Aller au contenu

La peur d'écrire


Virtuose_en_carnage

Messages recommandés

Membre, 35ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 589 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)
Il y a 17 heures, Virtuose_en_carnage a dit :

Hélas, c'est la partie déplaisante de mes études. A la fin, il faut produire. Une thèse et des articles. Sauf que je suis désabusé en effet car au travers de mes études, je me suis aperçu que peu de monde lisait les articles et les thèses avec application, et qu'ils se contentaient juste de les survoler, et ceci est encore plus vrai avec les articles ardus à déchiffrer et qui présentent de vraies idées. Alors quel intérêt à s'emmerder à bien écrire si ce n'est pas exigence envers soi-même? Et je ne suis pas d'accord, la destination est tout aussi importante que le chemin.

C'est pas un brin original mais on tourne autour du même problème, à te lire ça fait un choc. Est-ce que ça vaut la peine d'écrire s'il ne se joue rien de décisif ? Et pour qui, pour quoi ? questions de base quand on entreprend un travail universitaire et c'est normal de tourner autour de ces problèmes, d'autant plus qu'en sciences humaines, si c'est ton cas, une part plus large de l'intérêt de ta recherche repose sur ta propre motivation (par comparaison aux labos où on trouve un thésard pour faire tourner telles machines, conduire telle expérience dont on escompte tels résultats, sur mesure pour une thèse).

Donc tension entre thèse comme accomplissement personnel, où parfois l'intérêt est consumé en cours de route et on ne trouve plus les ressorts d'une écriture académique ni même authentique, et de l'autre côté les exigences sociales et universitaires auxquelles on participe. Je trouve, mais vraiment je ne sais pas dans quelle mesure je transpose quelque chose de personnel ici, très apaisant, devant la peur d'écrire, de réfléchir que si j'en suis là, c'est précisément que je ne sais pas encore juger ce qui est bon ou décisif dans ce que je peux écrire. J'ai à faire ma part, mais sans plus ! après ça m'échappe, et c'est parfait comme ça ! 

S'en remettre "aux autres", ne pas se torturer comme si, en fait, on pouvait tout savoir avant même le déroulement, ce qui allait en être ! Justement non, et cette tension-là doit nous provoquer à écrire humblement mais avec plaisir et exigence, alors même qu'on sait que ce sera incomplet, imparfait et peut-être bien finalement totalement vain. Et alors ? Vas donc au bout : où est le drame ? Fais ta part, fais la bien et voilà tout. 

Les intuitions premières, qui t'ont poussé en thèse et que ton directeur a voulu que tu développes, sont-elles toujours vives, est-ce que tu les retrouves facilement ? (si tu veux mp.. !)

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Annonces
Maintenant
Membre, 35ans Posté(e)
Virtuose_en_carnage Membre 6 954 messages
Maitre des forums‚ 35ans‚
Posté(e)
il y a une heure, Loufiat a dit :

C'est pas un brin original mais on tourne autour du même problème, à te lire ça fait un choc. Est-ce que ça vaut la peine d'écrire s'il ne se joue rien de décisif ? Et pour qui, pour quoi ? questions de base quand on entreprend un travail universitaire et c'est normal de tourner autour de ces problèmes, d'autant plus qu'en sciences humaines, si c'est ton cas, une part plus large de l'intérêt de ta recherche repose sur ta propre motivation (par comparaison aux labos où on trouve un thésard pour faire tourner telles machines, conduire telle expérience dont on escompte tels résultats, sur mesure pour une thèse).

Donc tension entre thèse comme accomplissement personnel, où parfois l'intérêt est consumé en cours de route et on ne trouve plus les ressorts d'une écriture académique ni même authentique, et de l'autre côté les exigences sociales et universitaires auxquelles on participe. Je trouve, mais vraiment je ne sais pas dans quelle mesure je transpose quelque chose de personnel ici, très apaisant, devant la peur d'écrire, de réfléchir que si j'en suis là, c'est précisément que je ne sais pas encore juger ce qui est bon ou décisif dans ce que je peux écrire. J'ai à faire ma part, mais sans plus ! après ça m'échappe, et c'est parfait comme ça ! 

S'en remettre "aux autres", ne pas se torturer comme si, en fait, on pouvait tout savoir avant même le déroulement, ce qui allait en être ! Justement non, et cette tension-là doit nous provoquer à écrire humblement mais avec plaisir et exigence, alors même qu'on sait que ce sera incomplet, imparfait et peut-être bien finalement totalement vain. Et alors ? Vas donc au bout : où est le drame ? Fais ta part, fais la bien et voilà tout. 

Les intuitions premières, qui t'ont poussé en thèse et que ton directeur a voulu que tu développes, sont-elles toujours vives, est-ce que tu les retrouves facilement ? (si tu veux mp.. !)

Non, je suis en mathématique et non pas en science humaine, mais au fond, je pense que tout doctorant est confronté peu ou prou aux mêmes problèmes métaphysiques. Mon sujet était assez clair, il avait un but clair et un chemin peu clair. Le but a été atteint et les divers chemins pour y arriver ont été intéressant. Enfin, c'est ce que je pense, pas ce que les autres en pense.

