Aller au contenu

L’authenticite


satinvelours

Messages recommandés

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)

C’est un texte pour répondre à un exercice sur l’authenticité que des jeunes, que je fais travailler, m’ont donné à lire, et que je trouve trop enfantin. J’ai voulu étayer leurs réflexions. Je précise que ces jeunes un peu particuliers vont passer le bac dans des conditions, elles aussi, particulières.

 L’idée d’authenticité est une notion très difficile en réalité parce qu’elle est très floue, et utilisée par des écoles très différentes. Être authentique cela peut être un salaud authentique, un criminel authentique. C’est son être. Ainsi dit Nietzsche si tu es paresseux sois paresseux, si tu es salaud sois salaud, mais sois le bien . D’où l’on voit la difficulté de cette notion d’authenticité. 

C’est la notion la plus plate de l’authenticité : « Deviens ce que tu es », Pindare, formule reprise par Nietzsche, au sens le plus étroit. Précisément l’authenticité c’est l’étroitesse d’esprit, l’incapacité à changer. c’est ce que Sartre appelle le salaud. 

Chez Sartre l’existence précède l’essence. Nous sommes d’abord, et c’est le propre de l’homme, et nous portons des rôles et des habits ensuite, alors que l’animal est d’emblée dans son rôle. Il est programmé par ses instincts.

L’homme a cette caractéristique de pouvoir choisir son rôle. Le salaud ou « le gros plein d’être » comme dit Sartre, c’est celui qui colle à son rôle et qui n’en sort plus. C’est le garçon de café qui joue au garçon de café. Cela peut être aussi un philosophe qui joue au philosophe. Sartre nous dit que la liberté c’est de ne pas jouer son rôle. Il ne veut pas jouer son rôle d’écrivain, et refuse le prix Nobel. Il ne faut pas que l’essence nous rattrape. L’existence précède l’essence, il ne faut pas que l’existence soit rattrapée par son essence. Les choses ne doivent pas s’inverser.

 Qu’est-ce qui fait que le plus souvent notre essence nous rattrape ? Que nous jouions des rôles ? Ce sont les autres. D’où l’expression « l’enfer c’est les autres ». Pourquoi ? Parce que ce sont les autres qui nous obligent, mais c’est aussi de notre faute, qui tendent à nous enfermer dans une essence. 

 Très bel exemple que donne Sartre dans « L’Etre et le Néant », l’exemple de la honte.

Vous êtes dans un couloir et vous entendez un bruit derrière une porte, un bruit étrange. Il y a un trou de serrure, vous allez vous  baisser et regarder par le trou de la serrure. À ce moment-là, quelqu’un arrive à l’autre bout du couloir et vous voit regarder par le trou de la serrure, et vous voyez la personne vous voir. Sartre dit vous avez honte. C’est vrai, mais pourquoi avons-nous honte ?

 L’analyse de Sartre est très intéressante.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Annonces
Maintenant
Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)

 Nous avons honte parce que au moment où je vois l’autre me regarder en train de regarder par le trou de la serrure, je sais que dans son regard je suis un être curieux. Et non seulement je suis un être curieux, mais je ne suis qu’un être curieux. C’est-à-dire que mon essence me rattrape. Moi qui suis un être libre, cette personne est en train de dire : « toi curieux ».

On va essayer de casser cette image. Mais la honte c’est cela, parce que les autres nous enferment dans une essence. On est enfermé dans une image. Voilà pourquoi l’enfer c’est les autres.

[C’est ce qui se passe dans le monde carcéral. Ce qu’il y a de plus difficile, au-delà  du fait que la liberté est ôtée, c’est précisément ce fait que dans ce monde carcéral on ne peut pas échapper au regard de l’autre. Tout se sait. On ne peut pas jouer sur son image. Les essences sont totalement figées, c’est pour cela qu’il y a une double astreinte de liberté liberté physique, et liberté de ne pas être ce que l’on est dont la privation et très dure.]

Voilà l’idée de Sartre. Et l’idée d’authenticité, c’est précisément cette capacité à sortir de soi, pas seulement pour soi, mais pour s’élargir aux autres.

Il y a trois maximes du jugement.

Penser par soi-même, la maxime des lumières, mais qui n’est pas suffisante parce que je peux penser par moi-même des âneries.

Penser en se mettant à la place des autres, c’est-à-dire être capable de s’élargir, de s’ouvrir aux autres, et éventuellement d’adopter leurs points de vue, même si on ne les partage pas, mais être capable de les entendre.

