Aller au contenu

La philosophie et le vulgaire

Noter ce sujet


Invité Dompteur de mots

Messages recommandés

Invité Quasi-Modo
Invités, Posté(e)
Invité Quasi-Modo
Invité Quasi-Modo Invités 0 message
Posté(e)

a) Frénétisme de la pensée

Le vulgaire recherche dans la philosophie un effet sur lui-même qui ait une action rapide, un effet narcotique qui doit exciter ses nerfs et sa sensualité en général. Cela doit le délasser de la monotonie de la vie, de sa routine. D’où le fait qu’il rechigne à toute persévérance, à tout acharnement à creuser une pensée jusque dans ses ramifications les plus profondes, de manière à en retirer les filons les plus insoupçonnés. La rumination lui est physiologiquement étrangère – il avale tout rond les productions de son esprit de manière à satisfaire les fonctions inférieures de son anatomie, aux dépens du raffinement de son palais. Il recherche l’agitation, le rapide. Il zappe, il saute du coq à l’âne ; il mélange les atmosphère, les territoires conceptuels, il sacrifie la cohérence, la rigueur et l’unité – bref la pureté – au profit de l’effet. Il peut passer par exemple de l’Antiquité grecque ou romaine jusqu’au capitalisme en un tournemain, comme on change de chaussettes, ou comme on change d’application sur son iPhone. Il navigue dans la pensée comme on navigue dans l’espace virtuel du web : frénétiquement, impatiemment – superficiellement.

Mais la philosophie, c'est un fait, stimule intellectuellement et surprend par le discours particulier qu'elle peut tenir sur certains sujets ; cela peut constituer un points d'accroche ou une façon de s'y intéresser qui n'est en rien blâmable : la curiosité me paraît une qualité plus qu'une tare. Tu as bien compris qu'une philosophie doit se distinguer du sens commun qui est constitué des opinions (Platon aurait parlé de la doxa), et elle doit d'ailleurs à cet effet toujours se justifier de ne pas s'y accorder en superposant sa grille de lecture à celle du vulgaire : cela précisément afin que le sentiment de surprise éprouvé lors de la réception du discours philosophique se dissipe, c'est à dire afin que le discours, au final, provoque l'adhésion et qu'on puisse se l'approprier.

En effet, en observant bien, c'est une constante en philosophie que de chercher à expliquer le points de vue adverse (en général le points de vue du vulgaire) dans les termes de la nouvelle philosophie autoproclamée... p.ex. Spinoza explique que ce serait l'ignorance des causes qui nous déterminent qui nous poussent à nous penser libre, ou à sa suite, Sartre qui explique que ce serait notre mauvaise foi (la volonté pour notre conscience de se considérer comme un objet inanimé) qui nous pousse à nier notre liberté qui se révèlerait en fait totale et nous laisserait sans excuses.

Le défilement de concepts et de références décousues qui constitue la trame de la « philosophie » du vulgaire suppose que ses pensées n’atteignent jamais à quoi que ce soit de profond. Elles se contentent de surfer sur la vague, sans jamais plonger vers les fonds marins. L’effet, toujours l’effet : voilà le credo ici. D’ailleurs, rendu à ce point, peut-on encore parler de « concepts » ? Un tel esprit peut-il seulement faire usage de concepts ? Non : c’est de mots qu’il s’agit là et nullement de concepts. Le mot est la couche superficielle du concept, c’en est le costume, l’épiderme – à ce titre, certes, il n’y a pas de concepts sans mots. Mais un concept est plus qu’un mot : il englobe également tout un réseau physiologique sous son épiderme, formant un véritable organisme dont il est la synthèse. Un concept philosophique requiert, pour être considéré comme tel, qu’il soit placé à l’intérieur d’un plan de signification défini. Pour le dire plus simplement, si on entend évoquer le concept d’esprit, alors il ne suffit pas de dire « esprit » pour l’évoquer ; encore faut-il en expliciter l’usage, le fixer dans un réseau de significations propre à le faire jaillir dans toute sa profondeur à l’esprit de l’interlocuteur. Par exemple, c’est exactement ce que je viens de faire avec le concept de « concept ».

Mais bref, nous retrouvons chez le vulgaire plutôt des agencements de mots que des entrelacements de concepts. Des mots qui, couplés ensemble, peuvent provoquer des réactions rapides, bref, qui font de l’effet. Prenons cet exemple que j’ai tiré d’une discussion à un moment donné (je ne sais plus quand ou par qui cela a été écrit, et je ne tiens pas à personnaliser le débat non plus) :

« […] .. on dirait un religieux qui est en train de proclamer un sois disant paradis terrestre possible , a condition bien sur .. tant qu a faire .. , destin , notre destin serait d être heureux .. la version capitaliste , c est le bien être […] »

Voyez la véritable cavalcade qui se dessine ici : religieux, paradis, destin, capitaliste : autant de termes utilisés frénétiquement, sans respiration, sans qu’ils ne s’inscrivent dans un réseau de significations finement tracé, des termes qui sont rassemblés dans le but de créer de l’effet, toujours de l’effet. Voyez de quelle manière le plat n’est ici jamais dégusté, et de quelle manière il n’est jamais offert au lecteur de le déguster : le morceau est plutôt déchiqueté et retourné dans tous les sens de manière saccadée, comme le ferait un ogre ou… un loup qui vient tremper son museau dans la carcasse d’un pauvre chevreuil. Il n’y a pas ici de trajectoire à suivre, mais seulement un gros éclatement assourdissant à subir.

On ne pourra jamais l'empêcher : une pensée n'existe pas que par son auteur, mais aussi contre son auteur, parce qu'il sera parfois mal compris ou parce que l'accueil que lui fera la population jouera un grand rôle dans son destin philosophique. Qui pourra blâmer qui que ce soit pour la curiosité qu'il aurait manifesté à l'égard d'une pensée philosophique, fût-elle mal interprétée ou employée mal à propos? Après tout fondamentalement, les discussions (et surtout les discussions philosophiques) ont pour objectif la compréhension mutuelle.

