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Blaquière

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 865 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
Posté(e)

Lepremier homme

Exégèseries de l’Evangileselon Saint Jean :

""

(au commencement était le verbe)

Au tout début, à son commencement, le monde étaitvide et lisse, comme du verre.

Sans saveur.

Blanc partout et même transparent.

Et le premier homme s’y tenait en son centre assis.

Sans ostracisme.

(De temps en temps, je mets un mot difficile pour que çafasse plus littéraire.)

Et quand il parlait, ce premier homme, ce n’étaientpas des mots qui sortaient de sa bouche, mais des choses. Des chosesen matière dure et compacte qui stoppaient net le fil de sondiscours. (Car la matière fait cale.)

Par exemple, il disait "arbre"et c’était un vrai arbre qui sortait de sa bouche. Avec sesracines insoupçonnées, son écorce rugueuse, ses feuilles, sesbranches, et des oiseaux multicolores voletant à leur bout, nichantdedons… nichons dedans… non ! nichant dedans !

Ce qui lui grattait un peu la gorge.

Et quand il disait "oiseau",le premier homme, c’était un vrai oiseau bien vivant quis’envolait de sa bouche.

Il disait "éléphant",et un éléphant grandeur nature débarquait, en piétinantlourdement sa langue, de ses grosses pattes d’éléphant démodées,et aussi en éraflant vaillamment le rebord de ses joues de seslongues défenses pointues...

C’était donc plus difficile de dire "éléphant"que "oiseau",et c’est pour cela, qu’aujourd’hui encore, il y a plusd’oiseaux que d’éléphants. Mais aussi, les oiseaux, ils luilaissaient un goût de plume désagréable dans la bouche, au premierhomme, un goût de poussière rance qui chatouille. (Rien n’estparfait en ce bas monde.)

Quant aux fourmis, n’en parlons pas : il endisait presque sans s’en rendre compte !

« Fourmis, fourmis, fourmis... »

Et il y en a des milliards, des milliards de milliards!

Hélas ! qui dit "fourmis",dit aussi… "acidefornique"

Dont notre homme innocent ignorait le poison, n’ayantaucun soupçon du fait biologique. Duquel acide GRAS, subséquemment,il en dit des millions, des millions d’hectolitres. Sans savoir sesexcès sur son sexe, axe et cible : parfois, il disait "homme"et parfois, "femme",itou.

Les hommes, ils étaient amusants, avec leurs zigouigouis pendulaires qui balançaient gayment, sans vraiment tenir compte durythme ni du sens de la démarche. Mais il leur préférait lesfemmes, avec leurs gros seins mous et doux et leurs fesses tendues,qui se trémoussaient plus esthétiquement en frottant sur salangue...

Donc il en disait plus, des femmes, plus souvent. Et ily en a plus, un peu plus que des hommes. Normal.

Il en disait des rousses, des brunes, des blondes unpeu snob avec les lunettes dans les cheveux, des noires avec despoils frisés, des jaunes avec des raides, des grosses, des maigres,des à taille cambrée, des avec des grosses fesses, avec des grosmollets, des nuques souples et douces, des yeux mystérieux, verts oubleus ou marrons ou noisette : il en disait un arc-en-ciel !

Et cet arc-en-ciel, c’était la marque d’alliance dupremier homme avec toutes les femmes.

Bien sûr, certains mots, par exemple les couleurs,n’étaient pas très très durs et ressemblaient un peu à despeaux... Des peaux pour recouvrir les nudités comme "servietteéponge"qui camoufle Vénus sortant du bain avec sa cellulite. Ou les verbes,aussi. Qui à l’infinitif ne ressemblaient à rien, maigres etdécharnés, comme des pelotes de fils de fer tordus, géométriques,enchevêtrés, sans rime ni raison (avant que notre Adam ne lesconjugulât)...

C’est ainsi que petit à petit, le monde s’encombrade tas de gens, d’objets de toutes sortes, d’animaux trépidants,rampants, courants, volants et déféquant partout, au hasard, enquinconce, passionnément, et parfois même en gros plan et grossequantité comme ces hippo-campéléphantos éclabousseurs.

