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Des érudits


InstantEternité

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Membre, 43ans Posté(e)
InstantEternité Membre 1 134 messages
Baby Forumeur‚ 43ans‚
Posté(e)

Tandis que je dormais, un mouton vint brouter la couronne de lierre sur ma tête ; et tout en broutant, il disait : « Zarathoustra n’est plus un érudit. »

Ayant ainsi parlé il s’en alla tout bouffi d’orgueil. Un enfant me l’a raconté. J’aime bien venir m’allonger ici où les enfants jouent, le long du mur lézardé, parmi les chardons et les coquelicots rouges. Pour les enfants et aussi pour les chardons et les coquelicots rouges, je suis encore un érudit. Ils sont innocents jusque dans leur méchanceté.

Mais pour les moutons, je ne le suis plus, c’est mon et lot je le bénis ! Car à la vérité j’ai quitté de moi-même la demeure des érudits, et en claquant la porte. Mon âme a trop longtemps jeûné à leur table ; je ne suis pas fait comme eux pour grignoter la connaissance comme on casse des noix.

J’aime la liberté et le vent qui court sur la glèbe fraîche ; j’aime encore mieux faire ma couche sur des peaux de bœufs que sur leurs honneurs et leurs dignités. Je suis trop ardent, trop brûlé par mes propres pensées, souvent j’en perds le souffle. Il me faut alors aller au grand air, loin de toutes les chambres poussiéreuses. Mais eux sont assis au frais sous l’ombre fraîche ; ils ne veulent jamais être que spectateurs et se gardent d’aller s’asseoir sur les degrés brûlés par le soleil. Pareils à ceux qui s’arrêtent dans la rue, et bouche bée regardent les passants, ils sont là qui attendent et regardent, bouche bée, les pensées que d’autres ont inventées.

Dès qu’on les secoue, ils laissent échapper, malgré eux, un nuage de poussière, comme font les sacs de farine ; mais comment reconnaître dans cette poussière le grain et la félicité dorée des champs estivaux ? Lorsqu’ils se croient sages, je suis horripilé par leurs sentences mesquines, leurs petites vérités ; leur sagesse a souvent une odeur de marécage ; et, en vérité, j’y ai discerné plus d’une fois le coassement de la grenouille.

Ils sont habiles, ils ont des doigts experts ; que peut ma simplicité contre leur complexité ? Leurs doigts s’entendent à toutes les façons d’enfiler, de nouer et de tisser les fils ; ils tricotent les bas de l’esprit. Ce sont de bons mouvements d’horlogerie, pourvu qu’on ait soin de les remonter. Alors ils indiquent l’heure sans se tromper, tout en faisant entendre un modeste ronron.

Ils travaillent à la manière des moulins et des pilons ; confiez-leur votre grain, ils sauront bien le moudre menu et le réduire en blanche poussière. Ils se surveillent mutuellement et n’ont pas trop confiance les uns dans les autres. Inventifs en petites astuces, ils guettent ceux dont la science est boiteuse ; ils sont comme des araignées à l’affût. Je les ai toujours vu préparer avec soin le poison, et enfiler pour cela des gants de verre.

Ils savent aussi jouer avec des dés pipés ; et les ai vus jouer avec une telle ardeur qu’ils ruisselaient de sueur. Je n’ai rien de commun avec eux ; leurs vertus me répugnent encore plus que leurs faussetés et leurs dés pipés. Et quand je vivais parmi eux, je demeurais à l’étage au-dessus d’eux ; c’est pour cela qu’ils m’en veulent. Ils veulent ignorer qu’il y a quelqu’un qui marche au-dessus de leurs têtes ; aussi ont-ils accumulé du bois, de la terre et des immondices entre leurs têtes et moi.

De la sorte ils ont étouffé le bruit de mes pas ; et jusqu’à présent personne ne m’a aussi mal entendu qui les érudits. Ils ont placé entre eux et moi toutes les fautes et toutes les faiblesses humaines – c’est ce qu’ils appellent, dans leurs demeures, un « faux plancher ». Mais malgré tout, mes pensées se meuvent au-dessus de leurs têtes, et même si je me faisais porter par mes propres défauts, je me trouverais encore au-dessus de leurs têtes.

Car les hommes ne sont pas égaux. Et ce que je veux, ceux-là n’ont pas le droit de le vouloir.