Toujours penser en accord avec soi-même, la maxime la plus complexe. C’est cela l’authenticité, c’est-à-dire pas seulement penser par soi-même, pas seulement s’ouvrir aux autres, mais être capable de faire cette synthèse entre soi-même et les autres.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 43ans Posté(e)
InstantEternité Membre 1 134 messages
Baby Forumeur‚ 43ans‚
Posté(e)

En lisant votre sujet il y a plusieurs choses qui me sont venues à l'esprit :

- "Deviens ce que tu es" : La suite de cette formule c'est "Fait ce que toi seul peut faire". Cela fait effectivement penser à une certaine notion d'authenticité. Cependant vous avez oublié un aspect essentiel dans cette formule, c'est la notion de dépassement de soi. Si l'authenticité est effectivement importante aux yeux de Nietzsche, ce qui est encore plus important ici c'est le fait de devoir se surpasser dans son authenticité, c'est-à-dire une certaine notion d'amélioration, ou de devenir meilleur dans ce que nous sommes. Grâce à la volonté de puissance, tout être tend à s'imposer dans son authenticité et dans son environnement. Enfin, je voudrais attirer votre attention sur une autre formule "alternative" : "Ce qui est ne devient pas, ce qui devient n'est pas, deviens ce que tu es".

- "Qu’est-ce qui fait que le plus souvent notre essence nous rattrape ?" : A mon avis ce n'est pas à tous les coups les autres qui font que notre essence nous rattrape. Je vois ici le fait que si une personne se trouve dans une situation "extrême" (de danger ou de très forte émotion) alors c'est seulement à ce moment là qu'on peut réellement observer ce que cette personne "a réellement dans les tripes". En d'autres termes, nous nous rendons compte de notre réel potentiel ou plus précisément de notre vraie authenticité que lorsque nous sommes dans des situations "extrêmes". En fait à ce moment là les instincts parlent d'eux-mêmes et c'est là que notre essence prend le dessus et cela est tout à fait "naturel" puisque nous sommes des êtres vivants animés par des instincts avant tout.

- Votre exemple où on regarde par le trou de la serrure : Dans mon cas personnel, si je me mettais à regarder par le trou de la serrure et que quelqu'un arrivait à ce moment là me voyant faire ceci, je ne me sentirai pas particulièrement honteux ou mal à l'aise car comme vous l'avez dit, à l'origine il y a eu un "bruit étrange" de l'autre côté de la porte, ce qui par conséquence me "justifie" dans mon action. Il s'agit là à mon avis d'une question profondément éthique, psychologique voire "authentique" (!). Je ne sais pas vous dire exactement pourquoi je réagirait de cette manière là (le fait que je n'aurait pas honte) mais s'il y a des talents de psychologues ici-bas, qu'ils se manifestent ! :) 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Invité narcejo
Invités, Posté(e)
Invité narcejo
Invité narcejo Invités 0 message
Posté(e)

Juste en raison de la première ligne du sujet, sur les jeunes et le bac et tout ça, une citation de Blaise Pascal à propos du travail ... "La chose la plus importante à toute vie est le choix du métier : le hasard en dispose."

Rapport à l'authenticité, je ne sais, mais ça  l'air profond. 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 153ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
Mentor‚ 153ans‚
Posté(e)
Il y a 4 heures, satinvelours a dit :

C’est un texte pour répondre à un exercice sur l’authenticité que des jeunes, que je fais travailler, m’ont donné à lire, et que je trouve trop enfantin. J’ai voulu étayer leurs réflexions. Je précise que ces jeunes un peu particuliers vont passer le bac dans des conditions, elles aussi, particulières.

 L’idée d’authenticité est une notion très difficile en réalité parce qu’elle est très floue, et utilisée par des écoles très différentes. Être authentique cela peut être un salaud authentique, un criminel authentique. C’est son être. Ainsi dit Nietzsche si tu es paresseux sois paresseux, si tu es salaud sois salaud, mais sois le bien . D’où l’on voit la difficulté de cette notion d’authenticité. 

C’est la notion la plus plate de l’authenticité : « Deviens ce que tu es », Pindare, formule reprise par Nietzsche, au sens le plus étroit. Précisément l’authenticité c’est l’étroitesse d’esprit, l’incapacité à changer. c’est ce que Sartre appelle le salaud. 