Alors pourquoi (comme je m'y efforce parfois moi-même) ne pas rentrer dans le langage de l'autre, s'intéresser au sens particulier qu'il donne à ses mots (même si il en modifie le sens originel, car les mots ne sont finalement que des étiquettes) et ainsi se donner la possibilité de s'enrichir plutôt que de se gausser lâchement et silencieusement de ces "abrutis" qui seraient incapables de formuler une phrase ou des idées cohérentes? Il n'y a pas de vanité intelligente, mais c'est bien à tout le monde (y compris au vulgaire qui fréquente ce forum) que tu t'adresses.

Cette caractéristique découle directement de a), en ce que le frénétisme de la pensée a nécessairement ses impacts sur la façon d’écrire – comme tout trouble psychologique a son extension somatique. D’abord, les phrases ne respirent pas, un peu à l’instar du glouton qui avale si rapidement les morceaux qui lui sont présentés que sa respiration se mêle à sa déglutition, et qu’avalant de la sorte son propre air, son estomac n’a cesse de se gonfler et de digérer tout de travers. Ses phrases ne respirent donc pas – c’est-à-dire qu’il n’y a aucun rythme qui s’installe dans son écriture, ni à l’intérieur même des phrases, ni dans l’ensemble du texte, ce qui revient à dire que cette écriture ne peut qu’être totalement dénuée de style. Et lorsque je parle de style, je ne signifie pas l’acceptation démocratique (et vulgaire) que ce concept a pris – soit le style comme forme singulière d’expression – mais bien le style comme unité et comme pureté de l’expression. Les phrases sont ici courtes, saccadées ; elles sont dénuées d’ampleur car elles ne se font pas le reflet d’un cheminement de la pensée, elles n’amènent pas le lecteur d’un point A vers un point B, mais elles se dédient plutôt à créer un effet brutal par une escalade rapide. Ainsi, les phrases se suivent avec la grâce d’une série de pétards que l’on allumerait à tour de rôle.

Ce que j'en pense c'est que simplement, beaucoup souffrent d'un travail harassant qui leur prend beaucoup de leur énergie. La philosophie est un luxe que peu peuvent se permettre quand ce n'est pas l'environnement familial qui décourage ce type d'initiatives ou qui n'aura pas su sensibiliser assez. Il faut du temps pour penser, et surtout pour penser juste et bien. L'action perpétuelle à laquelle les citoyens lambda sont forcés laisse toute forme de philosophie qui pourrait s'enraciner en leur esprit à l'état larvaire. Quand c'est l'action qui intéresse avant tout ou qui devient une priorité, ce n'est pas la vérité qui sera visée, mais bien plutôt la sophistique ou le discours qui va permettre de légitimer l'action qui va suivre.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Annonces
Maintenant
Membre, Posté(e)
AK-47 Membre 120 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

Ce que je pense c'est que la philosophie est "utile" pour changer les mentalités mais n'est plus vraiment pertinente quand il s'agit de théorie de connaissances. Je parle de la philosophie "pure". Je ne vois dans la philosophie, que l'intérêt de changer les modes de vie et de pensée des populations.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 118 messages
Forumeur expérimenté‚
Posté(e)

Je ne comprends pas ta notion de "harmonieux". Ne penses tu pas que ce qui est harmonieux, est un peu relatif ? Par exemple, un mathématicien verra une formule "harmonieuse" tandis qu'un néophyte préférera la "symétrie" d'une fleur... C'est un peu tout à fait arbitraire. Dans le sens où chacun a sa définition d'harmonie.

Je ne comprends pas où tu veux en venir.

Tu auras noté quelques constantes dans l'archétype du vulgaire : "il saute du coq à l’âne", "défilement de concepts et de références décousues", "le morceau est plutôt déchiqueté et retourné dans tous les sens de manière saccadée", "les phrases ne respirent pas", "il digére tout de travers", etc.

"il sacrifie la cohérence, la rigueur et l’unité – bref la pureté – au profit de l’effet"

"(absence de) style comme unité et comme pureté de l’expression"

Si chaque apprenti-philosophe faisait cet effort d'unité sur le fond et la forme, ne contribuerait-il pas déjà à l'élaboration de conditions favorisant l'intercompréhension, et à l'harmonisation éventuel d'un travail plus collectif, selon un ordre-désordre mieux maîtrisé, puis processus de son dépassement ?

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 51ans Posté(e)
jean ghislain Membre 1 084 messages
Baby Forumeur‚ 51ans‚
Posté(e)

Il parait particulièrement nécessaire de faire de nouveau de la philosophie une affaire sérieuse . Pour les sciences, les arts, les talents, les techniques, prévaut la conviction qu'on ne les possède pas sans se donner de la peine et sans faire l'effort de les apprendre et de les pratiquer. Si quiconque ayant des yeux et des doigts, à qui on fournit du cuir et un instrument, n'est pas pour cela en mesure de faire des souliers , de nos jours domine le préjugé selon lequel chacun sait immédiatement philosopher et apprécier la philosophie, puisqu'il possède l'unité de mesure nécessaire dans sa raison naturelle -comme si chacun ne possédait pas aussi dans son pied la mesure d'un soulier . Il semble que l'on fait consister proprement la possession de la philosophie dans le manque de connaissances et d'études, et que celles-ci finissent quand la philosophie commence.

Hegel, Phénoménologie de l'esprit.

Vulgariser la philosophie, c'est aussi la faire tomber dans le divertissement. Quant à la réflexion, véritable fond de la philosophie, peut-on en demander plus aux gens que ce qu'ils peuvent fournir ? Mais, et surtout, il n'y aura plus ni philosophes, ni philosophie, du moment où le vulgaire se dresse fièrement face à 2600 ans d'apports philosophiques, au lieu de tendre une oreille - un minimum respectueuse.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Invité Dompteur de mots
Invités, Posté(e)
Invité Dompteur de mots
Invité Dompteur de mots Invités 0 message
Posté(e)

Si je saisis parfaitement, le 1) explique que le "vulgaire" fait plutôt de la littérature que de la philosophie et le 2) que cette littérature, cherchant à être philosophie, en devient mauvaise, d'autant plus que la langue est mal maîtrisée.

Ma foi, une bonne part de ce que j’ai écrit peut s’appliquer aussi à la littérature, en tant que celle-ci peut aussi souffrir du manque de respiration ou du culte de la spontanéité.