Bleupbleupbleup-bleupbleupbleup !..

Le monde devenait de moins en moins transparent...

Le verre se dépolissait.

(De ces temps révolus nous est resté l’adage, maintefois asséné aux enfants en bas âge qui s’exercent aux mots, surle pot ou au lit : — Sois poli !)

D’autant qu’il arrivait au premier homme, de ne direqu’un mot et qu’il en sortît deux, et même trois ou quatre,d’un coup, lorsque le même mot avait des sens multiples. Homonymesdit-on... ou sens dé-figurés. (Ce qui est une preuve.)

Le premier homme comprenait à ses dépens quelorsqu’une parole vous échappe, les conséquences en sont souventimprévisibles...

Il fit alors la grève du silence !

Plus un mot !

Mais ça ne suffit pas, car le monde toujourss’augmentait, s’accroissait, des mille et une choses que les gens déjà dits, disaient en aparté et de leur propre chef,s’accroissait, s’accroissait, et de plus en plus vite : çafaisait boule de neige. (Que dire de la neige si ce n’est qu’elleest blanche, et qu’au fond, elle fond ?)

Et ces gens déjà dits, jadis par notre premier homme,parlaient souvent pour dire des choses sans importance, voire pour nerien dire...

Ce qui serait trop difficile à expliquer. Quand lesfemmes parlaient, par exemple, c’étaient souvent des nappes debrouillard qui s’échappaient de leurs lèvres pulpeuses etsoulignées, ou bien des nébuleuses... (Parce qu’elles ne saventpas vraiment ce qu’elles veulent dire.)

Mais c’était beau !

Et voilà qu’à présent, lesautres animaux (!) qui eux, ne savaient mêmepas parler du tout, s’y mettaient à leur tour, voilà qu’ils semettaient à grogner !... Et là, quand ils grognaient,Messieurs-Dames, quand ils grognaient, c’étaient vraiment deschoses innommables qui sortaient de leurs gueules, des choses...invraisemblables, infâmes, monstrueuses ! Des choses à vous fairefrémir, gémir, geindre, gigoter, giga-octet, ergoter, dégoûter,déglutir (chercher l’intrus)...

Pour l’anecdote, le plus dégueulass’, c’étaitquand quelqu’un disait : « caca »!...

On le voit : le premier homme ne contrôlait plus rien.

Même plus ses sphincters.

Et c’était la chienlit.

À cette époque, les couches de paroles superposéesles unes aux autres sur la surface de la terre, formaient déjà descouches géologiques suffisamment épaisses... pour qu’on ne s’endoute pas. Les mouvements des plaques tectoniques en comprimaientcertaines qui se plissaient, s’échauffaient, se métamorphosaientsous l’effet d’une pression en milliards de millibars...

Ce qui est beaucoup tout de même.

Le premier homme prit alors la sage décision que tousles cris des créatures, les paroles des gens, tous les bruissementsd’herbe et les froissement d’ailes, tous les chocs de rochers,tous les crépitements, ne diraient plus du dur, mais seulement dumou.

Mais seulement des mots.

Et le monde n’augmenta plus.

Bourdonna seulement.

De propos incongrus.

Impromptus.

Malotrus. (Ou ailleurs.)

Mais il s’ennuya ferme, alors, notre homme (lepremier).

Et il décida donc de redire du dur, de faire sesbagages, et de partir sur une autre planète, une vide, pour s’amuserencor’ et la remplir de sons, de paroles et de bruits jamais ouïs.

Ce serait une planète magnifique (juré !) avec deséléphants petits, sans plume — à poils —, sans trompe nidéfenses (on l’y reprendrait plus), avec des seins pointus et desyeux bleu turquoise... des éléphants éminemment manipulables etconsentants. Ce serait une planète avec de la pluie dorée, irisée,frisée entre les jambes et tout autour, comme ces portiques dechapelles romanes… Une planète où les femmes diraient encore plusde brouillard parce que :

Premièrement c’était comme ça, tout comptefait, qu’il les aimait.

Deuxièmement, ça l’obligerait un peu àréfléchir pour comprendre et ça le rendrait moins balourd.

Et troisièmement, le brouillard ça mange pas depain, ça lui ferait des économies.