 

Ainsi parlait Zarathoustra.

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Membre, Talon 1, 79ans Posté(e)
Talon 1 Membre 23 966 messages
79ans‚ Talon 1,
Posté(e)

Donc érudit = rhéteur ?

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)

Il y a quelque temps j'avais écrit ça et je ne saurais dire si ça va dans le sens de Nietzsche ou contre !

 

Je suis rude érudit !

Jamais rudimentaire

et prude j'étudie

Si dur l'élémentaire

Et les purs éboulis

D"un Azur aboli

Que l'érudit menteur

des rues bonimenteur

extrude mes humeurs !...

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Membre, 65ans Posté(e)
pila Membre 18 571 messages
Baby Forumeur‚ 65ans‚
Posté(e)

L'érudit lit, s'intéresse et a une bonne mémoire.

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
Le 30/09/2019 à 07:54, InstantEternité a dit :

Tandis que je dormais, un mouton vint brouter la couronne de lierre sur ma tête ; et tout en broutant, il disait : « Zarathoustra n’est plus un érudit. »

Ayant ainsi parlé il s’en alla tout bouffi d’orgueil. Un enfant me l’a raconté. J’aime bien venir m’allonger ici où les enfants jouent, le long du mur lézardé, parmi les chardons et les coquelicots rouges. Pour les enfants et aussi pour les chardons et les coquelicots rouges, je suis encore un érudit. Ils sont innocents jusque dans leur méchanceté.

Mais pour les moutons, je ne le suis plus, c’est mon et lot je le bénis ! Car à la vérité j’ai quitté de moi-même la demeure des érudits, et en claquant la porte. Mon âme a trop longtemps jeûné à leur table ; je ne suis pas fait comme eux pour grignoter la connaissance comme on casse des noix.

J’aime la liberté et le vent qui court sur la glèbe fraîche ; j’aime encore mieux faire ma couche sur des peaux de bœufs que sur leurs honneurs et leurs dignités. Je suis trop ardent, trop brûlé par mes propres pensées, souvent j’en perds le souffle. Il me faut alors aller au grand air, loin de toutes les chambres poussiéreuses. Mais eux sont assis au frais sous l’ombre fraîche ; ils ne veulent jamais être que spectateurs et se gardent d’aller s’asseoir sur les degrés brûlés par le soleil. Pareils à ceux qui s’arrêtent dans la rue, et bouche bée regardent les passants, ils sont là qui attendent et regardent, bouche bée, les pensées que d’autres ont inventées.

Dès qu’on les secoue, ils laissent échapper, malgré eux, un nuage de poussière, comme font les sacs de farine ; mais comment reconnaître dans cette poussière le grain et la félicité dorée des champs estivaux ? Lorsqu’ils se croient sages, je suis horripilé par leurs sentences mesquines, leurs petites vérités ; leur sagesse a souvent une odeur de marécage ; et, en vérité, j’y ai discerné plus d’une fois le coassement de la grenouille.

Ils sont habiles, ils ont des doigts experts ; que peut ma simplicité contre leur complexité ? Leurs doigts s’entendent à toutes les façons d’enfiler, de nouer et de tisser les fils ; ils tricotent les bas de l’esprit. Ce sont de bons mouvements d’horlogerie, pourvu qu’on ait soin de les remonter. Alors ils indiquent l’heure sans se tromper, tout en faisant entendre un modeste ronron.

Ils travaillent à la manière des moulins et des pilons ; confiez-leur votre grain, ils sauront bien le moudre menu et le réduire en blanche poussière. Ils se surveillent mutuellement et n’ont pas trop confiance les uns dans les autres. Inventifs en petites astuces, ils guettent ceux dont la science est boiteuse ; ils sont comme des araignées à l’affût. Je les ai toujours vu préparer avec soin le poison, et enfiler pour cela des gants de verre.

Ils savent aussi jouer avec des dés pipés ; et les ai vus jouer avec une telle ardeur qu’ils ruisselaient de sueur. Je n’ai rien de commun avec eux ; leurs vertus me répugnent encore plus que leurs faussetés et leurs dés pipés. Et quand je vivais parmi eux, je demeurais à l’étage au-dessus d’eux ; c’est pour cela qu’ils m’en veulent. Ils veulent ignorer qu’il y a quelqu’un qui marche au-dessus de leurs têtes ; aussi ont-ils accumulé du bois, de la terre et des immondices entre leurs têtes et moi.

