Aller au contenu

La Première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules


lactance77

Messages recommandés

Membre, 67ans Posté(e)
lactance77 Membre 1 580 messages
Baby Forumeur‚ 67ans‚
Posté(e)

Collection L'Arpenteur, Gallimard

Parution : 04-02-1997

«C'est facile, d'écosser les petits pois. Une pression du pouce sur la fente de la gousse et elle s'ouvre, docile, offerte. Quelques-unes, moins mûres, sont plus réticentes - une incision de l'ongle de l'index permet alors de déchirer le vert, et de sentir la mouillure et la chair dense, juste sous la peau faussement parcheminée. Après, on fait glisser les boules d'un seul doigt. La dernière est si minuscule. Parfois, on a envie de la croquer. Ce n'est pas bon, un peu amer, mais frais comme la cuisine de onze heures, cuisine de l'eau froide, des légumes épluchés - tout près, contre l'évier, quelques carottes nues brillent sur un torchon, finissent de sécher.

Alors on parle à petits coups, et là aussi la musique des mots semble venir de l'intérieur, paisible, familière. On parle de travail, de projets, de fatigue - pas de psychologie.»

A vous de nous parler de vos menus plaisirs ( si vous le voulez )

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Annonces
Maintenant
Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 209 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d'une coquille de Saint-Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d'un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j'avais laissé s'amollir un morceau de madeleine. Mais à l'instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d'extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m'avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. II m'avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu'opère l'amour, en me remplissant d'une essence précieuse : ou plutôt cette essence n'était pas en moi, elle était moi.

Je crois que ce n'est pas la peine de citer l'auteur ;)

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 67ans Posté(e)
lactance77 Membre 1 580 messages
Baby Forumeur‚ 67ans‚
Posté(e)

Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d'une coquille de Saint-Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d'un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j'avais laissé s'amollir un morceau de madeleine. Mais à l'instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d'extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m'avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. II m'avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu'opère l'amour, en me remplissant d'une essence précieuse : ou plutôt cette essence n'était pas en moi, elle était moi.

Je crois que ce n'est pas la peine de citer l'auteur ;)

Merci.. ( Cultivée et sympa la dame ) ça fait vraiment plaisir :fleur:

Il me semble que c'est Proust.. On dit de lui, qu'il fût le précurseur de la psychanalyse avec son ouvrage à la recherche du temps perdu. Peut être après tout.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 107ans Posté(e)
ThomasMann Membre 3 895 messages
Baby Forumeur‚ 107ans‚
Posté(e)

Attendez ... j'ai un doute là ... on parle bien de petits pois et de madeleines hein?

(je vais peut-être aller chercher une serpillière, moi, pour lire ces posts !!!)

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 67ans Posté(e)
lactance77 Membre 1 580 messages
Baby Forumeur‚ 67ans‚
Posté(e)

Attendez ... j'ai un doute là ... on parle bien de petits pois et de madeleines hein?

(je vais peut-être aller chercher une serpillière, moi, pour lire ces posts !!!)

Oui, oui Tom, tu sais encore lire :coeur:

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 209 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

J'ai posté cet extrait parce-que c'est vraiment un de mes plaisirs, la madeleine et le thé :)

C'est bien Marcel Proust, "Du côté de chez Swann", premier volume de "A la recherche du temps perdu". Rien qu'avec ce livre on pourrait fournir des dizaines de pages à ce topic.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 67ans Posté(e)
lactance77 Membre 1 580 messages
Baby Forumeur‚ 67ans‚
Posté(e)

J'ai posté cet extrait parce-que c'est vraiment un de mes plaisirs, la madeleine et le thé :)

C'est bien Marcel Proust, "Du côté de chez Swann", premier volume de "A la recherche du temps perdu". Rien qu'avec ce livre on pourrait fournir des dizaines de pages à ce topic.

Tout à fait juste, l'analyse en est immense.Nietzsche, Freud etc, lisaient avec soif Proust.