Puis quand cette nouvelle planète, à son tour, seraitpleine, il en choisirait une autre, puis une autre, et ainsi desuite. À chaque fois il améliorerait. Il y en avait tellement desplanètes qu’il en aurait pour… la vie des rats !...

Haie ! Ce fut là sa dernière création avant departir : les rats ! Quand il s’en rendit compte, il referma vite labouche, mais c’était trop tard ! Il ne put retenir que les poilsde la queue entre ses dents.

C’est pour ça que les rats ont des queues raides etdéploilues...

Mais c’était une création involontaire : le premierhomme était un homme naturellement bon...

Ou "con".(On entend mal.)

Voilà. Voilà pourquoi si l’on creuse profond, sousles strates de cinq milliards d’années de défécations verbales,on peut atteindre la première surface de la terre.

Une surface de verre lisse, qui ne dit rien.

Et n’en pense pas plus…

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Membre, Posté(e)
Laspeur Membre 70 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

Le premier homme était un canard qui allait aux toilettes, du coup on l'a nommer canard WC... au moins cet homme là il est utile dans la vie de tout les jours

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Membre, 78ans Posté(e)
Talon Membre 1 722 messages
Baby Forumeur‚ 78ans‚
Posté(e)

Il vous faut consulter au plus vite.post-172599-0-96171500-1379518021_thumb.jpg

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  • 2 semaines après...
Membre, [Sans sous-titre - Version Originale Intraduisible], Posté(e)
Anna Kronisme Membre 2 134 messages
[Sans sous-titre - Version Originale Intraduisible],
Posté(e)

Quel agréable divertissement !

J'ai beaucoup aimé lire ce texte et je pense y revenir en corps, en ostracisme consenti.

Bien joué et bien vu, Blaquière... même si j'ose exprimer un petit bémol pour la fin un brin moralisatrice dont je me passerais volontiers.

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 865 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
Posté(e)

Dans mon idée c'est tout le contraire d'une morale ! Flûte !

Dessous, IL N'Y A RIEN !

La terre ne pense pas, ne pense rien.

Il n'y a que l'homme... libre finalement...

S'il décide ou essaie de l'être...

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Membre, Posté(e)
Scénon Membre 3 531 messages
Forumeur alchimiste ‚
Posté(e)

J'ai assez bien aimé, Blaquière, et particulièrement l'idée des mots qui sortent de la bouche comme des choses.

À d'autres moment, avec ces “strates de défécations verbales”, j'ai l'impression que vous vous moquez de certains forums de discussion, mais je me trompe sans doute...

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 865 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
Posté(e)

Sans doute nous y participons ! Mais je m'inclus !

Et les psychanalystes assimilent peu ou prou à cette dite fonction physiologique toute activité qui peut se dire "faire" (fabriquer, créer, voire la moindre occupation.)

Dans le sens où le médecin s'enquiert de son patient et demande s' " Il a bien fait " !!!

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  • 5 mois après...
Membre, [Sans sous-titre - Version Originale Intraduisible], Posté(e)
Anna Kronisme Membre 2 134 messages
[Sans sous-titre - Version Originale Intraduisible],
Posté(e)

Dans mon idée c'est tout le contraire d'une morale ! Flûte !

Dessous, IL N'Y A RIEN !

La terre ne pense pas, ne pense rien.

Il n'y a que l'homme... libre finalement...

S'il décide ou essaie de l'être...

Ahahah ! La pensée est la pire des prisons. Décider d'être libre n'offre surtout pas la liberté.

Et définir le RIEN nous occupe bien trop souvent...

Le plaisir reste intact à la relecture. Je le savais.

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 865 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
Posté(e)

Je définis rien : juste j'admire !

Une hypothétique terre débarrassée de ses couches sédimenteuses,

redevenue une bille de verre entièrement transparente.

C'est un vide esthétique, pas moral !

Le repos...

C'est une fiction.

Pas une friction..

(Celle-là elle est particulièrement lourde !)

Non ! tout ce que je viens de dire est faux :

c'est en fait un texte... semi religieux !

Bouddheur.

