Aller au contenu

La violence

Noter ce sujet


DroitDeRéponse

Messages recommandés

Membre, 35ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 589 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)
Le 02/09/2019 à 21:15, DroitDeRéponse a dit :

Ça reste très contemporain. Par ailleurs pas si évident d’en sortir , car même si le don est réellement , purement gratuit , il n’en demeure pas moins qu’il est très difficile de ne pas s’en sentir redevable , de se sentir ingrat ....

D’où peut être cette aversion pour le don au vu de tous ?

Ou ce don qui parfois ne sera vu que comme mépris ... le cadeau empoisonné dont il est question dans la vidéo Mauss Girard

Mauss part de l'opposition qu'on a tendance à faire entre l'échange marchand et le don comme acte gratuit de pure générosité. Mais il a découvert que dans de nombreuses sociétés il existe des systèmes de dons, très complexes, très codifiés, qui ne s'opposent pas à l'échange marchand ni à la domination sociale. Et en définitive, il pense avoir découvert un motif universel chez l'être humain, partout présent comme une triple obligation : donner, recevoir et rendre.

Vous buvez un café en terrasse quand votre voisin entame la conversation. Il a vu que vous lisiez le journal et vous demande comment va le monde aujourd'hui ? Votre voisin de table a ainsi fait un pas vers vous, c'est un "échange" qu'il vous propose. Répondrez-vous ? L'ambiance en pâtira si vous décidez de l'ignorer (vous prenez le risque de l'humilier, provoquer son hostilité, etc.). Si vous répondez, vous en viendrez peut-être à vous payer mutuellement un verre, etc. Ou bien, pensez à cette cousine qui s'obstine à vous offrir un cadeau chaque Noël : en persistant elle vous "oblige".

Avec Mauss on réalise que les relations sociales se font et se défont au rythme de dons et de contre-dons, dont les échanges marchands sont un cas particulier et ne forment qu'une petite part (il n'est donc pas question d'en sortir). Il faut voir par exemple le cas du Potlatch étudié par Malinowski : en Indonésie un immense système de dons qui prend toute la vie sociale dans les îles : les activités de tous et la place de chacun s'organisent dans ce système où l'on s'échange, dans un sens des colliers, dans l'autre sens des bracelets de plus ou moins grande valeur, entre individus et familles de status équivalents. Parallèlement s'organisent le troc et les mariages, etc. Un chef de famille qui ne pourrait plus rendre à égalité ou surenchérir serait profondément humilié, et toute sa famille avec lui.

Et tout ceci mène finalement au langage et à l'interdit de l'inceste, deux invariants des sociétés humaines qui sont peut-être finalement les faces d'une même pièce. L'interdit de l'inceste signifie un système d'échanges entre des "familles", "clans", etc., (tout comme le langage), la circulation codifiée en termes de dons et contre-dons, d'obligations, etc., des enfants. Claude Lévi-Strauss s'est particulièrement intéressé à la manière dont s'organisent ces échanges et il a obtenu des résultats plus qu'intéressants grâce à l'analyse structurale (qui est une méthode issue de la linguistique, ce n'est pas anodin). Et c'est là que la solution de Girard s’insère parfaitement bien, notamment.

Modifié par Loufiat
  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Annonces
Maintenant
Membre, 35ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 589 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)
Il y a 3 heures, Loufiat a dit :

Et c'est là que la solution de Girard s’insère parfaitement bien, notamment.

Girard pense que le caractère irréfréné du mimétisme (déjà au niveau neurophysiologique la proportion des neurones miroirs) et le mécanisme du bouc émissaire qui en découle sont ce qui entraîne l'espèce humaine à développer des solutions "culturelles" chaque fois spécifiques, à développer le langage et à former l'interdit de l'inceste.

Le langage, pense-t-il, parce que si l'on se projette à un stade pré-culturel et pré-langagier, le meurtre de la victime peut être l'évènement qui suscite sa constitution effective et plus généralement celle d'un symbolisme, ainsi que d'une mémoire collective : la victime et son meurtre seraient les premiers signifiés de l'histoire, la première chose que les hommes ont dû chercher à désigner, à dire et se rappeler.