Le terme que tu emploies "L'accomplissement personnel" me parait très bien définir le nœud du problème. Et l'écriture finale est l'heure du bilan : qu'ai-je gagné? qu'ai-je perdu? Je crois avoir "mouillé le maillot" et m'être totalement engagé même sans être une lumière. L'engagement est la seule chose qui permet de sauver quelqu'un qui manque de génie. Il faut bien compenser. Après, il faut aussi être réaliste, j'ai aussi fui quelque chose en faisant une thèse. Comme m'a dit un jour mon vieux directeur "On fuit tous quelque chose en faisant des mathématiques". Les mathématiques sont rassurantes, les mêmes hypothèses donnent toujours les mêmes conclusions. Ça m'a sans doute permis de fuir l'erratisme des être humains. J'ai beaucoup appris intellectuellement et humainement parlant au contact de mon équipe qui est composée de gens géniaux, et dont le plus génial et impressionnant est mon directeur qui a une connaissance encyclopédique sur tous les sujets de ce monde. Ce que j'ai perdu? Une femme que j'aimais profondément et que j'ai trop négligé par peur de m'engager avec elle. J'ai aussi perdu mes illusions sur le monde intellectuel. Beaucoup ne font pas ça par amour de la recherche et de la science mais par amour de leur égo; et seule la satisfaction de leur fatuité est satisfaite. Le monde de la recherche et académique est aussi corrompu par les réseaux, et si tu n'appartiens à aucune communauté, tu es exclu et peu lu. Je suis très triste par exemple pour mon directeur qui est quelqu'un de très peu lu, très peu cité et très peu considéré au sein même de son institut alors qu'il est probablement le plus brillant d'entre tous. Seulement, il n'y a que l'image qui compte et le nombre d'article produit et le nombre de citation et l'impact factor (des statistiques qu'un enfant de 8 ans pourraient appliquer) et le h-index. Il y aussi le fait que la seule satisfaction que j'éprouverais de finir de finir ma thèse serait de réunir les personnes que j’apprécie; symbolique que le coronavirus est en train de m'enlever définitivement.

Cette insatisfaction du fait de produire quelque chose d'incomplet est assez grande en effet. Pendant mon écriture je continue à m'obstiner à essayer de prouver des points qui me résistent. Car au fond, je me sens satisfait quand j'ai compris quelque chose, et que je n'éprouve aucun plaisir à partager ce que j'ai compris. Plaisir hautement égoïste sans doute.

Je n'avais aucune intuition avant de commencer ma thèse car je travaillais sur des sujets entièrement différent et que je n'arrivais pas à avoir une bourse de thèse (car l'état français préfèrent financer des étrangers nuls, je tiens à le souligner). Je pense avoir les idées assez claires sur mon sujet et les arguments que j'y emplois. Mais au fond, c'est des idées vielles que j'applique avec un petit epsilon positif en plus. Des idées que j'ai trouvé dans un bouquin de 93, avant de m'apercevoir qu'elles avaient été écrite par un Henry en 74 qui reprenaient des idées du grand Bellman de 39, le tout saupoudré d'idées encore plus vieilles. Peut-on appeler idées originales des trucs vieux comme le monde appliquée de façon un peu différente?

En tout cas merci pour cette discussion, j'espère que tu ne prends pas trop cher en frais de psychothérapie! :p

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 42ans Posté(e)
Crève Membre 3 586 messages
Forumeur vétéran‚ 42ans‚
Posté(e)

courage, la médaille Fields n'est pas loin ! :)

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
Il y a 3 heures, Virtuose_en_carnage a dit :

Non, je suis en mathématique et non pas en science humaine, mais au fond, je pense que tout doctorant est confronté peu ou prou aux mêmes problèmes métaphysiques. Mon sujet était assez clair, il avait un but clair et un chemin peu clair. Le but a été atteint et les divers chemins pour y arriver ont été intéressant. Enfin, c'est ce que je pense, pas ce que les autres en pense.

Le terme que tu emploies "L'accomplissement personnel" me parait très bien définir le nœud du problème. Et l'écriture finale est l'heure du bilan : qu'ai-je gagné? qu'ai-je perdu? Je crois avoir "mouillé le maillot" et m'être totalement engagé même sans être une lumière. L'engagement est la seule chose qui permet de sauver quelqu'un qui manque de génie. Il faut bien compenser. Après, il faut aussi être réaliste, j'ai aussi fui quelque chose en faisant une thèse. Comme m'a dit un jour mon vieux directeur "On fuit tous quelque chose en faisant des mathématiques". Les mathématiques sont rassurantes, les mêmes hypothèses donnent toujours les mêmes conclusions. Ça m'a sans doute permis de fuir l'erratisme des être humains. J'ai beaucoup appris intellectuellement et humainement parlant au contact de mon équipe qui est composée de gens géniaux, et dont le plus génial et impressionnant est mon directeur qui a une connaissance encyclopédique sur tous les sujets de ce monde. Ce que j'ai perdu? Une femme que j'aimais profondément et que j'ai trop négligé par peur de m'engager avec elle. J'ai aussi perdu mes illusions sur le monde intellectuel. Beaucoup ne font pas ça par amour de la recherche et de la science mais par amour de leur égo; et seule la satisfaction de leur fatuité est satisfaite. Le monde de la recherche et académique est aussi corrompu par les réseaux, et si tu n'appartiens à aucune communauté, tu es exclu et peu lu. Je suis très triste par exemple pour mon directeur qui est quelqu'un de très peu lu, très peu cité et très peu considéré au sein même de son institut alors qu'il est probablement le plus brillant d'entre tous. Seulement, il n'y a que l'image qui compte et le nombre d'article produit et le nombre de citation et l'impact factor (des statistiques qu'un enfant de 8 ans pourraient appliquer) et le h-index. Il y aussi le fait que la seule satisfaction que j'éprouverais de finir de finir ma thèse serait de réunir les personnes que j’apprécie; symbolique que le coronavirus est en train de m'enlever définitivement.