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Membre, [Sans sous-titre - Version Originale Intraduisible], Posté(e)
Anna Kronisme Membre 2 134 messages
[Sans sous-titre - Version Originale Intraduisible],
Posté(e)

Je pense qu'il est plus simple de laisser, aux lecteurs, le soin d'une tentative d'explication de texte...

Peu importe, au fond, le pourquoi du comment un texte existe et l'auteur de ne pas oublier qu'il en fait don.

Chacun arrange le tout selon sa propre vérité.

J'aime bien le "bouddheur"... à mon heur.

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 865 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
Posté(e)

Complètement d'accord.

Laisser le texte vivre sa vie et être reçu par chacun comme il veut.

Peur aussi par amour de la chute, de finir sur une pirouette

qui viendrait pratiquement "effacer" le texte.

Lui donner un sens qu'il n'a pas.

J'avais en premier fini par :

"Une surface de verre lisse, qui ne dit rien

Mais n’en pense pas moins…"

Et je me suis rendu compte que ça disait ce que je ne voulais pas dire :

comme si le monde, la vie avaient un sens prédéfini...

Je me suis donc cantonné à ce que je voulais ne pas dire ! Ce qui a donné :

"Une surface de verre lisse, qui ne dit rien

Et n’en pense pas plus…"

Il me semble que la première formule était une pirouette et la seconde, non :

Ne pas dire ce qu'on ne veut pas dire, quand bien même la formule serait plus frappante !...

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  • 4 ans après...
Membre, Posté(e)
janacek2 Membre 252 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)
Le 17/03/2014 à 14:22, Blaquière a dit :

....ça disait ce que je ne voulais pas dire :

100_2079.thumb.jpg.58be4f349fbfa8ba2bb1b6bafdc82ee2.jpg

 

 

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 865 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
Posté(e)

Puisque JanaceK2 l'a fait remonter, j'essaie de le mettre tapé correctement : c'est trop difficile à lire avec ces mots collés...

 

Le premier homme

 

Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος

(au commencement était le verbe)

 

Au tout début, à son commencement, le monde était vide et lisse, comme du verre.

Sans saveur.

Blanc partout et même transparent.

Et le premier homme s’y tenait en son centre assis.

Sans ostracisme.

(De temps en temps, je mets un mot difficile pour que ça fasse plus littéraire.)

Et quand il parlait, ce premier homme, ce n’étaient pas des mots qui sortaient de sa bouche, mais des choses. Des choses en matière dure et compacte qui stoppaient net le fil de son discours. (Car la matière fait cale.)

Par exemple, il disait "arbre" et c’était un vrai arbre qui sortait de sa bouche. Avec ses racines insoupçonnées, son écorce rugueuse, ses feuilles, ses branches, et des oiseaux multicolores voletant à leur bout, nichant dedons… nichons dedans… non ! nichant dedans !

Ce qui lui grattait un peu la gorge.

Et quand il disait "oiseau", le premier homme, c’était un vrai oiseau bien vivant qui s’envolait de sa bouche.

Il disait "éléphant", et un éléphant grandeur nature débarquait, en piétinant lourdement sa langue, de ses grosses pattes d’éléphant démodées, et aussi en éraflant vaillamment le rebord de ses joues de ses longues défenses pointues...

C’était donc plus difficile de dire "éléphant" que "oiseau", et c’est pour cela, qu’aujourd’hui encore, il y a plus d’oiseaux que d’éléphants. Mais aussi, les oiseaux, ils lui laissaient un goût de plume désagréable dans la bouche, au premier homme, un goût de poussière rance qui chatouille. (Rien n’est parfait en ce bas monde.)

Quant aux fourmis, n’en parlons pas : il en disait presque sans s’en rendre compte !

« Fourmis, fourmis, fourmis... »

Et il y en a des milliards, des milliards de milliards !

Hélas ! qui dit "fourmis", dit aussi… "acide fornique"…

Dont notre homme innocent ignorait le poison, n’ayant aucun soupçon du fait biologique. Duquel acide GRAS, subséquemment, il en dit des millions, des millions d’hectolitres. Sans savoir ses excès sur son sexe, axe et cible : parfois, il disait "homme" et parfois, "femme", itou.