De la sorte ils ont étouffé le bruit de mes pas ; et jusqu’à présent personne ne m’a aussi mal entendu qui les érudits. Ils ont placé entre eux et moi toutes les fautes et toutes les faiblesses humaines – c’est ce qu’ils appellent, dans leurs demeures, un « faux plancher ». Mais malgré tout, mes pensées se meuvent au-dessus de leurs têtes, et même si je me faisais porter par mes propres défauts, je me trouverais encore au-dessus de leurs têtes.

Car les hommes ne sont pas égaux. Et ce que je veux, ceux-là n’ont pas le droit de le vouloir.

 

Ainsi parlait Zarathoustra.

Franchement, ça mériterait des commentaires un texte comme ça.

Parce qu'il va ou semble aller à contre courant : A priori, être érudit c'est bien, c'est le savoir la connaissance, et là, Zarathoustra (Nietzsche) dit que non.

 Est-ce la connaissance, le savoir qu'il faut rejeter ?

Comment situer la notion d'érudition par rapport au savoir à la connaissance en général?

La première idée qui me vient c'est que l'érudit se perdrait dans le détail, l'analyse, comme s'il y cherchait l'oubli du monde global...

De la vérité du monde...

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Membre, 43ans Posté(e)
InstantEternité Membre 1 134 messages
Baby Forumeur‚ 43ans‚
Posté(e)
il y a 30 minutes, Blaquière a dit :

Franchement, ça mériterait des commentaires un texte comme ça.

Parce qu'il va ou semble aller à contre courant : A priori, être érudit c'est bien, c'est le savoir la connaissance, et là, Zarathoustra (Nietzsche) dit que non.

 Est-ce la connaissance, le savoir qu'il faut rejeter ?

Comment situer la notion d'érudition par rapport au savoir à la connaissance en général?

La première idée qui me vient c'est que l'érudit se perdrait dans le détail, l'analyse, comme s'il y cherchait l'oubli du monde global...

De la vérité du monde...

Personnellement je pense que sur ce coup Nietzsche est difficilement défendable. Car pour moi son attaque aux érudits va dans le même sens que son combat contre la science, ce qui encore un fois n'est pas acceptable surtout de nos jours. Cela me fait par exemple penser quand il fait des éloges à la guerre en général.

Si j'ai décidé de partager ce texte, c'est essentiellement pour sa qualité littéraire (poétique). J'adore !

Après c'est ma compréhension de ce texte, il y a sûrement d'autre points de vue, notamment pourquoi Nietzsche s'entêtait à s'attaquer à la science ? Il faut aussi regarder les choses dans leur contextes de l'époque.

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Membre, 43ans Posté(e)
InstantEternité Membre 1 134 messages
Baby Forumeur‚ 43ans‚
Posté(e)

"Ils travaillent à la manière des moulins et des pilons ; confiez-leur votre grain, ils sauront bien le moudre menu et le réduire en blanche poussière"

Là où je suis complètement d'accord c'est que le système éducatif (occidental) est en effet le moulin qui moud notre grain précieux en poussière blanche inintéressante. Je l'ai écris plusieurs fois et je pense qu'un des obstacles à l'apparition du Surhumain c'est l'éducation que subissent tous les enfants. Comme le dit la chanson de Pink Floyd :

We don't need no education
We don't need no thought control
No dark sarcasm in the classroom
Teacher leave them kids alone
Hey! Teacher! Leave them kids alone!
All in all it's just another brick in the wall.
(All in all you're just) another brick in the wall.

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
il y a 20 minutes, InstantEternité a dit :

Personnellement je pense que sur ce coup Nietzsche est difficilement défendable. Car pour moi son attaque aux érudits va dans le même sens que son combat contre la science, ce qui encore un fois n'est pas acceptable surtout de nos jours. Cela me fait par exemple penser quand il fait des éloges à la guerre en général.

Si j'ai décidé de partager ce texte, c'est essentiellement pour sa qualité littéraire (poétique). J'adore !

Après c'est ma compréhension de ce texte, il y a sûrement d'autre points de vue, notamment pourquoi Nietzsche s'entêtait à s'attaquer à la science ? Il faut aussi regarder les choses dans leur contextes de l'époque.

J'ai pensé la même chose ; ce texte est remarquable ! (Poétiquement !)