Très concrètement leurs doigts ont dû pointer ces pierres où gisait la victime déchiquetée, à partir du moment où pour eux et lorsque la rage les prenait à nouveau, ce tas de pierres était associé au délire mimétique ainsi qu'à sa résolution possible dans le meurtre collectif, où la violence peut trouver libre cours et où tous convergent enfin. Ce lieu, pense Girard, ils s'y réunissent lorsqu'une crise se reproduit et/ou pour la reproduire, pour la mimer. Où se formera le sacré, qui gardera toujours ces deux faces, à la fois du plus terrible et du plus saint, de ce qu'on doit craindre et adorer par-dessus tout et d'où émaneront les interdits et les permissions, la 'loi' garante de l'équilibre des relations. (au passage, on aurait donc éclairci l'origine de la sépulture, de l'ensevelissement, etc., et ce n'est pas incompatible non plus avec les autres formes rituelles - cadavres placés en hauteur dans les arbres ou abandonnés aux bêtes...). 

Par là s'expliquerait aussi l'interdit de l'inceste, car, pense Girard, dotés du langage, tissant graduellement un réseau de symboles qui pointent vers le meurtre unificateur et dans lesquels mimétisme et violence viennent constamment se reprendre, ces groupes forment une mémoire qui retient les objets et les situations qui excitent le délire mimétique ; et ces objets et ces situations, les groupes codifient leurs rapports avec eux, ils les placent dans la perspective du sacré, sous le sceau de la loi, de l'interdit, etc. Et si la sexualité est régulée chaque fois de telle façon que les membres à l'intérieur du groupe le plus restreint ne peuvent pas être partenaires, c'est simplement parce que le désir sexuel est la source la plus immédiate, la plus commune et intarissable de rivalité.

Et on pourrait poursuivre bien plus loin encore car ceci entraîne que la victime/divinité soit réellement prise pour responsable (du mal et du bien), suivant le développement des notions de cause et d'origine... en bref, donc, on peut suivre Girard et rencontrer Nietzsche, soudain, en plein dans son analyse de la causalité, jusqu'à Kant encore, et tout relire différemment.

Modifié par Loufiat
  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 35ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 589 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)
Le 05/08/2019 à 23:19, g.champion a dit :

est-ce une démarche volontaire ou bien est-ce un universel, en l'homme, sa nature, qui détermine tous les hommes à entrer en rivalité et à devoir nécessairement règler ce problème de survie de cette façon ?

Bonne question encore une fois mais l'opposition est fausse entre démarche volontaire ou universel indépassable.

On peut imaginer que certains groupes ont disparu ou se sont dissous, débordés par les rivalités (toujours dans le cadre des hypothèses girardiennes qui cadrent ce sujet) mais que d'autres ont survécu grâce au mécanisme du bouc émissaire et à l'institution du sacré, et on rejoint alors l'instinct de survie (l'humain ne survit pas seul) et la sélection naturelle (mais dès lors déjà proto-culturelle). En revanche il y a une relative liberté de l'homme dans son adaptation à sa condition (c'est-à-dire qu'il y a "culture"). On entre dans l'ordre culturel et historique et c'est donc "ouvert" (relativement). Rien n'empêche d'imaginer des solutions originales, comme le serait supposément le christianisme reconnaissant l'innocence de la victime et l'arbitraire de son sacrifice, ce qui est parfaitement subversif puisque, si on suit Girard, le pouvoir du sacré est alors miné dans son fondement quand il reposait sur la responsabilité de la victime, la croyance qu'elle soit effectivement cause du mal et du bien (pourquoi on voue un culte, etc.). Mais on voit mal que l'homme soit génétiquement modifié de façon que le mimétisme soit restreint au point que les rivalités et la violence ne dépassent pas les stades que connaissent les animaux sociaux (qui vont très rarement jusqu'au meurtre ; il y a rivalité et mimétisme du désir mais des réseaux de domination se fixent de façon beaucoup plus stable et sans médiation culturelle et symbolique). Par contre il est bien clair qu'une partie de plus en plus grande de l'humanité vit dans une "économie" du désir totalement différente de celle d'époques passées.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Un con qui marche ira plus loin qu'un intellectuel assis, 53ans Posté(e)
DroitDeRéponse Membre 90 677 messages
53ans‚ Un con qui marche ira plus loin qu'un intellectuel assis,
Posté(e)

 

Citation

Et tout ceci mène finalement au langage et à l'interdit de l'inceste, deux invariants des sociétés humaines qui sont peut-être finalement les faces d'une même pièce. L'interdit de l'inceste signifie un système d'échanges entre des "familles", "clans", etc., (tout comme le langage), la circulation codifiée en termes de dons et contre-dons, d'obligations, etc., des enfants.

Il ne signifie pas , il implique , lui même étant la conséquence de sortir du groupe ce qui signifie sinon le retour de la violence . D’où la nécessité de le sortir du groupe , de le donner .

