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« Boire un grand bol de sommeil noir... »

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satinvelours

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Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 118 messages
Forumeur expérimenté‚
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Il y a 6 heures, Blaquière a dit :

Pourquoi "dans une girouette"?

J'imagine que la girouette fait partie chez Lorca de ces objets symboliques qui, comme la guitare d'ailleurs, anime le coeur du poète en maintenant une tension du mouvement qui seul permet de ressentir dans sa totalité la plénitude du monde. C'est ce qui fait se mouvoir son coeur et sa chair au plus profond de lui-même. La girouette tourne les pages du livre du temps, et rien ne doit être fixé, conceptualisé, systématisé. La girouette doit faire tourner son coeur jusqu'à le conduire au temps de la création poétique, laquelle permet de recréer l'intensité d'expériences passées et la profondeur de sentiments fluctuants.

Ce thème de la girouette est abordé dans deux des poèmes de jeunesse de Lorca intitulés "Girouette" et "La girouette tombée".

http://espacesinstants.blog.tdg.ch/tag/girouette

Dans "La girouette tombée" (ou "La girouette gisante"), le poète se différencie d'une part, puis s'identifie à la girouette :

https://ciudadseva.com/texto/la-veleta-yacente/

 

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
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Le crime a eu lieu à Grenade

 

On l’a vu marcher entouré de fusils

dans une grande rue.

Il est sorti dans la campagne froide

sous les étoiles du petit matin.

Ils ont tué Federico

quand la lumière est apparue.

 

Le peloton d'exécution

n’a pas osé regarder son visage.

Tous ont fermé les yeux ;

Ils ont prié : « Que Dieu t’oublie ! »

Federico est tombé mort

Du sang sur le front et du plomb dans les entrailles—

...Sachez que le crime a eu lieu à Grenade

—Pauvre Grenade !— Dans SA Grenade.

 

 

J'ai changé "le peloton des bourreaux" en "peloton d'exécution", (évidemment !)

le relisant, je pense à la devise antique : "rien de trop"..."que Dieu t'oublie" est bien mais me semble faible. "Que Dieu te rejette"? "rejette" c'est pas beau comme sons...

 

 

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)

J'ai trouvé cet autre petit poème de Lorca sur la guitare qui a mon avis dit beaucoup.

Las seis cuerdas (Oui, Tison !)

Federico García Lorca

La guitarra
hace llorar a los sueños.
El sollozo de las almas
perdidas
se escapa por su boca
redonda.
Y como la tarántula,
teje una gran estrella
para cazar suspiros,
que flotan en su negro
aljibe de madera.

 

Et j'ai demandé à Google de traduire cette fois, je fais justes qq modifications :

 

Les six cordes

Federico García Lorca

La guitare
fait pleurer les rêves.
Le sanglot des âmes
perdues
s'échappe de sa bouche
ronde.
Et comme la tarentule,
elle tisse une grande étoile
pour chasser les soupirs,
qui flottent dans son ventre
de bois noir.

 

(Je reste sidéré par cette image de tarentule ! Je la "vois" cette tarentule qui sort de la guitare !)

 

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Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)
 

Fusilamiento

Van a fusilar 
a un hombre que tiene los brazos atados. 
Hay cuatro soldados 
para disparar. 
Son cuatro soldados 
callados, 
que están amarrados, 
lo mismo que el hombre amarrado que van a matar.

—¿Puedes escapar? 
—¡No puedo correr! 

—¡Ya van a tirar! 
—¡Qué vamos a hacer! 
—Quizá los rifles no estén cargados... 
—¡Seis balas tienen de fiero plomo! 
—¡Quizá no tiren esos soldados! 
—¡Eres un tonto de tomo y lomo!

Tiraron. 
(¿Cómo fue que pudieron tirar?) 
Mataron. 
(¿Cómo fue que pudieron matar?) 
Eran cuatro soldados 
callados, 
y les hizo una seña, bajando su sable, 
un señor oficial; 
eran cuatro soldados 
atados, 
lo mismo que el hombre que fueron 
los cuatro a matar.