Ceci dit, je réduis volontairement mes interventions car je suis un peu trop prolixe.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 209 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

Contempler une ville la nuit, j'aime bien. Paris, pourquoi pas ? Là, je vais faire appel à René Barjavel ;)

La nuit a passé. Je n’ai pas dormi. Derrière le mur de verre, le ciel qui était noir devient blême. Les trente tours de la Défense se teintent de rose. La tour Eiffel et la tour Montparnasse enfoncent leurs pieds dans la brume. Le Sacré-Cœur a l’air d’une maquette en plâtre posée sur du coton. Sous cette brume empoisonnée par leurs fatigues d’hier, des millions d’hommes s’éveillent, déjà exténués d’aujourd’hui. Du côté de Courbevoie, une haute cheminée jette une fumée noire qui essaie de retenir la nuit. Sur la Seine, un remorqueur pousse son cri de monstre triste. Je frissonne.

(La nuit des temps)

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 67ans Posté(e)
lactance77 Membre 1 580 messages
Baby Forumeur‚ 67ans‚
Posté(e)

J'ai vraiment aimé ce livre de Barjavel aussi qui plus est, il à bien posé le futur

Puisque tu aimes les belles choses

Le vase où meurt cette verveine

D'un coup d'éventail fut fêlé ;

Le coup dut l'effleurer à peine :

Aucun bruit ne l'a révélé.

Mais la légère meurtrissure,

Mordant le cristal chaque jour,

D'une marche invisible et sûre,

En a fait lentement le tour.

Son eau fraîche a fui goutte à goutte,

Le suc des fleurs s'est épuisé ;

Personne encore ne s'en doute,

N'y touchez pas, il est brisé.

Souvent aussi la main qu'on aime,

Effleurant le cœur, le meurtrit ;

Puis le cœur se fend de lui-même,

La fleur de son amour périt ;

Toujours intact aux yeux du monde,

Il sent croître et pleurer tout bas

Sa blessure fine et profonde ;

Il est brisé, n'y touchez pas.

(Sully Prudhomme, Stances et Poèmes, Le Vase brisé)

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 209 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

Merci pour ce beau souvenir de poésie :)

La pluie est un "plaisir minuscule" aussi (surtout en ce moment !), s'il faut faire appel à littérature je pense à un passage de "Notre Dame du Nil" mais je ne peux le retranscrire de mémoire. J'essayerai de le retrouver dans le livre et d'en écrire ici quelques bribes (droits d'auteur obligent).

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 67ans Posté(e)
lactance77 Membre 1 580 messages
Baby Forumeur‚ 67ans‚
Posté(e)

Merci pour ce beau souvenir de poésie :)

La pluie est un "plaisir minuscule" aussi (surtout en ce moment !), s'il faut faire appel à littérature je pense à un passage de "Notre Dame du Nil" mais je ne peux le retranscrire de mémoire. J'essayerai de le retrouver dans le livre et d'en écrire ici quelques bribes (droits d'auteur obligent).

Ha! Ce bonheur quasi intime d'une fine pluie sur ses épaules un jour d'été torride....

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 209 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

La neige aussi... Alexis Jenni en fait une description splendide dans "L'art français de la guerre" et Orhan Pamuk aussi, dans "Neige".

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 67ans Posté(e)
lactance77 Membre 1 580 messages
Baby Forumeur‚ 67ans‚
Posté(e)

La neige aussi... Alexis Jenni en fait une description splendide dans "L'art français de la guerre" et Orhan Pamuk aussi, dans "Neige".

Je ne connais pas. Merci de l'info, je vais faire une rapide recherche :bo:

Ps : Je remarque ( à te " fréquenter " ) que ton avatar te ressemble.Il est doux, pastel, beau comme des écritures d'auteurs talentueux ( en passant, d'aucun vont encore y voir du mal...)