Mais Nietzsche est là pour le sens (aussi !)

Premier point : si l'on élimine le savoir scientifique, on reflue vers la croyance ? Pourtant il nous dit "dieu est mort"! Peut-être alors que ce n'est pas le savoir qui est mis en question mais l'idée que la raison est maîtresse de notre esprit. Sans tenir compte des formes occultes, de nos motivation, de notre inconscient.

Je crois qu'on en a en ce moment un bel exemple avec le fameux réchauffement! Dans les deux camps, pour et contre (la cause anthropique de ce réchauffement) l'on se réclame de la science... Mais on se rend bien compte que dans les deux camps, en premier, plus que la recherche de la (d'une) vérité, ce qui motive c'est qu' "on veut avoir raison" ! Et ça, ça n'est pas très raisonnable !

Alors qu'il faudrait douter et chercher des causes, on cherche des arguments... On veut convaincre... VAINCRE ! c'est une guerre ! Ça plairait à Nietzsche ?!

Deuxième point : le détail. Je pense à l'étymologie. Souvent "l'érudit" nous explique entièrement un mot par son étymologie. "exister", "étonner"... C'est fréquent. Alors que depuis son origine, le sens a toujours évolué et le rapport avec le sens étymologique s'est forcément modifié... C'est le détail (un point de détail !!!) qui prend la place de la totalité... Mais là encore, c'est tricher : c'est parce que l'on veut se servir d'un sens étymologique comme argument parce qu'on veut avoir raison... et l'on fera dire à "exister" "ex-sister" "sortir de soi" alors que le sens habituel c'est (en gros) "devenir soi".... Le contraire !

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Membre, 43ans Posté(e)
InstantEternité Membre 1 134 messages
Baby Forumeur‚ 43ans‚
Posté(e)
il y a 6 minutes, Blaquière a dit :

J'ai pensé la même chose ; ce texte est remarquable ! (Poétiquement !)

Mais Nietzsche est là pour le sens (aussi !)

Premier point : si l'on élimine le savoir scientifique, on reflue vers la croyance ? Pourtant il nous dit "dieu est mort"! Peut-être alors que ce n'est pas le savoir qui est mis en question mais l'idée que la raison est maîtresse de notre esprit. Sans tenir compte des formes occultes, de nos motivation, de notre inconscient.

Je crois qu'on en a en ce moment un bel exemple avec le fameux réchauffement! Dans les deux camps, pour et contre (la cause anthropique de ce réchauffement) l'on se réclame de la science... Mais on se rend bien compte que dans les deux camps, en premier, plus que la recherche de la (d'une) vérité, ce qui motive c'est qu' "on veut avoir raison" ! Et ça, ça n'est pas très raisonnable !

Alors qu'il faudrait douter et chercher des causes, on cherche des arguments... On veut convaincre... VAINCRE ! c'est une guerre ! Ça plairait à Nietzsche ?!

Deuxième point : le détail. Je pense à l'étymologie. Souvent "l'érudit" nous explique entièrement un mot par son étymologie. "exister", "étonner"... C'est fréquent. Alors que depuis son origine, le sens a toujours évolué et le rapport avec le sens étymologique s'est forcément modifié... C'est le détail (un point de détail !!!) qui prend la place de la totalité... Mais là encore, c'est tricher : c'est parce que l'on veut se servir d'un sens étymologique comme argument parce qu'on veut avoir raison... et l'on fera dire à "exister" "ex-sister" "sortir de soi" alors que le sens habituel c'est (en gros) "devenir soi".... Le contraire !

Vous nous faites du Heidegger mélangé avec du Nietzsche, Bravo !!! ;) 

Je suis d'accord avec tout ce que vous écrivez, il y a moyen d'en faire un topic dans la rubrique philo...

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Membre, 156ans Posté(e)
Don Juan Membre 2 962 messages
Mentor‚ 156ans‚
Posté(e)


L'ÉRUDIT

Il est appelé ainsi parce qu’il ressort de son comportement une aspiration à recenser le "savoir", habité d'un fort instinct familial, se passionne pour l'enfance. Certainement que son penchant pour la jeune génération vient de son besoin de transmettre. Il a le sens de la pédagogie et de l'organisation. Il présente une sorte de rigidité envers ce qui n'est pas rationnel, cela le pousse parfois à nier des parties de sa propre expérience.
En sa présence on ressent l'autorité et la rigueur, ce qui incite au sérieux. Pourtant, Une certaine fragilité féminine se dégage de son attitude.