Nicolás Guillém poète cubain
(Poème extrait de Sóngoro Cosongo y otras poemas).

 

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Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Puñal

El puñal
entra en el corazón,
como la reja del arado
en el yermo.


No.
No me lo claves.
No.

El puñal,
como un rayo de sol,
incendia las terribles
hondonadas.

No.
No me lo claves.

No.

(Toujours Federico, toujours El cante jondo)

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Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 118 messages
Forumeur expérimenté‚
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Il y a 3 heures, Blaquière a dit :

 

(Je reste sidéré par cette image de tarentule ! Je la "vois" cette tarentule qui sort de la guitare !)

 

Et puis la tarentule évoque aussi la tarentelle, danse endiablée de Naples ; l'agitation provoquée par le tarentisme n'est pas sans rappeler ce fameux duende ou état second dont nous avons parlé supra.

"Las seis cuerdas" fait partie d'un ensemble de poèmes intitulé "Graphique de la petenera", la petenera faisant également partie du répertoire des chants flamencos les plus profonds. 

A noter qu'en espagnol, la rosace (de la guitare) se dit la boca de la guitarra.

* * *

Un autre poème consacré à la guitare :

 

Adivinanza de la guitarra-Seis caprichos

En la redonda 
encrucijada, 
seis doncellas 
bailan. 
Tres de carne 
y tres de plata. 
Los sueños de ayer las buscan 
pero las tiene abrazadas, 
un Polifemo de oro. 
¡La guitarra!

 

Devinette de la guitare-Six caprices

 

Au carrefour 

rond,

six vierges

dansent.

Trois de chair

et trois d'argent.

Les rêves d'hier les cherchent

mais ils les tiennent enlacées,

Polyphème d'or.

La guitare !

 

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Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 118 messages
Forumeur expérimenté‚
Posté(e)
il y a 27 minutes, satinvelours a dit :

Puñal

El puñal
entra en el corazón,
como la reja del arado
en el yermo.


No.
No me lo claves.
No.

El puñal,
como un rayo de sol,
incendia las terribles
hondonadas.

No.
No me lo claves.

No.

(Toujours Federico, toujours El cante jondo)

 

"Puñal" fait partie des poèmes intitulés "Poème de la soleá", la soleá étant, avec la siguiriya, le style flamenco le plus profond.

Traduction par André Belamich (Poésies II, Gallimard) :

 

Poignard

 

Le poignard

entre dans le coeur,

comme un soc de charrue

dans le désert.

 

Non.

Ne le cloue pas dans ma chair.

Non.

 

Le poignard,

comme un rais de soleil,

incendie les terribles 

profondeurs.

 

Non.

Ne le cloue pas dans ma chair.

Non.

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Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Alba
Campanas de Córdoba
en la madrugada.
Campanas de amanecer
en Granada.
Os sienten todas las muchachas
que lloran a la tierna
soleá enlutada.
Las muchachas
de Andalucía la alta
y la baja.
Las niñas de España
de pie menudo
y temblorosas faldas,
que han llenado de luces
las encrucijadas.
¡Oh, campanas de Córdoba
en la madrugada.
y oh, campanas de amanecer
en Granada!

 

Celui-ci aussi, que j'aime,  fait partie de Poema de la soleá. toujours aussi beau.
 

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
Il y a 4 heures, satinvelours a dit :
 

Fusilamiento

Van a fusilar 
a un hombre que tiene los brazos atados. 
Hay cuatro soldados 
para disparar. 
Son cuatro soldados 
callados, 
que están amarrados, 
lo mismo que el hombre amarrado que van a matar.

—¿Puedes escapar? 
—¡No puedo correr! 

—¡Ya van a tirar! 
—¡Qué vamos a hacer! 
—Quizá los rifles no estén cargados... 
—¡Seis balas tienen de fiero plomo! 
—¡Quizá no tiren esos soldados! 
—¡Eres un tonto de tomo y lomo!