Citation

Claude Lévi-Strauss s'est particulièrement intéressé à la manière dont s'organisent ces échanges

Mais il fonde la culture sur l’interdit de l’inceste , et fait de cet interdit une cause alors qu’il serait selon la théorie girardienne conséquence .

 

Citation

et il a obtenu des résultats plus qu'intéressants grâce à l'analyse structurale (qui est une méthode issue de la linguistique, ce n'est pas anodin). Et c'est là que la solution de Girard s’insère parfaitement bien, notamment.

Pas vraiment . Dans la violence et le sacré , le structuralisme de levistrauss est déconstruit . En éliminant le polymorphisme , en épurant pour aboutir à des structures , on en perd l’ensemble et la cause commune .

« Chez Levi-Strauss rien ne manque à l’exception de l’essentiel « 

http://www.rene-girard.fr/offres/doc_inline_src/57/Mythologiques+14+Tarot.pdf

 

Modifié par DroitDeRéponse
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
Il y a 4 heures, Loufiat a dit :

Girard pense que le caractère irréfréné du mimétisme (déjà au niveau neurophysiologique la proportion des neurones miroirs) et le mécanisme du bouc émissaire qui en découle sont ce qui entraîne l'espèce humaine à développer des solutions "culturelles" chaque fois spécifiques, à développer le langage et à former l'interdit de l'inceste.

Le langage, pense-t-il, parce que si l'on se projette à un stade pré-culturel et pré-langagier, le meurtre de la victime peut être l'évènement qui suscite sa constitution effective et plus généralement celle d'un symbolisme, ainsi que d'une mémoire collective : la victime et son meurtre seraient les premiers signifiés de l'histoire, la première chose que les hommes ont dû chercher à désigner, à dire et se rappeler.

Très concrètement leurs doigts ont dû pointer ces pierres où gisait la victime déchiquetée, à partir du moment où pour eux et lorsque la rage les prenait à nouveau, ce tas de pierres était associé au délire mimétique ainsi qu'à sa résolution possible dans le meurtre collectif, où la violence peut trouver libre cours et où tous convergent enfin. Ce lieu, pense Girard, ils s'y réunissent lorsqu'une crise se reproduit et/ou pour la reproduire, pour la mimer. Où se formera le sacré, qui gardera toujours ces deux faces, à la fois du plus terrible et du plus saint, de ce qu'on doit craindre et adorer par-dessus tout et d'où émaneront les interdits et les permissions, la 'loi' garante de l'équilibre des relations. (au passage, on aurait donc éclairci l'origine de la sépulture, de l'ensevelissement, etc., et ce n'est pas incompatible non plus avec les autres formes rituelles - cadavres placés en hauteur dans les arbres ou abandonnés aux bêtes...). 

Par là s'expliquerait aussi l'interdit de l'inceste, car, pense Girard, dotés du langage, tissant graduellement un réseau de symboles qui pointent vers le meurtre unificateur et dans lesquels mimétisme et violence viennent constamment se reprendre, ces groupes forment une mémoire qui retient les objets et les situations qui excitent le délire mimétique ; et ces objets et ces situations, les groupes codifient leurs rapports avec eux, ils les placent dans la perspective du sacré, sous le sceau de la loi, de l'interdit, etc. Et si la sexualité est régulée chaque fois de telle façon que les membres à l'intérieur du groupe le plus restreint ne peuvent pas être partenaires, c'est simplement parce que le désir sexuel est la source la plus immédiate, la plus commune et intarissable de rivalité.

Et on pourrait poursuivre bien plus loin encore car ceci entraîne que la victime/divinité soit réellement prise pour responsable (du mal et du bien), suivant le développement des notions de cause et d'origine... en bref, donc, on peut suivre Girard et rencontrer Nietzsche, soudain, en plein dans son analyse de la causalité, jusqu'à Kant encore, et tout relire différemment.

Ça ressemble à une version light, mieux acceptable, de l’œdipe de Freud, avec meurtre du père de la horde primitive... alliance des frères/fils coupables...

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
Il y a 1 heure, DroitDeRéponse a dit :

 

Il ne signifie pas , il implique , lui même étant la conséquence de sortir du groupe ce qui signifie sinon le retour de la violence . D’où la nécessité de le sortir du groupe , de le donner .

Mais il fonde la culture sur l’interdit de l’inceste , et fait de cet interdit une cause alors qu’il serait selon la théorie girardienne conséquence .