Les hommes, ils étaient amusants, avec leurs zigouigoui pendulaires qui balançait gayment, sans vraiment tenir compte du rythme ni du sens de la démarche. Mais il leur préférait les femmes, avec leurs gros seins mous et doux et leurs fesses tendues, qui se trémoussaient plus esthétiquement en frottant sur sa langue...

Donc il en disait plus, des femmes, plus souvent. Et il y en a plus, un peu plus que des hommes. Normal.

Il en disait des rousses, des brunes, des blondes un peu snob avec les lunettes dans les cheveux, des noires avec des poils frisés, des jaunes avec des raides, des grosses, des maigres, des à taille cambrée, des avec des grosses fesses, avec des gros mollets, des nuques souples et douces, des yeux mystérieux, verts ou bleus ou marrons ou noisette : il en disait un   arc-en-ciel !

Et cet arc-en-ciel, c’était la marque d’alliance du premier homme avec toutes les femmes.

Bien sûr, certains mots, par exemple les couleurs, n’étaient pas très très durs et ressemblaient un peu à des peaux... Des peaux pour recouvrir les nudités comme "serviette éponge" qui camoufle Vénus sortant du bain avec sa cellulite. Ou les verbes, aussi. Qui à l’infinitif ne ressemblaient à rien, maigres et décharnés, comme des pelotes de fils de fer tordus, géométriques, enchevêtrés, sans rime ni raison (avant que notre Adam ne les conjugulât)...

 

C’est ainsi que petit à petit, le monde s’encombra de tas de gens, d’objets de toutes sortes, d’animaux trépidants, rampants, courants, volants et déféquant partout, au hasard, en quinconce, passionnément, et parfois même en gros plan et grosse quantité comme ces hippo-campéléphantos éclabousseurs. (1)

Bleupbleupbleup-bleupbleupbleup !..

Le monde devenait de moins en moins transparent...

Le verre se dépolissait.

(De ces temps révolus nous est resté l’adage, mainte fois asséné aux enfants en bas âge qui s’exercent aux mots, sur le pot ou au lit : — Sois poli !)

D’autant qu’il arrivait au premier homme, de ne dire qu’un mot et qu’il en sortît deux, et même trois ou quatre, d’un coup, lorsque le même mot avait des sens multiples. Homonymes dit-on... ou sens dé-figurés. (Ce qui est une preuve.)

Le premier homme comprenait à ses dépens que lorsqu’une parole vous échappe, les conséquences en sont souvent imprévisibles...

Il fit alors la grève du silence !

Plus un mot !

Mais ça ne suffit pas, car le monde toujours s’augmentait, s’accroissait, des mille et une choses que les gens déjà dits, disaient en aparté et de leur propre chef, s’accroissait, s’accroissait, et de plus en plus vite : ça faisait boule de neige. (Que dire de la neige si ce n’est qu’elle est blanche, et qu’au fond, elle fond ?)

Et ces gens déjà dits, jadis par notre premier homme, parlaient souvent pour dire des choses sans importance, voire pour ne rien dire...

Ce qui serait trop difficile à expliquer. Quand les femmes parlaient, par exemple, c’étaient souvent des nappes de brouillard qui s’échappaient de leurs lèvres pulpeuses et soulignées, ou bien des nébuleuses... (Parce qu’elles ne savent pas vraiment ce qu’elles veulent dire.)

Mais c’était beau !

Et voilà qu’à présent, les autres animaux (!) qui eux, ne savaient même pas parler du tout, s’y mettaient à leur tour, voilà qu’ils se mettaient à grogner !... Et là, quand ils grognaient, Messieurs-Dames, quand ils grognaient, c’étaient vraiment des choses innommables qui sortaient de leurs gueules, des choses... invraisemblables, infâmes, monstrueuses ! Des choses à vous faire frémir, gémir, geindre, gigoter, giga-octet, ergoter, dégoûter, déglutir (chercher l’intrus)...

Pour l’anecdote, le plus dégueulass’, c’était quand quelqu’un disait : « caca » !...

On le voit : le premier homme ne contrôlait plus rien.

Même plus ses sphincters.

Et c’était la chienlit.