Tiraron. 
(¿Cómo fue que pudieron tirar?) 
Mataron. 
(¿Cómo fue que pudieron matar?) 
Eran cuatro soldados 
callados, 
y les hizo una seña, bajando su sable, 
un señor oficial; 
eran cuatro soldados 
atados, 
lo mismo que el hombre que fueron 
los cuatro a matar.

Nicolás Guillém poète cubain
(Poème extrait de Sóngoro Cosongo y otras poemas).

 

Classer dans la même catégorie (comme victime) le fusillé et ceux qui fusillent, le seul coupable étant celui qui commande, le chef... On voudrait ça...

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Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 118 messages
Forumeur expérimenté‚
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Le 21/11/2018 à 13:42, satinvelours a dit :

Alba
Campanas de Córdoba
en la madrugada.
Campanas de amanecer
en Granada.
Os sienten todas las muchachas
que lloran a la tierna
soleá enlutada.
Las muchachas
de Andalucía la alta
y la baja.
Las niñas de España
de pie menudo
y temblorosas faldas,
que han llenado de luces
las encrucijadas.
¡Oh, campanas de Córdoba
en la madrugada.
y oh, campanas de amanecer
en Granada!

 

Celui-ci aussi, que j'aime,  fait partie de Poema de la soleá. toujours aussi beau.
 

Traduction, Poésies II, Gallimard

 

AUBE

 

Cloches de Cordoue

dans le petit jour.

Cloches de l'aube

à Grenade.

Toutes les filles vous entendent,

qui pleurent la tendre

soleá endeuillée. 

Les jeunes filles

de la basse

et de la haute Andalousie.

Les filles d'Espagne,

au pied menu, 

aux jupes frémissantes,

qui ont mis des lumières

à tous les carrefours.

Oh ! cloches de Cordoue

dans le petit jour, 

et vous, cloches de l'aube

à Grenade !

 

Sur le moment, il m'a semblé difficile de commenter ce poème, même si l'on est saisi inexplicablement par sa beauté et sa musicalité. Ce poème peut surprendre par l'absence de personnifications, de métaphores extraordinaires ou d'objets fétiches auxquels nous a habitué Lorca. Mais ce poème demeure typiquement lorquien parce qu'il est écrit avec les cinq sens et pour les cinq sens : il entre par les yeux et les oreilles. C'est merveille de voir toutes ces filles, si petites et fragiles, mettre des lumières aux carrefours de Cordoue, puis de toute l'Andalousie, puis de toute l'Espagne ! Le poète réagit comme un enfant ("Oh !") devant pareille illumination, les lumières cédant le pas à l'obscurité de la nuit suggérée par les lamentations de la soleá "endeuillée" chantée par les filles. Voilà ! Lorca, c'est le poète du merveilleux, baigné jusqu'à sa mort par les berceuses de sa tendre enfance ! Pourquoi donc cet ordre décroissant : Cordoue d'abord (haute Andalousie) puis Malaga (basse Andalousie), jusqu'au reste de l'Espagne ? Peut-être en souvenir du passé historique et culturel de l'ancienne capitale des Maures et de l'influence de la poésie arabe de l'époque dont certains thèmes vont coïncider avec le pathétisme viscéral des Andalous.

Bien sûr, le lecteur peut simplement se laisser aller aux émotions que lui inspirent le poème. Mais personnellement, j'éprouve peut-être à tort le besoin de chercher aussi à comprendre, dans la mesure du possible, les motifs ayant pu guider les paroles du poète. Dans ce cas, rien de tel que d'écouter ce que le poète a pu écrire sur sa poésie. Lorca fit de nombreuses conférences sur le Cante Jondo et son architecture, le Romancero Gitano, l'image poétique de Góngora, sur les berceuses enfantines, sur la théorie et le jeu du duende
Sa conférence sur le duende est disponible en français : https://cboisnardphotographies.files.wordpress.com/2012/10/jeu-et-thc3a9orie-du-duende-traduction-avec-rc3a9fc3a9rences9.pdf

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
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Je n'ai lu que quelques pages de cette "conférence" de Lorca pour le moment, mais je veux le dire tout de suite : c'est magnifique !