 

Pas vraiment . Dans la violence et le sacré , le structuralisme de levistrauss est déconstruit . En éliminant le polymorphisme , en épurant pour aboutir à des structures , on en perd l’ensemble et la cause commune .

« Chez Levi-Strauss rien ne manque à l’exception de l’essentiel « 

http://www.rene-girard.fr/offres/doc_inline_src/57/Mythologiques+14+Tarot.pdf

 

Très intéressant ton lien !

 Je vais l"éplucher à fond !

Curieusement, ces jours-ci je lisais des critiques du structuralisme et  de Lévi-Strauss... ça va m prmettre d'y voir plus clair !.....

Il y aurait un sujet plus général sur la "mode" et ses excès en philo. L'existentialisme. la phénoménologie, le structuralisme... puis un retour de la phénoménologie qui détruit le structuralisme...

N'y aurait-il pas du bon à prendre dans chacun de ces systèmes ? Plutôt que de les opposer ? Chaque philosophe construit son système pratiquement sur une seule idée centrale... Ainsi il est vrai qu'il y a des structures, importantes pour toute compréhension, mais absurde d'éliminer tout ce qui n'est pas structure et de n'accorder du sens qu'à ces structures...

Est-ce qu'ici tout ne va pas être considéré que sous l'angle du sacré ?

Bon, je vais commencer par mieux comprendre le "sacré" de Girard !...

Modifié par Blaquière
  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Un con qui marche ira plus loin qu'un intellectuel assis, 53ans Posté(e)
DroitDeRéponse Membre 90 677 messages
53ans‚ Un con qui marche ira plus loin qu'un intellectuel assis,
Posté(e)
il y a 18 minutes, Blaquière a dit :

Très intéressant ton lien !

 Je vais l"éplucher à fond !

Curieusement, ces jours-ci je lisais des critiques du structuralisme et  de Lévi-Strauss... ça va m prmettre d'y voir plus clair !.....

Il y aurait un sujet plus général sur la "mode" et ses excès en philo. L'existentialisme. la phénoménologie, le structuralisme... puis un retour de la phénoménologie qui détruit le structuralisme...

N'y aurait-il pas du bon à prendre dans chacun de ces systèmes ? Plutôt que de les opposer ? Chaque philosophe construit son système pratiquement sur une seule idée centrale... Ainsi il est vrai qu'il y a des structures, importantes pour toute compréhension, mais absurde d'éliminer tout ce qui n'est pas structure et de n'accorder du sens qu'à ces structures...

Est-ce qu'ici tout ne va pas être considéré que sous l'angle du sacré ?

Bon, je vais commencer par mieux comprendre le "sacré" de Girard !...

Jeter les pièces du puzzle ne permet pas de comprendre le puzzle . 

« Chez Levi-Strauss rien ne manque à l’exception de l’essentiel « 

Il y a donc du bon à prendre . 

Tout comme Girard ne rejette pas tout dans totem et tabou ....

 

Modifié par DroitDeRéponse
  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 35ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 589 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)
Il y a 3 heures, DroitDeRéponse a dit :

Il ne signifie pas , il implique , lui même étant la conséquence de sortir du groupe ce qui signifie sinon le retour de la violence . D’où la nécessité de le sortir du groupe , de le donner .

Oui dans un premier jet j'avais écris "implique", mais j'y suis revenu parce que ça peut laisser penser que l'interdit de l'inceste serait la cause ou la donnée première, l'"en soi", alors que dans cette analyse justement il ne serait que la conséquence, sans doute formulée tardivement, de l'expérience sans cesse renouvelée des crises ayant pour origine les rivalités pour la possession sexuelle. De plus, cet interdit implique que l'on sorte la progéniture du groupe, mais il n'implique pas par soi-même une codification des relations entre familles, clans et communautés. C'est d'ailleurs sur l'analyse de cette codification que Lévi Strauss a davantage de choses à nous apprendre que Girard.

Il y a 3 heures, DroitDeRéponse a dit :

Pas vraiment . Dans la violence et le sacré , le structuralisme de levistrauss est déconstruit . En éliminant le polymorphisme , en épurant pour aboutir à des structures , on en perd l’ensemble et la cause commune .