Si on part du principe que la philosophie est un jeu de concepts, il est assez évident qu'il faut une certaine connaissance du langage pour pouvoir jouer avec, et en ce cas, le 2) implique bien le 1), même s'il reste possible d'exprimer des idées sans maîtriser parfaitement le langage et les concepts. C'est mieux, mais non nécessaire, à mon sens.

Lorsque l’on commence à philosopher, nos idées sont forcément moins développées et moins ramifiées dans le monde de l’esprit. Le langage sera alors nécessairement moins complexe – à moins de faire dans la complexité-spectacle. Un langage simple n’est donc effectivement pas un gage de mauvaise attitude philosophique, au contraire. C’est un gage de bonne attitude philosophique pour les philosophes-profanes.

En revanche, j'ai plus de mal avec les prémisses du 1) : il est vrai que la philosophie est souvent (toujours?) présentée comme une réflexion sur des concepts. Mais son véritable objectif reste, il me semble et avant tout, de comprendre et appréhender la réalité, et non de simplement spéculer toujours un peu plus dans une complexité croissante. Bref, elle est une science, et non un art. En ce sens, le concept est utile, probablement nécessaire, mais il ne l'est pas au sens où sans lui, rien n'est possible. Car le concept est le moyen et non la fin.

Ça fait plusieurs fois que l’on me fait cette remarque de l’appréhension de la réalité comme véritable objectif de la philosophie. Alors. Je propose ces exemples de hauts faits philosophiques :

- L’allégorie de la caverne de Platon ;

- Le doute méthodique de Descartes ;

- Le saut dans le néant de Schopenhauer ;

- Le Zarathoustra de Nietzsche ;

- La révolte de Camus.

Qu’ont en commun tous ces exemples ? Ils ne reflètent aucunement quelque tentative que ce soit de cerner la réalité, mais ils constituent plutôt des tentatives de créer de nouvelles valeurs, d’introduire de nouvelles voies de possibilités dans le monde de l’esprit.

Mais une fois que la voie est introduite, que le chemin de passage est ouvert, le philosophe a alors comme tâche de décrire effectivement la réalité telle que vue au travers de ce nouveau prisme. On ne parle plus donc de « la » réalité mais bien d’une réalité – une nouvelle réalité possible. Me suit-on ? La méthode scientifique telle qu’élaborée par les anciens décrit aussi une appréhension possible de la réalité parmi d’autres possibilités. Alors, alors…

Et, j'aurais une autre nuance à apporter : un style complexe, bien maîtrisé, et juste peut être tout aussi obscur que son parfait contraire. Pour ne pas le citer : "Prends l'éloquence et tords-lui son cou"!

Je ne reproche pas l’obscurité au vulgaire. Je lui reproche son inanité, ce qui est tout à fait différent.

Sinon, je vois que l’on s’accroche toujours à l’éternelle dichotomie du fond et de la forme, alors que j’aimerais que l’on voit bien que les deux côtés de la médaille sont inséparables. Que la forme relève d’une physiologie de l’idée, d’une respiration de l’idée ; qu’elle exprime quelque chose sur la manière dont se décline physiologiquement la vision du monde que tente de faire passer l’auteur. Il faut s’habituer à lire un auteur non seulement selon le monde abstrait qu’il déploie sous nos yeux, mais aussi selon le mode organique qui frétille dans son écriture.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Invité Leopardi
Invités, Posté(e)
Invité Leopardi
Invité Leopardi Invités 0 message
Posté(e)

Hmm... je comprends ton point ton Léo. Mon topic ne se veut certainement pas exhaustif et l'aspect dont tu parles pourrait certainement faire l'objet d'un tout autre débat.

Mais je pense que le principe n'est pas tant de coller à la réalité - comme le ferait le scientifique par exemple, mais bien de coller à son rapport avec le monde. Enfin, remarquons que les deux peuvent se croiser. En tant que c'est de l'analyse de son rapport avec le monde que peut émaner les principes de l'empirisme menant à la science. D'ailleurs, la philosophie de la science reste de la philosophie tant qu'elle concerne justement cette analyse dont je parle - celle de notre rapport avec le monde. Que fait Aristote dans sa Physique ? Il tente de déceler ce qu'il peut y avoir d'universel et d'invariable dans notre façon d'appréhender le monde. Après, la science commence lorsque ces principes sont appliqués à des phénomènes divers pour former un système de modélisation cohérent.

Pourquoi un autre topic ? Au contraire nous sommes en plein dans le sujet : qu'est-ce qui distingue l'exposé qui peut prétendre à la philosophie ?

La première erreur étant de se placer au niveau de la personne et non de l'énoncé ! Surtout ici, sur un forum, ça n'a pas de sens de parler du "philosophe" et du "vulgaire", dans la mesure où l'on ne sait jamais qui se trouve derrière les écrits, sans que la personne ne puisse être confondue avec ses écrits. C'est pourtant bien ce que ton exposé induit. Exposé qui se trouve être anti-philo à mon humble avis : c'est une attaque personnelle dirigée contre N-J et ça repose sur la conviction et la persuasion et non sur l'argumentation ou la démonstration. Bon enfin bref, j'en reste là. Bonne journée à toi

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Jedi pas oui, jedi pas no, 32ans Posté(e)
Jedino Membre 48 027 messages
32ans‚ Jedi pas oui, jedi pas no,
Posté(e)

Ma foi, une bonne part de ce que j’ai écrit peut s’appliquer aussi à la littérature, en tant que celle-ci peut aussi souffrir du manque de respiration ou du culte de la spontanéité.

Lorsque l’on commence à philosopher, nos idées sont forcément moins développées et moins ramifiées dans le monde de l’esprit. Le langage sera alors nécessairement moins complexe – à moins de faire dans la complexité-spectacle. Un langage simple n’est donc effectivement pas un gage de mauvaise attitude philosophique, au contraire. C’est un gage de bonne attitude philosophique pour les philosophes-profanes.

Donc l'objectif, peut-être non conscient, serait un système complexe qui apporterait, par là-même, un langage complexe? Je ne suis pas si convaincu que cela, en fait. La justesse me paraît plus essentiel que la complexité, et la justesse ne s'accompagne pas nécessairement de la complexité, au contraire.