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tison2feu Membre 3 118 messages
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il y a 43 minutes, Blaquière a dit :

Je n'ai lu que quelques pages de cette "conférence" de Lorca pour le moment, mais je veux le dire tout de suite : c'est magnifique !

Le titre de la conférence où figure le mot "théorie" pourrait en effet induire en erreur. Chacune des conférences de Lorca est en réalité un chef-d'oeuvre de prose poétique !

Tu vas découvrir que Lorca considérait ce duende comme étant pas si éloigné du daimon d'Aristote ou même du génie selon Descartes !!

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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SEVILLA

Sevilla es una torre
llena de arqueros finos.

Sevilla para herir,
Córdoba
para morir.

Una ciudad que acecha
largos ritmos,
y los enrosca
como laberintos.
Como tallos de parra
encendidos.

Sevilla para herir.

Bajo el arco del cielo,
Sobre su llano limpio,
dispara la constante
saeta de su río.

Córdoba para morir.

Y loca de horizonte
mezcla en su vino,
lo amargo de don Juan
y lo perfecto de Dionisio.

Sevilla para herir.
¡Siempre Sevilla para herir!

 

Poème de la saeta.
La saeta est un chant bref, lancé, crié presque, au passage de la statue du Christ lors des procession de semaine sainte : impressionnant il troue de sa flèche le silence de la foule. (Poésies II)

 

Traduction : Pierre Darmangeat

Séville

 Séville est une tour
Pleine de fins archers.

Séville pour blesser
Cordoue pour y mourir.

Une ville qui épie
De longues cadences,
Et qui les enroule
Comme des labyrinthes.
Comme des sarments
Enflammés.

Séville pour blesser !

Sous l’arche du ciel,
Sur sa plaine limpide,
Elle décoche la constante
Flèche de son fleuve.

Cordoue pour y mourir.

Et, folle d’horizons,
Elle mêle à son vin
L’amertume de Don Juan,
La perfection de Dionysos.

Séville pour blesser
Toujours Séville pour blesser !

 (Rien ne vaut le texte original, même si la traduction ne trahit pas)

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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La soleá


Vestida con mantos negros 
piensa que el mundo es chiquito 
y el corazón es inmenso. 

 Vestida con mantos negros. 

Piensa que el suspiro tierno, 
y el grito, desaparecen 
en la corriente del viento. 

 Vestida con mantos negros. 

 Se dejó el balcón abierto 
y al alba por el balcón 
desembocó todo el cielo. 

 ¡Ay yayayayay, 
que vestida con mantos negros!


 

La soleá ( transcription de la prononciation andalouse de soledad, solitude, nostalgie, et prénom féminin) est un chant mélancolique, accompagné de parole et de danse (Poésies II).

 

Traduction : toujours par Pierre Darmangeat

 

Vêtue de voiles noirs
Elle pense que le monde est bien petit
Et que le cœur est immense.

 Vêtue de voiles noirs.

 Elle pense que le tendre soupir
Et le cri, disparaissent
Dans le courant du vent

 Vêtue de voiles noirs.

 On a laissé le balcon ouvert,
Et à l’aube, par le balcon
Tout le ciel s’est jeté.

 Aïe ! Aaah !...
Vêtue, oui, de voiles noirs !

 

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tison2feu Membre 3 118 messages
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Le 27/11/2018 à 13:10, satinvelours a dit :

La soleá


Vestida con mantos negros 
piensa que el mundo es chiquito 
y el corazón es inmenso. 

 Vestida con mantos negros. 

Piensa que el suspiro tierno, 
y el grito, desaparecen 
en la corriente del viento. 

 Vestida con mantos negros. 

 Se dejó el balcón abierto 
y al alba por el balcón 
desembocó todo el cielo. 

 ¡Ay yayayayay, 
que vestida con mantos negros!