« Chez Levi-Strauss rien ne manque à l’exception de l’essentiel « 

http://www.rene-girard.fr/offres/doc_inline_src/57/Mythologiques+14+Tarot.pdf

Vous avez tout à fait raison, l'analyse girardienne permet dépasser les apories auxquelles le structuralisme conduit et de pointer les caractères 'logocentrique' et 'intellectualiste' de ce courant (comme de la psychanalyse). Mais enfin, vous passez un peu vite, à mon avis, sur Lévi-Strauss qui obtient des résultats spectaculaires grâce à sa méthode (c'est bien pourquoi il a suscité un tel engouement qui va ensuite provoquer déceptions et critiques : non, tout n'est pas soluble par la "structure", et il manque l'essentiel, en effet).

Voyez son travail sur les structures de la parenté et plus particulièrement sur le problème de l'avunculat, qui était un problème important de l'anthropologie classique : pourquoi partout, mais de différente façon selon les cas, la relation neveu / oncle utérin est-elle codifiée ? Pourquoi celle-là particulièrement, quand d'autres relations également familiales peuvent être libres d'interprétation ? Lévi-Strauss découvre la règle, il y en a une et elle s'applique toujours, et l'ensemble du système de parenté y est chaque fois lié. Ce n'est pas rien.  

Par contre, son structuralisme bute sur des apories. Par exemple pour lui, le langage (la fonction symbolique) doit apparaître d'un coup, et le signifié n'a aucune espèce d'importance. Alors qu'avec Girard, c'est le signifié, un signifié en particulier, qui rend possible la constitution progressive d'un langage et d'un symbolisme.

Il y a 2 heures, Blaquière a dit :

Ça ressemble à une version light, mieux acceptable, de l’œdipe de Freud, avec meurtre du père de la horde primitive... alliance des frères/fils coupables...

Tout à fait d'ailleurs Girard reprend explicitement et dans le détail l'analyse freudienne, et en développe une critique passionnante et à mon avis très juste.

Modifié par Loufiat
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 35ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 589 messages
Mentor‚ 35ans‚
Posté(e)
il y a 52 minutes, Loufiat a dit :

Alors qu'avec Girard, c'est le signifié, un signifié en particulier, qui rend possible la constitution progressive d'un langage et d'un symbolisme.

Je mets un post-il là dessus : notez que nous ne sommes pas dans le cas d'un objet matériel (le soleil par exemple, ou la lune) qui appellerait à la constitution d'un mot par répétition, puisqu'il s'agit d'un évènement, donc quelque chose d'immatériel, dont la matérialité ne vaut comme telle que pour autant qu'elle renvoie à l'évènement lui-même. Ce qui permet là encore d'envisager le dépassement de bien des apories dont la psychanalyse est particulièrement friande, autour du problème de la présence et de l'absence au sein du langage (la "re-présentation"), la relation signifié-signifiant, symbole, imaginaire et mémoire, etc.

Modifié par Loufiat
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)

Je lis le liens de DDR

Camille Tarot

Citation

On est tenté de rapprocher ces redoutables privations que s’imposent les Sherenté pendant trois
semaines
de l’autosacrifice initial des héros culturels. En tout cas, l’autosacrifice représente
une pratique sophistiquée par rapport au modèle girardien du bouc émissaire et de la victime
qui en est le substitut rituel. On est donc devant une pratique sinon déjà intériorisée, du moins
de subjectivation des comportements sacrificiels, puisque dans le cas il y a identité des
sacrifiés et des sacrifiants, chacun est le « prêtre » des sévices si universellement infligés à la
victime (comme chanter sans discontinuer) mais ici transférés sur soi-même. Or Lévi-Strauss
nous dit explicitement que le but de ces privations et sévices est d’obtenir des visions mais
aussi de réinstaurer une bonne distance avec un soleil devenu dangereux, parce que trop
proche et trop brûlant !

Il est difficile de ne pas rapprocher ce jeûne des Sherenté du jeûne du Ramadan chez les musulmans. par rapport au soleil qui doit être le témoin du jeûne (uniquement diurne).... C'est bien un rite. Et dans ce rite, le soleil tient/joue le rôle de Dieu... Devant lequel il est question de s'auto-sacrifier... On pourrait y deviner dans le soleil, le prototype ou l'origine du dieu unique des monothéismes... (Il n'y a pas incompatibilité absolue.)

N'est-ce pas dans les deux cas,une punition que l'on s'inflige sous le regard d'un dieu "qui peut être mauvais" afin de le calmer et assouvir sa "violence" et qu'il ne la poursuive plus ?

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Un con qui marche ira plus loin qu'un intellectuel assis, 53ans Posté(e)
DroitDeRéponse Membre 90 677 messages
53ans‚ Un con qui marche ira plus loin qu'un intellectuel assis,
Posté(e)

 

Citation

C'est d'ailleurs sur l'analyse de cette codification que Lévi Strauss a davantage de choses à nous apprendre que Girard.