Ça fait plusieurs fois que l’on me fait cette remarque de l’appréhension de la réalité comme véritable objectif de la philosophie. Alors. Je propose ces exemples de hauts faits philosophiques :

- L’allégorie de la caverne de Platon ;

- Le doute méthodique de Descartes ;

- Le saut dans le néant de Schopenhauer ;

- Le Zarathoustra de Nietzsche ;

- La révolte de Camus.

Qu’ont en commun tous ces exemples ? Ils ne reflètent aucunement quelque tentative que ce soit de cerner la réalité, mais ils constituent plutôt des tentatives de créer de nouvelles valeurs, d’introduire de nouvelles voies de possibilités dans le monde de l’esprit.

Je n'aurai qu'une question : qu'est-ce que l'esprit? Car, moi, je l'ignore parfaitement. Je ne connais ni son éventuelle forme, ni son éventuelle origine, et encore moins je ne sais s'il existe vraiment. Donc, oui, nous cherchons la réalité. Mais, oui, cela s'accompagne aussi d'une "philosophie de vie", d'une quête de valeurs. Mais, et vous m'excuserez, quand nous nous demandons "qu'est-ce que?" ou "Pourquoi?", nous cherchons à comprendre la réalité, même si cela passe par, effectivement, le "monde de l'esprit" qui sonne très platonicien.

Mais une fois que la voie est introduite, que le chemin de passage est ouvert, le philosophe a alors comme tâche de décrire effectivement la réalité telle que vue au travers de ce nouveau prisme. On ne parle plus donc de « la » réalité mais bien d’une réalité – une nouvelle réalité possible. Me suit-on ? La méthode scientifique telle qu’élaborée par les anciens décrit aussi une appréhension possible de la réalité parmi d’autres possibilités. Alors, alors…

Oh, je ne le vois pas ainsi. Passer par l'esprit, c'est déjà faire un détour et prendre le risque de le confondre avec la réalité. Car le but, non, n'est pas une réalité, mais la réalité. C'est un idéal, sans nul doute, mais le seul qui mérite d'être fixé. Car nous fixons bien la justesse d'une réalité en fonction de sa concordance avec la réalité, non?

Je ne reproche pas l’obscurité au vulgaire. Je lui reproche son inanité, ce qui est tout à fait différent.

Le vulgaire, tel que vous le décrivez, est aussi méprisable que le reste qui ne vaut, finalement, pas mieux. Nous ne serions (et ne sommes) que dans une réalité, alors à quoi bon reprocher aux autres de s'en contenter? La réalité est difficile à trouver, d'autant plus que nous croyons la chercher, très souvent. Et je parle, ici, de bon nombre de philosophes aussi. Pourquoi? Parce que la conceptualisation lourde et complexe correspond à une réalité, il est vrai, mais certainement pas à la réalité qui, elle, est d'une simplicité presque enviable. Alors, quitte à être dans l'erreur, autant le faire bien tout de suite. Mais peut-être que notre première erreur est de croire que par l'esprit, nous pouvons comprendre ce qui n'en dépend pas, en le voilant par le premier outil de l'esprit qu'est le langage? Le langage est-il seulement en mesure de comprendre? Vous aurez compris que je ne crois nullement en un monde intelligible, et le simple verbe "croire", ici, montre à quel point nous ne savons, en fait, rien.

D'où ma remarque : la meilleure qualité que je vois chez un philosophe, c'est, après sa capacité à mettre les choses en critique, son humilité. A l'image d'un Socrate, si l'on veut. Mais c'est également sa simplicité, sa capacité à instruire et éduquer, à amener l'autre à la connaissance. Et, pour y parvenir, il faut quelque chose de compréhensible, de "simple", sans être simpliste. Vous aurez compris que je rejette en partie les discours inintelligibles inutilement, ce que je considère comme presque toujours le cas. C'est un point de vue, cependant.

Sinon, je vois que l’on s’accroche toujours à l’éternelle dichotomie du fond et de la forme, alors que j’aimerais que l’on voit bien que les deux côtés de la médaille sont inséparables. Que la forme relève d’une physiologie de l’idée, d’une respiration de l’idée ; qu’elle exprime quelque chose sur la manière dont se décline physiologiquement la vision du monde que tente de faire passer l’auteur. Il faut s’habituer à lire un auteur non seulement selon le monde abstrait qu’il déploie sous nos yeux, mais aussi selon le mode organique qui frétille dans son écriture.

Il est possible de s'habituer à l'abstrait d'un auteur, et le choix, nous ne l'avons pas trop si nous souhaitons les lire. Je me demande simplement si vous croyez sincèrement que la réalité est abstraite. Moi, je ne le pense pas. Par définition, elle ne l'est pas. De ce fait, je vois mal comment nous pouvons tendre vers sa véritable compréhension si, dès le départ, l'outil l'empêche. Je ne dis cependant pas qu'il faut renier le langage et ce qu'il implique. Ce que je veux dire, finalement, c'est que s'il est complexe, il est tout à fait contre-productif de le complexifier en pensant s'approcher de ce que nous cherchons.

Reste qu'un homme qui parle avec de grands et gros mots paraît toujours plus sérieux qu'un autre qui use d'un langage très simple. C'est une impression, et il faut aller au-delà de l'impression. Prenez Nietzsche, par exemple : de vos exemples cités, c'est lui-même qui a reproché les grandes démonstrations et grandes paroles des philosophes. C'est un des rares que j'arrive encore à comprendre le soir, à 21 heures, quand je rentre, sans m'attarder une demi-heure pour comprendre. C'est peut-être une faiblesse. Peut-être. Je le considère comme une force.

Nos positions sont irréconciliables, je le crains.

Modifié par Jedino
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
deja-utilise Membre 5 994 messages
If you don't want, you Kant...,
Posté(e)

Ma foi, tu es complètement fourvoyé Déjà. Mon texte est un véritable plaidoyer en faveur de la vitalisation de la philosophie ! Comment peux-tu m'attribuer une telle intention ?

Tout simplement pour le fait de fournir un mode d'emploi sur l'écriture du débat philosophique. Rassure toi, je ne rejette pas tant que cela tout ce que tu as écris, juste dire ouvertement ( comme bon nombres d'autres sujets ), que nous ne sommes pas dans 100% des cas comme tu t'insurges, par exemple en mathématique un individu fera une percée majeure sans avoir étudié cette discipline tel un Ramanujan ou un Galois, dans la musique c'est pareil, des personnes pratiquent cet art sans avoir fait solfège ou cours de musique, voire même inventent leur propre instrument, et personnellement je pratiquais la philosophie bien avant de pouvoir la nommer, certains ont un "don" pour faire sans avoir appris au préalable, sans initiation!