Chez Sartre l’existence précède l’essence. Nous sommes d’abord, et c’est le propre de l’homme, et nous portons des rôles et des habits ensuite, alors que l’animal est d’emblée dans son rôle. Il est programmé par ses instincts.

L’homme a cette caractéristique de pouvoir choisir son rôle. Le salaud ou « le gros plein d’être » comme dit Sartre, c’est celui qui colle à son rôle et qui n’en sort plus. C’est le garçon de café qui joue au garçon de café. Cela peut être aussi un philosophe qui joue au philosophe. Sartre nous dit que la liberté c’est de ne pas jouer son rôle. Il ne veut pas jouer son rôle d’écrivain, et refuse le prix Nobel. Il ne faut pas que l’essence nous rattrape. L’existence précède l’essence, il ne faut pas que l’existence soit rattrapée par son essence. Les choses ne doivent pas s’inverser.

 Qu’est-ce qui fait que le plus souvent notre essence nous rattrape ? Que nous jouions des rôles ? Ce sont les autres. D’où l’expression « l’enfer c’est les autres ». Pourquoi ? Parce que ce sont les autres qui nous obligent, mais c’est aussi de notre faute, qui tendent à nous enfermer dans une essence. 

 Très bel exemple que donne Sartre dans « L’Etre et le Néant », l’exemple de la honte.

Vous êtes dans un couloir et vous entendez un bruit derrière une porte, un bruit étrange. Il y a un trou de serrure, vous allez vous  baisser et regarder par le trou de la serrure. À ce moment-là, quelqu’un arrive à l’autre bout du couloir et vous voit regarder par le trou de la serrure, et vous voyez la personne vous voir. Sartre dit vous avez honte. C’est vrai, mais pourquoi avons-nous honte ?

 L’analyse de Sartre est très intéressante.

Je vais te donner mon avis. D’abord tu sais que Sartre m’agace. Pour moi il est enfermé ( comme Kant) dans la morale de son père. Très religieux, protestant, le péché, etc. etc. Culture d’où vient chez Sartre son jugement : les hommes sont des salauds ou des lâches. Cette vision du monde, déterminée par le christianisme ne m’intéresse  pas. Et vu que tu vas t’adresser à des jeunes qui sont en prison je doute que ces concepts  lâche ou salaud soient efficaces vu que l’on doit sans cesse  ( le on c’est le petit bourgeois propre sur lui ) leur dire qu’ils sont des salauds ou dès lâches. Bon j’ai un truc à faire je t’écris plus tard.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 153ans Posté(e)
Annalevine Membre 3 528 messages
Mentor‚ 153ans‚
Posté(e)

Voilà je suis de retour. Bon je comprends que tu veuilles insérer un peu de culture dans ton cours. Je ne vais pas te critiquer là dessus, fais comme tu l’entends. Après tout tu sais mieux que moi ce qu’il faut écrire pour plaire aux gens conventionnels ( les correcteurs).

Mais tu peux aussi leur transmettre quelque chose de plus ...authentique ! à tous ces jeunes. 
 

L’authenticité   c’est d’abord et ce n’est peut être que ça, c’est d’abord être franc avec soi même.  Je veux assassiner mon voisin ? Je suis authentique avec moi-même, je regarde  en face mon intention. Autrement dit être authentique avec soi c’est se voir tel que l’on est sans céder au jugement. Je découvre en moi le pire des désirs : trucider un enfant ? Je regarde en face mon désir.

Etre authentique avec soi même c’est cela qui est important. 
 

Après  une fois que tu as le courage de l’authenticité  évidemment tu réfléchis  et ce que tu découvres en toi tu n’es pas obligé de le réaliser ! T’es pas obligé d’être chrétienne ! Ou de culture chrétienne.

Là à mon avis ils vont phosphorer tes prisonniers. 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 52ans Posté(e)
Aruna Membre 527 messages
Forumeur balbutiant‚ 52ans‚
Posté(e)

Proposition de définition non conventionnelle pour "authenticité":

Harmonie des différents étages de l'être permettant à l'intention, de relier, tel l'éclair, le non-manifesté au mot qui sort de la bouche et à l'objet qui sort de la main.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 43ans Posté(e)
InstantEternité Membre 1 134 messages
Baby Forumeur‚ 43ans‚
Posté(e)
il y a 3 minutes, Aruna a dit :

Proposition de définition non conventionnelle pour "authenticité":

Harmonie des différents étages de l'être permettant à l'intention, de relier, tel l'éclair, le non-manifesté au mot qui sort de la bouche et à l'objet qui sort de la main.