 

La soleá ( transcription de la prononciation andalouse de soledad, solitude, nostalgie, et prénom féminin) est un chant mélancolique, accompagné de parole et de danse (Poésies II).

 

Traduction : toujours par Pierre Darmangeat

 

Vêtue de voiles noirs
Elle pense que le monde est bien petit
Et que le cœur est immense.

 Vêtue de voiles noirs.

 Elle pense que le tendre soupir
Et le cri, disparaissent
Dans le courant du vent

 Vêtue de voiles noirs.

 On a laissé le balcon ouvert,
Et à l’aube, par le balcon
Tout le ciel s’est jeté.

 Aïe ! Aaah !...
Vêtue, oui, de voiles noirs !
 

On peut noter, dans ce autre poème consacré à la soleá, la présence du mot "tierno" (tendre), que nous avions déjà rencontré dans le poème intitulé Alba, pour qualifier ce style de cante jondo plus mélancolique, en effet, et moins rude que la siguiriya.

Ci-dessous une video Youtube, où la gitane María la Sabina interprète une soleá traditionnelle avec beaucoup de tendre émotion : 

https://www.youtube.com/watch?v=ZqxnO0QooYE

 

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tison2feu Membre 3 118 messages
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ROMANCE DE LA LUNA, LUNA (Romancero Gitano)

A Conchita García Lorca

La luna vino a la fragua
con su polisón de nardos.
El niño la mira, mira.
El niño la está mirando.
En el aire conmovido
mueve la luna sus brazos
y enseña, lúbrica y pura,
sus senos de duro estaño.
Huye luna, luna, luna.
Si vinieran los gitanos,
harían con tu corazón
collares y anillos blancos.
Niño, déjame que baile.
Cuando vengan los gitanos,
te encontrarán sobre el yunque
con los ojillos cerrados.
Huye luna, luna, luna,
que ya siento sus caballos.
Niño, déjame, no pises
mi blancor almidonado.

El jinete se acercaba
tocando el tambor del llano.
Dentro de la fragua el niño,
tiene los ojos cerrados.

Por el olivar venían,
bronce y sueño, los gitanos.
Las cabezas levantadas
y los ojos entornados.

Cómo canta la zumaya,
¡ay, cómo canta en el árbol!
Por el cielo va la luna
con un niño de la mano.

Dentro de la fragua lloran,
dando gritos, los gitanos.
El aire la vela, vela.
El aire la está velando.

Chaque poème du Romancero gitano se déroule comme un court métrage où l'action dramatique a un commencement, un milieu plein de suspens, et une fin. Ici, Lorca veut créer un mythe de toutes pièces. Un enfant, se trouvant entre la vie et la mort, est attiré par la beauté de la lune, laquelle est en réalité la mort personnifiée. Séduit par tant de beauté, l'enfant touche la lune, et meut aussitôt. L'on ne peut atteindre la beauté que dans la mort. Le lieu de l'action est une forge, où les gitans exercent leur métier. Dans les "chants de la forge", qui figurent parmi les plus profonds et les plus déchirants du répertoire flamenco, s'exprime toute la souffrance qu'il soit donné à un être humain d'endurer. Le martinete est chanté a capella au rythme lent du marteau sur l'enclume.

Un martinete interprété ici par le cantaor gitan Samuel Serrano https://www.youtube.com/watch?v=-zT6nV3UKvA (A noter que le chanteur garde "la tête haute", à l'instar du cavalier gitan de Lorca).

 

Traduction du poème par André Bellamich (Poésies, II) :
 

Romance de la lune

 

La lune vint à la forge

avec ses volants nards.

L'enfant, les yeux grands ouverts,

la regarde la regarde.

Dans la brise qui s'émeut,

la lune bouge les bras,

dévoilant, lascive et pure,

ses seins blancs de dur métal.

Va-t'en, lune, lune, lune.

Si les gitans arrivaient,

ils feraient avec ton coeur

bagues blanches et colliers.

Enfant, laisse-moi danser.