Rappelant par la même que tout savoir a une origine populaire! Sciences comprises principalement.

Je ne juge pas de la valeur des individus, mais bien de la valeur des philosophies - et toute philosophie inclut une composante communicationnelle. Quand on prend la parole pour s'exprimer sur le monde et sur la vie, il faut le faire avec dignité. La vie est trop courte et trop belle pour supporter que l'on palabre à son sujet de manière abjecte.

Mais je ne l'ai pas pris d'un point de vue personnalité (puisque nous ne nous connaissons pas réellement ), mais comme personnage derrière un avatar.

Bien sûr qu'il faut un minimum de références communes pour communiquer, alors dignité je ne sais pas, mais avec sérieux oui ( par opposition avec légèreté ce qui n'exclut pas l'humour ), personnellement la philosophie ou la physique ne sont pas un passe-temps, mais une composante de ma vie au quotidien, c'est pour moi quelque chose de vivant, et n'étant pas égaux à tout point de vue, nous ne pouvons pas attendre de standardiser cet exercice, et même si un individu lambda est capable d'une seule idée philosophique dans sa vie seul ou aidé, ce sera toujours ça, cela ne fera pas de lui un philosophe, mais le temps d'un soupir j'aurais découvert une pensée profonde, et je trouve que la qualité prime sur la quantité, bien que si on peut tout avoir, c'est encore mieux.

Ensuite, je ne parle pas d’apparat, mais bien de style. Et oui, le style importe et est, selon ma vision, inséparable du fond. Car le style exprime le dynamisme même de la pensée. Il exprime aussi l’état physiologique de celui qui écrit.

Que tu le veuilles ou pas, le style littéraire est un apparat comme les habits, mais je ne dis pas que tu sois vide en-dessous, mais je préfère rencontrer une personne profonde mais bourrue, qu'un littéraire superficiel, un beau-parleur, un sophiste, et encore une fois, si on peut avoir le beurre et l'argent du beurre, tant mieux, mais je sais également me contenter que du fond.

Sais-tu Déjà que dans une conversation, le non-verbal compte pour davantage que le verbal dans l’interprétation de l’interlocuteur ? C’est qu’avant d’être projection sur un plan abstrait, la parole est d’abord un acte physique. Et bien j’avance que le même phénomène se produit dans l’écriture : le lecteur est influencé en majeure partie par le style du texte, par sa respiration particulière. Et ceci est logique puisque, même si c’est plus dur à concevoir, la lecture est d’abord un acte physique. Le corps s’y repaît d’un rythme particulier, d’une respiration, d’intonations, de pointes mélodiques. Lire, c’est coller son oreille contre un coquillage qui fait vibrer notre corps, non par l’oreille mais bien par les yeux et par l’intellect. Évidemment, encore faut-il savoir lire, ce qui n’est évidemment pas à la portée de tous.

Très bien. Mais la philosophie, c’est aussi le capteur d’éclairs, et l’alternateur, et l’accumulateur, et la centrale électrique au grand complet. C’est même le réseau de distribution et toutes ses ramifications. Il y a la section poésie pour les éclairs.

Oui je le sais, mais ici la communication non verbale n'est pas véritablement à l'oeuvre, il faudrait pour se faire être physiquement présent.

Mais je ne te dis pas que tu as tort, mais plus abruptement si tu veux, que tu es exigeant. ( gentiment bien sûr )

Tu connais aussi bien que moi, l'expression l'habit ne fait pas le moine, je soutiens dans ce cas, l'analogie dans l'écriture ( Sans toutefois généraliser trop vite mes propos ), ceci pour dire à nouveau qu'il y a des exceptions, alors que j'ai l'impression que de ton coté, c'est du tout ou rien, j'y mets des nuances, sans m'opposer à toi complètement.

Pardon ? Une « projection de ma propre approche du sujet » ? Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Cela est certes mon approche du sujet. Pourrait-il en être autrement ? Je livre ma pensée. Je ne dis pas qu’il faut foutre aux chambres à gaz tout ce qui ne pense pas de la sorte. Je dis « voici comment je pense, pouvez-vous relever le défi de cette pensée et y opposer la puissance votre propre pensée ? »

Oui, enfin je suis sûr que tu as saisi où je voulais en venir, ce que cela signifie.

En ce qui me concerne, je te renvoie à la définition du style que j’ai énoncée dans mon texte d’ouverture. Je n’adhère pas à une définition démocratique du style, comme « modalité individuelle de l’expression ». Le style est pour moi l’unité de l’expression, son rythme. Le style est propre aux esprits qui respirent, aux esprits continents, dont l’expression répond à une volonté définie, qui suit un cheminement, qui sait où elle s’en va. Et précisément, c’est cela la philosophie : un cheminement méthodique; ce qui ne signifie pas mathématique, ni froid, ni désincarné, ni monotone.

Oui je sais, tu as une vision assez élitiste de la chose, comme le sujet sur l'intelligence, ce n'est pas grave, on ne peut pas être d'accord sur tout, et comme je considère que c'est plus de l'ordre de la préférence, donc du goût, ce n'est pas véritablement discutable.

Je ferai comme toi, si c'est le style qui est fondamental, je t'inviterai à te rapprocher de la poésie, ou de la littérature, pour ma part la philosophie se doit d'être critique, analytique, la plus objective possible, ou du moins faire régresser les incertitudes, la problématique, ouvrir de nouveaux angles de vue, chercher les incohérences, les inconsistances, etc...Et cerise sur le gâteau, le style agrémenter le fond, par sa forme plaisante.

Et pour paraphraser Jedino, que la philosophie soit simple, sans être simpliste, le but étant tout de même la compréhension, et non un étalage de vocabulaire, du paraitre, ou de noyer le poisson dans l'eau ( ce qui n'est clairement pas ton cas, je précise ma pensée en rebondissant sur les propos d'un autre ). J'aime effectivement aussi appréhender le plus simplement possible un sujet, généralisant quelque part le principe du rasoir d'Ockham à la philosophie.