Cette insatisfaction du fait de produire quelque chose d'incomplet est assez grande en effet. Pendant mon écriture je continue à m'obstiner à essayer de prouver des points qui me résistent. Car au fond, je me sens satisfait quand j'ai compris quelque chose, et que je n'éprouve aucun plaisir à partager ce que j'ai compris. Plaisir hautement égoïste sans doute.

Je n'avais aucune intuition avant de commencer ma thèse car je travaillais sur des sujets entièrement différent et que je n'arrivais pas à avoir une bourse de thèse (car l'état français préfèrent financer des étrangers nuls, je tiens à le souligner). Je pense avoir les idées assez claires sur mon sujet et les arguments que j'y emplois. Mais au fond, c'est des idées vielles que j'applique avec un petit epsilon positif en plus. Des idées que j'ai trouvé dans un bouquin de 93, avant de m'apercevoir qu'elles avaient été écrite par un Henry en 74 qui reprenaient des idées du grand Bellman de 39, le tout saupoudré d'idées encore plus vieilles. Peut-on appeler idées originales des trucs vieux comme le monde appliquée de façon un peu différente?

En tout cas merci pour cette discussion, j'espère que tu ne prends pas trop cher en frais de psychothérapie! :p

Respect !

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)

J'ai pas réalisé que ton sujet c'était la peur d'écrire !

 Tu peux continuer !

 T'as des trucs à dire : no problémo !

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 35ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 589 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)
Il y a 17 heures, Virtuose_en_carnage a dit :

Non, je suis en mathématique et non pas en science humaine, mais au fond, je pense que tout doctorant est confronté peu ou prou aux mêmes problèmes métaphysiques. Mon sujet était assez clair, il avait un but clair et un chemin peu clair. Le but a été atteint et les divers chemins pour y arriver ont été intéressant. Enfin, c'est ce que je pense, pas ce que les autres en pense.

Le terme que tu emploies "L'accomplissement personnel" me parait très bien définir le nœud du problème. Et l'écriture finale est l'heure du bilan : qu'ai-je gagné? qu'ai-je perdu? Je crois avoir "mouillé le maillot" et m'être totalement engagé même sans être une lumière. L'engagement est la seule chose qui permet de sauver quelqu'un qui manque de génie. Il faut bien compenser. Après, il faut aussi être réaliste, j'ai aussi fui quelque chose en faisant une thèse. Comme m'a dit un jour mon vieux directeur "On fuit tous quelque chose en faisant des mathématiques". Les mathématiques sont rassurantes, les mêmes hypothèses donnent toujours les mêmes conclusions. Ça m'a sans doute permis de fuir l'erratisme des être humains. J'ai beaucoup appris intellectuellement et humainement parlant au contact de mon équipe qui est composée de gens géniaux, et dont le plus génial et impressionnant est mon directeur qui a une connaissance encyclopédique sur tous les sujets de ce monde. Ce que j'ai perdu? Une femme que j'aimais profondément et que j'ai trop négligé par peur de m'engager avec elle. J'ai aussi perdu mes illusions sur le monde intellectuel. Beaucoup ne font pas ça par amour de la recherche et de la science mais par amour de leur égo; et seule la satisfaction de leur fatuité est satisfaite. Le monde de la recherche et académique est aussi corrompu par les réseaux, et si tu n'appartiens à aucune communauté, tu es exclu et peu lu. Je suis très triste par exemple pour mon directeur qui est quelqu'un de très peu lu, très peu cité et très peu considéré au sein même de son institut alors qu'il est probablement le plus brillant d'entre tous. Seulement, il n'y a que l'image qui compte et le nombre d'article produit et le nombre de citation et l'impact factor (des statistiques qu'un enfant de 8 ans pourraient appliquer) et le h-index. Il y aussi le fait que la seule satisfaction que j'éprouverais de finir de finir ma thèse serait de réunir les personnes que j’apprécie; symbolique que le coronavirus est en train de m'enlever définitivement.

Cette insatisfaction du fait de produire quelque chose d'incomplet est assez grande en effet. Pendant mon écriture je continue à m'obstiner à essayer de prouver des points qui me résistent. Car au fond, je me sens satisfait quand j'ai compris quelque chose, et que je n'éprouve aucun plaisir à partager ce que j'ai compris. Plaisir hautement égoïste sans doute.

Je n'avais aucune intuition avant de commencer ma thèse car je travaillais sur des sujets entièrement différent et que je n'arrivais pas à avoir une bourse de thèse (car l'état français préfèrent financer des étrangers nuls, je tiens à le souligner). Je pense avoir les idées assez claires sur mon sujet et les arguments que j'y emplois. Mais au fond, c'est des idées vielles que j'applique avec un petit epsilon positif en plus. Des idées que j'ai trouvé dans un bouquin de 93, avant de m'apercevoir qu'elles avaient été écrite par un Henry en 74 qui reprenaient des idées du grand Bellman de 39, le tout saupoudré d'idées encore plus vieilles. Peut-on appeler idées originales des trucs vieux comme le monde appliquée de façon un peu différente?