Quand viendront les cavaliers,

ils te verront sur l'enclume

étendu, les yeux fermés.

Va-t'en, lune, lune, lune.

je les entends chevaucher.

Enfant, laisse-moi, tu froisses

ma blancheur amidonnée.

 

Battant le tambour des plaines

approchait le cavalier.

Dans la forge silencieuse

gît l'enfant, les yeux fermés.

 

Par l'olivette venaient,

bronze et rêve, les gitans,

chevauchant la tête haute

et le regard somnolent.

 

Comme chante sur son arbre,

comme chante la chouette !

Dans le ciel marche la lune

tenant l'enfant par la main.

 

Autour de l'enclume pleurent

les gitans désespérés. 

La brise qui veille, veille,

la brise qui fait la veillée.
 

Ce poème a été mis en chanson par le chanteur espagnol Paco Ibañez, au timbre de voix si merveilleux ! Cette chanson, au rythme vif et marqué, contraste du tout au tout avec la lenteur du martinete ; elle met particulièrement en valeur le rythme assonancé du poème de Lorca : 

https://www.youtube.com/watch?v=HwJKOsY_dw0

 

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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CANCIÓN DEL JINETE -

Córdoba. 
Lejana y sola. 

Jaca negra, luna grande, 
y aceitunas en mi alforja. 
Aunque sepa los caminos 
yo nunca llegaré a Córdoba. 

Por el llano, por el viento, 
jaca negra, luna roja. 
La muerte me está mirando 
desde las torres de Córdoba. 

¡Ay qué camino tan largo! 
¡Ay mi jaca valerosa! 
¡Ay, que la muerte me espera, 
antes de llegar a Córdoba! 

Córdoba. 
Lejana y sola.

 

Ce poème fait partie  des Canciones Andaluzas. 

 

Traductions


Chanson de cavalier

 Cordoue
Lointaine et seule.

Jument noire, lune grande
Olives dans ma besace.
Bien que je sache la route
Je n’atteindrai pas Cordoue.

Par la plaine, par le vent,
Jument noire, lune rouge.
La mort approche, me guette,
Depuis les tours de Cordoue.

 Ah, que le chemin est long !
Ah, que ma jument a du courage !
Ah, que la mort m’attende
Avant d’atteindre Cordoue !

Cordoue.
Lointaine et seule.


 

Cordoue
Lointaine et seule.

Lune grande, jument noire,
Olives dans le bissac 

J’ai beau connaître la route
Je n’atteindrai pas Cordoue.

Par la plaine, par le vent,
Jument noire, lune rouge,
La mort tout là-bas me guette
Depuis les tours de Cordoue.

Ah ma jument valeureuse
Quelle interminable course !
Je sais que la mort m’attend
Sur le chemin de Cordoue !

Cordoue
Lointaine est seule.

 

Deux traductions. Les différences sont infimes, mais elles montrent combien traduire est difficile. 

L’une, la première, est de Catherine Réault-Crosnier, la seconde d’André Belamich. Je laisse au lecteur l’appréciation de l’une ou l’autre.

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tison2feu Membre 3 118 messages
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Il y a 5 heures, satinvelours a dit :

CANCIÓN DEL JINETE -

Córdoba. 
Lejana y sola. 

Jaca negra, luna grande, 
y aceitunas en mi alforja. 
Aunque sepa los caminos 
yo nunca llegaré a Córdoba. 

Por el llano, por el viento, 
jaca negra, luna roja. 
La muerte me está mirando 
desde las torres de Córdoba. 

¡Ay qué camino tan largo! 
¡Ay mi jaca valerosa! 
¡Ay, que la muerte me espera, 
antes de llegar a Córdoba! 

Córdoba. 
Lejana y sola.

 

Ce poème fait partie  des Canciones Andaluzas. 

 

Traductions


Chanson de cavalier

 Cordoue
Lointaine et seule.

Jument noire, lune grande
Olives dans ma besace.
Bien que je sache la route
Je n’atteindrai pas Cordoue.