Girard n’ayant pas pour propos d’apprendre quoique ce soit sur la codification , c’est hors de son champ d’étude. 

J’en profite pour ajouter que Girard ne s’insère pas dans le travail De Levi Strauss comme vous avez pu l’écrire puisque LV est finalement dans l’etude des briques , là où Girard étudie la maison et de l’unique point de vue assumé de la mimesis . Les deux ont leur intérêt mais le travail de l’un n’est pas englobable dans celui de l’autre , ils ne s’emboitent Pas , d’autant que LV s’inscrit dans une vision laïque et contemporaine aux seventies que rejette totalement Girard car elle n’est pas transposable aux périodes étudiées.

 

 

Modifié par DroitDeRéponse
  • Haha 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
il y a 13 minutes, DroitDeRéponse a dit :

 

Girard n’ayant pas pour propos d’apprendre quoique ce soit sur la codification , c’est hors de son champ d’étude. 

J’en profite pour ajouter que Girard ne s’insère pas dans le travail De Levi Strauss comme vous avez pu l’écrire puisque LV est finalement dans l’etude des briques , là où Girard étudie la maison et de l’unique point de vue assumé de la mimesis . Les deux ont leur intérêt mais le travail de l’un n’est pas englobable dans celui de l’autre , ils ne s’emboitent Pas , d’autant que LV s’inscrit dans une vision laïque et contemporaine aux seventies que rejette totalement Girard car elle n’est pas transposable aux périodes étudiées.

 

 

Un vision laïque ou religieuse ?!...

Là est bien le problème ! Ne peut-on pas avoir une vision laïque du religieux ?!

Bien sûr que si la vision laïque consiste à dire que le religieux n'existe pas, c'est une erreur ! Je me demande pourtant si pour vraiment comprendre le religieux il n'est pas nécessaire d'en sortir ? Le religieux ne serait pas alors un fin en soi...

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Un con qui marche ira plus loin qu'un intellectuel assis, 53ans Posté(e)
DroitDeRéponse Membre 90 677 messages
53ans‚ Un con qui marche ira plus loin qu'un intellectuel assis,
Posté(e)

 

il y a 44 minutes, Blaquière a dit :

Et dans ce rite, le soleil tient/joue le rôle de Dieu... Devant lequel il est question de s'auto-sacrifier...

Où est il question d’autosacrifice ?

 

 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Un con qui marche ira plus loin qu'un intellectuel assis, 53ans Posté(e)
DroitDeRéponse Membre 90 677 messages
53ans‚ Un con qui marche ira plus loin qu'un intellectuel assis,
Posté(e)
il y a 11 minutes, Blaquière a dit :

Un vision laïque ou religieuse ?!...

Là est bien le problème ! Ne peut-on pas avoir une vision laïque du religieux ?!

A l’epoque non , l’idée était de l’evacuer ... en même temps que Durkheim 

Maintenant si ....

Girard étudie ce religieux d’un point de vue laïque , mais pas dans une idée d’evacuation Du religieux ...

C’est ce qui lui permet de trouver la trame du schème sacrificiel dans les textes etc , car il part de ce que les narrateurs disent sans partir d’un apriori de l’absence de sens du religieux qu’il faudrait évacuer pour y plaquer un inconscient laïque et contemporain.

  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
il y a 10 minutes, DroitDeRéponse a dit :

 

Où est il question d’autosacrifice ?

 

 

Dans ce que dit Camille Tarot :

Citation

On est tenté de rapprocher ces redoutables privations que s’imposent les Sherenté pendant trois
semaines de l’autosacrifice initial des héros culturels. En tout cas, l’autosacrifice représente
une pratique sophistiquée par rapport au modèle girardien du bouc émissaire et de la victime
qui en est le substitut rituel.

Le jeûne qu'on s'impose est un forme d'autosacrifice.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)

Et si le principe fondateur du religieux, était une fois Dieu imaginé et mis en place, la peur de Dieu ?

Je vois bien le jeûne musulman et celui de ces indiens comme un rôle surjoué du parfait gamin par rapport à un père surpuissant et colérique : le gamin qui ne veut rien, ne fait rien et donc auquel on ne peut rien reprocher. Et qui en plus s'est déjà puni lui-même !...