À cette époque, les couches de paroles superposées les unes aux autres sur la surface de la terre, formaient déjà des couches géologiques suffisamment épaisses... pour qu’on ne s’en doute pas. Les mouvements des plaques tectoniques en comprimaient certaines qui se plissaient, s’échauffaient, se métamorphosaient sous l’effet d’une pression en milliards de millibars...

Ce qui est beaucoup tout de même.

 

Le premier homme prit alors la sage décision que tous les cris des créatures, les paroles des gens, tous les bruissements d’herbe et les froissement d’ailes, tous les chocs de rochers, tous les crépitements, ne diraient plus du dur, mais seulement du mou.

Mais seulement des mots.

Et le monde n’augmenta plus.

Bourdonna seulement.

De propos incongrus.

Impromptus.

Malotrus. (Ou ailleurs.)

Mais il s’ennuya ferme, alors, notre homme (le premier).

Et il décida donc de redire du dur, de faire ses bagages, et de partir sur une autre planète, une vide, pour s’amuser encor’ et la remplir de sons, de paroles et de bruits jamais ouïs.

Ce serait une planète magnifique (juré !) avec des éléphants petits, sans plume — à poils —, sans trompe ni défenses (on l’y reprendrait plus), avec des seins pointus et des yeux bleu turquoise... des éléphants éminemment manipulables et consentants. Ce serait une planète avec de la pluie dorée, irisée, frisée entre les jambes et tout autour, comme ces portiques de chapelles romanes… Une planète où les femmes diraient encore plus de brouillard parce que :

Premièrement c’était comme ça, tout compte fait, qu’il les aimait.

Deuxièmement, ça l’obligerait un peu à réfléchir pour comprendre et ça le rendrait moins balourd.

Et troisièmement, le brouillard ça mange pas de pain, ça lui ferait des économies.

Puis quand cette nouvelle planète, à son tour, serait pleine, il en choisirait une autre, puis une autre, et ainsi de suite. À chaque fois il améliorerait. Il y en avait tellement des planètes qu’il en aurait pour… la vie des rats !...

Aïe ! Ce fut là sa dernière création avant de partir : les rats ! Quand il s’en rendit compte, il referma vite la bouche, mais c’était trop tard ! Il ne put retenir que les poils de la queue entre ses dents.

C’est pour ça que les rats ont des queues raides et déploilues...

Mais c’était une création involontaire : le premier homme était un homme naturellement bon...

Ou "con". (On entend mal.)

 

Voilà. Voilà pourquoi si l’on creuse profond, sous les strates de cinq milliards d’années de défécations verbales, on peut atteindre la première surface de la terre.

Une surface de verre lisse, qui ne dit rien.

Et n’en pense pas plus…

 

 

(1) Un hippopotame qui fait ses besoins, c'est une chose qui mérite d'être vue !

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  • 2 semaines après...
Membre, Slkpax, 153ans Posté(e)
Slkpax Membre 1 406 messages
153ans‚ Slkpax,
Posté(e)
Le 18/09/2013 à 13:24, Blaquière a dit :

Lepremier homme

Exégèseries de l’Evangileselon Saint Jean :

""

(au commencement était le verbe)

Au tout début, à son commencement, le monde étaitvide et lisse, comme du verre.

Sans saveur.

Blanc partout et même transparent.

Et le premier homme s’y tenait en son centre assis.

Sans ostracisme.

(De temps en temps, je mets un mot difficile pour que çafasse plus littéraire.)

Et quand il parlait, ce premier homme, ce n’étaientpas des mots qui sortaient de sa bouche, mais des choses. Des chosesen matière dure et compacte qui stoppaient net le fil de sondiscours. (Car la matière fait cale.)

Par exemple, il disait "arbre"et c’était un vrai arbre qui sortait de sa bouche. Avec sesracines insoupçonnées, son écorce rugueuse, ses feuilles, sesbranches, et des oiseaux multicolores voletant à leur bout, nichantdedons… nichons dedans… non ! nichant dedans !

Ce qui lui grattait un peu la gorge.

Et quand il disait "oiseau",le premier homme, c’était un vrai oiseau bien vivant quis’envolait de sa bouche.