Synchroniser la pensée, la parole et l'acte ? C'est cela ?

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 52ans Posté(e)
Aruna Membre 527 messages
Forumeur balbutiant‚ 52ans‚
Posté(e)
il y a 3 minutes, InstantEternité a dit :

Synchroniser la pensée, la parole et l'acte ? C'est cela ?

Oui. Et en amont aussi.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)
Le 12/12/2019 à 11:57, satinvelours a dit :

 Nous avons honte parce que au moment où je vois l’autre me regarder en train de regarder par le trou de la serrure, je sais que dans son regard je suis un être curieux. Et non seulement je suis un être curieux, mais je ne suis qu’un être curieux. C’est-à-dire que mon essence me rattrape. Moi qui suis un être libre, cette personne est en train de dire : « toi curieux ».

On va essayer de casser cette image. Mais la honte c’est cela, parce que les autres nous enferment dans une essence. On est enfermé dans une image. Voilà pourquoi l’enfer c’est les autres.

[C’est ce qui se passe dans le monde carcéral. Ce qu’il y a de plus difficile, au-delà  du fait que la liberté est ôtée, c’est précisément ce fait que dans ce monde carcéral on ne peut pas échapper au regard de l’autre. Tout se sait. On ne peut pas jouer sur son image. Les essences sont totalement figées, c’est pour cela qu’il y a une double astreinte de liberté liberté physique, et liberté de ne pas être ce que l’on est dont la privation et très dure.]

Voilà l’idée de Sartre. Et l’idée d’authenticité, c’est précisément cette capacité à sortir de soi, pas seulement pour soi, mais pour s’élargir aux autres.

Il y a trois maximes du jugement.

Penser par soi-même, la maxime des lumières, mais qui n’est pas suffisante parce que je peux penser par moi-même des âneries.

Penser en se mettant à la place des autres, c’est-à-dire être capable de s’élargir, de s’ouvrir aux autres, et éventuellement d’adopter leurs points de vue, même si on ne les partage pas, mais être capable de les entendre.

Toujours penser en accord avec soi-même, la maxime la plus complexe. C’est cela l’authenticité, c’est-à-dire pas seulement penser par soi-même, pas seulement s’ouvrir aux autres, mais être capable de faire cette synthèse entre soi-même et les autres.

Merci. Toutes vos analyses m’ont permis d’étoffer davantage mon texte pour le présenter à ses jeunes.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)
Le 12/12/2019 à 16:31, Annalevine a dit :

Je vais te donner mon avis. D’abord tu sais que Sartre m’agace. Pour moi il est enfermé ( comme Kant) dans la morale de son père. Très religieux, protestant, le péché, etc. etc. Culture d’où vient chez Sartre son jugement : les hommes sont des salauds ou des lâches. Cette vision du monde, déterminée par le christianisme ne m’intéresse  pas. Et vu que tu vas t’adresser à des jeunes qui sont en prison je doute que ces concepts  lâche ou salaud soient efficaces vu que l’on doit sans cesse  ( le on c’est le petit bourgeois propre sur lui ) leur dire qu’ils sont des salauds ou dès lâches. Bon j’ai un truc à faire je t’écris plus tard.

Oui, une dissertation philosophique ne se traite pas comme une dissertation littéraire. Il est nécessaire d’y placer quelques réflexions de philosophes sur la question, non pas les copier, mais au moins les citer et en expliquer rapidement la pensée.

 « Mes prisonniers », comme tu les appelles, ont apprécié cette définition de l’authenticité, telle que tu me l’as suggérée. Je ne sais pas s’ils ont phosphoré, je l’espère. Ce qui est certain c’est que le débat fut très animé. Si bien que les deux heures qui m’étaient allouées  passèrent trop rapidement.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
g.champion Membre 700 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)
il y a 32 minutes, satinvelours a dit :

Nous avons honte parce que au moment où je vois l’autre me regarder en train de regarder par le trou de la serrure, je sais que dans son regard je suis un être curieux.

pourquoi regardez-vous par le trou des serrures ? pourquoi vous n'entrez pas dans la pièce ? pourquoi avez-vous honte d'être un être curieux ? les savants sont des hommes que l'on dit animés par le curiosité, or ils n'en n'ont pas honte, il me semble?

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Annonces
Maintenant

Archivé

Ce sujet est désormais archivé et ne peut plus recevoir de nouvelles réponses.

×