En tout cas merci pour cette discussion, j'espère que tu ne prends pas trop cher en frais de psychothérapie!

Il m'interpelle que tu te sentes satisfait en ayant compris quelque-chose et que tu n'éprouves aucun plaisir à le partager. Je ne suis pas sûr de comprendre correctement : que, ayant compris, tu n'as ensuite plus de motivation à écrire car déjà satisfait par cette compréhension, ou que c'est là le critère même de ta satisfaction : l'avoir compris et le garder pour toi ? (Ce que je me garderai bien de juger !) As-tu donné cours ? 

Une idée me vient à te lire (avec encore une fois tous les risques de transposer) : n'y a-t-il pas aussi, par anticipation, l'angoisse et le "baby blues" du doctorant ? Une thèse est un travail qu'on accouche sur des années et il n'est pas rare qu'on recule au dernier moment ou qu'on se trouve incapable de mettre le point final (d'autres encore dépriment plusieurs mois après la soutenance) car on se trouve désemparé d'avoir terminé - sentiment de vanité, plus de motivation voire carrément dépression... Et maintenant, je fais quoi, quel est mon but ? Encore des mois à essayer de gratter un post-doc, et après ça peut-être un poste ? Ca fait 3, 4 ou 5 ans que je vis sous cet horizon, dans cette tension, j'ai tout suspendu à ce résultat-là (amour, carrière extra-universitaire, j'ai vu mes amis monter dans leurs boites, ou monter leurs propres boites, se marier, avoir des gosses, éventuellement même je me suis aliéné celle ou celui que j'aimais, qui ne voulait pas attendre tout ce temps pour... vivre), tout ça pour en arriver là ?! Une thèse et même pas géniale ? Et accepter de mettre ce point final, sur un travail qui ne va rien révolutionner, alors même qu'il a pris des années ; n'est-ce pas reconnaître en fait ce que j'avais pressenti pour moi-même, ce qui est plus facile que de le voir reconnaître et tamponné par les autorités compétentes : que ce n'est pas, donc que je ne suis pas génial ? N'est-ce pas désavouer rétrospectivement tous les sacrifices consentis à la thèse, dire : ce n'était que pour ça...

Mais je fais sans doute fausse route car tu as l'air d'avoir dépassé ces illusions depuis longtemps. Par ailleurs je t'écris librement, sans essayer de t'aider. Je sais bien que les autres peuvent seulement, en tapant à côté, m'aider à mieux cerner d'où vient mon propre malaise.

Sur l'université, je suis bien attristé de devoir reconnaitre que je tire les même constats. Dans le même temps je me sens illégitime à l'exprimer pleinement car je ne suis pas allé moi-même au bout de cette socialisation. C'est pourtant au coeur de mes recherches : les dysfonctionnement du champ universitaire, qui font qu'une contribution décisive n'est pas reconnue comme elle le devrait, parce qu'elle n'est pas même discutée ! Ce sont des ovnis qui traversent le "champ" sans l'impacter. Je te laisse imaginer la très étrange relation qu'on peut avoir aux collègues et chercheurs en général quand on navigue dans ces eaux-là... "Oh c'est trèèèèès intéressant" vous ferez bien attention à ce que vous dîtes quand il est là celui-là, hein !  

Bon je déborde, c'est ton sujet. Aussi une manière de te dire : c'est bon je prends rien, regarde on fait une thérapie de groupe... :)

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Forumeur confit, Posté(e)
Enchantant Membre 17 945 messages
Forumeur confit,
Posté(e)
Il y a 13 heures, Blaquière a dit :

J'ai pas réalisé que ton sujet c'était la peur d'écrire !

 Tu peux continuer !

 T'as des trucs à dire : no problémo !

Bonjour Blaquière,

Curieusement c’est effectivement ce qui est écrit, la peur d'écrire, mais je ne le comprends pas de cette façon ?

Cela se résume selon ma compréhension du sujet à ce questionnement par Virtuose_en_carnage;

A quoi bon écrire une thèse (obligatoire) que peu de personnes liront ?

Ce n’est donc pas la peur d’écrire, c’est le manque de motivation auquel s’ajoute l’obligation de le faire qui semble être ici le détonateur du découragement ?

Ce que l'on peut comprendre parfaitement!

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
Il y a 3 heures, Enchantant a dit :

Bonjour Blaquière,

Curieusement c’est effectivement ce qui est écrit, la peur d'écrire, mais je ne le comprends pas de cette façon ?

Cela se résume selon ma compréhension du sujet à ce questionnement par Virtuose_en_carnage;

A quoi bon écrire une thèse (obligatoire) que peu de personnes liront ?

Ce n’est donc pas la peur d’écrire, c’est le manque de motivation auquel s’ajoute l’obligation de le faire qui semble être ici le détonateur du découragement ?

Ce que l'on peut comprendre parfaitement!

On écrit une thèse ou un doctorat, avant tout pour avancer dans sa carrière.