Modifié par deja-utilise
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Invité Dompteur de mots
Invités, Posté(e)
Invité Dompteur de mots
Invité Dompteur de mots Invités 0 message
Posté(e)

Le vulgaire est incapable de sortir le moindre son harmonieux de son instrument philosophique car celui-ci n'a jamais été accordé.

Par rapport à l'amour, le vulgaire se trouve dans la situation de l'éjaculateur précoce. La meilleure manière me semble résulter d'une exigence d'exégèse du corps, du coeur et de l'esprit. L'abjection est bien dans la facilité, dans la précipitation et dans l'absence de tout raffinement dans les préliminaires, ceux-ci n'étant pas du tout incompatibles avec un maximum de fougue, de puissance et de créativité dans un rapport prolongé rendu plus harmonieux entre les partenaires.

Héhéhé ! C’est une analogie intéressante.

Le vulgaire se sert de la philosophie comme on se sert d’une pute : pour assouvir quelques pulsions irrésistibles. Pour trouver un semblant de bonne conscience, pour se dire je me suis occupé de « ça ». Et pour pouvoir arrêter de penser le plus vite possible.

Je pense néanmoins que le concept de spontanéité appelle quelque nuance, d'autant qu'il est à l'origine d'une bifurcation fondamentale de la philosophie occidentale et de la pensée chinoise. Il s'agit bien de pourfendre dans les deux cas cette frénésie incontrôlée des pensées, mais chez le sage chinois, il s'agit d'opérer une complète mise en sommeil de la conscience, un oubli de toute idée arrêtée, devant permettre d'agir de façon spontanément juste en toutes circonstances. Nous sommes aux antipodes du monde philosophique comme représentation conceptuelle ; le sage chinois opère un va-et-vient spontané, immédiat, non-discursif (quand je parle, je ne perçois pas), entre le vide de sa conscience et les choses sensibles qui permettra de faire surgir du nouveau. Cette exigence de spontanéité, notable dans le Yi Jing et plus encore dans le Zhuangzi, n'a bien sûr rien à voir avec la spontanéité facile du vulgaire.

Oui. C’est une nuance intéressante. Il faudrait forger deux concepts distincts pour distinguer la spontanéité vulgaire, et la spontanéité qui agit davantage comme un « naturel retrouvé ». La première est semblable à celle dont font preuve les hommes au fond de la caverne de Platon : c’est une spontanéité naïve, disons plutôt une insouciance, voilà.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Invité Dompteur de mots
Invités, Posté(e)
Invité Dompteur de mots
Invité Dompteur de mots Invités 0 message
Posté(e)

Mais à essayer de définir le vulgaire cela suppose un point de vu extérieur, dégagé de tous les torts que l'on serait tenté de lui attribuer... Et puisque tu confesse toi aussi (dans ton astérisque) que nous sommes tous le con de quelqu'un, permet à d'autre de définir le vulgaire selon une autre échelle de réflexion...

Je suis ravi que tu aies noté ce petit raffinement de ma part.

Mise à part tout ceci, je note que toi, Dompteur, as toujours pris le soin d'expliquer à moins savant que toi ce que tu avais compris de la philosophie (et tu en as compris énormément)... Alors pourquoi ce sujet quelque peu orgueilleux qui tranche avec ton humilité ? Un raz-le-bol peut-être ?

Je sais que c’est dur à croire, mais je suis moi-même sujet à céder à la culture du zapping, au culte de la spontanéité, ou de la toute-égalité. Je suis sujet à ne plus prendre le temps de respirer et à philosopher pour l’effet qu’il y a à philosopher. J’ai besoin de cadrer ces faiblesses et de me dire « voilà ce que je ne veux pas ». Voilà ce qui à mes yeux est faible et indésirable.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Invité Dompteur de mots
Invités, Posté(e)
Invité Dompteur de mots
Invité Dompteur de mots Invités 0 message
Posté(e)

Mais la philosophie, c'est un fait, stimule intellectuellement et surprend par le discours particulier qu'elle peut tenir sur certains sujets ; cela peut constituer un points d'accroche ou une façon de s'y intéresser qui n'est en rien blâmable : la curiosité me paraît une qualité plus qu'une tare.

L’effet est une réaction affective désirée, et même exclusivement désirée, pour l’obtention de laquelle le discours s’est consacré en mettant en branle des artifices. Maintenant, il n’est pas exclu qu’un discours qui exprime un cheminement de la pensée puisse effectivement susciter des affects tels que la surprise.

En effet, en observant bien, c'est une constante en philosophie que de chercher à expliquer le points de vue adverse (en général le points de vue du vulgaire) dans les termes de la nouvelle philosophie autoproclamée... p.ex. Spinoza explique que ce serait l'ignorance des causes qui nous déterminent qui nous poussent à nous penser libre, ou à sa suite, Sartre qui explique que ce serait notre mauvaise foi (la volonté pour notre conscience de se considérer comme un objet inanimé) qui nous pousse à nier notre liberté qui se révèlerait en fait totale et nous laisserait sans excuses.

La philosophie exprime un cheminement de la pensée. Aussi, un cheminement a nécessairement un point de départ et en l’occurrence, ce point de départ sera souvent une idée vulgaire qui sera par la suite surmontée. D’où le fait que la plupart des philosophies commencent par une critique.

On ne pourra jamais l'empêcher : une pensée n'existe pas que par son auteur, mais aussi contre son auteur, parce qu'il sera parfois mal compris ou parce que l'accueil que lui fera la population jouera un grand rôle dans son destin philosophique. Qui pourra blâmer qui que ce soit pour la curiosité qu'il aurait manifesté à l'égard d'une pensée philosophique, fût-elle mal interprétée ou employée mal à propos? Après tout fondamentalement, les discussions (et surtout les discussions philosophiques) ont pour objectif la compréhension mutuelle.

La compréhension ? Non. Après, il faut trancher. Et peut-être même s’engager. Aller à la guerre des idées. Il n’y a pas de rôle obligé. Je ne suis pas un pacificateur. Je n’ai pas pitié des esprits faibles. Je ne désire pas que nous nous tenions tous la main dans l’harmonie. Mon idée de la compréhension d’autrui ne suppose pas la pitié ou l’altruisme à tout prix. J’aime qu’il y ait des chocs à l’occasion. Je n’aime pas l’image du sage à l’allure bovine. Un sage est un guerrier avant tout. Un guerrier de l’esprit.

