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Nietzsche, correspondance


Invité

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Membre, Posté(e)
Totolasticot Membre 826 messages
Forumeur accro‚
Posté(e)

Que doit-il "cacher" ?

Des commentateurs de l'oeuvre de Nietzsche pensent que certains de ses aphorismes (sur la honte et sur l'apologie de l'attitude cynique) sont directement inspirés par le fait qu'il avait du mal à se retenir de péter en public à cause de ses maladies diverses.

Il consultait beaucoup de médecins parce qu'il souffrait beaucoup. Ce qui est frappant dans sa correspondance, c'est de voir qu'il passe son temps à geindre alors qu'il vous parle de grande santé et de surhumain dans ses livres.

Avec lui plus qu'aucun autre, il faut bien mettre en parallèle la vie et l'oeuvre parce qu'il est tout en dissimulations... tout grande philosophie étant, comme il l'écrit, la confession involontaire de son auteur.

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Membre, 158ans Posté(e)
chapati Membre 6 957 messages
Baby Forumeur‚ 158ans‚
Posté(e)

Toute cette vie inquiétante que je cache, qui fait tous les six ans un pas en avant, et ne veut au fond rien d'autre que de faire ce pas: alors que tout le reste, tous les hommes que je connais ne voient qu'un masque, et il me faut être constamment la victime de ce que je dois mener une vie cachée à tous.

Ou peut-être :

"J’ai supprimé progressivement presque toutes mes relations, par dégoût, à force d’être pris pour autre chose que ce que je suis.".

?

(lettre à Malwida Von Meysenbug - octobre1888)

.

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Membre, Posté(e)
poxy91 Membre 126 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

A Franz Overbeck, le 11 février 1883:

(...)

Je ne te le cacherai pas, cela va très mal. La nuit m'entoure une fois de plus. C'est comme s'il venait de faire un éclair. Un instant, je me suis trouvé baigné dans mon élément, dans ma lumière; et maintenant, c'est passé. Je crois que je marche irrémédiablement à ma ruine, à moins que quelque chose n'arrive, mais je ne sais vraiment quoi. Peut-être faut-il que quelqu'un m'emmène de force loin de l'Europe. Avec ma manière de tout rapporter aux lois physiques, j'ai maintenant l'impression d'être la victime d'une perturbation atmosphérique qui sévirait en Europe. Est-ce ma faute si je possède un sens de plus que les autres, et, par là, une source nouvelle et terrible de tourments?

Penser de la sorte, c'est déjà un soulagement-au moins n'ai-je pas besoin de rendre les hommes responsables de ma misère. Et cependant, je le pourrais!

Le canon d'un pistolet est maintenant pour moi une source de pensées relativement agréables.

Toute ma vie s'est désagrégée devant mes yeux. Toute cette vie inquiétante que je cache, qui fait tous les six ans un pas en avant, et ne veut au fond rien d'autre que de faire ce pas: alors que tout le reste, tous les hommes que je connais ne voient qu'un masque, et il me faut être constamment la victime de ce que je dois mener une vie cachée à tous. J'ai toujours été exposé aux hasards les plus cruels-ou plutôt, c'est moi-même qui ai transformé tous ces hasards en autant de cruautés.

(...)

Les autres lui renvoi peut être l’image grimaçante de lui-même ?

La nouvelle condition humaine.

Que font -ils de nous ? « Ils » ? « Nous » ?

L’homme doit se reprendre en main.

« Ils » lui refusent cela.

Les valeurs n’appartiennent plus à personne et sont devenues autant de balles engagées dans le barillet de nos doutes.

Le sol se dérobe. Je suis le fils, le père, le frère, l’ami, le collègue…. Je suis ce que je décide et non ce qu’on me dit, à la façon que je veux, jusqu’à devenir illisible mais plus visible que tous les impératifs. Et non la folie n’est pas là. Ce malade qui s’asphyxie de sa vérité en recherchant de l’air jusqu’à vouloir hisser sa démarche à l’universalité est pour lui le plus vivant des déjà morts du nouveau monde.

D’une promesse qui devait libérer, occuper, démasquer, créer, unir, illuminer « ils » n’ont fait qu’un décor en papier mâché. Une mascarade de progrès.

Mais qui est -il pour oser dire cela ? Ce tourmenté de quoi souffre-t-il ? Sa marche en avant semble mener en arrière et pour certain à l’enfer ; gratuité cruelle ou confiance insoutenable en la vie ?

L’intériorité devient seule source de progrès, le laissant seule avec lui - même. Pourtant son désir répété est toujours le même : Qu’un lien des plus subtile « nous » étreigne. Ami. Oui mais le marteau caché derrière son dos, guettant la moindre de nos faiblesses, l’inconstance et l’inconsistance de notre désir. Il s’agit d’une œuvre d’art ; d’un dévoilement, de la beauté. De la conscience de ce qui nous est offert, là, et qu’il nous faut porter, soutenir, accepter, mettre en lumière.