Modeste contribution. :)

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Membre, 43ans Posté(e)
InstantEternité Membre 1 134 messages
Baby Forumeur‚ 43ans‚
Posté(e)
Il y a 14 heures, Don Juan a dit :


L'ÉRUDIT

Il est appelé ainsi parce qu’il ressort de son comportement une aspiration à recenser le "savoir", habité d'un fort instinct familial, se passionne pour l'enfance. Certainement que son penchant pour la jeune génération vient de son besoin de transmettre. Il a le sens de la pédagogie et de l'organisation. Il présente une sorte de rigidité envers ce qui n'est pas rationnel, cela le pousse parfois à nier des parties de sa propre expérience.
En sa présence on ressent l'autorité et la rigueur, ce qui incite au sérieux. Pourtant, Une certaine fragilité féminine se dégage de son attitude.

Modeste contribution. :)

Bien ! Effectivement c'est juste ce que vous écrivez, cela a même un air familier pour moi ! ça me fait penser à mes professeurs d'école...

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Membre, 156ans Posté(e)
Don Juan Membre 2 962 messages
Mentor‚ 156ans‚
Posté(e)
Il y a 2 heures, InstantEternité a dit :

Bien ! Effectivement c'est juste ce que vous écrivez, cela a même un air familier pour moi ! ça me fait penser à mes professeurs d'école...

Je pense que Nietzsche n'a pas une position "anti-savoir", sa critique porte sur le savoir creux et le "moutonnage", c'est à dire le mauvais réflexe de ne pas atteindre à la connaissance par soi-même, d'aller la chercher dans les livres ou dans la parole creuse de ceux qui pensent beaucoup mais dont la pensée ne fleurit pas de leurs cendres.

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Membre, 34ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 566 messages
Mentor‚ 34ans‚
Posté(e)

Bonjour,

Vous faîtes fausse route ici, à mon avis :

Le 01/10/2019 à 10:21, InstantEternité a dit :

Personnellement je pense que sur ce coup Nietzsche est difficilement défendable. Car pour moi son attaque aux érudits va dans le même sens que son combat contre la science, ce qui encore un fois n'est pas acceptable surtout de nos jours. Cela me fait par exemple penser quand il fait des éloges à la guerre en général.

Nietzsche ne dénigre pas gratuitement les érudits ou l'érudition. Par contre, il place au-dessus d'eux le philosophe, dont la tâche est si supérieure que "ce que je veux, ils n'ont pas le droit de le vouloir". Il faut filer la métaphore du grain et de la farine, qui donnera le pain : ce que le peuple mange finalement.

D'ailleurs, là où Nietzsche en devient méchant, c'est dans la mesure où les érudits ont placé entre eux et lui un "faux plafond" pour ne plus l'entendre, car ils refusent qu'on marche au dessus d'eux : Nietzsche entend ici rétablir la hiérarchie véritable, que les érudits auraient tendance à nier. Ils méconnaissent leur place.

Sa critique du scientifique est du même ordre. Non pas une critique "de la science", mais une critique de la prétention scientifique, de la science méconnaissant sa place. Parce que Nietzsche a les plus hautes vues de ce que doit être, de ce qu'est la philosophie. Il ne saurait y avoir d'activité plus importante. (Pensez encore à la farine et au pain).

 

 

 

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
Il y a 6 heures, Loufiat a dit :

Bonjour,

Vous faîtes fausse route ici, à mon avis :

Nietzsche ne dénigre pas gratuitement les érudits ou l'érudition. Par contre, il place au-dessus d'eux le philosophe, dont la tâche est si supérieure que "ce que je veux, ils n'ont pas le droit de le vouloir". Il faut filer la métaphore du grain et de la farine, qui donnera le pain : ce que le peuple mange finalement.

D'ailleurs, là où Nietzsche en devient méchant, c'est dans la mesure où les érudits ont placé entre eux et lui un "faux plafond" pour ne plus l'entendre, car ils refusent qu'on marche au dessus d'eux : Nietzsche entend ici rétablir la hiérarchie véritable, que les érudits auraient tendance à nier. Ils méconnaissent leur place.