Modifié par Blaquière
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Un con qui marche ira plus loin qu'un intellectuel assis, 53ans Posté(e)
DroitDeRéponse Membre 90 677 messages
53ans‚ Un con qui marche ira plus loin qu'un intellectuel assis,
Posté(e)

 

Citation

Je me demande pourtant si pour vraiment comprendre le religieux

On peut tout à fait , mais si par exemple on étudie un mythe , on ne peut pas dire le narrateur raconte n’importe quoi et parle avec par exemple son inconscient bla-bla-bla. Le narrateur qui prend la plume le fait consciemment en souhaitant dire .... Ne pas se placer sous un aspect religieux , rituel etc pour au final expliquer que l’auteur est incohérent car il parle avec son inconscient , autant affirmer que l’auteur n’a rien narré ...

 

Modifié par DroitDeRéponse
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
Il y a 4 heures, DroitDeRéponse a dit :

 

On peut tout à fait , mais si par exemple on étudie un mythe , on ne peut pas dire le narrateur raconte n’importe quoi et parle avec par exemple son inconscient bla-bla-bla. Le narrateur qui prend la plume le fait consciemment en souhaitant dire .... Ne pas se placer sous un aspect religieux , rituel etc pour au final expliquer que l’auteur est incohérent car il parle avec son inconscient , autant affirmer que l’auteur n’a rien narré ...

 

Ne t'énerve pas !

Mais qui a jamais dit qu'on disait n'importe quoi quand ce qu'on dit vient de notre inconscient ?

C'est justement parce que "ça" vient de l'inconscient que c'est pas n'importe quoi !

Je ne sais pas si on peut dire qu'un quidam, lui tout seul "écrit ou raconte un mythe". Pour qu'un mythe soit un mythe (et non pas un fantaisie personnelle) Il faut qu'il soit reconnu ou accepté comme mythe par "les autres". Il lui faut un caractère sinon universel, au moins général. Il ne peut pas concerner que le seul auteur. Quand Sophocle écrit son Œdipe, il part d'un problème humain déjà existant, celui de l'inceste. Ce n'est pas lui qui a "inventé" l'inceste. Il n’empêche que pour le traiter, ce thème, et avant ça de décider de le traiter, il a fallu qu'il y soit sensible consciemment et/ou inconsciemment.

Il est plus que probable que son inconscient a été à l’œuvre (à mon avis) pour ce choix. Pour être inspiré par ce thème.

D'une manière générale, je pense que pour qu'un processus fonctionne, (je pense au sacrifice, ou au bouc émissaire en particulier) et qu'il fonctionne bien, il faut qu'il trouve une certaine résonance dans chaque individu. Un entraînement. Quand bien même cette résonance serait renforcée ou induite en premier  par une forme d'instinct grégaire (mimétisme)...

C'est dans l'individu que les choses doivent se passer à mon avis.

Je pense à deux cas...

Les gens qui manifestent devant les tribunaux lors de procès de pédophiles... Je le comprends comme une manifestation (quasi violente : on les voit crier !) dont la fonction serait de "tuer la pédophilie" en eux. De se prouver en quelque sorte qu'ils ne sont pas pédophiles...

De la même façon, quand un homosexuel est tabassé, je comprends ça comme une action de ceux qui le tabassent visant à "éliminer" leur propre homosexualité (inconsciente) et se prouver qu'ils ne sont pas homosexuels... Et... le FOOTBALL ?! :smile2:

 

Le principe du bouc émissaire, fonctionne là à plein régime !... Mais il s'agit plus d'éliminer (par le média du sacrifié) des tensions "personnelles partagées" que des tensions vraiment sociales, il semblerait. (Encore que !...)

 

Modifié par Blaquière
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Un con qui marche ira plus loin qu'un intellectuel assis, 53ans Posté(e)
DroitDeRéponse Membre 90 677 messages
53ans‚ Un con qui marche ira plus loin qu'un intellectuel assis,
Posté(e)
Il y a 3 heures, Blaquière a dit :

Ne t'énerve pas !

Le fait de parler mythe ne signifie pas faire dans la mytho 

Il y a 3 heures, Blaquière a dit :

Mais qui a jamais dit qu'on disait n'importe quoi quand ce qu'on dit vient de notre inconscient ?

Quand on narre une histoire , le narrateur a une intention , raconte . Mettre l’histoire à la poubelle au motif que des siècles plus tard on saurait qu’il ne voulait pas dire ce qu’il dit sans le connaître , sans l’avoir analysé , tu y crois vraiment ?