Il disait "éléphant",et un éléphant grandeur nature débarquait, en piétinantlourdement sa langue, de ses grosses pattes d’éléphant démodées,et aussi en éraflant vaillamment le rebord de ses joues de seslongues défenses pointues...

C’était donc plus difficile de dire "éléphant"que "oiseau",et c’est pour cela, qu’aujourd’hui encore, il y a plusd’oiseaux que d’éléphants. Mais aussi, les oiseaux, ils luilaissaient un goût de plume désagréable dans la bouche, au premierhomme, un goût de poussière rance qui chatouille. (Rien n’estparfait en ce bas monde.)

Quant aux fourmis, n’en parlons pas : il endisait presque sans s’en rendre compte !

« Fourmis, fourmis, fourmis... »

Et il y en a des milliards, des milliards de milliards!

Hélas ! qui dit "fourmis",dit aussi… "acidefornique"

Dont notre homme innocent ignorait le poison, n’ayantaucun soupçon du fait biologique. Duquel acide GRAS, subséquemment,il en dit des millions, des millions d’hectolitres. Sans savoir sesexcès sur son sexe, axe et cible : parfois, il disait "homme"et parfois, "femme",itou.

Les hommes, ils étaient amusants, avec leurs zigouigouis pendulaires qui balançaient gayment, sans vraiment tenir compte durythme ni du sens de la démarche. Mais il leur préférait lesfemmes, avec leurs gros seins mous et doux et leurs fesses tendues,qui se trémoussaient plus esthétiquement en frottant sur salangue...

Donc il en disait plus, des femmes, plus souvent. Et ily en a plus, un peu plus que des hommes. Normal.

Il en disait des rousses, des brunes, des blondes unpeu snob avec les lunettes dans les cheveux, des noires avec despoils frisés, des jaunes avec des raides, des grosses, des maigres,des à taille cambrée, des avec des grosses fesses, avec des grosmollets, des nuques souples et douces, des yeux mystérieux, verts oubleus ou marrons ou noisette : il en disait un arc-en-ciel !

Et cet arc-en-ciel, c’était la marque d’alliance dupremier homme avec toutes les femmes.

Bien sûr, certains mots, par exemple les couleurs,n’étaient pas très très durs et ressemblaient un peu à despeaux... Des peaux pour recouvrir les nudités comme "servietteéponge"qui camoufle Vénus sortant du bain avec sa cellulite. Ou les verbes,aussi. Qui à l’infinitif ne ressemblaient à rien, maigres etdécharnés, comme des pelotes de fils de fer tordus, géométriques,enchevêtrés, sans rime ni raison (avant que notre Adam ne lesconjugulât)...

C’est ainsi que petit à petit, le monde s’encombrade tas de gens, d’objets de toutes sortes, d’animaux trépidants,rampants, courants, volants et déféquant partout, au hasard, enquinconce, passionnément, et parfois même en gros plan et grossequantité comme ces hippo-campéléphantos éclabousseurs.

Bleupbleupbleup-bleupbleupbleup !..

Le monde devenait de moins en moins transparent...

Le verre se dépolissait.

(De ces temps révolus nous est resté l’adage, maintefois asséné aux enfants en bas âge qui s’exercent aux mots, surle pot ou au lit : — Sois poli !)

D’autant qu’il arrivait au premier homme, de ne direqu’un mot et qu’il en sortît deux, et même trois ou quatre,d’un coup, lorsque le même mot avait des sens multiples. Homonymesdit-on... ou sens dé-figurés. (Ce qui est une preuve.)

Le premier homme comprenait à ses dépens quelorsqu’une parole vous échappe, les conséquences en sont souventimprévisibles...

Il fit alors la grève du silence !

Plus un mot !

Mais ça ne suffit pas, car le monde toujourss’augmentait, s’accroissait, des mille et une choses que les gens déjà dits, disaient en aparté et de leur propre chef,s’accroissait, s’accroissait, et de plus en plus vite : çafaisait boule de neige. (Que dire de la neige si ce n’est qu’elleest blanche, et qu’au fond, elle fond ?)