Alors pourquoi (comme je m'y efforce parfois moi-même) ne pas rentrer dans le langage de l'autre, s'intéresser au sens particulier qu'il donne à ses mots (même si il en modifie le sens originel, car les mots ne sont finalement que des étiquettes) et ainsi se donner la possibilité de s'enrichir plutôt que de se gausser lâchement et silencieusement de ces "abrutis" qui seraient incapables de formuler une phrase ou des idées cohérentes? Il n'y a pas de vanité intelligente, mais c'est bien à tout le monde (y compris au vulgaire qui fréquente ce forum) que tu t'adresses.

Je suis un défi lancé à la face de l’autre. Que l’on relève ce défi ou que l’on s’écarte de mon chemin !

Ce que j'en pense c'est que simplement, beaucoup souffrent d'un travail harassant qui leur prend beaucoup de leur énergie. La philosophie est un luxe que peu peuvent se permettre quand ce n'est pas l'environnement familial qui décourage ce type d'initiatives ou qui n'aura pas su sensibiliser assez. Il faut du temps pour penser, et surtout pour penser juste et bien. L'action perpétuelle à laquelle les citoyens lambda sont forcés laisse toute forme de philosophie qui pourrait s'enraciner en leur esprit à l'état larvaire. Quand c'est l'action qui intéresse avant tout ou qui devient une priorité, ce n'est pas la vérité qui sera visée, mais bien plutôt la sophistique ou le discours qui va permettre de légitimer l'action qui va suivre.

En effet. Et le moins que l’on puisse faire, c’est au moins de tuer l’idée que ces esprits peuvent se faire à l’effet que les piaillements oiseux qu’ils émettent puissent constituer une philosophie. Ne serait-ce que pour que le mot « philosophie » ait encore un sens, et ne soit pas emporté comme le reste par la marée du narcissisme post-moderne, qui ramène tout au relativisme individuel.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Invité Dompteur de mots
Invités, Posté(e)
Invité Dompteur de mots
Invité Dompteur de mots Invités 0 message
Posté(e)

Vulgariser la philosophie, c'est aussi la faire tomber dans le divertissement. Quant à la réflexion, véritable fond de la philosophie, peut-on en demander plus aux gens que ce qu'ils peuvent fournir ? Mais, et surtout, il n'y aura plus ni philosophes, ni philosophie, du moment où le vulgaire se dresse fièrement face à 2600 ans d'apports philosophiques, au lieu de tendre une oreille - un minimum respectueuse.

La philosophie, c'est surtout une attitude de l'esprit. La meilleure façon de la vulgariser, c'est encore la façon socratique, c'est-à-dire en posant des questions. Le questionnement fait surgir les paradoxes de l'existence, et ceux-ci font surgir l'attitude philosophique.

Il est toujours étonnant d'ailleurs de constater à quel point les esprits plus profanes ici (et ma foi, il n'y a rien de déshonorant à la base à être profane) ne posent jamais de questions, mais s'en remettent plutôt à l'opinion ou à la diarrhée verbale pour éteindre les paradoxes de la pensée.

  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Invité Dompteur de mots
Invités, Posté(e)
Invité Dompteur de mots
Invité Dompteur de mots Invités 0 message
Posté(e)

Surtout ici, sur un forum, ça n'a pas de sens de parler du "philosophe" et du "vulgaire", dans la mesure où l'on ne sait jamais qui se trouve derrière les écrits, sans que la personne ne puisse être confondue avec ses écrits. C'est pourtant bien ce que ton exposé induit. Exposé qui se trouve être anti-philo à mon humble avis : c'est une attaque personnelle dirigée contre N-J et ça repose sur la conviction et la persuasion et non sur l'argumentation ou la démonstration. Bon enfin bref, j'en reste là. Bonne journée à toi

Ma foi, c'est vous qui en faites une affaire personnelle. Admettons un instant, pour le bien de la discussion, que nietzsche_junior m'ait servi de modèle pour la rédaction de mon texte. Est-ce que cela constituerait pour autant un argument contre ce que j'avance ? N'aurais-je alors pas le droit de me servir de mes propres observations pour enrichir mes réflexions ? Ou encore pire: admettons un instant, toujours pour le bien de cette discussion, que j'eusse pu tirer un certain plaisir d'avoir utilisé nietzsche_junior comme modèle. Est-ce que ce plaisir constituerait pour autant un argument contre toute ma réflexion ?

Vous voyez: c'est vous qui vous laissez distraire par tout le côté anecdotique de mon discours. Vous êtes en train d’en faire une véritable foire aux ragots. Dites-moi plutôt ce que vous pensez au juste des critères que j’ai établis.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
deja-utilise Membre 5 994 messages
If you don't want, you Kant...,
Posté(e)

Tes deux rapprochements avec la musique et l'amour m'inspirent quelques réflexions, étant précisé que j'abonde pleinement avec la pensée critique de Dompteur.

Le vulgaire est incapable de sortir le moindre son harmonieux de son instrument philosophique car celui-ci n'a jamais été accordé.

Par rapport à l'amour, le vulgaire se trouve dans la situation de l'éjaculateur précoce. La meilleure manière me semble résulter d'une exigence d'exégèse du corps, du coeur et de l'esprit. L'abjection est bien dans la facilité, dans la précipitation et dans l'absence de tout raffinement dans les préliminaires, ceux-ci n'étant pas du tout incompatibles avec un maximum de fougue, de puissance et de créativité dans un rapport prolongé rendu plus harmonieux entre les partenaires.

Je pense que tu généralises trop vite comme DdM, et te convies à jeter un oeil à ma réponse à son égard. En effet, si monsieur tout le monde ne peut pas être musicien, soit par manque de volonté ou de talent, ou plus pragmatiquement par manque de formation préalable, j'objecte qu'il y a des exceptions, et même si ces exceptions sont ponctuelles dans l'histoire du musicien en devenir, sans pour autant être une star connue éphémère, car le talent et la notoriété ne vont pas nécessairement de paire. Nous avons tous fait l'expérience d'un "tube" d'un artiste ou un groupe, et puis plus rien, et pourtant il restera dans les annales de la musique.