Par la plaine, par le vent,
Jument noire, lune rouge.
La mort approche, me guette,
Depuis les tours de Cordoue.

 Ah, que le chemin est long !
Ah, que ma jument a du courage !
Ah, que la mort m’attende
Avant d’atteindre Cordoue !

Cordoue.
Lointaine et seule.


 

Cordoue
Lointaine et seule.

Lune grande, jument noire,
Olives dans le bissac 

J’ai beau connaître la route
Je n’atteindrai pas Cordoue.

Par la plaine, par le vent,
Jument noire, lune rouge,
La mort tout là-bas me guette
Depuis les tours de Cordoue.

Ah ma jument valeureuse
Quelle interminable course !
Je sais que la mort m’attend
Sur le chemin de Cordoue !

Cordoue
Lointaine est seule.

 

Deux traductions. Les différences sont infimes, mais elles montrent combien traduire est difficile. 

L’une, la première, est de Catherine Réault-Crosnier, la seconde d’André Belamich. Je laisse au lecteur l’appréciation de l’une ou l’autre.

Merci pour la présentation de cette double traduction qui permet de noter les limites de toute traduction tant sur le fond que sur la forme.

Sur le fond, le simple fait de déplacer l'ordre des objets décrits me semble trahir la volonté du poète. Par exemple, A. Belamich juge bon de traduire le 3e vers Jaca negra, luna grande par "Lune grande, jument noire". Or, Lorca semble faire d'abord un gros plan sur la jument (comme pour attirer notre attention), et ce dans chaque quatrain, parce qu'il s'agit d'un élément fixe, d'un point de repère invariable, contrairement à la lune qui, elle, va changer de couleur au fur et à mesure que nous nous rapprochons de Cordoue.

Sur la forme, la traduction est ici une perte inestimable puisque ce poème est assonancé à la fin de chaque vers pair. Non seulement, l'assonance régulière O-A évoque la cadence adoptée et conservée courageusement par la jument en dépit de la longueur du trajet. Mais par surcroît, il ne fait aucun doute que c'est la ville de destination, à savoir Córdoba, qui est à l'origine du choix même de cette assonance en O-A : CÓRDOBA (C'est le premier Ó portant l'accent tonique qui prime sur le O suivant). 

Assonance O-A dans les mots suivants : sola / alforja / Córdoba / roja / Córdoba / valerosa / Córdoba /sola

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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il y a une heure, tison2feu a dit :

Merci pour la présentation de cette double traduction qui permet de noter les limites de toute traduction tant sur le fond que sur la forme.

Sur le fond, le simple fait de déplacer l'ordre des objets décrits me semble trahir la volonté du poète. Par exemple, A. Belamich juge bon de traduire le 3e vers Jaca negra, luna grande par "Lune grande, jument noire". Or, Lorca semble faire d'abord un gros plan sur la jument (comme pour attirer notre attention), et ce dans chaque quatrain, parce qu'il s'agit d'un élément fixe, d'un point de repère invariable, contrairement à la lune qui, elle, va changer de couleur au fur et à mesure que nous nous rapprochons de Cordoue.

Sur la forme, la traduction est ici une perte inestimable puisque ce poème est assonancé à la fin de chaque vers pair. Non seulement, l'assonance régulière O-A évoque la cadence adoptée et conservée courageusement par la jument en dépit de la longueur du trajet. Mais par surcroît, il ne fait aucun doute que c'est la ville de destination, à savoir Córdoba, qui est à l'origine du choix même de cette assonance en O-A : CÓRDOBA (C'est le premier Ó portant l'accent tonique qui prime sur le O suivant). 

Assonance O-A dans les mots suivants : sola / alforja / Córdoba / roja / Córdoba / valerosa / Córdoba /sola

Je ne peux que vous remercier pour votre brillante analyse. Je vois que, comme moi, certaines traductions ne vous satisfont pas. Je dis toujours : traduire c'est trahir. Et là vous venez d'en faire l’éclatante  démonstration. 
 

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