Et ces gens déjà dits, jadis par notre premier homme,parlaient souvent pour dire des choses sans importance, voire pour nerien dire...

Ce qui serait trop difficile à expliquer. Quand lesfemmes parlaient, par exemple, c’étaient souvent des nappes debrouillard qui s’échappaient de leurs lèvres pulpeuses etsoulignées, ou bien des nébuleuses... (Parce qu’elles ne saventpas vraiment ce qu’elles veulent dire.)

Mais c’était beau !

Et voilà qu’à présent, lesautres animaux (!) qui eux, ne savaient mêmepas parler du tout, s’y mettaient à leur tour, voilà qu’ils semettaient à grogner !... Et là, quand ils grognaient,Messieurs-Dames, quand ils grognaient, c’étaient vraiment deschoses innommables qui sortaient de leurs gueules, des choses...invraisemblables, infâmes, monstrueuses ! Des choses à vous fairefrémir, gémir, geindre, gigoter, giga-octet, ergoter, dégoûter,déglutir (chercher l’intrus)...

Pour l’anecdote, le plus dégueulass’, c’étaitquand quelqu’un disait : « caca »!...

On le voit : le premier homme ne contrôlait plus rien.

Même plus ses sphincters.

Et c’était la chienlit.

À cette époque, les couches de paroles superposéesles unes aux autres sur la surface de la terre, formaient déjà descouches géologiques suffisamment épaisses... pour qu’on ne s’endoute pas. Les mouvements des plaques tectoniques en comprimaientcertaines qui se plissaient, s’échauffaient, se métamorphosaientsous l’effet d’une pression en milliards de millibars...

Ce qui est beaucoup tout de même.

Le premier homme prit alors la sage décision que tousles cris des créatures, les paroles des gens, tous les bruissementsd’herbe et les froissement d’ailes, tous les chocs de rochers,tous les crépitements, ne diraient plus du dur, mais seulement dumou.

Mais seulement des mots.

Et le monde n’augmenta plus.

Bourdonna seulement.

De propos incongrus.

Impromptus.

Malotrus. (Ou ailleurs.)

Mais il s’ennuya ferme, alors, notre homme (lepremier).

Et il décida donc de redire du dur, de faire sesbagages, et de partir sur une autre planète, une vide, pour s’amuserencor’ et la remplir de sons, de paroles et de bruits jamais ouïs.

Ce serait une planète magnifique (juré !) avec deséléphants petits, sans plume — à poils —, sans trompe nidéfenses (on l’y reprendrait plus), avec des seins pointus et desyeux bleu turquoise... des éléphants éminemment manipulables etconsentants. Ce serait une planète avec de la pluie dorée, irisée,frisée entre les jambes et tout autour, comme ces portiques dechapelles romanes… Une planète où les femmes diraient encore plusde brouillard parce que :

Premièrement c’était comme ça, tout comptefait, qu’il les aimait.

Deuxièmement, ça l’obligerait un peu àréfléchir pour comprendre et ça le rendrait moins balourd.

Et troisièmement, le brouillard ça mange pas depain, ça lui ferait des économies.

Puis quand cette nouvelle planète, à son tour, seraitpleine, il en choisirait une autre, puis une autre, et ainsi desuite. À chaque fois il améliorerait. Il y en avait tellement desplanètes qu’il en aurait pour… la vie des rats !...

Haie ! Ce fut là sa dernière création avant departir : les rats ! Quand il s’en rendit compte, il referma vite labouche, mais c’était trop tard ! Il ne put retenir que les poilsde la queue entre ses dents.

C’est pour ça que les rats ont des queues raides etdéploilues...

Mais c’était une création involontaire : le premierhomme était un homme naturellement bon...

Ou "con".(On entend mal.)

Voilà. Voilà pourquoi si l’on creuse profond, sousles strates de cinq milliards d’années de défécations verbales,on peut atteindre la première surface de la terre.

Une surface de verre lisse, qui ne dit rien.

Et n’en pense pas plus…

  n'est pas Houellebek  qui veut.

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 865 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
Posté(e)
Il y a 8 heures, Slkpax a dit :

  n'est pas Houellebek  qui veut.

ça c'est un vrai compliment !

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