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Les mythes grecs selon Robert Graves


sovenka

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Membre, Oiseau de nuit, pays Union européenne, 42ans Posté(e)
sovenka Membre 8 464 messages
42ans‚ Oiseau de nuit, pays Union européenne,
Posté(e)

Robert GRAVES : (1895-1985), poète et romancier britannique. Sa connaissance des mythes européens lui permit d'écrire de nombreux livres.

Celui intitulé Les Mythes grecs est celui qui m'intéresse.

Dans cet ouvrage, l'auteur nous livre une interprétation des mythes grecs bien différente de celles d'illustres psychanalystes comme Freud ou Jung, et c'est intéressant parce que cela remet totalement en question les théories de ces derniers.

Freud a vu dans les personnages de la mythologie des représentations infantiles des parents, y a décelé des désirs incestueux et des psychoses. Son analyse s'y limite au symbolisme sexuel.

Jung, pour sa part, considère que des monstres tels que le sphinx, les gorgones, les centaures, les satyres, etc. sont des manifestations de l'inconscient collectif, et les mythes des manifestations de la psyché préconsciente ou des révélations incontrôlées d'évènements psychiques inconscients. Pour lui, instincts et archétypes constituent l'inconscient qu'il appelle collectif parce que ses contenus sont universels et apparaissent régulièrement, tandis que ceux de l'inconscient personnel sont plus ou moins uniques et ne se reproduisent pas.

Pour Robert Graves, il en va tout autrement : il a constaté que la mythologie grecque se composait pour une grande part d'éléments politico-religieux : la Titanomachie, Bellérophon s'emparant de Pégase, puis tuant la Chimère, Persée décapitant la Méduse, etc. Il semble reconnaître au travers de ces héros ces Hellènes patriarcaux qui ont envahi la Grèce et l'Asie mineure au début du second millénaire avant J.C., et ont revendiqué les pouvoirs des déesses locales pour leurs propres divinités masculines, un peu comme les missionnaires européens ont pu le faire aux Amériques, dans le Pacifique ou en Afrique.

Jane Harrison*, dans Prolégomènes à l'étude de la religion des Grecs, fait d'ailleurs remarquer que Méduse, dont une représentation fort ancienne fut retrouvée en Béotie, était une déesse protégeant ses mystères des profanes en se dissimulant derrière un masque hideux.

Les Hellènes, après avoir conquis ces contrées peuplées de sociétés matriarcales, s'emparèrent également des autels de leurs déesses. Graves parle d'icônotropie (détournement d'icônes) : les divinités féminines du pays conquis ne sont pas supprimées mais s'effacent sous la prédominance des divinités masculines du conquérant par le truchement de légendes, par exemple en perdant un combat, en les épousant ou en devenant leur maîtresse. Bref, ces récits ne seraient rien d'autre que des réalités historiques de toute une phallocratie guerrière prenant le pouvoir sur des théocraties féminines et abolissant la tradition matrilinéaire remontant à la Préhistoire.

Quelques exemples :

Héra : son culte remonte à bien avant l'arrivée des Hellènes. Son mariage forcé avec Zeus commémore les conquêtes de la Crète et de la Grèce mycénienne. Il existe une version où Zeus la viole, et elle en éprouve tant de honte qu'elle accepte de l'épouser. Une autre version est tout aussi intéressante : Zeus s'aperçoit lors de la nuit de noces qu'elle n'est pas vierge et apprend que le Titan Eurymédon (= Grande Loi) l'a possédée avant lui. Freud voit dans les rapports houleux entre Zeus et Héra le pouvoir du père sans cesse menacé par la mère castratrice. Graves estime qu'ils peuvent illustrer ceux qui existaient dans une société où les femmes ont été dépossédées de leurs pouvoirs, réduites à l'état de propriétés.

Apollon : son combat contre Python aboutissant à la destruction du serpent monstrueux semble être le récit de la prise du temple crétois de la déesse-Terre par les Achéens, toujours selon Graves. Au sujet de la poursuite de la nymphe Daphné qui se métamorphose en laurier pour échapper aux ardeurs du dieu, Freud estime que ce mythe symbolise l'horreur instinctive de la jeune fille pour l'acte sexuel. Graves note quant à lui que son nom -Daphné- ne saurait être celui d'une pucelle effarouchée : il s'agit en effet d'une contraction de Daphoene (= la Sanguinaire), déesse au tempérament orgiaque dont les prêtresses -les Ménades (qu'on pourrait traduire par "délirantes", "furieuses")- mâchaient les nuits de pleine lune des feuilles de laurier riches en cyanure de potassium pour s'exciter avant de se lancer à travers bois et champs et se livrer à de sanglantes agressions.

Les Hellènes mirent fin à ce culte et restreignirent la consommation de laurier à l'usage des pythonisses au service d'Apollon au temple de Delphes.

Zeus avalant Métis : Graves y voit la suppression du culte de Métis, déesse archaïque de la sagesse, par les vainqueurs Achéens au profit de leur dieu patriarcal Zeus, dont ils voulaient comme unique détenteur de la sagesse.

Les temples d'Athéna, autre déesse de la sagesse, ont selon Graves été épargnés à la seule condition que ses fidèles acceptent la souveraineté absolue de Zeus, qui devint son père en l'accouchant par la cuisse ou la tête selon les versions.

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Selon vous, qui a eu raison concernant ces mythes : les poids lourds de la psychanalyse ou bien Robert Graves ?