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 209 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

Je ne sais pas ce que tu aimes lire, mais si tu aimes la belle prose, un peu poétique, tu ne peux pas passer à côté d'Amin Maalouf. "Les désorientés" est un bijou, "Les échelles du levant", "Le rocher de Tanios"...

Ah il faut se méfier des apparences ! =)

(L'avatar est de Francine Van Hove)

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 67ans Posté(e)
lactance77 Membre 1 580 messages
Baby Forumeur‚ 67ans‚
Posté(e)

Je ne sais pas ce que tu aimes lire, mais si tu aimes la belle prose, un peu poétique, tu ne peux pas passer à côté d'Amin Maalouf. "Les désorientés" est un bijou, "Les échelles du levant", "Le rocher de Tanios"...

Ah il faut se méfier des apparences ! =)

(L'avatar est de Francine Van Hove)

J'ai aimé de lui,Les Identités meurtrières ça colle avec mon ancienne profession. Il écrit et analyse magnifiquement

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 209 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

Je l'ai lu il y a longtemps mais je m'en souviens, un essai encore très actuel et pertinent malgré son "âge".

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 67ans Posté(e)
lactance77 Membre 1 580 messages
Baby Forumeur‚ 67ans‚
Posté(e)

Je l'ai lu il y a longtemps mais je m'en souviens, un essai encore très actuel et pertinent malgré son "âge".

Oui, comme Proust,Freud, G.sand;)

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 76ans Posté(e)
Isa-Dora Membre 399 messages
Baby Forumeur‚ 76ans‚
Posté(e)

Bonjour, loin de moi l'idée de m'immiscer au sein de votre discussion littéraire,

mais j'ai adoré lire (et relire)la première gorgée de bière, et je voudrais apporter ma modeste contribution.

Un de mes passages préféré est celui-ci

Prendre un porto

D'emblée, c'est hypocrite :

- Un petit porto, alors !

On dit cela avec une infime réticence, une affabilité restrictive.

Bien sûr, on n'est pas de ces rabat-joie qui refuseraient toutes les largesses apéritives.

Mais le "petit porto alors" tient davantage de la concession que de l'enthousiasme.

On jouera sa partie, mais tout petit, mezza voce, à furtives lampées.

Un porto, ça ne se boit pas, ça se sirote.

C'est l'épaisseur veloutée qui est en cause, mais aussi la parcimonie affectée. Pendant que les autres se livrent à l'amertume triomphale et glaçonnée du whisky, du martini-gin, on fera dans la tiédeur vieille France, dans le fruité du jardin de curé, dans le sucré suranné - juste de quoi faire rosir des joues de demoiselle.

Les deux "o" de porto gouleyent au fond de la bouteille noire. Porto, ça roule au fond d'un golfe sombre, avec un port de tête altier de gentilhombre. De la noblesse cléricale, austère, il reste seulement l'idée du noir. Plus grenat que rubis, c'est de la lave douce où donnent des histoires de couteau, des soleils de vengeanc", et des menaces de couvent sous le fil du poignard.

Oui toute cette violence, mais endormie par le cérémonial du petit verre, par la sagesse des gorgées timides.

Du soleil cuit, des éclats assourdis. Une saveur perverse de fruit mat où se seraient noyés les débordements, les brillances.

A chaque lampée, on laise le porto remonter vers une source chaude.

C'est un plaisir à l'envers, qui s'épanouit à contretemps, quand la sobriété se fait sournoise.

A chaque coup de langue en rouge et noir monte plus fort le lours velours.

Chaque gorgée est un mensonge.

A part ça je suis en train de relire "Malevil" de Robert Merle, j'ai beau en connaître le dénouement, c'est un plaisir sans cesse renouvelé, dommage que son adaption cinématographique ait été un tel désastre, ce roman méritait mieux que ça

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 67ans Posté(e)
lactance77 Membre 1 580 messages
Baby Forumeur‚ 67ans‚
Posté(e)

Bonjour, loin de moi l'idée de m'immiscer au sein de votre discussion littéraire,

mais j'ai adoré lire (et relire)la première gorgée de bière, et je voudrais apporter ma modeste contribution.