Trop déroutant, trop exigeant. La vie vaut cela, il le croit - Que m’importe ce que tu trouves si cela est à toi. Cherche jusqu’à ton dernier souffle. Cherche- toi. Même emmuré dans ton corps, dans la souffrance et dans la mort, jusqu’à l’épuisement des sens où tu relâcheras l’étreinte en désirant recommencer. -

Peu d’appelés, peu d’élus : le monde en a -t-il d’ailleurs connu ? La vie n’a pas plus porté l’Humain ou un saint, à son sein. Tout est dans le chemin. « Lève -toi est marche ! »

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
dégoût, à force d’être pris pour autre chose que ce que je suis.

Sartre a parlé dans son introduction au "traitre" de Gorz de ce mode d'existence qui consiste à être ce que d'autres veulent qu'on soit .

(Qui est d'ailleurs le sujet de ce livre : être traitre à ce qu'on veut vous forcer d'être.)

A une toute petite échelle, c'est un peu mon cas.

Mon père m'avait averti (si on peut dire !) :

"Toi, tu as le préjugé favorable !"

Aussi il aurait bien aimé me voir faire de la politique , je crois.

Mais cette idée que les autres tiennent à voir en vous une certaine image et n'arrivent pas à en changer, je l'ai constatée pas plus tard que ce week-end dernier.

Des gens me regardent et me demandent : "

"Tu fumes ? TOI ?"

Je n'ai pas pu me retenir :

"Ben oui ! Les gens me prêtent toutes sortes de vertus que je n'ai pas !"

Tout petit : à mon échelle!

C'est donc UN TEMOIGNAGE !

Comme (hélas) je ne suis pas Nietzsche, moi, ça ne me dégoûte pas, ça m'amuse !

Mais je me dis parfois que de ce "préjugé favorable", je n'ai pas su en profiter...

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Membre, 158ans Posté(e)
chapati Membre 6 957 messages
Baby Forumeur‚ 158ans‚
Posté(e)

Sartre a parlé dans son introduction au "traitre" de Gorz de ce mode d'existence qui consiste à être ce que d'autres veulent qu'on soit .

(Qui est d'ailleurs le sujet de ce livre : être traitre à ce qu'on veut vous forcer d'être.)

A une toute petite échelle, c'est un peu mon cas.

Mon père m'avait averti (si on peut dire !) :

"Toi, tu as le préjugé favorable !"

Aussi il aurait bien aimé me voir faire de la politique , je crois.

Mais cette idée que les autres tiennent à voir en vous une certaine image et n'arrivent pas à en changer, je l'ai constatée pas plus tard que ce week-end dernier.

Des gens me regardent et me demandent : "

"Tu fumes ? TOI ?"

Je n'ai pas pu me retenir :

"Ben oui ! Les gens me prêtent toutes sortes de vertus que je n'ai pas !"

Tout petit : à mon échelle!

C'est donc UN TEMOIGNAGE !

Comme (hélas) je ne suis pas Nietzsche, moi, ça ne me dégoûte pas, ça m'amuse !

Mais je me dis parfois que de ce "préjugé favorable", je n'ai pas su en profiter...

Pas sûr de comprendre.

Pour Nietzsche il s'agirait d'un "préjugé défavorable" d'après sa lettre...

Donc évidemment que ça l'amuse pas !

PS : j'ai le même genre d'anecdote que toi, où des gens m'avaient placé sur je-ne-sais quel piédestal et s'étaient trouvés un jour très étonnés de me voir réagir comme un con (a je sais plus quoi) :)

Mais j'ai aussi l'expérience nietzschéenne (?) du préjugé défavorable en magasin, et avec celle-là je n'ai aucun humour. Tout ce que je peux faire, c'est d'en dire la bêtise... mais ça n'avance à rien.

On peut rien faire contre la bêtise.

... et ça n'arrange en rien ma vie tant qu'elle a un effet direct sur elle.

.

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)
Toute cette vie inquiétante que je cache, qui fait tous les six ans un pas en avant, et ne veut au fond rien d'autre que de faire ce pas: alors que tout le reste, tous les hommes que je connais ne voient qu'un masque, et il me faut être constamment la victime de ce que je dois mener une vie cachée à tous.

Si c'est une vie inquiétante qu'il cache, alors que par opposition les gens ne voient qu'un masque.

C'est qu'il s'agit d'un masque non inquiétant , une bonne fausse réputation (à son avis) qui cache un fond pas très recommandable : J'avais bien lu.

La réputation de Nietzsche philosophe prétendu sulfureux ne lui est peut-être pas contemporaine ?