 

 

les-mythes-grecs-robert-graves.jpg

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Membre, Obsédé textuel, 73ans Posté(e)
Gouderien Membre 38 317 messages
73ans‚ Obsédé textuel,
Posté(e)

Pour savoir qui a raison... il faudrait avoir vécu en Grèce il y a 2.500 ans. Comme ce n'est pas notre cas, on ne peut qu'admirer ces mythes et s'interroger sur leur signification. Nietzsche écrit quelque part qu'il est à peu près impossible de se représenter la façon de vivre et de penser des Anciens (Grecs et Romains). Cela dit, bien sûr que Robert Graves est sans doute plus proche de la vérité, ne serait-ce que parce qu'il ne voit pas dans ces mythes seulement des symboles.

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Membre, 41ans Posté(e)
cheuwing Membre 17 041 messages
Maitre des forums‚ 41ans‚
Posté(e)
Il y a 14 heures, sovenka a dit :

Selon vous, qui a eu raison concernant ces mythes : les poids lourds de la psychanalyse ou bien Robert Graves ?

 

Sujet intéressant, pour ma part étant plus porté sur l'histoire, je trouve les explications de Graves plus intéressantes

 

Il y a 14 heures, Gouderien a dit :

Robert Graves est sans doute plus proche de la vérité, ne serait-ce que parce qu'il ne voit pas dans ces mythes seulement des symboles.

c'est exactement mon ressenti

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Membre, Posté(e)
Scénon Membre 3 629 messages
Forumeur alchimiste ‚
Posté(e)
Il y a 15 heures, sovenka a dit :

Selon vous, qui a eu raison concernant ces mythes : les poids lourds de la psychanalyse ou bien Robert Graves ?

Très franchement : ni les uns, ni l'autre.

Sans entrer dans le détail du quoi et du comment – et je risquerais aussi d'être hors sujet –, brièvement ceci : le sens des mythes est abondamment commenté et expliqué, de manière très convaincante, chez les seuls auteurs dont les philologues classiques ne parlent jamais : les allégoristes grecs anciens et byzantins, et les hermétistes et alchimistes de la Renaissance qui sont leurs continuateurs fidèles.

Mais pour pouvoir en discuter, il faut d'abord les avoir lus, ce que très peu s'apprêtent à faire.

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Membre, Oiseau de nuit, pays Union européenne, 42ans Posté(e)
sovenka Membre 8 464 messages
42ans‚ Oiseau de nuit, pays Union européenne,
Posté(e)

Pourtant c'est ce que les Romains ont fait après avoir conquis l'Etrurie, puis quand ils ont conquis la Gaule. Plus tard, c'est ce que les premiers missionnaires chrétiens ont fait quand ils ont prêché dans les contrées païennes : les divinités ont souvent été assimilées à des saints, ne disparaissant donc pas totalement. On a bien là des exemples d'icônotropie ?

Ceci dit, je veux bien que vous me conseillez des œuvres d'allégoristes grecs et byzantins pour approfondir la question, mais je doute pouvoir y avoir accès dans des librairies ordinaires ?

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Membre, Posté(e)
Scénon Membre 3 629 messages
Forumeur alchimiste ‚
Posté(e)
Il y a 15 heures, sovenka a dit :

C'est ce que les premiers missionnaires chrétiens ont fait quand ils ont prêché dans les contrées païennes : les divinités ont souvent été assimilées à des saints, ne disparaissant donc pas totalement. On a bien là des exemples d'icônotropie ?

Je ne connaissais pas ce mot d'« icônotropie » avant votre message. Dans l'Antiquité, il est totalement inconnu, chez les païens comme plus tard chez les chrétiens.

Je ne nie pas qu'on identifiait, tout naturellement, les membres de panthéons différents ; cela se faisait d'ailleurs indépendamment de toute invasion.

Mais remplacer le nom d'une divinité par celui d'un dieu issu d'une autre tradition religieuse ne donne pas le sens du mythe conçu par tel ou tel poète grec.

L'Aède (mot qui signifie « connaisseur »), ce père des philosophes, et sa Muse avaient des choses bien plus utiles à dire que de banales guerres de conquête, ou des voyages imaginaires dans des contrées fantastiques, qui constituent seulement l'écorce extérieure des épopées homériques ; et c'est ce que les philosophes, anciens et modernes, ne cessent d'illustrer par leurs commentaires.

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Membre, Posté(e)
Constantinople Membre 18 329 messages
Maitre des forums‚
Posté(e)

D'abord merci pour le sujet. Aucune des deux ne me satisfait pleinement pour répondre à la question : Les explications psychologisante, particulièrement Freudiennes, sont souvent à coté de la plaque. D'un autre coté il y a évidemment une fonction du mythe qui parle avec les archétypes psychologiques humains, sur des thèmes intemporels, et c'est en partie ce qu'a essayé de retranscrire les tragédies de l'age classique. La thése de Grave est e intéressante, probablement vraie pour certains mythes mais il est dangereux d'en faire une grille de lecture absolue : Beaucoup de mythes viennent par exemple du proche de l'orient. C'est illusoire de prétendre démêler les origines du mythe que les Grecs eux même finissaient par oublier....Par exemple Les épopées comme celle de Persée prennent place dans un corpus de mythes liés à des de vieux rites initiatiques de passage à l'age adulte, donc pas forcément cohérent avec l'idée d'une description mythologique d'une victoire grecque contre des dieux indigènes...Cependant il est indéniable que les rapports des Dieux entre eux dans les mythes reflètent les mutations religio sociales de l'époque. Les cas de Dionysos et Déméter par exemple.

.J'avais fait un sujet là dessus avec plusieurs posts liés à ce thème, si ça intéresse.

 

 

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Membre, 58ans Posté(e)
azed1967 Membre 4 597 messages
Forumeur expérimenté‚ 58ans‚
Posté(e)

robert graves dit qu'il y a eu trois périodes. le matriarcat, l'ère olympienne et le patriarcat.

 

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