C’est intéressant car c’est un des points d’achoppement qui fait que Girard n’a guère eu d’écho en France , car il va à l’encontre de Papa Freud et considère qu’il faut prendre en compte ce que dit le narrateur et non ce que l’on croit avec notre pensée moderne que l’auteur aurait dit inconsciemment. 

Il y a 3 heures, Blaquière a dit :

C'est justement parce que "ça" vient de l'inconscient que c'est pas n'importe quoi !

Il faudrait déjà prouver que quand un narrateur écrit A il y a X siècles en fait il voulait dire B .

Il y a 3 heures, Blaquière a dit :

Je ne sais pas si on peut dire qu'un quidam, lui tout seul "écrit ou raconte un mythe". Pour qu'un mythe soit un mythe (et non pas un fantaisie personnelle) Il faut qu'il soit reconnu ou accepté comme mythe par "les autres".

Peu importe il y a une narration . Mythe ou pas mythe . Le texte de Michaut sur la peste noire n’est pas un mythe .

Il y a 3 heures, Blaquière a dit :

Il lui faut un caractère sinon universel, au moins général. Il ne peut pas concerner que le seul auteur. Quand Sophocle écrit son Œdipe, il part d'un problème humain déjà existant, celui de l'inceste. Ce n'est pas lui qui a "inventé" l'inceste. Il n’empêche que pour le traiter, ce thème, et avant ça de décider de le traiter, il a fallu qu'il y soit sensible consciemment et/ou inconsciemment.

Il est intéressant de constater que l’inceste est une accusation classique dont est affublé le bouc émissaire , y compris le roi africain de certaines tribus au moment du sacre. Quant à l’inconscient il est inutile , dans l’Oedipe roi , Sophocle narre bel et bien un inceste , mais Œdipe est accusé d’un crime alors qu’il ne sait pas qu’il a commis l’inceste ....

Il y a 3 heures, Blaquière a dit :

Il est plus que probable que son inconscient a été à l’œuvre (à mon avis) pour ce choix. Pour être inspiré par ce thème.

Pourquoi donc ?

Le thème est un classique 

Il y a 3 heures, Blaquière a dit :

D'une manière générale, je pense que pour qu'un processus fonctionne, (je pense au sacrifice, ou au bouc émissaire en particulier) et qu'il fonctionne bien, il faut qu'il trouve une certaine résonance dans chaque individu. Un entraînement. Quand bien même cette résonance serait renforcée ou induite en premier  par une forme d'instinct grégaire (mimétisme)...

C'est dans l'individu que les choses doivent se passer à mon avis.

Je pense à deux cas...

Les gens qui manifestent devant les tribunaux lors de procès de pédophiles... Je le comprends comme une manifestation (quasi violente : on les voit crier !) dont la fonction serait de "tuer la pédophilie" en eux. De se prouver en quelque sorte qu'ils ne sont pas pédophiles...

Un pedophile n’est pas bouc émissaire s’il est pedophile .Et les gens manifestant pour la condamnation d’un pedophile , n’aiment peut être tout simplement pas la pedophilie . J’ai moi même du mal avec ça . Pas besoin de l’inconscient pour ça . La projection la plus probable c’est qu’il projette dans la victime un proche et c’est juste insupportable 

 

 

Il y a 3 heures, Blaquière a dit :

Mais il s'agit plus d'éliminer (par le média du sacrifié) des tensions "personnelles partagées" que des tensions vraiment sociales, il semblerait. (Encore que !...)

 

Comparer le cas du pedophile et de l’homo me paraît douteux . Cf explication supra . Par contre l’homo peut effectivement avoir un profil de bouc émissaire : il est dans le groupe mais différent et on pouvait aisément l’affubler d’un caractère “monstrueux” , un bon candidat . Contrairement à ton pedophile par ailleurs il est innocent . Le propre du bouc émissaire .

 

 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Annonces
Maintenant

Rejoindre la conversation

Vous pouvez publier maintenant et vous inscrire plus tard. Si vous avez un compte, connectez-vous maintenant pour publier avec votre compte.

Invité
Répondre à ce sujet…

×   Collé en tant que texte enrichi.   Coller en tant que texte brut à la place

  Seulement 75 émoticônes maximum sont autorisées.

×   Votre lien a été automatiquement intégré.   Afficher plutôt comme un lien

×   Votre contenu précédent a été rétabli.   Vider l’éditeur

×   Vous ne pouvez pas directement coller des images. Envoyez-les depuis votre ordinateur ou insérez-les depuis une URL.

Chargement

×