Pour l'amour, c'est dans la diversité que nait le plaisir, pas dans la standardisation de l'acte, la spontanéité et l'emballement faisant aussi partie de l'acte amoureux, là où je te rejoins, c'est quand on se retrouve dans le systématique, l'incapacité de faire autrement, alors même que je précise que parfois on peut s'adonner à ses pulsions premières sans passer pour un goujat, d'autant plus si les deux partenaires étaient en phase à ce moment.

Ce n'est pas tout ou rien, il y a toute une panoplie d'intermédiaires ( tiens ça me rappel un autre sujet ), une sorte de continuité entre le vulgaire/plèbe jusqu'aux philosophes les plus érudits, comme chez les sportifs on trouve de l'amateur du dimanche/vacancier aux sportifs de haut niveau, il faut simplement définir une limite à partir de laquelle on "mérite" le titre de philosophe ou de sportif, et ça c'est très subjectif. Néanmoins je distingue une ou plusieurs pensées d'ordre philosophique d'avec la qualité d'être un philosophe, comme il ne suffit pas de prendre 3 photos pour être photographe, il n'empêche que ces quelques clichés peuvent être tout à fait respectables ( chance ou don naturel ) comparativement à un professionnel.

Modifié par deja-utilise
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Soleil d'Hiver, 60ans Posté(e)
Cassandre 0101 Membre 9 857 messages
60ans‚ Soleil d'Hiver,
Posté(e)

donc si je vous comprends bien dans ce fil de discussion dompteur de mots, les non initiés à la philosophie, les personnes qui ne sont pas comme Vous, sont des vulgaires? donc ne sont pas invité et sont même fortement deconseillé à venir s'exprimer ici, ?

en fait, vous voulez vivre en autarcie, seuls sont bienvenus sur ce forum rubrique philosophie que les élites de votre condition :mef:

peut être et sans doute avez vous oublié où vous êtes sur ce forum ...qui n'appartient nullement qu' à la classe des élites mais au tout venant., à toute personne désirant s'exprimer et qui vient aussi pour partager, et s'enrichir personnellement

et avec un tel discours comme le vôtre, comment le pourrait elle?

en toute cordialité, je pense dompteur de mots que vu votre connaissance très aiguisée du monde philosophique, vous devriez réserver vos intelligentes participations aux forums spécialisés en la matière, vous en seriez bien plus heureux et satisfait.

:)

Modifié par Cassandre 0101
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Invité Leopardi
Invités, Posté(e)
Invité Leopardi
Invité Leopardi Invités 0 message
Posté(e)

@ Dompteur : je n'en fais pas une affaire personelle (et si c'était le cas ? cela suffirait il à invalider mes arguments ?), j'ai déjà exprimé mes "objections" (tu te centres inutilement sur la cohérence "interne" du discours) mais tu m'as répondu que ça pourrait faire l'objet d'un autre fil. Maintenant j'affirme que prendre NJ en exemple n'est pas anecdotique dans tes propos, c'en est l'essentiel. Peut-être le but est-il de faire réfléchir ou réagir ? Je n'en sais rien et ça n'y change rien.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 51ans Posté(e)
jean ghislain Membre 1 084 messages
Baby Forumeur‚ 51ans‚
Posté(e)

En toute sincérité, je crois déceler dans ce sujet, l'expression d'un ras-le-bol, qu'on a tôt fait de juger et qui engendre alors des réactions négatives. Mais il faut bien voir, pour ceux qui s'y connaissent en philosophie, sans vouloir prétendre pour autant à de somptueux titres honorifiques, qu'il est toujours désagréable de voir débarquer des opinions à la va-vite, du genre, moi j'ai rien lu de ce que vous avez apportés, mais je vous le dis quand même, bla bla, etc... (là résidant ce qu'on appelle le vulgaire)

C'est mon impression.

Modifié par jean ghislain
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
pere_vert Membre 3 856 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

Je maintiens mon propos: laissons les philosophes disserter et les autres discuter.

Je voudrais également ajouter que la perception d'un niveau philosophique ou simplement d'expressions argumentatives en baisse est peut-être à nuancer à la sur-exposition des propos du quidam.

Avant l'arrivée d'internet comme moyen de communication standard, il est probable que seuls ceux ayant des compétences en écriture s’adonnaient régulièrement à la rédaction.

C'est un peu comme le fait de penser qu'il y a de plus en plus de guerres. La médiatisation quasi exhaustive des conflits peut donner cette impression. Pourtant, il y a moins de guerres qu'avant la société numérique.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 51ans Posté(e)
jean ghislain Membre 1 084 messages
Baby Forumeur‚ 51ans‚
Posté(e)

Tu as au moins raison sur un point, père-vert, c'est qu'avec internet l'ouverture est plus grande : chacun peut s'exprimer sur des forums. Et loin de moi l'envie de voir sur forumfr un forum philo élitiste (sinon, je n'aurais jamais posté ici : c'est justement cette mixité sociale qui me plaît).

Le seul risque que je crains, et qui me semble légitime puisque j'aime la philosophie, c'est de voir écrire n'importe quoi. La philosophie de comptoir, c'est toujours à cela que mène le vulgaire, non ?

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, Posté(e)
pere_vert Membre 3 856 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

Bonjour Ghislain,

"Ce que l'on conçoit bien s'exprime clairement et les mots pour le dire arrivent aisément" ( Boilleau-Despréaux).

En partant de cette citation, je pense que les interventions les mieux argumentées rencontreront d'avantage d'adhésions, et si ce n'est en quantité d'adhésions, ça sera en qualité car la personne ayant reçu le message aura de la matière pour nourrir une conviction.

Le vulgaire ne convainc pas, au mieux, il éveille le doute. Et en cela, il n'est pas à craindre pour celui qui a le savoir. Concernant l'influence sur le profane, le vulgaire, par ses "effets" entraînera au mieux une sensibilisation à une problématique et son public pourra s'il en a la curiosité approfondir ses recherches.

On peut aussi supposer une influence parasitaire du vulgaire qui pourrait nuire à l'avancement d'une démonstration collective, mais peut-être est-ce à l'honneur du "sachant" de savoir rebondir sur l'égarement que peut susciter le vulgaire pour poursuivre sur la problématique.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Annonces
Maintenant
Invité
Ce sujet ne peut plus recevoir de nouvelles réponses.

×