C'est la parution qui compte. On vient de l'entendre à propos du fameux Docteur Raoult qui aurait fait des parutions sans trop en vérifier, l'exactitude, pour avancer dans sa réputation. je ne sais pas si c'est vrai dans son cas, (je ne veux pas contribuer à faire courir des bruits qui n'auraient pas lieu d'être) mais ce principe est assez général et même systématique dans les parutions universitaires.

Ces "élites" (le top niveau du savoir!) ne travaillent pas pour faire avancer la connaissance universelle, mais pour faire avancer leur carrière !

 Bizarrement, dans mon petit domaine, j'étais (et je suis le seul encore, je crois bien) en France à avoir redécouvert une technique très particulière de céramique (la céramique sigillée gallo romaine). Bien sûr, elle ne paye pas de mine, et pour quelqu'un qui n'y connaît rien, c'est juste de la terre cuite ordinaire un peu luisante.

Je me souviens du grand spécialiste dans les années 80, sensé être le grand spécialiste de la céramique sigillée, qui me disait après avoir vu mes autres "création" plus modernes, émaillées avec des couleurs plus "tape à l'oeil" :

"Moi si je savais faire ça, je ne ferais pas de la poterie sigillée !"

En fait les céramiques dont il était le spécialiste, reconnu, patenté, ne l'intéressaient pas ! C'était juste son créneau !

A la limite, une partie de son travail (peut-être la plus importante) consistait à éliminer ceux qui auraient pu lui faire de l'ombre Dans SON domaine...

C'est assez déprimant !

 Moi je m'en fous, je sais le faire, j'ai le vrai savoir !:wub:

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 35ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 589 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)
Révélation

 

Il y a 3 heures, Blaquière a dit :

On écrit une thèse ou un doctorat, avant tout pour avancer dans sa carrière.

Je ne sais pas ce qu'en dira Virtuose mais ton propos est excessif à mon avis. Quand on est carriériste, on ne fait pas de la recherche ! C'est affreusement long, ça demande beaucoup de sacrifices (même avec un contrat doctoral, c'est guère plus qu'un smic en France), c'est risqué professionnellement et quand ça réussit, ça rapporte somme toute assez peu d'argent, de pouvoir et de reconnaissance. Bref une thèse sans passion, c'est pas jojo !

Dans le même temps tu n'as pas tort dans la mesure où c'est difficile pour le commun des mortels d'arriver à une position académique solide, alors on pourrait bien avoir tendance, stratégiquement et une fois "niché", à chercher à diminuer tout ce qui pourrait menacer ses acquis (d'autant plus si on est à la tête de structures, labos, centres etc. qui souffriraient d'un désaveu). C'est évident. Et les chercheurs ont souvent des égo comme des pastèques, sans doute. Sont humains quoi. D'ailleurs les réformes de l'université engagées depuis des mois vont dans le sens de l'accentuation de cette compétition, donc sans doute aussi des effets pervers associés.

Mais la recherche c'est aussi un milieu très hétérogène et vivant, on y trouve de tout et beaucoup de gens géniaux, réellement passionnés et dévoués.

 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)

@Loufiat En effet, j'ai quelques amis plus des connaissances au CNRS et j'y vois les deux cas...

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 35ans Posté(e)
Virtuose_en_carnage Membre 6 954 messages
Maitre des forums‚ 35ans‚
Posté(e)
Le 16/05/2020 à 09:55, Loufiat a dit :

Il m'interpelle que tu te sentes satisfait en ayant compris quelque-chose et que tu n'éprouves aucun plaisir à le partager. Je ne suis pas sûr de comprendre correctement : que, ayant compris, tu n'as ensuite plus de motivation à écrire car déjà satisfait par cette compréhension, ou que c'est là le critère même de ta satisfaction : l'avoir compris et le garder pour toi ? (Ce que je me garderai bien de juger !) As-tu donné cours ? 

Une idée me vient à te lire (avec encore une fois tous les risques de transposer) : n'y a-t-il pas aussi, par anticipation, l'angoisse et le "baby blues" du doctorant ? Une thèse est un travail qu'on accouche sur des années et il n'est pas rare qu'on recule au dernier moment ou qu'on se trouve incapable de mettre le point final (d'autres encore dépriment plusieurs mois après la soutenance) car on se trouve désemparé d'avoir terminé - sentiment de vanité, plus de motivation voire carrément dépression... Et maintenant, je fais quoi, quel est mon but ? Encore des mois à essayer de gratter un post-doc, et après ça peut-être un poste ? Ca fait 3, 4 ou 5 ans que je vis sous cet horizon, dans cette tension, j'ai tout suspendu à ce résultat-là (amour, carrière extra-universitaire, j'ai vu mes amis monter dans leurs boites, ou monter leurs propres boites, se marier, avoir des gosses, éventuellement même je me suis aliéné celle ou celui que j'aimais, qui ne voulait pas attendre tout ce temps pour... vivre), tout ça pour en arriver là ?! Une thèse et même pas géniale ? Et accepter de mettre ce point final, sur un travail qui ne va rien révolutionner, alors même qu'il a pris des années ; n'est-ce pas reconnaître en fait ce que j'avais pressenti pour moi-même, ce qui est plus facile que de le voir reconnaître et tamponné par les autorités compétentes : que ce n'est pas, donc que je ne suis pas génial ? N'est-ce pas désavouer rétrospectivement tous les sacrifices consentis à la thèse, dire : ce n'était que pour ça...