Sa critique du scientifique est du même ordre. Non pas une critique "de la science", mais une critique de la prétention scientifique, de la science méconnaissant sa place. Parce que Nietzsche a les plus hautes vues de ce que doit être, de ce qu'est la philosophie. Il ne saurait y avoir d'activité plus importante. (Pensez encore à la farine et au pain).

 

 

 

Belle analyse ! Je suis d'accord sur l'interprétation de Nietzsche.

Mais aussi il en va des érudits comme de tout le monde. Il y en a d'insupportables et d'autres bien.

Je me souviens de Monsieur B... Paléographe qui étudiait les documents anciens médiévaux... Un véritable érudit. Un ami commun, historien, lui dit " "Blaquière" les lit très bien vos trucs indéchiffrables !". Lui, en vrai érudit : "C'est pas possible !"  Il y a donc eu confrontation ! Il me passe son fameux document indéchiffrable, et je le lui lit comme si c'était le journal ! (Il faut dire que c'était écrit en provençal du moyen âge et que j'en savais pas mal là dessus.) Il me dit "mais vous le lisez "normalement" !

On est devenus de très bons amis ! Quand il trouvait un texte qui pouvais m'intéresser et moi pareil, on se les communiquait. Un mot que je ne comprenais pas, ou lui, et on y réfléchissait ensemble. Un vrai plaisir ! Un vrai érudit ! (Moi, je bricole ! Mais j'étais quand même un peu fier !)

Je dis ça parce que je crois bien que c'est le seul érudit (qui mérite ce nom) que j'ai jamais côtoyé. Avec un autre sur ce forum, mais c'est pas pareil...

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Membre, 34ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 566 messages
Mentor‚ 34ans‚
Posté(e)
il y a 35 minutes, Blaquière a dit :

Belle analyse ! Je suis d'accord sur l'interprétation de Nietzsche.

Mais aussi il en va des érudits comme de tout le monde. Il y en a d'insupportables et d'autres bien.

Je me souviens de Monsieur B... Paléographe qui étudiait les documents anciens médiévaux... Un véritable érudit. Un ami commun, historien, lui dit " "Blaquière" les lit très bien vos trucs indéchiffrables !". Lui, en vrai érudit : "C'est pas possible !"  Il y a donc eu confrontation ! Il me passe son fameux document indéchiffrable, et je le lui lit comme si c'était le journal ! (Il faut dire que c'était écrit en provençal du moyen âge et que j'en savais pas mal là dessus.) Il me dit "mais vous le lisez "normalement" !

On est devenus de très bons amis ! Quand il trouvait un texte qui pouvais m'intéresser et moi pareil, on se les communiquait. Un mot que je ne comprenais pas, ou lui, et on y réfléchissait ensemble. Un vrai plaisir ! Un vrai érudit ! (Moi, je bricole ! Mais j'étais quand même un peu fier !)

Je dis ça parce que je crois bien que c'est le seul érudit (qui mérite ce nom) que j'ai jamais côtoyé. Avec un autre sur ce forum, mais c'est pas pareil...

Anecdote intéressante ! (Et merci pour le compliment.) Oui, les érudits sont très rares.

A mon avis, il faut s'interroger sur ce qui motive l'érudit, comment il le devient, plutôt que sur les caractéristiques de l'érudit pris comme un bloc, un "donné".

Alors on voit que c'est un manque qui le motive par-dessus tout : un défaut de savoir, puisqu'il veut savoir, ce qui le pousse sans cesse à poursuivre plus loin ses recherches. Mais d'autre part, il ne s'aventure pas à philosopher : ici il manque d'activité, de créativité, il n'est pas cette force positive capable d'affirmer, ce "soleil". Il reçoit, il absorbe, comme la meule, la substance qu'il transforme, éventuellement avec une grande habileté. 

Aujourd'hui, il me semble que la situation s'est renversée. On croit pouvoir philosopher sans histoire et sans mémoire, les érudits sont rares (alors que l'Allemagne de Nietzsche a un tout autre visage) et totalement inaudibles.

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
Il y a 1 heure, Loufiat a dit :

Anecdote intéressante ! (Et merci pour le compliment.) Oui, les érudits sont très rares.

A mon avis, il faut s'interroger sur ce qui motive l'érudit, comment il le devient, plutôt que sur les caractéristiques de l'érudit pris comme un bloc, un "donné".