Mais elle correspondrait à ce qu'il ressentait, pourtant en partie démenti par son autoportrait plus haut de brave type.

Nietzsche n'est pas simple.

On comprend très bien qu'il soit dégoûté par une fausse bonne réputation qu'il ne "mérite pas" en ce sens qu'il ne veut pas la mériter.

Une mauvaise réputation alors qu'il se sentirait "sympa" ça l'amuserait plutôt.

Son "dégoût" pourrait montrer qu'il se veut sulfureux.

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Membre, 158ans Posté(e)
chapati Membre 6 957 messages
Baby Forumeur‚ 158ans‚
Posté(e)

Si c'est une vie inquiétante qu'il cache, alors que par opposition les gens ne voient qu'un masque.

C'est qu'il s'agit d'un masque non inquiétant , une bonne fausse réputation (à son avis) qui cache un fond pas très recommandable : J'avais bien lu.

La réputation de Nietzsche philosophe prétendu sulfureux ne lui est peut-être pas contemporaine ?

Mais elle correspondrait à ce qu'il ressentait, pourtant en partie démenti par son autoportrait plus haut de brave type.

Nietzsche n'est pas simple.

On comprend très bien qu'il soit dégoûté par une fausse bonne réputation qu'il ne "mérite pas" en ce sens qu'il ne veut pas la mériter.

Une mauvaise réputation alors qu'il se sentirait "sympa" ça l'amuserait plutôt.

Son "dégoût" pourrait montrer qu'il se veut sulfureux.

Mouais, sauf que le fait de se sentir "sulfureux" n'a pas de raison en soi d'amener à ce que sa vie intérieure soit "inquiétante" ou qu'il la trouve inquiétante.

En tous cas, une chose semble claire, c'est que les gens lui renvoient une image de lui qu'il refuse... tout en disant qu'il porte un masque et que les gens ne voient que ce masque (et non qui il est).

Ce qui semble ne pas le faire rigoler du tout...

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Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 165 messages
Forumeur expérimenté‚
Posté(e)

(...) Il consultait beaucoup de médecins parce qu'il souffrait beaucoup. Ce qui est frappant dans sa correspondance, c'est de voir qu'il passe son temps à geindre alors qu'il vous parle de grande santé et de surhumain dans ses livres.

(...)

Dans l'introduction de Humain, trop humain II, Nietzsche déclare que ses ouvrages parlent uniquement de ses victoires.

Victoires contre des maladies intellectuelles - historique, philosophique, musicale - qu'il va surmonter lentement et péniblement en éliminant tout ce qui avait pu d'abord le séduire mais qui en fait lui était ennemi. Et chaque victoire/guérison engendre une nouvelle incubation...

Nietzsche pouvait donc donner l'image du "philosophe de la santé" par excellence volant gaiement de victoire en victoire, alors que chaque victoire ne pouvait s'obtenir que dans la souffrance et dans l'épreuve longue et pénible de la "maladie".

Il a donc l'intelligence de faire part de ses souffrances, physiques et intellectuelles, seulement à des correspondants capables de le comprendre.

Par exemple, dans une période de scepticisme absolu et de débâcles morales, Nietzsche en vint à ne plus croire en rien, même plus au grand Arthur Schopenhauer qu'il avait tant vénéré. Et c'est précisément dans ces moments-là, selon l'auteur de l'introduction de Humain, trop humain II, que prendra naissance un petit ouvrage qu'il tiendra caché "sur la vérité et le mensonge en dehors de leur acception morale" (Même si par la suite, l'admiration de Nietzsche pour Schopenhauer s'en trouvera renforcée).

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Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
deja-utilise Membre 6 039 messages
If you don't want, you Kant...,
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http://atheisme.free.fr/Biographies/Nietzsche.htm

http://bibliobs.nouvelobs.com/essais/20110412.OBS1190/les-dernieres-lettres-de-nietzsche-je-suis-comme-une-bete-blessee.html

" A Franz Overbeck, il écrit tragiquement à l’été 1888: «Depuis le temps où j’ai mon Zarathoustra sur la conscience, je suis comme une bête, qui serait d’une manière indescriptible, continuellement blessée. Cette blessure réside dans le fait que je n’ai pas entendu de réponse, pas le moindre souffle de réponse.» Tellement à l’écart, tellement par-delà, l’exception de Nietzsche s’apparente, subjectivement, à une forme exceptionnellement cruelle de damnation. «N’as-tu absolument pas compris dans quel but je suis au monde?», lance-t-il en pleine détresse à sa sœur. "

Voilà le sort qui est réservé à ceux trop exigeants déjà avec eux-mêmes, trop lucides, dans l'expectative d'une résonance intellectuelle: la souffrance ! ( Bienvenue au club... )

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