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Le traître


konvicted

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Le traître

Nous étions trois jeunes jobards

Unis comme cul et chemise,

Les copains d’abord pour devise ;

Soir après soir, bar après bar,

Tissions un lien indémodable

Trinquant autour d’un formidable.

Mais le plus faible d’entre nous,

Brisant la promesse que onques

Ne viendrait s’intrure quiconque,

Chut stricto sensu à genoux

Pour une femme des plus bêtes

Dont seuls s’éprennent les esthètes.

La diablesse mit le grappin

À très courte longueur de chaîne

Si profondément dans sa couenne

Qu’au rendez-vous des bons copains,

Nous n’étions souvent qu’une paire

Maudissant ladite vipère.

Quand il se pointait, foutredieu !,

Ce bougre d’ami infidèle

Ne savait plus parler que d’elle ;

Nous deux peu miséricordieux,

Vexés, amers, jaloux peut-être,

Le rebaptisâmes le traître.

Le traître, le félon, Judas,

Horreur, comble de l’indécence,

Après quelques longs mois d’absence,

Sans en rougir nous demanda

Au moment de nos retrouvailles

Pour témoins de ses épousailles.

Ayant dit à grand-peine amen,

J’eus la hardiesse de me croire

Enfin à l’abri des déboires

Mais venu le jour de l’hymen

Mon dernier ami en pensée

Se trouva une fiancée…

Nous étions trois jeunes amis

Unis comme cul et chemise

Avant que l’amour nous divise ;

Moi qui ne suis pas bien remis

M’octroie un réconfort ultime

En besognant leurs légitimes.

6 Commentaires


Commentaires recommandés

Si vous vous posez la question, un formidable est un verre de bière de un litre, onques est ici synonyme de jamais, hymen veut dire mariage et légitime, épouse. Comme le dit le proverbe, c'est dans les vieux mots qu'on fait les meilleures rimes.

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Bravo

Merci. C'est vrai que je suis plutôt satisfait de celui-ci.

Tu n'écrirais pas du théâtre aussi, par hasard ?

Sinon, t'as un vrai talent. Songe à publier ! biggrin.gif

C'est un projet en cours. Je parle d'écrire du théâtre. Publier, j'y penserai peut-être sérieusement quand j'aurai pris le temps de retravailler suffisamment de textes pour avoir assez de matière, mais ça n'a rien d'urgent. Mais merci.

S'intrure, je n'avais jamais vu. Sinon, sur le fond c'est un petit peu misogyne sur les bords, qu'elle déception. Sur la forme, c'est excellent, comme d'habitude.

Oui, ça doit faire plus d'un siècle que ce verbe s'est éteint, en dehors de son participe passé, mais je dois avouer des tendances nécrophiles.

Misogyne ? Peut-être, mais ça m'intéresserait que tu m'expliques en quoi. C'est vrai que la gent féminine n'y apparaît que, sous les traits de la femme du "traître", comme conne, infidèle et éventuellement manipulatrice. Mais elle n'est décrite que par un homme plus déloyal encore que ses amis, de mauvaise foi et sciemment excessif dans ses propos. Il la dévalorise pour manifester sa prétendue incompréhension face au choix de son ami mais je vois plus ça comme l'expression d'un ressentiment envers ledit ami plutôt qu'un véritable mépris pour sa femme.

Pour ce qui est des adultères, raconté comme ça, on dirait que les femmes en question sont des Marie-couche-toi-là, qu'il suffit que le narrateur les désire pour qu'il les possède. Mais, encore une fois, c'est une narration très subjective, et elliptique (on ne sait rien des efforts du narrateur pour les conquérir). Et, surtout, je ne pense pas avoir donné une dimension immorale mais plutôt amorale à l'infidélité : lui, qui se sert de la trahison de ses amis comme un prétexte pour les faire cocus, est au moins aussi responsable qu'elles si elles trompent leurs maris respectifs. Si lui n'exprime pas le moindre signe de culpabilité, pourquoi blâmerait-on ses maîtresses ?

J'aime beaucoup la façon dont Brassens traite la thématique du cocu, qu'il a abordée du point de vue du cocu (notamment dans Putain de toi et Le cocu) et davantage encore du celui de l'amant (dans Lèche-cocu, A l'ombre des maris, La traîtresse, Le bulletin de santé, etc.) avec légèreté et je dirais même avec frivolité. L'infidélité apparaît alors comme quelque chose d'anodin, d'inconséquent, ce qui n'est sûrement pas sans rapport avec sa vision atypique du couple.

Après, je ne me compare pas à Brassens évidemment et le ton de ce texte en particulier manque au moins d'un ingrédient qui fait que Brassens pouvait faire passer pire que ça, à savoir l'autodérision.

T'es peut-être un peu trop généreuse sur "comme d'habitude" mais merci.

Merci Konvicted : avec ce texte ci, je sais que tu es vraiment revenu. :bo:

De rien, ça fait du bien d'être de retour. cool.gif

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