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Ambre Agorn

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Tu n'as jamais voulu comprendre qu'il n'y avait que toi et toi dans ton monde.

Tu t'es accroché à moi en pensant que j'étais celle qui pourrait te sauver. Tu as cru que j'étais cette poupée bien docile et belle que tu pouvais mettre sur un piedestale et adorer sans retenue. Tu as misé ton espoir en moi. Mais l'espoir n'est qu'illusion, et ton amour était bien mal placé. Ce n'était pas moi que tu aimais, ce n'était que le reflet trop brillant que mon miroir te renvoyait. Tu ne me voyais pas. La lumière de l'idole que tu as créé m'a éclipsé à tes yeux et tu t'es détourné de moi avant même de m'avoir vu.

Tu t'es imaginé créer avec moi un nouveau monde pleins de rêves. Mais tu étais le seul dessinateur, le seul architecte, le seul à brasser l'air de ton cerveau. Toi et ton idole m'aviez à tout jamais exclu de ta vie. A trop vouloir m'adorer, tu m'as enchaîné comme une vache à lait pour alimenter ton mythe. Tu ne laissais passer de moi que ce que tu voulais bien voir, que ce que tu pouvais accepter. Ce qui se dessinait de moi en toi n'était qu'un pâle reflet de ton imagination, même si c'était moi qui la stimulait.

Tu n'as jamais su t'ouvrir à moi, tu voulais seulement me posséder. Tu distribuais ton histoire au compte-goutte pour me laisser plus assoiffée que si je n'y avais rien goûté. Je n'avais pas demandé cette drogue et pourtant tu me l'as refilée en me promettant que jamais tu ne me toucherais. J'ai eu confiance et j'ai bu à ton fiel, j'ai pleuré et je me suis noyée dans ton océan de malheurs. Tu avais gagné, et j'en demandais plus, le croyais-tu vraiment? Pourtant tu le savais que j'étais naïve, que je ne voulais pas, mais encore et toujours tu m'abreuvais à ta source, cette source que tu prenais soin de noircir à l'infini pour m'attendrir. Encore aujourd'hui, tu continues de me faire vivre en toi que pour confirmer que tu as raison d'être malheureux et de te laisser aller. Je suis la personne responsable à tes yeux de ton malheur incurrable.

Tu as voulu me faire culpabiliser, tu as cru bon de me faire porter le poids de ta déchéance, tu m'as jetté à la figure ton malheur. Tu m'as condamné parce que je ne voulais pas rentrer dans ton jeu. Tu m'as suppliée et maudite. Tu m'as désirée et recrachée. Tu t'es servi de moi et tu m'as asservi quand je ne savais plus me défendre. Je me suis accusée de tous les péchés et je me suis maudite pour n'avoir plus rien à regretter. J'ai tenté de me perdre pour pouvoir me retrouver, mais tu ne faisais que me maintenir la tête sous l'eau en me montrant combien tu étais dépendant de moi et que tout ce qui t'arrivait n'était que la conséquence de ce que je ne voulais pas, de ce que je ne pouvais pas franchir. Tu m'as perdu dans les méandres de la morsure incessante du doute. Je ne servais que de serpillère pour ton cœur.

J'ai culpabilisé, j'ai pleuré, j'ai serré les dents, j'ai cru perdre pied. J'ai appelé la mort.

Et je suis morte quelque part.

Je suis morte dans le cœur le plus pure qui m'ait été donné de rencontrer.

Il m'avait tout donné de lui, et moi je n'avais rien vu. J'ai tout pris et tout saccagé. Mes yeux n'étaient pas encore ouverts pour le voir. Plus tard ma fille me dira que mes yeux n'avaient pas écouté le silence. J'étais aveugle et aveuglée par ma propre importance lumineuse. Je n'avais de cesse que de le briser et, une fois fait, j'ai compris la futilité de tous les combats que j'avais pu mener. J'ai compris l'arrogance qui me faisait croire que j'avançais quelque part.

Quand je vis le rien que j'étais, je fus obligée de choisir . La mort que j'avais appelé vint me frapper sur l'épaule, et je su que ce n'était pas elle que j'avais appellé. Après l'avoir regardé dans les yeux, une seule chose me restait à faire: vivre parce que rien n'avait de sens. Vivre, au contraire de ce que j'avais fait jusqu'à aujourd'hui. Vivre comme si j'allais mourir ici et maintenant. Et ne plus me comporter comme un ballon de baudruche, enflée au point d'oublier que je ne suis que du vent.