Mais je fais sans doute fausse route car tu as l'air d'avoir dépassé ces illusions depuis longtemps. Par ailleurs je t'écris librement, sans essayer de t'aider. Je sais bien que les autres peuvent seulement, en tapant à côté, m'aider à mieux cerner d'où vient mon propre malaise.

Sur l'université, je suis bien attristé de devoir reconnaitre que je tire les même constats. Dans le même temps je me sens illégitime à l'exprimer pleinement car je ne suis pas allé moi-même au bout de cette socialisation. C'est pourtant au coeur de mes recherches : les dysfonctionnement du champ universitaire, qui font qu'une contribution décisive n'est pas reconnue comme elle le devrait, parce qu'elle n'est pas même discutée ! Ce sont des ovnis qui traversent le "champ" sans l'impacter. Je te laisse imaginer la très étrange relation qu'on peut avoir aux collègues et chercheurs en général quand on navigue dans ces eaux-là... "Oh c'est trèèèèès intéressant" vous ferez bien attention à ce que vous dîtes quand il est là celui-là, hein !  

Bon je déborde, c'est ton sujet. Aussi une manière de te dire : c'est bon je prends rien, regarde on fait une thérapie de groupe... :)

Tu as bien compris, je me satisfais de comprendre. Je n'éprouve aucune satisfaction à communiquer mais je n'éprouve aucune joie à ne pas communiquer non plus. J'aime bien partager quand il y a un intérêt sincère et un échange. Or la plus part du temps, les échanges que nous avons ne sont qu'une forme de coercition : communiquer pour avoir un boulot, pour avoir une bonne note ou pour se faire mousser l'égo. Oui, j'ai donné des cours cette année. Ça ne m'a pas déplu et j'ai bien aimé un groupe génial que j'avais en TP d'informatique. Mais il faut dire que les élèves sont en général très mous, très peu intéressés et très peu motivés (à de rare cas près). Disons que je n'aime pas communiquer à défaut d'interlocuteur que j'estime. Il faut dire que la société occidentale (et particulièrement française) sape entièrement le savoir et la connaissance, et se contente d'inféoder ces dernières au but productif, capitaliste et économique. Blaquière parlait d'écrire une thèse pour faire avancer sa carrière. Il est sur que ceux qui se recasent le plus facilement, c'est ceux qui écrivent dans cette optique là.

Bien sur qu'il y a l'angoisse du doctorant. Toutes les questions que tu as posé, je me les suis posées et je me les pose encore. Ai-je réussi à surmonter cela? Je ne sais pas. Grandir et vivre, c'est se décider. C'est choisir un chemin. Une fois sur le chemin, on se dit que l'autre chemin était peut-être plus attrayant mais va savoir; ce n'est que de la spéculation et ce qui n'a pas été et aurait pu être à l'air toujours plus intéressant que ce que l'on est réellement en train de vivre. En même temps le coronavirus et la récession à venir, ça va aussi devenir une galère pour trouver un ou deux post-docs à l'étranger, puis prier pour réussir à avoir un poste de maitre de conférence le tout en n'ayant jamais joué le jeu du réseau.

Faire une thèse dans le domaine académique sur le dysfonctionnement du dit système, je vois que je croise quelqu'un encore plus fou que moi! :p Et aussi plus courageux du coup. Toutes les interactions que tu peux avoir dans ce milieu très sectaire avec un tel sujet ne peuvent que soulever la suspicion de tous tes interlocuteurs. Et pourtant, le milieu universitaire français a un certain nombre de dysfonctionnement, mais il faut aussi dire qu'il subit la dure complexité du système français avec aussi ces classes préparatoires aux grandes écoles. Bon en tout cas, je suis sur que tu as plein de choses à dire dans ta thèse et je serais bien curieux de savoir les dysfonctionnements majeurs que tu as repéré et mis en avant!

 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 35ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 589 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)
Il y a 3 heures, Virtuose_en_carnage a dit :

Tu as bien compris, je me satisfais de comprendre. Je n'éprouve aucune satisfaction à communiquer mais je n'éprouve aucune joie à ne pas communiquer non plus. J'aime bien partager quand il y a un intérêt sincère et un échange. Or la plus part du temps, les échanges que nous avons ne sont qu'une forme de coercition : communiquer pour avoir un boulot, pour avoir une bonne note ou pour se faire mousser l'égo. Oui, j'ai donné des cours cette année. Ça ne m'a pas déplu et j'ai bien aimé un groupe génial que j'avais en TP d'informatique. Mais il faut dire que les élèves sont en général très mous, très peu intéressés et très peu motivés (à de rare cas près). Disons que je n'aime pas communiquer à défaut d'interlocuteur que j'estime. Il faut dire que la société occidentale (et particulièrement française) sape entièrement le savoir et la connaissance, et se contente d'inféoder ces dernières au but productif, capitaliste et économique. Blaquière parlait d'écrire une thèse pour faire avancer sa carrière. Il est sur que ceux qui se recasent le plus facilement, c'est ceux qui écrivent dans cette optique là.

