J'ai lu Effraction au réel et L'itinéraire psychiatrique d'Emma Santos. J'ai beaucoup aimé ; il y a un côté assez déstabilisant dans ses livres ¿ et plus particulièrement le premier ¿ au niveau de la forme : des mots en incise entre les phrases, des phrases déstructurées, beaucoup d'utilisation de l'apposition. C'est assez délicat de manier ce genre de structures d'une façon qui fasse sens et enrichisse le texte (la traduction française des Versets sataniques de Salman Rushdie, par exemple, y échoue à mon avis totalement) ; or ici, c'est réussi : le procédé apporte de réelles nuances aux mots. ¿Les mots pas le corps¿. ¿ Trois parties à l'Effraction au réel pour décrire les trois parties de la vie de cette étrange jeune fille rousse, Hermine : l'enfance/adolescence, l'Amour, l'après-Amour. Cet Homme qui parlait de Céline, qui la battait la trompait la violait l'insultait la possédait la baisait l'avait ; et elle, soumise amoureuse désespérée. La rupture inévitable au bout de la spirale destructrice. Further down the spiral. Et après, la folie.
Le cheminement de cette folie d'amour et d'un système de santé et de psychiatrie médicamentisé est décrit et développé dans l'Itinéraire psychiatrique ; les phrases y sont moins complexes au niveau de la forme, et arrivent à capturer cette sensation d'enfermement qui s'empare progressivement du personnage, et de la logique de cette folie qui un jour s'était cristallisé sous la forme de l'amour de C. ¿ coïncidence? Tant de mots me font penser à ce que C*** aurait pu, ou dû, écrire. Ces deux livres ont d'autant plus résonné en moi qu'un instant je revêtais sa peau et voyais par ses yeux ¿ cela a remué des choses. Je pense à Y***, à C***, à la symbolique de la spirale, et aux mots qui valsent. Terminons en paraphrasant à la fois Santos et Proust : ¿écrire, c'est mourir un peu.¿ (oh, d'ailleurs, du coup c'est à la fois une paraphrase et une antiphrase, une belle antiparaphrase, ou devrait-on dire para-antiphrase, je ne sais pas, je ne sais plus).
Ceux qui aiment l'intertextualité seront d'ailleurs servi ; les deux livres sont remplis de citations diverses, pas forcément explicitement indiquées, et qui on le mérite de coller parfaitement au suivi de la narration (¿remplis de citations¿ aurait pu faire penser à un exercice de doctor cum libro ; ce n'est pas le cas, ici cela tient parfois presque du centon). Citations diverses pour Effraction au réel, citations de ses propres livres pour L'Itinéraire psychiatrique. ¿ ¿écrire, c'est vivre davantage.¿