Je suis tombé amoureux
Lisez! Voilà ma petite histoire. Oh, elle est toute personnelle, pleine d'une banalité. Vous verrez. Mais, constatez plutôt.
Il est vrai, je suis tombé amoureux, amoureux du désespoir. J'avais toujours imaginé, pourtant, aimer une fille, peut-être un garçon, quelque chose en tout cas qui porte un nom et peut créer ou détruire de ses mains. Choses plaisantes, choses trompeuses. Tu vois un paysage radieux là où seul existe le cimetière. Celui de nos amours, celui de nos espérances.
Lisez! Et apprenez que des morts peuvent pousser les fleurs et la vie. Moi-même, j'ai eu la chance d'aller cueillir celle qui m'attendait, là, seule, magnifique, au clair de lune absent. Jamais je n'avais vu pareille beauté : morte, fanée d'avoir trop aspirée la lumière et le monde. Morte, parce que là est son destin. Le sublime n'existe que dans l'éphémère, et il me fallait le rencontrer, à mon tour, comme tant d'autres avant moi, et comme tant d'autres encore après moi.
Lisez, oui! Parce que nous le devons bien. Que ce soit notre passé ou notre avenir, nous lisons, avec amertume parfois, avec curiosité souvent. Curiosité étrange où l'intérêt manque. Mais là n'est pas le propos.
J'aimais, donc, la seule folie qui méritait fidélité. Que voulez-vous, sans un Dieu à qui abandonner nos vies, il nous faut une idole à qui consacrer nos peines. Et quelle meilleure idole que l'âme des peines elle-même? Ainsi, j'avais rencontré l'humain désespoir qui paraissait être une femme. Si je devais philosopher là-dessus, je vous dirais sûrement que la perdition n'a pas de sexe.
Laissons tomber les mots, laissons tomber les politesses. Et oublions, également, nos quêtes assassines. Il n'y a de vérité que la mort, et de mort que la vie. Allons, jeune idiot, nul n'irait croire que la mort est la vie et la vie, la mort. J'ai longtemps pensé que le désespoir consistait à douter à un suprême degré de la foi en une nouvelle respiration, en un doute qui pousse à chercher l'expiration. Je me suis trompé. Les suicidés sont les êtres les plus vivants que je connaisse. Ils aimaient tant vivre qu'ils étaient prêts au sacrifice le plus grand pour enfin la trouver. Car lorsque je me promène, tout le jour, lorsque je voyage d'un endroit à un autre, je n'y vois que des corps en putréfaction, des êtres qui n'en ont que l'apparence. Regardez! Combien vont trouver leur existence dans la douleur et la souffrance? Combien irait au bagne pour saisir, rien qu'une unique fois, ce qu'ils ont toujours cru avoir?
Je suis tombé amoureux, oui, et j'ai compris. J'ai compris que ni la déchirure, ni la mort, ne me faisaient peur. Que je suis, en réalité, profondément suicidaire. Suffisamment pour me condamner à vivre encore et encore, jusqu'au terme qui m'est échu. Un jour, peut-être, parlerai-je de masochisme existentiel.
Lisez bien ceci, car il sera le dernier.
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