Bien sur qu'il y a l'angoisse du doctorant. Toutes les questions que tu as posé, je me les suis posées et je me les pose encore. Ai-je réussi à surmonter cela? Je ne sais pas. Grandir et vivre, c'est se décider. C'est choisir un chemin. Une fois sur le chemin, on se dit que l'autre chemin était peut-être plus attrayant mais va savoir; ce n'est que de la spéculation et ce qui n'a pas été et aurait pu être à l'air toujours plus intéressant que ce que l'on est réellement en train de vivre. En même temps le coronavirus et la récession à venir, ça va aussi devenir une galère pour trouver un ou deux post-docs à l'étranger, puis prier pour réussir à avoir un poste de maitre de conférence le tout en n'ayant jamais joué le jeu du réseau.

Faire une thèse dans le domaine académique sur le dysfonctionnement du dit système, je vois que je croise quelqu'un encore plus fou que moi! :p Et aussi plus courageux du coup. Toutes les interactions que tu peux avoir dans ce milieu très sectaire avec un tel sujet ne peuvent que soulever la suspicion de tous tes interlocuteurs. Et pourtant, le milieu universitaire français a un certain nombre de dysfonctionnement, mais il faut aussi dire qu'il subit la dure complexité du système français avec aussi ces classes préparatoires aux grandes écoles. Bon en tout cas, je suis sur que tu as plein de choses à dire dans ta thèse et je serais bien curieux de savoir les dysfonctionnements majeurs que tu as repéré et mis en avant!

"Grandir et vivre, c'est se décider." Très juste. Certains en font des maladies, de ne pas pouvoir se décider ou de ne s'être jamais vraiment décidés. Alors la vie décide pour nous ! C'est la tranquillité du champ de bataille et du condamné à mort. Plus rien à décider, juste à suivre attentivement.

Tu as l'air d'être un peu au-dessus de tes collègues. Si je n'interprète pas trop ? Tu dis que les autres ne trouvent pas particulièrement intéressant le chemin que tu as parcourus, contrairement à toi et tu soulignes que nombreux sont ceux qui ne savent pas lire correctement un article (ou ne prennent pas le temps). Tu es déçu des milieux intellectuels en général...

Passée la thèse, est-ce que tu envisages de continuer ? 

Je ne veux pas m'étendre mais une chose ressort assez clairement de mes recherches : c'est la perte définitive de l'institution si celles et ceux qui ont les qualités qui font le plus défaut au "système" actuel sont exclus ou s'excluent eux-mêmes, découragés. Il faut sans doute les ambitieux, l'exaltation, la compétition, les seigneuries ; le tapage, la triche et les réseaux en sont les corolaires inévitables ; mais ces défauts ne corrompent rien définitivement s'il reste un peu partout des passionnés radicaux. Ce sont eux le liant indispensable. Sans eux, il n'y a plus de progression par le champ scientifique de la connaissance dans son rapport aussi au progrès humain. Sans eux rien n'empêche des pans entiers de l'institution de sombrer dans la folie, par le jeu des compromissions, copinages, etc. 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 35ans Posté(e)
Virtuose_en_carnage Membre 6 954 messages
Maitre des forums‚ 35ans‚
Posté(e)
il y a 11 minutes, Loufiat a dit :

"Grandir et vivre, c'est se décider." Très juste. Certains en font des maladies, de ne pas pouvoir se décider ou de ne s'être jamais vraiment décidé. Alors la vie décide pour nous ! C'est la tranquillité du champ de bataille et du condamné à mort. Plus rien à décider, juste à suivre attentivement.

Tu as l'air d'être un peu au-dessus de tes collègues. Si j'interprète pas trop ? Tu dis que les autres ne trouvent pas particulièrement intéressant le chemin que tu as parcourus, contrairement à toi et tu soulignes que nombreux sont ceux qui ne savent pas lire correctement un article (ou ne prennent pas le temps). Tu es déçu des milieux intellectuels en général...

Passée la thèse, est-ce que tu envisages de continuer ? 

Je ne veux pas m'étendre mais une chose ressort assez clairement de mes recherches : c'est la perte définitive de l'institution si celles et ceux qui ont les qualités qui font le plus défaut au "système" actuel sont exclus ou s'excluent eux-mêmes, découragés. Il faut sans doute les ambitieux, l'exaltation, la compétition, les seigneuries ; le tapage, la triche et les réseaux en sont les corolaires inévitables ; mais ces défauts ne corrompent rien définitivement s'il reste un peu partout des passionnés radicaux. Ce sont eux le liant indispensable. Sans eux il n'y a plus de progression par le champ scientifique de la connaissance dans son rapport aussi au progrès humain. Sans eux rien n'empêche des pans entiers de l'institution de sombrer dans la folie, par le jeu des compromissions, copinages, etc. 

Il faut aussi admettre un moment qu'on n'a pas toutes les données pour faire des choix et qu'au fond, on fait les choix un peu ça à l'aveugle. Ce renversement des valeurs me fait un peu penser aux Russes. Il n'y a au fond pas une personne plus libre qu'une personne qui n'a aucune liberté.