La vue de ma condition, au lieu de m'achever en soulignant mon inutilité, me redonna une impulsion. Ma mort ne vint pas me chercher, mais elle se proposa en conseillère.

Je t'ai donc arraché de moi pour ne plus m'enfler à perte de vue. Tu n'es plus qu'un souvenir qu'il faut que je revive pour le rendre au monde, ainsi l'a demandé ma mort. Je te libère, là où j'avais cru être enchaînée. La promesse d'une personne vide à une autre n'est que du vide, et je remets à sa place mon ballon pour sortir de mon rêve. Tu n'es qu'un rêve, et là est la vie que tu as choisi, plus la mienne.

Mon cœur pur ne m'avais jamais abandonné, et je l'ai retrouvé à mes côtés le jour où j'ai vu et où j'ai appris le silence. Le silence, pour moi, est si fragile, mais pour lui, c'est son lot depuis si longtemps qu'il est devenu fort. Là où je croyais avoir anéanti son cœur, je n'avais fait que me mutiler méthodiquement. Le seul chemin possible m'était enfin visible.

Ce n'est pas la paix que j'ai trouvé, mais la guerre, une guerre sans fin...

 

9 Commentaires


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C'est drôle, pour moi qui n'ait pas d'oreille, que d'être titillé à ce niveau quand je vous lis. ^^ La dissonance s'entend, quand le rythme se brise en cours de texte. Je n'irai pas jusqu'à dire que c'est agréable, parce que ça m'a perturbé, mais j'apprécie l'idée.

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Il y a 2 heures, g.champion a dit :

la question de l'agir, est-ce ainsi qu'on pourrait résumer cette rencontre tumultueuse ? 

Je ne comprends pas toujours ce que vous dites. Je suis curieuse de savoir où vous sentez poindre cette question de l'agir?...

La rencontre fut des plus ordinaires, la rupture fut des plus houleuses.

il y a 42 minutes, Kégéruniku 8 a dit :

C'est drôle, pour moi qui n'ait pas d'oreille, que d'être titillé à ce niveau quand je vous lis. ^^ La dissonance s'entend, quand le rythme se brise en cours de texte. Je n'irai pas jusqu'à dire que c'est agréable, parce que ça m'a perturbé, mais j'apprécie l'idée.

Je suis moi-même étonnée quand quelqu'un ressent quelque chose à la lecture de ce que j'écris: à croire que ce n'est pas vraiment moi qui écris quand bien même je tape sur les touches du clavier.

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il y a 6 minutes, Ambre Agorn a dit :

Je suis moi-même étonnée quand quelqu'un ressent quelque chose à la lecture de ce que j'écris: à croire que ce n'est pas vraiment moi qui écris quand bien même je tape sur les touches du clavier.

Ce qui serait le plus surprenant, pourtant, c'est qu'on ne ressente rien. ^^ Ce n'est pas comme si vous parliez de la météo. :D (Et encore, avec la forme qui conviendrait, je suis sûr qu'il doit être possible de faire ressentir des choses même en parlant de météo. :D )
Pour moi, c'est le contraire, c'est peut être quand j'écris que je ressens le plus les choses, comme si je ne les vivais vraiment qu'une fois transcrites.

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il y a 1 minute, Kégéruniku 8 a dit :

Ce qui serait le plus surprenant, pourtant, c'est qu'on ne ressente rien. ^^ Ce n'est pas comme si vous parliez de la météo. :D (Et encore, avec la forme qui conviendrait, je suis sûr qu'il doit être possible de faire ressentir des choses même en parlant de météo. :D )
Pour moi, c'est le contraire, c'est peut être quand j'écris que je ressens le plus les choses, comme si je ne les vivais vraiment qu'une fois transcrites.

Je ressens beaucoup de choses quand j'écris, mais parfois j'ai 'impression, à la relecture, que ce n'est pas moi qui ai écris certaines phrases, comme si, perdue dans l'effort d'écriture, une partie de moi se manifestait sans que je n'y prenne garde. Cela vous est-il déjà arrivé?