Un de mes passages préféré est celui-ci

Prendre un porto

D'emblée, c'est hypocrite :

- Un petit porto, alors !

On dit cela avec une infime réticence, une affabilité restrictive.

Bien sûr, on n'est pas de ces rabat-joie qui refuseraient toutes les largesses apéritives.

Mais le "petit porto alors" tient davantage de la concession que de l'enthousiasme.

On jouera sa partie, mais tout petit, mezza voce, à furtives lampées.

Un porto, ça ne se boit pas, ça se sirote.

C'est l'épaisseur veloutée qui est en cause, mais aussi la parcimonie affectée. Pendant que les autres se livrent à l'amertume triomphale et glaçonnée du whisky, du martini-gin, on fera dans la tiédeur vieille France, dans le fruité du jardin de curé, dans le sucré suranné - juste de quoi faire rosir des joues de demoiselle.

Les deux "o" de porto gouleyent au fond de la bouteille noire. Porto, ça roule au fond d'un golfe sombre, avec un port de tête altier de gentilhombre. De la noblesse cléricale, austère, il reste seulement l'idée du noir. Plus grenat que rubis, c'est de la lave douce où donnent des histoires de couteau, des soleils de vengeanc", et des menaces de couvent sous le fil du poignard.

Oui toute cette violence, mais endormie par le cérémonial du petit verre, par la sagesse des gorgées timides.

Du soleil cuit, des éclats assourdis. Une saveur perverse de fruit mat où se seraient noyés les débordements, les brillances.

A chaque lampée, on laise le porto remonter vers une source chaude.

C'est un plaisir à l'envers, qui s'épanouit à contretemps, quand la sobriété se fait sournoise.

A chaque coup de langue en rouge et noir monte plus fort le lours velours.

Chaque gorgée est un mensonge.

A part ça je suis en train de relire "Malevil" de Robert Merle, j'ai beau en connaître le dénouement, c'est un plaisir sans cesse renouvelé, dommage que son adaption cinématographique ait été un tel désastre, ce roman méritait mieux que ça

Au contraire "immisce toi "

J'ai aussi aimé robert merle dans Week-end à Zuydcoote, le film aussi, après j'ai moins aimé.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 209 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

Bonjour isa-dora :)

Bel extrait.

Surtout ne me dis rien sur Malevil, pitié pitié pas de spoiler, c'est un classique que je n'avais encore pas lu et je vais le commencer ce week-end !

L'extrait dont j'avais parlé sur la pluie (je voulais faire court mais c'est compliqué, c'est une phrase) :

La pluie pendant de longs mois, c'est la Souveraine du Rwanda, bien plus que le roi d'autrefois ou le président d'aujourd'hui, la Pluie, c'est celle qu'on attend, qu'on implore, celle qui décidera de la disette ou de l'abondance, qui sera le bon présage d'un mariage fécond, la première pluie au bout de la saison sèche qui fait danser les enfants qui tendent leurs visages vers le ciel pour accueillir les grosses gouttes tant désirées, la pluie impudique qui met à nu, sous leur pagne mouillé, les formes indécises des toutes jeunes filles, la Maîtresse violente, vétilleuse, capricieuse, celle qui crépite sur tous les toits de tôles, ceux cachés sous la bananeraie comme ceux des quartiers bourbeux de la capitale, celle qui a jeté son filet sur le lac, a effacé la démesure des volcans, qui règne sur les immenses forêts du Congo, qui sont les entrailles de l'Afrique, la Pluie, la Pluie sans fin, jusqu'à l'océan qui l'engendre.

Scholastique Mukasonga - Notre Dame du Nil

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Annonces
Maintenant

Archivé

Ce sujet est désormais archivé et ne peut plus recevoir de nouvelles réponses.

×