Non les collègues de mon équipe sont des gens brillants et très intéressants; voire tous à moitié fous. C'est mon équipe qui est un peu exclue. En même temps on se retrouve dans un institut qui navigue à vue avec une politique scientifique douteuse qui ne veut se vendre que comme un institut d'IA alors qu'il n'y a qu'une personne qui en fait véritablement. Tout ça pour saisir les sous des politiques parisiens qui ne comprennent rien à l'état de la recherche en France! Mais oui, je suis déçu du monde intellectuel. J'ai fait une conférence récemment dans mon domaine et j'avoue avoir été déçu. Déjà les gens ne viennent pas écouter les exposés et préfèrent aller voir le château (je l'ai aussi vu en suivant toutes les conf' donc il y avait le temps). J'étais dans une session où j'ai fait figure d'ovni, tous les autres faisaient exactement la même chose. Tant est si bien qu'à la fin, je me demande si la science n'est pas devenu une manufacture : on a une idée et on la réapplique à l'infini comme pour la production de poteries. Les gens prétendent avoir lu la bible sur la question, sauf qu'ils passent leurs temps à citer des passages de ce livre qui sont juste faux (ce qui est quand même dommage quand on prétend l'avoir lu). Après, il y a des gens qui ont fait un vrai travail et qui continuent à en faire, et j'éprouve toujours une réjouissance à lire ces personnes (et me fait un devoir de les citer partout pour leur h-index!) qui ont fait un travail bon et intègre, ce qui me réconcilie un peu avec le monde intellectuel mais pas nécessairement universitaire.

Je vais essayer de continuer oui. Pas vraiment le choix de toute façon, c'est sans doute le boulot pour lequel je suis le plus fait.

Je suis d'accord avec ce que tu dis. Hélas les passionnés radicaux sont en général des vieux chercheurs du monde ancien. Que deviendra le monde de la recherche suite à la retraite de ces personnes? Le glissement semble inéluctable et l'abysse pas très loin. Comprendre les raisons de ce glissement semblent compliquées et sont corroborées au paradigme du monde moderne : perte de la notion de vérité une et immuable, accélération des moyens de communication qui oblige à communiquer vite sur ce qui aurait besoin d'être muri, inféodation de la recherche à l'économie et la politique, émergence de la Chine et du classement de Shanghai, etc, etc. Je suppose que tu as aussi réfléchis à ces questions? Je suis sur que ta thèse est intéressante!

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 35ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 589 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)

Eh bien, tu as des choix qui sont ceux d'un mathématicien !

Un choix peut-il trancher autre chose qu'une indécision ? Indécision quant au sens qui serait le bon, doublée du vertige de ce que l'on puisse, en connaissance, choisir de se tromper. Encore un pas et nous tombons dans la catégorie du démoniaque chez Kierkegaard, si je ne dis pas de bêtise. Corruption d'une liberté réalisant sa propre négation dans la fatalité qui s'impose au possédé - dépossédé de et par lui-même. Ce qui correspond bien à la peur d'écrire telle que je la connais. Que se passe-t-il en effet ? Tous les ingrédients sont là, je ne veux rien d'autre apparemment et pourtant ma main résiste, une volonté égale s'oppose, me paralyse, me détourne, etc. Or, il n'y a que moi ! Résolument divisé, donc.

Alors peut-être mes expressions furieuses ici et là ne racontent-elles rien d'autre que ces mots que je crève de vouloir ne pas pouvoir écrire ? Et par là-même, cette page blanche et les milliers noircies autour d'elle, sont-elles autre chose qu'un choix faux, un artifice que j'entretiens pour échapper à des alternatives plus décisives ? Assez comme, tu disais, on fait des mathématiques pour fuir autre chose. Pourtant, et à l'image de la liberté des russes, tout ne peut pas être totalement faux là-dedans non plus. Aussi enfoncé qu'on soit dans cette poisse, il reste que cette fausseté elle-même est vraie, à défaut d'être juste. Et quand on tient ça, c'est pas grand chose en apparence mais c'est comme un brin indestructible.

Aussi il peut très bien arriver, et il arrive même tous les jours ce renversement des polarités où l'écriture devient une véritable résolution, la résolution une oeuvre et l'oeuvre, celle d'une vie. Choisir, ici écrire pour écarter l'erreur, tout simplement, ni plus ni moins. Et n'est-ce pas là (je m'aventure) la beauté des maths ? Cette résolution optimale et intégrale.  

Tes réflexions sur la discipline aujourd'hui, pour y revenir, évoquent nettement la correspondance entre J. Ellul et Didier Nordon. Ce mathématicien français, toujours en vie et dont les réflexions sont proches des tiennes ci-dessus, s'adressait au sociologue et historien (disparu dans les années 90) dont les travaux lui avaient permis de comprendre le sens de son propre malaise vis à vis de l'institution. Il questionne Ellul sur son analyse et sur les voies pour sortir de cette impasse personnelle et civilisationnelle. Ca date un peu, pourtant on y trouverait certainement matière à réflexion.

Ma thèse enfin.. c'est de façon indirecte, par un cas particulier qu'elle en vient à soulever cette question plus générale des irrégularités du champ universitaire. J'ai réalisé qu'une contribution décisive est d'autant moins facilement intégrée dans la science constituée ou dite "normale" (ce qui n'est pas une découverte originale, sinon par le chemin). Parfois, c'est dans la mesure même où elle inaugure un nouvel horizon qu'une œuvre est passée sous le manteau, et une influence souterraine et diffuse peut n'être pas moins considérable, voire même explosive. Mais les choses se compliquent considérant qu'on ne voudrait pas faire de l’œuvre en question une énième carcasse pour communicants de tous poils.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Annonces
Maintenant

Archivé

Ce sujet est désormais archivé et ne peut plus recevoir de nouvelles réponses.

×