En tout cas parfois je me dis que je suis incapable d'écrire et je suis toute étonnée lorsqu'une volonté plus forte que moi se met au clavier pour dire. J'ai déjà essayé de m'entrainer, de tenter d'écrire, mais ma propre volonté ne suffit pas, et rien n'est bien quand il n'y a que moi qui écris (oui je sais ça me paraît étrange, mais je ne crains pas de passer pour une folle ou une illuminée...tant que je peux encore écrire!) :)

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il y a 1 minute, Ambre Agorn a dit :

Je ressens beaucoup de choses quand j'écris, mais parfois j'ai 'impression, à la relecture, que ce n'est pas moi qui ai écris certaines phrases, comme si, perdue dans l'effort d'écriture, une partie de moi se manifestait sans que je n'y prenne garde. Cela vous est-il déjà arrivé?

Il y a ces phrases et ces tournures qui sont le fruit d'une réflexion, que l'on travaille pour aboutir à un résultat ciblé. Et il y a ces phrases, ces tounures, ces images qui semblent venir d'elles-même. ^^ On m'a dit un jour que l'intuition c'est l'intelligence qui court. Je trouve la phrase tout particulièrement juste. Et ces phrases qui nous semblent venir de nulle part, je crois que c'est justement ça.

il y a 1 minute, Ambre Agorn a dit :

En tout cas parfois je me dis que je suis incapable d'écrire et je suis toute étonnée lorsqu'une volonté plus forte que moi se met au clavier pour dire. J'ai déjà essayé de m'entrainer, de tenter d'écrire, mais ma propre volonté ne suffit pas, et rien n'est bien quand il n'y a que moi qui écris (oui je sais ça me paraît étrange, mais je ne crains pas de passer pour une folle ou une illuminée...tant que je peux encore écrire!) :)

Je crois que c'est justement ça l'inspiration. Lorsque l'esprit travaille de lui même et fournit des résultats, alors que lorsqu'on essayait de le remuer il se contentait de nous chier à la gueule. Ce que vous dites m'apparait d'avantages comme familier qu'étrange. ^^
J'aime bien les illuminés, ils brillent dans le noir. :D 

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il y a 2 minutes, Kégéruniku 8 a dit :

Il y a ces phrases et ces tournures qui sont le fruit d'une réflexion, que l'on travaille pour aboutir à un résultat ciblé. Et il y a ces phrases, ces tounures, ces images qui semblent venir d'elles-même. ^^ On m'a dit un jour que l'intuition c'est l'intelligence qui court. Je trouve la phrase tout particulièrement juste. Et ces phrases qui nous semblent venir de nulle part, je crois que c'est justement ça.

Je crois que c'est justement ça l'inspiration. Lorsque l'esprit travaille de lui même et fournit des résultats, alors que lorsqu'on essayait de le remuer il se contentait de nous chier à la gueule. Ce que vous dites m'apparait d'avantages comme familier qu'étrange. ^^
J'aime bien les illuminés, ils brillent dans le noir. :D 

Si j'avais manqué d'espoir, vos mots m'auraient reboostés!

J'aime bien savoir qu'il reste quelques illuminés du ciboulot quelque part sur cette bonne terre!

Après le vertige, vous avez peur du noir? :D

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il y a 3 minutes, Ambre Agorn a dit :

Si j'avais manqué d'espoir, vos mots m'auraient reboostés!

Si... Mais ce n'est pas le cas, ils n'ont donc servi à rien? :D 

il y a 3 minutes, Ambre Agorn a dit :

J'aime bien savoir qu'il reste quelques illuminés du ciboulot quelque part sur cette bonne terre!

Après le vertige, vous avez peur du noir? :D

:smile2: Je n'ai pas peur du noir, mais j'aime les contrastes, les paradoxes et les eprits contradicteurs. Nombreux sont ceux qui brillent non pas là où c'est nécessaire mais là où ils peuvent être vus, généralement là où la lumière est déjà présente. Ceux qui brillent dans le noir, seulement pour eux-même et pour le plaisir que ça leur apporte, ceux-là, quand j'ai l'occasion de les voir, ne peuvent que me toucher. ^^

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Il y a 2 heures, Ambre Agorn a dit :

Je suis curieuse de savoir où vous sentez poindre cette question de l'agir?...

agir c'est être seul dans une rencontre qui se produit. Si la rencontre ne se produit pas, c'est que je n'agis pas. Si j'agis, elle se produit. La rencontre, c'est agir. Il me semble cela vaguement et à gros traits peut-être trompeurs. 

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