ce niveau dans un premier temps pour ensuite pouvoir élargir ma réflexion, mais en revenant toujours à ce centre solide où je sais de quoi je parle. Quand je dis que la vérité est un critère de la parole je sais de quoi je parle. C'est quelque chose que j'observe à longueur de temps. Nous faisons tous les différence entre vérité et mensonge. Ces alternatives se présentent souvent. Il y a des faits que ça recouvre. Des faits observables et des paroles entendables par tous. Au cours d'un procès par exemple. Dans la vie familiale, conjugale, professionnelle, politique.. c'est une réalité quotidienne pour tous. Cest une réalité dont les textes les plus anciens et les plus éloignés témoignent tous : la vérité comme critère de la parole opposé au mensonge est connu partout et de tous temps. Elle est donc sans doute liée à des déterminants largement partagés de la vie humaine, à la facon que les etres humains ont d'être les uns avec les autres et dans le monde. J'observe que ce critère est introduit dans la vie humaine au cours de l'enfance, quand l'enfant se trouve devant le problème de produire de la vérité, de comprendre ce que ça veut dire et d'entrer dans ce jeu. Dans son développement le plus complet, le jeu de la vérité doit conduire à la responsabilité, c'est à dire à enchaîner des actes suivant un projet énoncé au départ. Par exemple dire qu'on va dessiner un château et le faire. Je pense que c'est ainsi que se constitue l'individu psychologique. Par l'acquisition de cette faculté de produire des actes et d'en répondre. De se projeter en avant, et de revenir sur ce qu'on a fait, dit, etc. Ceci étant donc constamment solidaire des autres avec lesquels nous parlons. Je pense que c'est alors vraiment comme une nouvelle réalité qui se constitue, à la fois interne, la psyché, et le monde composé auquel elle fait face, composé d'autres psychés mais aussi de la nature. Mais cette nouvelle réalité ne se suffit pas à elle-même car l'action et la parole dans leur recherche de fondements, origine, sens butent finalement sur une nature indifférente. Alors qu'est ce qui peut fonder le pouvoir, l'ordre des choses, telle justice, telle morale, telles valeurs ? La vérité dans son travail cherche constamment au-delà ses appuis. L'enfant auquel on demande ce qu'il dessine, ne dessinait peut être rien, mais là question l'interpellant sur le sens de ce qu'il fait, le voilà qui s'interroge, se consulte et finalement se décide pour ceci ou cela. Choisit. La vérité ouvre donc sur la volonté d'un côté. Et de l'autre côté, sur la nature. Mais je soupçonne que la volonté même soit le résultat de l'interrogation au départ. Que la question qu'on a posée à l'enfant à été le premier déclencheur qui l'a poussé à se déterminer "de l'intérieur" et à se percevoir lui même, en même temps qu'à se constituer, comme "centre de décision", capacité de décision. Et de la va se précipiter toute la morale.
  22. Loufiat

    Défense européenne.

    Il n'y a pas eu de travail de justice national. Que des nazis s'en soient sortis indemnes, que des collaborateurs aient été recyclés dans tous les gouvernements y compris par un De Gaulle, c'est vrai. Mais il y a eu jugement, en Allemagne, en France, etc. Il y a eu un travail collectif très actif d'interrogation, de clarification des responsabilités, de rétablissement des faits (qui a disparu, quand, où, à cause de qui, etc.). En Russie, rien de tel. Quand on réfléchit à l'horreur et à l'ampleur des faits en question, ça fait froid dans le dos. Et de même qu'en France la Révolution a laissé des contradictions que nous n'avons jamais su résoudre, de même la Russie se bat avec ses démons qui resurgissent, on le voit, à la première occasion. Poutine est un homme d'Etat exceptionnel, force est de le reconnaître. Il n'en reste pas moins qu'il a institué un système mafieux qui désormais mobilise l'ensemble de la société et des "mondes russes" dans une dynamique totalitaire qui ne peut que nous inquiéter et contre laquelle il faut se prémunir. Quant à la promesse d'intégrer l'Ukraine dans l'Otan, je suis d'accord que je n'en comprends pas le sens, du point de vue Otanien, du point de vue stratégique, c'est une erreur monumentale et une gifle aux Russes. Par contre il me semble parfaitement compréhensible et légitime que les voisins immédiats de la Russie cherchent à s'en protéger. Je ne serais pas non plus angélique sur l'Ukraine, la Géorgie, etc. mais enfin, globalement, le traumatisme russe continue manifestement de travailler ces sociétés, on peut le comprendre et ce n'est pas parti pour s'arranger.
  23. Bonjour vous devriez vous intéresser à la période de la révolution et à ses suites. La révolution est perçue à juste titre par une large part de la population comme une catastrophe à cause du chaos et des innombrables massacres qu'elle a engendrés. La classe politique (les libéraux) cherche alors à conserver l'esprit de la révolution tout en compensant la bêtise et la cruauté des masses. La classe bourgeoise prend conscience qu'elle a une destinée historique : former une élite politique qui devra être élue par le peuple et opérer les meilleurs choix dans l'intérêt de tous. On peut critiquer la méthode et la vision de l'intérêt général mais c'est ce projet historique qui est entrepris et que reflètent encore nos institutions. Bonne journée Pour aller plus loin un très bon ouvrage :
  24. Loufiat

    Défense européenne.

    Je ne sais pas.. Le storytelling russe sur l'extension de l'Otan me semble problématique. La Russie collaborait activement avec l'Otan durant la première decennie du régime Poutine. Moscou autorisait des transferts de troupes otaniennes via son territoire vers l'Afghanistan... la Russie paraissait vouloir même éventuellement intégrer l'alliance. Puis il y a eu un basculement. Après l'Irak en particulier. Mais s'il faut tenir les USA responsables d'avoir chié sur le droit international autant qu'ils pouvaient, d'avoir détruit toute crédibilité de l'Onu notamment, je ne serais pas angélique au point de penser que Poutine n'a pas un plan depuis plus longtemps que ca. Et quil se tenait simplement tranquille faute de moyens, en attendant de consolider ses positions. Les erreurs et traitrises monumentales des états-unis ont fourni la justification. Mais... Le régime russe reste ce qu'il est, depuis le début, depuis les tous premiers mois. Désolé du rappel mais la Russie n'a jamais jugé ses criminels soviétiques... qui ont continué leurs petites vies en toute quiétude au sein de la nouvelle Russie. Tout s'est passé en silence. Rien ne sest passé en fait. Les écrivains russes ont prévenu qu'une gangrène bouffait leur pays en profondeur et qu'il susciterait de nouvelles monstruosités... Cette gangrène maintenant se couple à celle qui ronge des USA. C'est sordide. Tu veux de la débilité en politique ? Observe les débats actuels aux US. C'est simplement lunaire. Bienvenu dans la nouvelle ère.
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