Alors on voit que c'est un manque qui le motive par-dessus tout : un défaut de savoir, puisqu'il veut savoir, ce qui le pousse sans cesse à poursuivre plus loin ses recherches. Mais d'autre part, il ne s'aventure pas à philosopher : ici il manque d'activité, de créativité, il n'est pas cette force positive capable d'affirmer, ce "soleil". Il reçoit, il absorbe, comme la meule, la substance qu'il transforme, éventuellement avec une grande habileté. 

Aujourd'hui, il me semble que la situation s'est renversée. On croit pouvoir philosopher sans histoire et sans mémoire, les érudits sont rares (alors que l'Allemagne de Nietzsche a un tout autre visage) et totalement inaudibles.

Il y a une chose à rajouter. S'il n'y a pas beaucoup d'érudits (c'est vrai), Dans le domaine de leur érudition, ils ont tôt fait de démasquer les imposteurs, qui eux sont légion.... De démasquer des "idéologies" fausses des charlatans... C'est peut-être aussi pour ça qu'on ne les aime pas trop ?!...

Du temps de Nietzsche, il en allait peut-être autrement, comme tu dis.

Il n'est pas exclu aussi que tel se fasse passer pour expert et érudit qui ne l'est pas. En principe le "vrai" érudit (à notre époque ?) ne fait pas beaucoup de bruit. C'est peut-être un signe pour le reconnaître...

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Membre, 34ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 566 messages
Mentor‚ 34ans‚
Posté(e)
Il y a 14 heures, Blaquière a dit :

Il y a une chose à rajouter. S'il n'y a pas beaucoup d'érudits (c'est vrai), Dans le domaine de leur érudition, ils ont tôt fait de démasquer les imposteurs, qui eux sont légion.... De démasquer des "idéologies" fausses des charlatans... C'est peut-être aussi pour ça qu'on ne les aime pas trop ?!...

Oui, je pense que l'idéologue ne peut que redouter l'érudition.

Cela dit, c'est aussi pour ça qu'on les aime. Moi qui suis loin d'être érudit, j'apprécie énormément qu'on soit en mesure de m'orienter vers ceci ou cela que je n'aurais sans doute jamais découvert autrement.

Il y a 14 heures, Blaquière a dit :

Du temps de Nietzsche, il en allait peut-être autrement, comme tu dis.

Il n'est pas exclu aussi que tel se fasse passer pour expert et érudit qui ne l'est pas. En principe le "vrai" érudit (à notre époque ?) ne fait pas beaucoup de bruit. C'est peut-être un signe pour le reconnaître...

Je ne sais pas si c'est un signe. Les quelques personnes que je pourrais qualifier d'érudites ne sont pas particulièrement effacées. Mais peut-être vouliez vous parler du fait d'être médiatisé ou de cumuler des responsabilités (politiques ou administratives, par exemple : peut-on continuer à être 'chercheur' et en même temps directeur de laboratoire, directeur d'un UFR ou d'un master, et avoir des responsabilités dans divers conseils, etc. Bref, la carrière est-elle compatible ? Un arbitrage doit s'opérer à un moment.)

J'ai un peu de mal sur cette notion d'imposture, sur laquelle vous revenez (dois je me sentir visé ?).

 

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
il y a 2 minutes, Loufiat a dit :

Oui, je pense que l'idéologue ne peut que redouter l'érudition.

Cela dit, c'est aussi pour ça qu'on les aime. Moi qui suis loin d'être érudit, j'apprécie énormément qu'on soit en mesure de m'orienter vers ceci ou cela que je n'aurais sans doute jamais découvert autrement.

Je ne sais pas si c'est un signe. Les quelques personnes que je pourrais qualifier d'érudites ne sont pas particulièrement effacées. Mais peut-être vouliez vous parler du fait d'être médiatisé ou de cumuler des responsabilités (politiques ou administratives, par exemple : peut-on continuer à être 'chercheur' et en même temps directeur de laboratoire, directeur d'un UFR ou d'un master, et avoir des responsabilités dans divers conseils, etc. Bref, la carrière est-elle compatible ? Un arbitrage doit s'opérer à un moment.)

J'ai un peu de mal sur cette notion d'imposture, sur laquelle vous revenez (dois je me sentir visé ?).

 

Meuh non ! Sûrement pas ! Les imposteurs ne se posent pas de question !

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